1 |
Par son pourvoi, M. Gordon demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 7 février 2007, Gordon/Commission (T-175/04, non encore publié au RecFP, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel ce dernier a, d’une part, décidé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur le recours en annulation introduit par le requérant contre la décision de la Commission des Communautés européennes du 11 décembre 2003 (ci-après la «décision litigieuse») rejetant sa réclamation contre la décision du 28 avril 2003 confirmant le rapport d’évolution de carrière (ci-après le «REC») dont il avait fait l’objet pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002, en raison du défaut d’intérêt à agir, et, d’autre part, rejeté comme irrecevable sa demande tendant à obtenir réparation du préjudice qu’il aurait subi. |
2 |
En vertu de l’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits litigieux (ci-après le «statut»), la compétence, le rendement et la conduite dans le service des fonctionnaires à l’exception de ceux des grades A 1 et A 2 font l’objet d’un rapport périodique établi à tout le moins tous les deux ans dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l’article 110 du statut. |
3 |
Le 26 avril 2002, la Commission a adopté une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les «dispositions générales d’exécution»), et une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut. Un nouveau système de notation a ainsi été introduit. Il résulte de la règle de transition inscrite à l’article 4, paragraphe l, de ces dispositions que le premier exercice de notation effectué selon ce nouveau système couvre la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002. |
4 |
En vertu de l’article 5, paragraphe 3, des dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut, le fonctionnaire est, en principe, promu lorsque la somme, d’une part, des points de mérite, correspondant à la notation résultant du REC, et, d’autre part, des points de priorité, attribués conformément aux articles 6, 7 et 9 desdites dispositions, accumulés au cours d’un ou de plusieurs exercices dépasse le «seuil de promotion». |
5 |
La procédure d’évaluation des fonctionnaires, l’établissement du REC ainsi que sa contestation sont principalement régis par les articles 7 et 8 des dispositions générales d’exécution. |
6 |
L’article 7, paragraphe 2, de ces dispositions énonce que, «[à] l’occasion d’une rencontre formelle avec le titulaire du poste à la fin de la période d’évaluation, l’évaluateur examine le rendement, les compétences qu’il a démontrées et sa conduite dans le service; il discute avec lui de ses besoins en matière de formation et de l’évolution ultérieure de sa carrière […]. Cet exercice formel de dialogue annuel constitue une tâche d’encadrement fondamentale de l’évaluateur». |
7 |
Aux termes de l’article 7, paragraphe 5, desdites dispositions, «[…] lorsque le titulaire du poste n’est pas satisfait de la teneur du rapport, il en informe immédiatement l’évaluateur et fait état, dans la section consacrée aux ‘commentaires’, de son souhait de s’entretenir avec le validateur, en exposant les motifs de sa demande. Dans un délai de cinq jours ouvrables, le validateur organise un dialogue avec l’intéressé afin de parvenir à un accord, dialogue au terme duquel soit il modifie le rapport, soit il le confirme, puis le transmet une nouvelle fois à l’intéressé. Dans un délai de cinq jours ouvrables, ce dernier signe/paraphe le rapport pour acceptation et fait suivre à l’évaluateur, qui le signe/paraphe sans délai […]». |
8 |
Le paragraphe 6 de ce même article 7 précise que, «[s]i le titulaire du poste n’est pas satisfait de la décision du validateur, il peut lui demander, dans les cinq jours ouvrables, de saisir le comité paritaire d’évaluation prévu à l’article 8». |
9 |
L’article 8, paragraphe 5, des dispositions générales d’exécution énonce que, «[b]ien que le comité ne puisse se substituer aux évaluateurs relativement à l’appréciation du travail de l’intéressé, il s’assure que le rapport a été établi équitablement, objectivement et conformément aux normes d’évaluation habituelles. Il vérifie également que les procédures ont été correctement suivies [en matière de dialogue(s), de délais, etc.]. À cet effet il procède aux consultations qu’il juge utiles». |
10 |
L’article 8, paragraphe 7, de ces dispositions prévoit que «[l]’avis du comité d’évaluation, notifié au titulaire du poste ainsi qu’à l’évaluateur et au validateur, est transmis à l’évaluateur d’appel. Dans un délai de trois jours ouvrables, soit ce dernier confirme le rapport, soit il le modifie, avant de le transmettre à l’intéressé. Lorsque l’évaluateur d’appel s’écarte des recommandations figurant dans l’avis du comité paritaire d’évaluation, il justifie les motifs de sa décision. Une copie du rapport est transmise au comité paritaire d’évaluation. Le rapport est alors considéré comme définitif». |
11 |
L’article 53 du statut est libellé comme suit: «Le fonctionnaire reconnu par la commission d’invalidité comme remplissant les conditions prévues à l’article 78 est mis d’office à la retraite le dernier jour du mois au cours duquel est prise la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination [(ci-après l’‘AIPN’)] constatant l’incapacité définitive pour le fonctionnaire d’exercer ses fonctions.» |
12 |
L’article 78 du statut dispose: «Dans les conditions prévues aux articles 13 à 16 de l’annexe VIII, le fonctionnaire a droit à une pension d’invalidité lorsqu’il est atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière. […]» |
13 |
L’annexe VIII du statut établit les modalités du régime de pensions. Les articles 13 à 16 de son chapitre 3, intitulé «Pension d’invalidité», sont libellés comme suit: «Article 13 Sous réserve des dispositions de l’article 1er, paragraphe 1, le fonctionnaire âgé de moins de 65 ans qui, au cours de la période durant laquelle il acquérait des droits à pension, est reconnu par la commission d’invalidité comme atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière et qui, pour ce motif, est tenu de suspendre son service aux Communautés a droit, tant que dure cette incapacité, à la pension d’invalidité visée à l’article 78 du statut. Le bénéfice d’une pension d’invalidité ne peut se cumuler avec celui d’une pension d’ancienneté. Article 14 Le droit à la pension d’invalidité naît à compter du premier jour du mois civil suivant la mise à la retraite en application de l’article 53 du statut. Lorsque l’ancien fonctionnaire cesse de remplir les conditions requises pour bénéficier de cette pension, il est obligatoirement réintégré, à la première vacance, dans un emploi de sa catégorie ou de son cadre correspondant à sa carrière, à condition qu’il possède les aptitudes requises pour cet emploi. S’il refuse l’emploi qui lui est offert, il conserve ses droits à réintégration, à la même condition, lors de la deuxième vacance dans un emploi de sa catégorie ou de son cadre correspondant à sa carrière; en cas de second refus, il peut être démis d’office; dans ce cas, les dispositions prévues à l’article 16 s’appliquent. En cas de décès de l’ancien fonctionnaire bénéficiaire de la pension d’invalidité, le droit à cette pension s’éteint à la fin du mois civil au cours duquel l’ancien fonctionnaire est décédé. Article 15 Tant que l’ancien fonctionnaire bénéficiant d’une pension d’invalidité n’a pas atteint l’âge de 60 ans, l’institution peut le faire examiner périodiquement en vue de s’assurer qu’il réunit toujours les conditions requises pour bénéficier de cette pension. Article 16 Lorsque l’ancien fonctionnaire bénéficiaire d’une pension d’invalidité est réintégré dans son institution ou dans une autre institution des Communautés, le temps pendant lequel il a perçu la pension d’invalidité est pris en compte, sans rappel de cotisation, pour le calcul de sa pension d’ancienneté.» |
14 |
Les faits pertinents sont décrits de la manière suivante aux points 7 à 12 de l’arrêt attaqué:
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15 |
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mai 2004, le requérant a introduit un recours en annulation contre la décision litigieuse et une demande en indemnité. |
16 |
Le 1er mars 2005, la Commission a introduit une demande de non-lieu à statuer concernant le recours en annulation du requérant par suite de la mise à la retraite de celui-ci, soutenant qu’un fonctionnaire qui a été mis à la retraite en raison d’un état d’invalidité permanente considérée comme totale n’a plus d’intérêt à agir contre un REC le concernant dès lors que la seule raison d’être de celui-ci est, d’après la jurisprudence, de servir de base à des décisions futures relatives à sa carrière. Elle a également contesté la recevabilité de la demande en indemnité. Par ordonnance du Tribunal du 10 juin 2005, la demande de non-lieu à statuer a été jointe au fond et les dépens ont été réservés. |
17 |
Par l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est prononcé sur le recours en annulation de la décision litigieuse ainsi que sur la demande en indemnité du requérant et, enfin, sur les mesures d’organisation de la procédure sollicitées par celui-ci. |
18 |
Le Tribunal a jugé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur le recours en annulation de la décision litigieuse pour les motifs suivants, exposés aux points 27 à 39 de l’arrêt attaqué:
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19 |
Le Tribunal a rejeté la demande en indemnité comme irrecevable pour les motifs suivants, exposés aux points 42 à 45 de l’arrêt attaqué:
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20 |
Le Tribunal a estimé que la demande du requérant visant à obtenir la production, par la Commission, de diverses pièces, à savoir le compte rendu des réunions du comité paritaire d’évaluation, les deux REC les plus favorables et les deux REC les plus défavorables concernant les fonctionnaires de son unité pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002 ainsi que le document contenant les normes quantitatives officielles des unités de traduction pour ladite période, ne présentait aucun intérêt pour la solution du litige et devait ainsi être rejetée. |
21 |
Le requérant demande à la Cour:
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22 |
La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation du requérant à l’ensemble des dépens. |
23 |
À l’appui de son pourvoi, le requérant invoque quatre moyens. Les trois premiers soutiennent ce pourvoi en tant qu’il est dirigé contre la décision du Tribunal relative au recours en annulation, le quatrième en tant qu’il est dirigé contre la décision du Tribunal relative à la demande en indemnité. |
24 |
Le requérant soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’erreurs de droit en ce que le Tribunal a estimé, premièrement, que le REC ne présente un intérêt pour le fonctionnaire évalué que si ce dernier a encore une carrière à accomplir, deuxièmement, que la mise à la retraite pour cause d’invalidité permanente équivaut à une cessation définitive de fonctions et, troisièmement, que le droit à une protection juridictionnelle effective en cas de maladie professionnelle ne confère pas un droit de recours contre la décision litigieuse. |
25 |
En premier lieu, il fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la fonction exacte du REC. |
26 |
Le requérant expose que la jurisprudence sur laquelle le Tribunal s’est fondé au point 28 de l’arrêt attaqué n’est plus pertinente, dans la mesure où elle se rapporte à l’ancien système d’évaluation, en vigueur avant l’année 2003, en vertu duquel le rapport de notation ne jouait qu’un rôle accessoire pour la promotion. Or, le système actuel de notation comporterait un lien arithmétique avec la promotion ou le licenciement et une marge de manœuvre beaucoup plus importante pour ce qui est de l’accélération ou du ralentissement de la progression de la carrière. Selon le requérant, dans le cadre de ce nouveau système, il n’est pas approprié de qualifier d’«interne» un document qui a des implications objectives significatives. En outre, le rôle du fonctionnaire dans le processus d’évaluation ne saurait être relégué à un niveau secondaire par rapport à celui de l’administration. |
27 |
En deuxième lieu, le requérant fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en se méprenant sur les conséquences de l’invalidité. En effet, le Tribunal aurait interprété l’invalidité comme un état définitif. Or, il ressortirait clairement des termes de l’article 14 de l’annexe VIII du statut que l’invalidité est un état réversible, ce que refléterait d’ailleurs la pratique selon laquelle les cas d’invalidité sont normalement réexaminés par le service médical de la Commission tous les deux ans. |
28 |
Le requérant souligne en outre que, alors que la décision de mise à la retraite pour cause d’invalidité prise à son égard le 15 février 2005 a été arrêtée pour deux ans, le renouvellement effectué au cours de l’année 2007 par le service médical de la Commission a été limité à un an, ce qui démontrerait que sa réintégration dans le service n’est pas simplement hypothétique, de sorte que son intérêt quant à l’annulation de la décision litigieuse serait né et actuel. |
29 |
En troisième lieu, le requérant soutient que le Tribunal n’a pas pris en compte les conséquences du principe général de protection juridictionnelle effective. |
30 |
Le requérant expose que, en l’espèce, les médecins n’ont pas exclu l’hypothèse selon laquelle l’invalidité dont il souffre serait d’origine professionnelle. Toutefois, la commission d’invalidité aurait préféré attendre l’avis des instances compétentes, soit, selon lui, l’avis du Tribunal, avant de se prononcer sur ce point. Le fait que le Tribunal n’a pas statué sur le fond de l’affaire signifierait que la situation est bloquée tant du point de vue du requérant que de celui du service médical de la Commission ainsi que de celui de la commission d’invalidité. |
31 |
Or, la décision sur le point de savoir si l’invalidité est d’origine professionnelle déterminerait les modalités selon lesquelles le requérant pourrait réintégrer son poste de travail ou, dans le cas contraire, le niveau de sa pension d’invalidité. Dans ces conditions, le requérant fait valoir qu’il ne saurait être soutenu que son intérêt à agir est simplement hypothétique et qu’il y aurait lieu de statuer sur cette question uniquement en cas de réintégration. |
32 |
Le requérant fait valoir que, dès lors que le droit à une protection juridictionnelle effective constitue un droit fondamental, les dispositions légales et les éléments juridiques en cause ne sauraient être interprétés et appliqués restrictivement. |
33 |
S’agissant du premier moyen, la Commission conteste l’argument du requérant selon lequel le raisonnement du Tribunal au point 28 de l’arrêt attaqué serait dénué de pertinence, car il se réfère au système de notation qui s’appliquait avant l’année 2003 plutôt qu’au système actuellement en vigueur. |
34 |
La Commission relève, à titre liminaire, que le REC en cause concerne une période antérieure à l’année 2003, à savoir la période située entre le 1er juillet 2001 et le 31 décembre 2002. Dès lors, elle présume que le requérant vise plutôt le système de notation introduit à partir du mois de juillet 2001. |
35 |
La Commission fait valoir qu’il a toujours existé une connexité entre l’évaluation des fonctionnaires et leur promotion. Tel serait encore actuellement le cas, puisque les dispositions pertinentes du nouveau statut adopté au cours de l’année 2004 continuent à figurer dans un chapitre intitulé «Notation, avancement d’échelon et promotion». Selon la Commission, le rapport de notation serait dépourvu d’utilité en l’absence d’un lien entre l’évaluation et la promotion des fonctionnaires. Elle considère que le requérant n’a avancé aucun argument sérieux, ni invoqué un quelconque changement prétendument important dans les règles, ni cité aucun nouveau développement dans la jurisprudence pour soutenir sa position. |
36 |
S’agissant du deuxième moyen, relatif aux conséquences de la décision de mise à la retraire pour cause d’invalidité, la Commission relève que le requérant se borne à invoquer l’article 14 de l’annexe VIII du statut, sans faire aucune mention des articles 53 et 78 du celui-ci. Or, ainsi qu’il ressortirait de l’arrêt attaqué, ledit article 14 ne saurait être lu isolément. En effet, le statut opérerait une nette distinction entre, d’une part, l’invalidité temporaire (article 59) et, d’autre part, l’invalidité permanente (article 53). Alors que l’invalidité temporaire ouvre le droit à un congé de maladie, l’invalidité permanente débouche sur la mise à la retraite du fonctionnaire concerné. |
37 |
La Commission estime que le fait que le service médical a renouvelé sa décision en ce qui concerne l’invalidité du requérant pour une période d’une année, plutôt que de deux années, est sans pertinence aux fins d’apprécier l’importance de l’invalidité. L’intervalle entre les examens médicaux ne saurait en effet être retenu comme un critère pour déterminer si l’invalidité d’un fonctionnaire est temporaire ou permanente. Dès lors qu’un cas d’invalidité relève de l’article 78 du statut, cette dernière devrait être considérée comme permanente. Par ailleurs, nonobstant l’article 14 de l’annexe VIII du statut, l’invalidité devrait être considérée comme permanente tant qu’elle dure. |
38 |
En ce qui concerne le troisième moyen, relatif à la méconnaissance du droit à une protection juridictionnelle effective, la Commission fait valoir que celui-ci est fondé sur une prémisse erronée. En effet, contrairement à ce que prétend le requérant, il ne reviendrait pas au Tribunal de se prononcer sur l’origine de l’invalidité qui a été constatée dans son chef. La Commission soutient qu’il s’agit d’une question médicale qui relève de la compétence d’une instance médicale, à savoir le médecin de l’AIPN ou la commission médicale, conformément aux articles 19 et suivants des modalités d’application de l’article 73 du statut. Il en résulterait que, lorsque la commission d’invalidité a suspendu sa décision sur l’origine de cette invalidité dans l’attente de l’avis des «instances compétentes», cette commission se référait à l’avis des instances médicales, et non à l’arrêt attaqué. |
39 |
La Commission ajoute que le requérant a toujours eu la possibilité d’entamer une procédure sur la base de l’article 73 du statut aux fins de faire déterminer si ladite invalidité est d’origine professionnelle. Dès lors, il n’aurait été privé d’aucune protection juridictionnelle à cet égard. |
40 |
En outre, la Commission soutient que le Tribunal n’a pas non plus privé le requérant d’une protection juridictionnelle en ce qui concerne le REC en cause, dans la mesure où il n’exclut pas complètement la possibilité que le requérant puisse avoir intérêt à le contester ultérieurement, au cas où il serait réintégré dans le service. |
41 |
À titre liminaire, il convient de souligner que la Commission, comme toutes les institutions communautaires, a une obligation particulière de transparence quant à la notation, à l’avancement et à la promotion de ses agents, dont le respect est assuré par la procédure formelle établie aux articles 43 et 46 du statut. |
42 |
À ce titre, le REC est un document essentiel dans l’évaluation des personnels employés par les institutions, puisqu’il permet d’établir une évaluation de la compétence, du rendement et de la conduite d’un fonctionnaire, comme le mentionne l’article 43 du statut. L’établissement de ce rapport a lieu à tout le moins tous les deux ans dans les conditions fixées par chaque institution, conformément à l’article 110 du statut. |
43 |
En outre, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général au point 49 de ses conclusions, le REC constitue un jugement de valeur porté par ses supérieurs hiérarchiques sur la manière dont le fonctionnaire évalué s’est acquitté des tâches qui lui ont été confiées et sur son comportement dans le service durant la période concernée. |
44 |
En effet, il convient de relever, en premier lieu, que le REC, indépendamment de son utilité future, constitue une preuve écrite et formelle quant à la qualité du travail accompli par le fonctionnaire. Une telle évaluation n’est pas purement descriptive des tâches effectuées pendant la période concernée, mais comporte aussi une appréciation des qualités humaines que la personne notée a montrées dans l’exercice de son activité professionnelle. |
45 |
Dès lors, chaque fonctionnaire dispose d’un droit à ce que son travail soit sanctionné par une évaluation établie de manière juste et équitable. Par conséquent, conformément au droit à une protection juridictionnelle effective, un fonctionnaire doit se voir reconnaître en tout état de cause le droit de contester un REC le concernant en raison de son contenu ou parce qu’il n’a pas été établi selon les règles prescrites par le statut. |
46 |
En deuxième lieu, s’il est vrai qu’un fonctionnaire qui est reconnu par la commission d’invalidité comme se trouvant en incapacité permanente totale est mis d’office à la retraite en vertu des articles 53 et 78 du statut, la situation d’un tel fonctionnaire se distingue de celle d’un fonctionnaire qui a atteint l’âge de la retraite, qui a démissionné ou qui a été licencié, car il s’agit d’une situation réversible. |
47 |
En effet, le fonctionnaire atteint d’une telle invalidité est susceptible de reprendre un jour ses fonctions au sein d’une institution communautaire, eu égard aux termes de l’article 16 de l’annexe VIII du statut. À cet égard, la disposition générale de l’article 53 du statut doit être lue en combinaison avec les dispositions spécifiques des articles 13 à 15 de l’annexe VIII du statut. L’activité du fonctionnaire déclaré en état d’invalidité n’est que suspendue, l’évolution de sa situation au sein des institutions étant subordonnée à la persistance des conditions ayant justifié cette invalidité, qui peut être contrôlée à échéances régulières. |
48 |
En l’espèce, la réunion, dans le chef du requérant, de l’ensemble des conditions requises pour justifier sa mise à la retraite d’office pour cause d’invalidité permanente totale, conformément à l’article 13 de l’annexe VIII du statut, n’a pas été considérée comme définitivement acquise. Ceci est corroboré par le fait que le service médical de la Commission en charge de l’examen de la situation d’invalidité du requérant n’a renouvelé la déclaration d’invalidité le concernant, le 31 janvier 2007, que pour une année supplémentaire, et non pour deux années, comme cela avait été le cas de la décision initiale de la commission d’invalidité du 1er février 2005. Cela démontre que la possibilité de réintégration du requérant n’est pas simplement hypothétique, mais bien réelle. |
49 |
Or, un fonctionnaire reconnu comme atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale, dès lors qu’il est susceptible de réintégrer les institutions, dispose d’un droit équivalent à celui d’un fonctionnaire actif de voir son REC établi équitablement, objectivement et conformément aux normes d’une évaluation régulière. |
50 |
Dans l’hypothèse d’une réintégration, le REC aurait une utilité pour l’évolution du fonctionnaire au sein de son service ou des institutions communautaires. Il constituerait une preuve concrète et formelle de sa compétence et de son expérience au sein de l’institution, dont il pourrait se prévaloir. Il permettrait également au pouvoir hiérarchique de comparer les mérites des candidats à une éventuelle promotion ou mutation. |
51 |
Il convient, en conséquence, de considérer qu’un fonctionnaire en état d’invalidité permanente totale en application des articles 53 et 78 du statut conserve un intérêt à contester un REC. |
52 |
Dès lors qu’il ne saurait être déduit de la déclaration d’invalidité permanente totale de M. Gordon que celui-ci ne puisse un jour être réintégré au sein des institutions communautaires, il ne saurait être exclu qu’il puisse se prévaloir du REC en cause après une éventuelle réintégration au sein de celles-ci. |
53 |
Au vu de l’ensemble de ces considérations, il convient de considérer les deux premiers moyens comme fondés. Par conséquent, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué en tant qu’il décide qu’il n’y a plus lieu à statuer sur la demande d’annulation de la décision litigieuse, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le troisième moyen, non susceptible d’entraîner une annulation plus large. |
54 |
Le requérant soutient que c’est à tort que le Tribunal a jugé irrecevable sa demande en indemnité au motif que la nature et l’étendue du préjudice n’avaient pas été précisées. Il relève en effet que, conformément à la jurisprudence du Tribunal citée dans l’arrêt attaqué lui-même, dans des circonstances particulières, il n’est pas indispensable de préciser dans la requête l’étendue exacte du préjudice et de chiffrer le montant de la réparation demandée. |
55 |
Le requérant fait également valoir qu’il n’a jamais attendu ni demandé une décision sur le préjudice en l’absence d’une décision sur le recours en annulation. Il précise que, dans son mémoire en réplique devant le Tribunal, il s’est expressément réservé le droit d’engager toute procédure en vue d’obtenir réparation du préjudice subi au vu de l’arrêt qui était attendu du Tribunal. |
56 |
Le requérant considère que, en raison de circonstances particulières et de la complexité de sa situation, une décision sur le préjudice devrait uniquement intervenir après que la Cour aura statué sur le recours en annulation. |
57 |
Toutefois, il fait déjà valoir que, si la Cour constate qu’il a effectivement été victime d’une évaluation inéquitable ainsi que d’une injustice grave et que, de ce fait, sa carrière a réellement subi un préjudice irréparable, une indemnité de l’ordre de 1,5 million d’euros ne serait pas exorbitante. |
58 |
La Commission soutient pour sa part que la possibilité d’être dispensé de l’obligation de préciser dans la requête l’étendue exacte du préjudice subi constitue une exception. Il résulterait du point 44 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que le cas du requérant ne relève pas de cette exception. Selon la Commission, le requérant n’a pas fait valoir devant le Tribunal que son cas présentait le moindre élément lui permettant d’échapper à la règle générale. En outre, dans son pourvoi, le requérant n’aurait pas indiqué en quoi le Tribunal se serait trompé en appliquant cette règle générale. La Commission en conclut que, par conséquent, son argument s’expose à une nouvelle exception d’irrecevabilité en raison de l’absence d’argumentation étayant la position du requérant. |
59 |
La Commission conteste, en outre, l’argument de celui-ci selon lequel le Tribunal n’aurait pas dû statuer sur la question du préjudice au motif que le requérant aurait signalé son intention d’entamer ultérieurement une procédure séparée en vue d’obtenir l’indemnisation du préjudice prétendument subi. En effet, cette prétention ne serait pas étayée par le dossier de la procédure en première instance. |
60 |
Il convient de constater que le Tribunal a rejeté les conclusions en indemnité comme irrecevables dès lors que, d’une part, le requérant s’est borné à réclamer des dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à sa carrière, à sa santé et à son bien-être sans en chiffrer le montant et sans indiquer avec suffisamment de précision les éléments permettant de déterminer l’étendue de ce préjudice et, d’autre part, en ce qui concerne le préjudice moral, outre l’absence totale d’évaluation de ce préjudice, le requérant n’a pas mis le Tribunal en mesure d’en apprécier l’étendue et le caractère. |
61 |
À cet égard, il suffit de relever que la question de savoir si le montant de l’indemnité réclamée par le requérant a été suffisamment justifié par ce dernier nécessite une appréciation des faits qui échappe à la compétence de la Cour, laquelle porte seulement sur le contrôle du respect, par l’arrêt attaqué, des règles de droit (voir, en ce sens, arrêt du 15 février 1996, Buralux e.a./Conseil, C-209/94 P, Rec. p. I-615, point 21). |
62 |
En outre, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 78 de ses conclusions, la demande d’une somme de 1,5 million d’euros à titre d’indemnité pour le cas où la Cour examinerait le litige au fond constitue une demande nouvelle, au sens de l’article 113 du règlement de procédure de la Cour, qui doit être déclarée irrecevable. |
63 |
Par conséquent, il convient de rejeter le pourvoi du requérant comme irrecevable en ce qu’il conteste le rejet, par le Tribunal, de sa demande en indemnité. |
64 |
Conformément à l’article 61, premier alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour de justice, lorsque celle-ci annule la décision du Tribunal, elle peut statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel est le cas en l’espèce en ce qui concerne le recours en annulation. |
65 |
Le requérant demande en premier lieu l’annulation de la décision litigieuse, qui rejette sa réclamation introduite contre la décision du 28 avril 2003 confirmant le REC dont il a fait l’objet pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002. |
66 |
Il invoque trois moyens à l’appui de ce recours, dont le premier est tiré de la violation des formes substantielles et des droits de la défense. |
67 |
À cet égard, le requérant fait valoir que plusieurs irrégularités ont été commises dans le cadre de la procédure de recours interne contre le REC en cause. Il soutient, notamment, que la deuxième étape de cette procédure, consistant dans un contrôle des conditions formelles et substantielles de ce REC par le comité paritaire d’évaluation, ne s’est pas déroulée régulièrement. |
68 |
Ainsi, l’examen opéré par ce comité aurait été limité à l’aspect procédural, sans porter sur le fond. En effet, le dialogue formel avec le validateur du REC n’ayant pas eu lieu, ledit comité aurait recommandé la tenue de ce dialogue. Or, le dossier du requérant n’aurait pas été renvoyé après que ledit dialogue avait eu lieu devant ce même comité afin que celui-ci puisse également se prononcer sur le point de savoir si le REC avait été établi équitablement, objectivement et conformément aux normes d’évaluation habituelles, comme le prescrit l’article 8, paragraphe 5, des dispositions générales d’exécution. |
69 |
Selon le requérant, cette lacune constitue une grave irrégularité qui entache la procédure de recours interne. En effet, le comité paritaire d’évaluation, du fait de sa composition, serait le seul organe de recours dans le cadre duquel des membres du personnel exerçant les mêmes fonctions que lui auraient pu examiner sa notation. De plus, l’avis de ce comité aurait une grande valeur, dans la mesure où l’évaluateur d’appel, s’il refuse de suivre cet avis, serait tenu de motiver sa décision. |
70 |
La Commission allègue que le requérant ne peut pas tirer argument du fait que le comité paritaire d’évaluation s’est limité à constater que le dialogue formel avec le validateur du REC n’avait pas eu lieu, car il aurait lui-même omis d’informer ce comité que ce dialogue était intervenu le 25 mars 2003. |
71 |
Il ressort du dossier que le comité paritaire d’évaluation ne s’est pas prononcé sur le contenu du REC en cause, alors qu’il a l’obligation de le faire lorsque, comme en l’espèce, il a été saisi d’une contestation. En effet, ce comité a uniquement constaté, dans son avis transmis à l’évaluateur d’appel le 11 avril 2003, que le dialogue formel avec le validateur n’avait pas eu lieu, et ce en contradiction avec l’article 7 des dispositions générales d’exécution. |
72 |
Dès lors, l’évaluateur d’appel ne pouvait pas se prononcer sur le recours interne du requérant dans sa décision du 28 avril 2003 alors que le comité paritaire d’évaluation n’avait pas lui-même donné son avis sur le contenu du REC en cause, de sorte que celui-ci n’était pas définitif. |
73 |
Comme l’a souligné M. l’avocat général au point 96 de ses conclusions, en se prononçant de la sorte dans sa décision du 28 avril 2003, l’évaluateur d’appel a traité le droit de recours du requérant devant le comité paritaire d’évaluation comme une étape purement formelle. Or, lorsque ce comité est saisi d’une contestation, l’examen du contenu du REC concerné constitue une formalité substantielle, car, d’une part, ledit comité est la seule entité intervenant dans la procédure de notation qui comprend des représentants du personnel et, d’autre part, les avis qu’il émet doivent être pris en considération par l’évaluateur d’appel. |
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Il apparaît, dès lors, que le fait que le comité paritaire d’évaluation ne se soit pas prononcé sur le contenu du REC en cause conformément à l’article 8 des dispositions générales d’exécution constitue une violation substantielle de la procédure d’élaboration d’un REC qui porte atteinte aux droits du requérant. |
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Ainsi, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués à l’appui du recours en annulation, il y a lieu d’annuler la décision litigieuse. |
76 |
Aux termes de l’article 122 du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. |
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Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, de ce même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. M. Gordon ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens des deux instances. |
Par ces motifs, la Cour (quatrième chambre) déclare et arrête: |
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Signatures |