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Tribunal administratif de Montreuil, 9ème Chambre, 4 octobre 2024, 2208219

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
  • Numéro d'affaire :
    2208219
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Rejet
  • Rapporteur : Mme Nour
  • Nature : Décision
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: I. Sous le numéro 2208219, par une requête, enregistrée le 16 mai 2022, M. A B, représenté par Me Jouty, demande au tribunal : 1°) d'annuler l'arrêté du 17 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé à son encontre une interdiction d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport pendant une période de six mois ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté attaqué du 17 mars 2022 est insuffisamment motivé ; - il est entaché d'un vice de procédure ; - il est intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire ; - il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne se fonde sur aucun élément probant. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 6 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 5 mars 2024 à 18 heures. II. Sous le numéro 2312489, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 octobre 2023 et 4 mars 2024, M. A B, représenté par Me Jouty, demande au tribunal : 1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté du 11 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé à son encontre une interdiction définitive d'exercer les fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 ou L. 322-7 du code du sport ou d'intervenir auprès de mineurs au sein des établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1 du même code, ensemble, la décision du 27 juillet 2023 rejetant son recours gracieux ; 2°) à titre subsidiaire, d'annuler cet arrêté du 11 avril 2023 en tant qu'il lui interdit à titre définitif l'exercice des fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 ou L. 322-7 du code du sport à l'égard d'un public majeur ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - l'arrêté attaqué du 11 avril 2023 est insuffisamment motivé ; - il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors, d'une part, que l'interdiction prononcée ne se fonde sur aucun élément probant et, d'autre part, que cette interdiction n'est pas limitée à l'exercice de fonctions auprès d'un public mineur. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du sport ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Hégésippe ; - les conclusions de Mme Nour, rapporteure publique ; - et les observations de Me Jouty. Le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était ni présent, ni représenté.

Considérant ce qui suit

: 1. M. B, éducateur sportif au sein de la section boxe de l'association " Clichy-Sous-Bois Boxing Club " et par ailleurs président de cette même association, a fait l'objet le 10 mars 2022 d'un signalement auprès du service départemental à la jeunesse, à l'engagement et aux sports de la Seine-Saint-Denis (SDJES) pour des faits qualifiés de viol sur mineure. Par un arrêté du 17 mars 2022, dont l'annulation est demandée sous le numéro 2208219, le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé à l'encontre de M. B une interdiction temporaire d'exercer les fonctions prévues à l'article L. 212-11 du code du sport pendant une période de six mois. Par un nouvel arrêté du 11 avril 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé à l'encontre de M. B une interdiction définitive d'exercer les fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 ou L. 322-7 du code du sport ou d'intervenir auprès de mineurs au sein des établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1 du même code. Sous le numéro 2312489, M. B sollicite l'annulation de l'arrêté du 11 avril 2023, ensemble, de la décision du 27 juillet 2023 portant rejet de son recours gracieux. 2. Les instances introduites sous les n° 2208219 et 2312489 présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même jugement. Sur la requête enregistrée sous le numéro 2208219 : 3. En premier lieu, l'arrêté litigieux du 17 mars 2022 énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement de sorte que, contrairement à ses allégations, l'intéressé était en mesure, à sa seule lecture, d'en connaître les motifs. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-13 du code du sport : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 ou L. 322-7 ou d'intervenir auprès de mineurs au sein des établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1 () Cet arrêté est pris après avis d'une commission (). Toutefois, en cas d'urgence, l'autorité administrative peut, sans consultation de la commission, prononcer une interdiction temporaire d'exercice limitée à six mois ". Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles () ". 5. Il ressort des pièces du dossier qu'un signalement a été adressé le 10 mars 2022 au SDJES de la Seine-Saint-Denis par une jeune fille pour des faits de viol qui seraient survenus, à une période où elle était mineure, dans le cadre des activités proposées par l'association présidée par M. B. Il en ressort également que les services de l'éducation nationale ont été destinataires d'informations des services de la sûreté territoriale de Seine-Saint-Denis et du parquet du tribunal judiciaire de Bobigny confirmant l'existence d'investigations pénales à l'encontre de M. B tout en émettant l'hypothèse de victimes supplémentaires. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que ces éléments ont conduit les services de la direction départementale de l'éducation nationale en Seine-Saint-Denis à solliciter une intervention du représentant de l'Etat dans le département à raison de la compétence qu'il tient des dispositions de l'article L. 212-13 du code du sport. Par ailleurs, il n'est pas contesté que l'association " Clichy-sous-Bois Boxing Club " dénombre une centaine d'adhérents et accueille notamment un public mineur. Il en résulte, eu égard à la gravité des faits dénoncés, à la réactivité et à leur degré de prise en compte de la part des différents services de l'Etat, qu'en édictant en urgence l'arrêté attaqué du 17 mars 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a ni entaché l'arrêté litigieux d'un vice de procédure ni méconnu le principe du contradictoire. Par suite, les moyens soulevés en ce sens doivent être écartés. 6. En dernier lieu, le pouvoir dont dispose l'autorité administrative, en vertu de l'article L. 212-13 précité du code du sport, peut être exercé à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point précédent, que des faits de viol sur mineure ont été rapportés par un signalement à l'encontre de M. B et que les services de police ainsi que le parquet du tribunal judiciaire de Bobigny ont confirmé l'existence d'une enquête préliminaire en émettant l'hypothèse de multiples victimes. Par ailleurs, alors qu'il ressort des énonciations de la plainte déposée le 1er juin 2021 que M. B se serait adonné, de manière récurrente et sans le consentement de la plaignante, à des étreintes, des baisers, des actes d'attouchement et des actes de pénétration, l'intéressé qui évoque sa présomption d'innocence se borne à soutenir que ces éléments ne sont pas établis. Dans ces conditions, tenant enfin à l'objet et aux finalités préventives du pouvoir de police reconnu à l'autorité administrative, le préfet de la Seine-Saint-Denis, en édictant l'arrêté attaqué du 17 mars 2022, a fait une exacte application des dispositions de l'article L. 212-13 du code du sport. 7. Il résulte de tout ce qui précède que la requête, enregistrée sous le numéro 2208219, doit être rejetée dans toute ses conclusions y compris celles présentées au titre des frais d'instance. Sur la requête enregistrée sous le numéro 2312489 : Sur les conclusions aux fins d'annulation : 8. Aux termes de l'article L. 212-13 du code du sport, dans sa version applicable au présent litige : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 ou L. 322-7 ou d'intervenir auprès de mineurs au sein des établissements d'activités physiques et sportives mentionnés à l'article L. 322-1 () Cet arrêté est pris après avis d'une commission comprenant des représentants de l'Etat, du mouvement sportif et des différentes catégories de personnes intéressées () ". Il résulte de ces dispositions que pour assurer la protection des pratiquants d'une activité physique ou sportive, l'autorité administrative peut interdire à une personne d'exercer une activité d'enseignement, d'animation ou d'encadrement d'une telle activité, une mission arbitrale, une activité de surveillance de baignade ou piscine ouverte au public, ou d'exploiter un établissement dans lequel sont pratiquées des activités physiques ou sportives, lorsque son maintien en activité " constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants ". Le législateur a ainsi défini les conditions d'application de cette mesure de police, que l'autorité compétente est tenue, même en l'absence de disposition explicite en ce sens, d'abroger à la demande de l'intéressé si les circonstances qui ont pu motiver légalement son intervention ont disparu et qu'il est établi qu'il n'existe plus aucun risque pour les pratiquants. 9. Pour édicter l'arrêté attaqué du 11 avril 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé, sans commettre une inexacte application des dispositions précitées, sur le signalement effectué le 10 mars 2022, sur les avis de procédure pénale émis les 17 mars 2022 et 13 février 2023 desquels ressort une mise en examen de M. B pour des faits qualifiés de viol sur mineure de quinze ans par personne ayant autorité et d'agression sexuelle sur mineure de quinze ans dont au moins deux jeunes filles et, enfin, sur les dénégations de l'intéressé qui au surplus n'a convaincu, à la date de l'arrêté en cause, aucune des instances qui l'ont entendu. Cependant, l'intéressé soutient, sans être sérieusement contredit en défense, que l'arrêté attaqué du 11 avril 2023 est entaché d'une erreur d'appréciation en ce qu'il étend l'interdiction d'exercer à l'égard d'un public majeur. Or, si les éléments en cause révèlent, au sujet de M. B, un manque de discernement, un comportement inapproprié et la perte d'un certain sens des responsabilités, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il aurait eu un comportement constitutif d'un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale d'un public majeur justifiant alors une interdiction d'exercice à caractère définitif. Par suite, M. B est fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché, sur ce point, son arrêté du 11 avril 2023 d'une erreur d'appréciation. Pour le même motif, il en va de même de la décision du 27 juillet 2023 portant rejet de son recours gracieux. 10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que l'arrêt attaqué du 11 avril 2023 et, ensemble, la décision du 27 juillet 2023 portant rejet de son recours gracieux doivent être annulés en tant seulement qu'ils étendent l'interdiction d'exercice de M. B à l'égard d'un public majeur. Sur les frais d'instance : 11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme sollicitée par M. B en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du 11 avril 2023 pris à l'encontre de M. B et la décision du 27 juillet 2023 portant rejet de son recours gracieux sont annulés en tant seulement qu'ils interdisent à l'intéressé d'exercer tout ou partie des fonctions mentionnées aux articles L. 212-1, L. 223-1 ou L. 322-7 du code du sport à l'égard d'un public majeur. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête enregistrée sous le numéro 2312489 est rejeté. Article 3 : La requête enregistrée sous le numéro 2208219 est rejetée. Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 19 septembre 2024, à laquelle siégeaient : M. Robbe, président, Mme Morisset, première conseillère, M. Hégésippe, conseiller, Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2024. Le rapporteur, D. HEGESIPPE Le président, J. ROBBE Le greffier, C. CHAUVEY La République mande et ordonne au ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision Nos 2208219

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