Vu, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel le 14 décembre 1993, la requête présentée pour M. et Mme X..., demeurant ... par Me Jean et Marie-France Y..., avocats ;
M. et Mme X... demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 5 novembre 1992 du tribunal administratif de Nice en ce qu'il n'a fait que partiellement droit à leur demande tendant à la réparation de leur préjudice à raison de désordres affectant leur villa sise à Mougins ;
2°) de condamner solidairement l'Etat, la commune de Mougins et la Compagnie Lyonnaise des Eaux à réparer l'intégralité de leur préjudice par le versement d'une somme de 490 721,08 francs outre intérêts au taux légal et de mettre à la charge des défendeurs les frais d'expertise s'élevant à 50 963 francs ainsi qu'une somme de 10 000 francs au titre de l'article
L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 février 1994 :
- le rapport de Mlle PAYET, conseiller ;
- les observations de Me PISELLA, avocat de M. et Mme X..., de Me MONTEL, avocat de la commune de Mougins, et de Me LANFRANCHI substituant Me CAPPONI, avocat de la Société Lyonnaise des Eaux ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que
M. et Mme X... contestent le jugement en date du 5 novembre 1992 par lequel le tribunal administratif de Nice n'a fait que partiellement droit à leur demande tendant à la réparation de leur préjudice à raison de désordres ayant affecté leur villa sise à Mougins ;
Sur la responsabilité de l'Etat et de la commune de Mougins :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que la villa sise ... et dont M. et Mme X... sont propriétaires, a été affectée de graves désordres, notamment de nombreuses fissures liées à des mouvements de tassement, de poussée latérale et de glissements ; que l'origine de cette déstabilisation est attribuée à la nature du sous-sol qui se caractérise par une composition inhomogène n'offrant que peu de résistance à l'action des eaux souterraines, à une insuffisance du dispositif de collecte et d'évacuation des eaux de ruissellement aussi bien de la RN 85 que de la villa elle-même, enfin à l'inappropriation du soubassement de la bâtisse en cause ;
Considérant que la RN 85 qui surplombe la propriété des époux X... et dont les travaux d'élargissement ont été réalisés en 1938, présente diverses imperfections imputables à la conception même de l'ouvrage d'ailleurs non conforme aux plans initiaux ; que, de surcroît, des fissures ont été relevées dans la chaussée, la canalisation d'évacuation des eaux pluviales qui la traverse et le mur de soutènement, tandis qu'un affaissement du parapet a été constaté au droit de la villa ; que ces dégradations ont favorisé les infiltrations et poussées qui se sont exercées au détriment de l'immeuble dont M. et Mme X... sont propriétaires ; qu'il suit de là que les intéressés, qui ont la qualité de tiers, doivent être regardés comme établissant le lien de causalité entre les dommages qu'ils ont subis et l'ouvrage public dont s'agit ; que la responsabilité de l'Etat, maître de l'ouvrage, se trouve dès lors engagée à l'égard des propriétaires à raison des désordres dont ils se plaignent ; que la commune de Mougins doit, pour sa part, être mise hors de cause sur ce terrain ; que, dans cette mesure, le jugement attaqué doit être annulé ;
Mais considérant que les dégradations ont aussi pour origine la nature particulière du sous-sol, l'insuffisance du système de collecte et d'évacuation des eaux pluviales de la villa ainsi qu'une inappropriation du soubassement ; que ces faits sont de nature à atténuer la responsabilité de l'Etat dont les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation en la limitant à la moitié des conséquences dommageables desdits désordres ;
Sur la responsabilité de la Société Lyonnaise des Eaux :
Considérant que le rapport de l'expert ne relève que quelques désordres légers sur les conduites d'égoût dont il n'est pas établi qu'ils aient contribué d'une manière significative, directe et certaine, à la manifestation des dégradations incriminées ; que, d'ailleurs, cette destabilisation de la construction s'est produite antérieurement à la date d'effet du contrat d'affermage conclu entre la commune et la société qui doit dès lors être mise hors de cause ;
Sur le préjudice :
Considérant que l'expert a préconisé différents travaux destinés à assurer la stabilisation de la villa de M. et Mme X..., notamment la reprise de 50 % des fondations en sous-oeuvre, la remise en état du bâtiment et l'adaptation du système de collecte et d'évacuation des eaux pluviales, pour un montant total de 325 000 francs toutes taxes comprises ; que le ministre défendeur ne conteste pas utilement cette évaluation et ne remet pas en cause l'attribution de sommes destinées à compenser la perte de jouissance ainsi que les frais annexes exposés par les demandeurs ; qu'il suit de là qu'il n'y a pas lieu de modifier l'indemnité de 245 360,54 francs allouée aux époux X... par les premiers juges au titre de leur préjudice global et compte tenu du partage de responsabilité susmentionné ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, par ses conclusions incidentes, la commune de Mougins est fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a mise en cause ; que, par contre, ni M. et Mme X... par la voie de l'appel principal, ni l'Etat par la voie de l'appel incident, ne sont fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a laissé à leur charge respective la moitié des conséquences dommageables des désordres constatés ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de modifier le partage par moitié des frais d'expertise décidé par les premiers juges ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant que le bien-fondé de ces conclusions doit être apprécié au regard des dispositions applicables à la date du présent arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article
L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue au dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." ;
Considérant, d'une part, que M et Mme X... sont la partie perdante ; que leur demande tendant à ce que leur soit allouée une somme au titre de l'article
L.8-1 du code ne peut qu'être rejetée ;
Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce d'allouer à la commune de Mougins une somme au titre des mêmes dispositions ;
Article 1er
: Le jugement en date du 5 novembre 1992 du tribunal administratif de Nice est annulé en tant qu'il a mis en cause la commune de Mougins.
Article 2 : La requête de M. et Mme X... ensemble les conclusions incidentes de l'Etat et le surplus des conclusions incidentes de la commune de Mougins sont rejetés.