Tribunal de Grande Instance de Paris, 25 avril 2013, 2011/18348

Mots clés société · contrefaçon · VAN · bijoux · préjudice · actes · parasitisme · réparation · propriété intellectuelle · commercialisation · collections · sociétés · bonne foi · produits · modèles

Synthèse

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de Paris
Numéro affaire : 2011/18348
Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Numéros d'enregistrement : 067922
Parties : VAN CLEEF & ARPELS SA (Suisse) ; VAN CLEEF & ARPELS FRANCE SAS / B (Frédéric)

Texte

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 25 Avril 2013

3ème chambre 1ère section N°RG: 11/18348

DEMANDERESSES Société VAN CLEEF & ARPELS, SA [...] VILLARS SUR GLANE - SUISSE

VAN CLEEF & ARPELS FRANCE, SAS 22 Place Vendôme 75001 PARIS représentées par Me Vincent FAUCHOUX de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0221

DÉFENDEUR Monsieur Frédéric B, ayant son établissement principal au [...] – 75012 PARIS représenté par Me Marc-Olivier DEBLANC de l'AARPI B, ASSOCIATION D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0313

COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C, Vice Présidente Thérèse ANDRIEU. Vice Présidente Mélanie BESSAUD, Juge assistées de Léoncia BELLON, Greffier

DÉBATS A l'audience du 12 Mars 2013 tenue publiquement devant Marie-Christine C, Thérèse ANDRIEU, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoirement en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE La société VAN CLEEF & ARPELS a pour activité la création, la fabrication et la commercialisation des produits de joaillerie et d'horlogerie, vendus en France sous les marques « VAN CLEEF & ARPELS » par la société VAN CLEEF & ARPELS FRANCE qui en assure également la promotion et la communication.

La société VAN CLEEF & ARPELS expose avoir créé et commercialisé en 1968 un motif dénommé « ALHAMBRA » constitué d'un trèfle quadrilobé dont les quatre lobes sont identiques, composé d'une pierre dure de forme elle-même quadrilobée (turquoise, nacre blanche, onyx...) montée sur or et bordée d'un fin liseré d'or perlé.

Elle précise que ce motif a fait l'objet de plusieurs déclinaisons, à savoir les motifs et bijoux dénommés : - le collier « ALHAMBRA VINTAGE » composé de trèfles quadrilobés finement perlés d'or en leurs contours, ayant fait l'objet de constat d'huissier en date des 27 octobre 1970 et 9 juin 1971, -la collection « MAGIC ALHAMBRA », qui juxtapose de motifs quadrilobés de tailles différentes et/ou de couleurs différentes sur un même bijou, et la collection « LUCKY ALHAMBRA », qui mêle au sein d'un même bijou des motifs de couleurs et de formes différentes (quadrilobé, cœur, papillon, feuille ou étoile), les dites collections ayant fait l'objet d'un procès-verbal de constat d'huissier en date du 17 octobre 2005 et d'un dépôt de modèle international sous le n° 067922 en date du 14 juin 2006.

Elle revendique en conséquence être titulaire de droits d'auteurs sur les motifs « ALHAMBRA VINTAGE », « MAGIC ALHAMBRA » et « LUCKY A » et les bijoux qui en sont composés ainsi que des droits sur les dessins et modèles sur de bijoux «MAGIC ALHAMBRA » et « LUCKY A ».

Monsieur Frédéric B exerce la profession de commerçant et vend notamment des bijoux depuis 1993.

Ayant découvert la commercialisation de plusieurs bijoux (sautoirs, bracelets, pendentifs, bagues, boucles d'oreilles...) dans la boutique de l'hôtel de Crillon (Paris 8ème), dont elle estime qu'ils reprennent l'ensemble des caractéristiques des bijoux des collections « Vintage Alhambra », « Magic A » et « Lucky A », la société VAN CLEEF & ARPELS a fait dresser un procès verbal de constat d'achat le 7 novembre 2011 d'un bracelet référencé 20598.

Autorisée par ordonnance sur requête rendue le 9 novembre 2011 par le Président du tribunal de grande instance de Paris, la société VAN CLEEF & ARPELS a fait procéder le 17 novembre 2011 à des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la boutique de l'hôtel Crillon, située [...].

Les opérations de saisie-contrefaçon ayant révélé que les bijoux litigieux provenaient de Monsieur Frédéric B, le Président du tribunal de grande instance de Paris a ultérieurement rendu une nouvelle ordonnance sur requête le 22 novembre 2011 aux fins de réaliser une saisie-contrefaçon au domicile de Monsieur B situé à Saint Prix (95), laquelle a été diligentée le 23 novembre 2011.

C'est dans ces conditions que par exploit d'huissier en date du 16 décembre 2011, les sociétés VAN CLEEF & ARPELS et VAN CLEEF & ARPELS France ont fait assigner Monsieur Frédéric B devant le tribunal de grande instance de Paris pour contrefaçon de droits d'auteur et de dessins et modèles ainsi que pour actes constitutifs de parasitisme.

Dans leurs e-conclusions en réplique n° 1 du 7 août 2012, les sociétés VAN CLEEF & ARPELS et VAN CLEEF & ARPELS FRANCE ont demandé au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de : - Dire et juger que les bijoux des collections VINTAGE ALHAMBRA, MAGIC ALHAMBRA et LUCKY ALHAMBRA de la société VAN CLEEF & ARPELS SA sont originaux et dignes de bénéficier de la protection des articles L.lll-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ; -Dire et juger que Monsieur Frédéric B en commercialisant en France les colliers, pendentifs, bracelets et boucles d'oreilles reproduisant les caractéristiques originales des bijoux des collections VINTAGE ALHAMBRA, LUCKY ALHAMBRA et MAGIC ALHAMBRA de la société VAN CLEEF & ARPELS SA, s'est rendu coupable d'actes de contrefaçon de droits d'auteur ; -Dire et juger que Monsieur Frédéric B en commercialisant en France les colliers, pendentifs, bracelets et boucles d'oreilles qui imitent les modèles LUCKY ALHAMBRA et MAGIC ALHAMBRA de la société VAN CLEEF & ARPELS SA, et produisent ainsi une impression d'ensemble identique, s'est rendu coupable d'actes de contrefaçon de modèles; -Dire et juger que Monsieur Frédéric B s'est rendu coupable d'actes de concurrence parasitaire au préjudice de la société VAN CLEEF & ARPELS FRANCE. En conséquence : -Ordonner à Monsieur Frédéric B l'arrêt immédiat de la fabrication, la commercialisation et la promotion des colliers, pendentifs, bracelets et boucles d'oreilles constituant des contrefaçons des bijoux des collections VINTAGE ALHAMBRA, LUCKY ALHAMBRA et MAGIC ALHAMBRA appartenant à la société VAN CLEEF & ARPELS SA, et ce sous astreinte de mille euros (1.000 euros) par infraction constatée, à compter du prononcé du jugement à intervenir, le tribunal restant saisi pour statuer sur l'astreinte définitive; -Ordonner la destruction sous contrôle d'huissier, et aux frais de Monsieur Frédéric B, de l'intégralité du stock éventuel pouvant se trouver entre ses mains, sous astreinte de mille euros (1.000 euros) par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir; -Condamner Monsieur Frédéric B à payer à la société VAN CLEEF & ARPELS SA la somme de cent mille euros (100.000 euros) en réparation du préjudice causé par ses actes de contrefaçon de droits d'auteur et de modèles, sauf à parfaire ; -Condamner Monsieur Frédéric B à payer à la société VAN CLEEF & ARPELS France la somme de cinquante mille euros (50 000 euros) en réparation du préjudice causé par ses actes de concurrence parasitaire, sauf à parfaire ; -Ordonner la publication du jugement à intervenir dans 4 (quatre) journaux ou magazines au choix des sociétés VAN CLEEF & ARPELS SA et VAN CLEEF & ARPELS FRANCE aux frais de Monsieur Frédéric B sans que le coût de chaque insertion n'excède la somme de cinq mille euros (5.000 euros) hors taxe ; -Condamner Monsieur Frédéric B à payer à chacune des sociétés VAN CLEEF & ARPELS SA et VAN CLEEF & ARPELS FRANCE la somme de huit mille euros (8.000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens y compris les frais de constat d'huissier et de saisie contrefaçon, dont distraction au profit de la SCP DEPREZ GUIGNOT et Associés.

Les sociétés VAN CLEEF & ARPELS et VAN CLEEF & ARPELS FRANCE font valoir que les bijoux (sautoirs, bracelets, pendentifs et boucles d'oreilles) commercialisés par Monsieur B constituent des imitations serviles de ses bijoux «VINTAGE ALHAMBRA», « MAGIC ALHAMBRA » et « LUCKY A » de nature à caractériser des actes de contrefaçon de ses droits d'auteur au sens de l'article L.335-3 du code de la propriété intellectuelle, et de ses modèles, au sens des articles L.513-4 et L.521-1 du même code. Elle indique qu'au regard du tableau comparatif produit au débat, les différences relatives à la matière et à l'épaisseur du motif sont insignifiantes.

Les sociétés demanderesses relèvent par ailleurs que Monsieur B ne conteste ni les droits d'auteur ni les droits sur les modèles revendiqués par la société VAN CLEEF & ARPELS qui indique lui-même dans ses écritures que les bijoux en cause présentent « des ressemblances pour le moins troublantes ».

Elles ajoutent que le défendeur ne pouvait ignorer « à l'époque les ressemblances avec les bijoux fabriqués et commercialisés par les sociétés demanderesses » en raison de la notoriété des bijoux vendus sous la marque VAN CLEEF & ARPELS et précisent au surplus que la bonne foi est inopérante en matière de contrefaçon.

Elles soutiennent que Monsieur B a commis des actes de parasitisme sur deux plans, à savoir : - la création d'un effet de gamme des bijoux ALHAMBRA par la commercialisation d'une gamme complète de bijoux (sautoirs, bracelets, pendentifs, bagues, boucles d'oreilles...) reprenant l'ensemble des caractéristiques des bijoux « Vintage A », « Magic A » et « Lucky A » correspondant aux collections mythiques de la société VAN CLEEF & ARPELS, - l'atteinte aux investissements publicitaires réalisés par la société VAN CLEEF & ARPELS France en profitant indûment de la notoriété attachée aux bijoux commercialisés par la société VAN CLEEF & ARPELS.

En réplique, dans ses dernières e-écritures du 18 octobre 2012, Monsieur Frédéric B a demandé au tribunal de :

Sur la contrefaçon : - lui donner acte de ce qu'il reconnaît les actes de contrefaçon allégués, - Dire et juger toutefois qu'il était de parfaite bonne foi lors de l'acquisition des bijoux litigieux et qu'il ignorait le caractère contrefaisant des bijoux litigieux ; En outre, - Dire et juger que les demanderesses ne justifient pas du montant de leurs demandes, - Constater en tout état de cause que le litige porte sur un montant total de 2 090,00 euros, -Constater qu'il n'a réalisé aucune marge du fait de la vente des bijoux litigieux ; En conséquence, - Rapporter à leur juste mesure les condamnations pécuniaires qui pourraient être prononcées à son encontre, tenant compte de sa bonne foi et du faible montant des sommes perçues du fait de la commercialisation des bijoux litigieux et en prenant en compte sa situation financière. Sur le parasitisme : - Dire et juger que les sociétés Van Cleef & Arpels n'établissent pas la réalité des actes de parasitisme distincts des actes de contrefaçon allégués, - Débouter les sociétés Van Cleef et Arpels de leurs demandes à cet égard, - Dire et juger que chacune des parties conserve à sa charge l'ensemble des frais et dépens exposés dans le cadre de la présente procédure.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur Frédéric B fait valoir : - qu'il ne conteste pas les faits de contrefaçon qui lui sont reprochés mais souligne toutefois que les produits Van Cleef & Arpels comportent un motif très épais en nacre ou pierres semi-précieuses serties et en or, alors que les produits qu'il commercialise sont en émail, fins (1 millimètre d'épaisseur) et en argent. En outre, il relève que le maillage de la chaîne et les motifs sont différents ; - qu'il a acquis de bonne foi 197 pièces litigieuses (bagues, bracelets, pendentifs, boucles d'oreilles et colliers), pour la somme totale de 7 928,75 dollars toutes taxes comprises, auprès de la société thaïlandaise « Craft Art & Co » au cours du salon « The 45th Bangkok Gems & Jewelry Fair » qui s'est déroulé du 26 février au 2 mars 2010 dans la ville de Bangkok en Thaïlande ; - qu'il n'avait pas connaissance lors de l'achat des bijoux litigieux des ressemblances pouvant exister avec les collections de bijoux commercialisées par les sociétés Van Cleef & Arpels ; - que parmi les 197 pièces achetées, seules 36 pièces sont aujourd'hui arguées de contrefaçon par les sociétés Van Cleef & Arpels (Réf. 20528: 5 pièces / Réf. 61756 : 8 pièces / Réf. 70575 : 10 pièces / Réf. 70576 : 1 pièce / Réf. 70577 : 8 pièces / Réf. 70656 :4 pièces) ; - que la preuve d'actes de parasitisme n'est pas rapportée dans la mesure où les demanderesses invoquent des faits identiques à ceux invoqués au titre de la contrefaçon et qu'elles ne rapportent pas la preuve de l'élément intentionnel des actes délictueux ; - enfin, il précise qu'il ignorait l'existence d'une vitrine, située non pas dans le hall de l'entrée principale mais dans une pièce située du côté de la rue Boissy d'Anglas, exposant les produits de la marque Van Cleef & Arpels au sein de l'hôtel Crillon.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 octobre 2012.

SUR QUOI :

Sur les actes de contrefaçon de droits d'auteur de la société VAN CLEEF & ARPELS par Monsieur B concernant les bijoux des collections VINTAGE ALHAMBRA, MAGIC ALHAMBRA et LUCKY ALHAMBRA :

L'article L 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle et exclusif et opposable à tous.

L'article L 113-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que la qualité d'auteur appartient sauf preuve contraire à celui ou à ceux sous le nom duquel l'œuvre est divulguée.

Une personne morale qui commercialise une œuvre sous son nom de façon non équivoque est présumée titulaire des droits d'exploitation à l'égard des tiers poursuivis en contrefaçon en l'absence de toute revendication du ou des auteurs.

Pour bénéficier de cette présomption, il lui appartient de caractériser l'œuvre sur laquelle elle revendique des droits, de justifier de la date et des modalités de la première commercialisation sous son nom et d'apporter la preuve que les caractéristiques de l'œuvre qu'elle a commencé à commercialiser à cette date sont identiques à celles qu'elle revendique.

La société VAN CLEEF & ARPELS établit bénéficier d'une présomption de titularité au titre des droits d'auteur sur les motifs « ALHAMBRA VINTAGE », « MAGIC ALHAMBRA » et « LUCKY A» laquelle n'est pas contestée au demeurant par Monsieur B. En application des articles L 122-4, L 335-2 et L 335-3 du code de la propriété intellectuelle, la société VAN CLEEF & ARPELS reproche à Monsieur B d'avoir commercialisé des bijoux au sein de l'hôtel CRILLON reproduisant les caractéristiques essentielles de la collection de bijoux « ALHAMBRA VINTAGE », « MAGIC ALHAMBRA » et « LUCKY A portant atteinte à ses droits d'auteur

Monsieur B reconnait avoir commis les actes de contrefaçon reconnaissant l'originalité des bijoux qu'il a commercialisés.

Il invoque sa bonne foi mais celle-ci est inopérante en matière de contrefaçon.

La société VAN CLEEF & ARPELS est donc bien fondée à demander la réparation du préjudice subi au titre des actes en contrefaçon de ses droits d'auteur commis par Monsieur B concernant les bijoux des collections « ALHAMBRA VINTAGE », « MAGIC ALHAMBRA » et « LUCKY A ».

Sur les actes de contrefaçon des droits de la société VAN CLEEF & ARPELS par Monsieur B concernant le dépôt de modèle international n° 067922 en date du 14 juin 2006 portant sur les bijoux de la collection «MAGIC ALHAMBRA» et «LUCKY A:

La société VAN CLEEF & ARPELS établit être titulaire du dessin et modèle international n° 067922 déposé le 14 juin 2006 portant sur les bijoux de la collection «MAGIC ALHAMBRA» et «LUCKY A dont les caractères propres et nouveau ne sont pas contestés par Monsieur B qui reconnait avoir commis des actes de contrefaçon du modèle international n° 067922 qu'il a reproduit de façon servile.

La société VAN CLEEF & ARPELS est donc bien fondée à demander la réparation du préjudice subi au titre des actes en contrefaçon de ses droits sur le dessin et modèle international n°067922 commis par Monsieur B concernant les bijoux des collections « MAGIC ALHAMBRA » et « LUCKY A ».

Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire :

La société VAN CLEEF & ARPELS France qui commercialise en France les bijoux vendus sous la marque Van Cleef & Arpels reproche à Monsieur B des actes de parasitisme, soutenant que celui-ci s'était inscrit dans son sillage en ayant repris la gamme complète de la collection des bijoux ALHAMBRA et profité de ses investissements publicitaires importants.

Monsieur B estime que les actes de parasitisme qui lui sont reprochés par la société VAN CLEEF & ARPELS France ne sont pas distincts de ceux de la contrefaçon. II fait valoir qu'il ne savait pas que les sociétés VAN CLEEF & AREPELS exposaient également au sein de l'hôtel CRILLON et disposaient d'une vitrine différente de la boutique où ses bijoux étaient proposés à la vente.


Sur ce:


Le parasitisme est caractérisé dès lors qu'une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements.

En l'espèce, si Monsieur B qui gère un fonds de commerce de bijoux fantaisie depuis 1993 ne peut être considéré comme en situation de concurrence avec la société VAN CLEEFS & ARPELS France, il est dans une situation de parasitisme s'inscrivant dans le sillage de la société VAN CLEEF & ARPELS.

En effet, il vend les produits contrefaisants profitant de la notoriété de la société VAN CLEEF & ARPELS France, en reprenant un effet de gamme en déclinant les bijoux de la collection reproduite ALHAMBRA sous la forme de colliers, pendentifs, bracelets et boucles d'oreilles, en vendant dans les mêmes lieux, en l'espèce l'hôtel CRILLON, et en s'adressant à la même clientèle.

Monsieur B ne peut prétendre de façon sérieuse ne pas avoir su que les bijoux VAN CLEEF & ARPELS étaient vendus à l'hôtel CRILLON étant dans le commerce de bijoux fantaisie depuis 1993 et étant à même du fait de son expérience professionnelle dans ce secteur de connaître le marché et les lieux d'exposition.

En conséquence, la société VAN CLEEFS & ARPELS France qui démontre consacrer d'importants investissements publicitaires à la promotion de ses bijoux établit les actes de parasitisme commis par Monsieur B qui s'est inscrit dans son sillage pour profiter de sa notoriété.

Sur la réparation du préjudice subi :

L'article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que : «Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits et le préjudice moral causé au titulaire des droits du fait de l'atteinte ».

L'article L 521-7 du code de la propriété intellectuelle dispose que : «Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, les bénéfices réalisés par le contrefacteur et le préjudice moral causé au titulaire du droit du fait de l'atteinte ».

II ressort de la facture en date du 31.10.2011 adressée par l'hôtel CRILLON à Monsieur B et du procès-verbal de saisie-contrefaçon établi le 17.11.2011 dans les locaux de l'hôtel CRILLON qu'ont été proposés à la vente les bijoux contrefaisants contre le versement de la somme de 2090 euros de sorte que le préjudice subi au titre des bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits est de 2090 euros.

Monsieur B est donc condamné à verser à la société VAN CKEEF & ARPELS la somme de 2090 euros en réparation du préjudice subi au titre des actes de contrefaçon.

Pour réparer l'atteinte portée à l'image de la société VAN CLEEF & ARPELS France du fait de la vente de bijoux contrefaisants de piètre qualité dans les mêmes lieux et proposés à la même clientèle, Monsieur B est condamné à verser la somme de 15000 euros à titre de dommages et intérêts.

Il convient d'ordonner la mesure accessoire d'interdiction en tant que de besoin, de restitution du stock des bijoux contrefaisants à la société VAN CLEEF & ARPELS, Monsieur B s'engageant à remettre aux sociétés VAN CLEEF & ARPELS l'intégralité du stock portant sur 28 bijoux litigieux et ce suivant les modalités telles que prévues au dispositif.

La mesure de publication du présent jugement n'est pas nécessaire, le préjudice étant suffisamment réparé par l'octroi des sommes allouées au titre des dommages et intérêts.

Sur les autres demandes :

Les conditions sont réunies pour condamner Monsieur B à verser aux sociétés VAN CLEEF & ARPELS et la société VAN CLEEF & ARPELS France la somme globale de 4000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux frais de constat d'huissier et de saisies-contrefaçons lesquels ne peuvent être inclus dans les dépens ne s'agissant pas de frais de procédure.

L'exécution provisoire de la présente décision est ordonnée.

Monsieur B est condamné aux dépens avec distraction au profit de Maître Fauchoux de la SCP DEPREZ-GUINOT en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

: Statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et rendu par remise au greffe au jour du délibéré,

-Dit que Monsieur Frédéric B en commercialisant en France les colliers, pendentifs, bracelets et boucles d'oreilles reproduisant les caractéristiques originales des bijoux des collections VINTAGE ALHAMBRA, LUCKY ALHAMBRA et MAGIC ALHAMBRA de la société VAN CLEEF & ARPELS SA, s'est rendu coupable d'actes de contrefaçon de droits d'auteur ;

-Dit que Monsieur Frédéric B en commercialisant en France les colliers, pendentifs, bracelets et boucles d'oreilles qui imitent les modèles LUCKY ALHAMBRA el MAGIC ALHAMBRA de la société VAN CLEEF & ARPELS SA s'est rendu coupable d'actes de contrefaçon du modèle international n° 067922 déposé le 14 juin 2006.

-Dit que Monsieur Frédéric B s'est rendu coupable d'actes de concurrence parasitaire au préjudice de la société VAN CLEEF & ARPELS FRANCE.

En conséquence :

-Ordonne à Monsieur Frédéric B l'arrêt immédiat de la fabrication, la commercialisation et la promotion des colliers, pendentifs, bracelets et boucles d'oreilles constituant des contrefaçons des bijoux des collections VINTAGE ALHAMBRA, LUCKY ALHAMBRA et MAGIC ALHAMBRA appartenant à la société VAN CLEEF & ARPELS SA en tant que de besoin.

-Ordonne la restitution de l'intégralité du stock par Monsieur B aux sociétés VAN CLEEF & ARPELS,

-Condamne Monsieur Frédéric B à payer à la société VAN CLEEF & ARPELS la somme de 2090 euros en réparation du préjudice subi au titre des actes de contrefaçon de droits d'auteur el de modèles.

-Condamne Monsieur Frédéric B à payer à la société VAN CLEEF & ARPELS France la somme de quinze mille euros (15.000euros) en réparation du préjudice causé au titre des actes de concurrence parasitaire.

-Rejette la demande de publication du présent jugement.

-Condamne Monsieur Frédéric B aux sociétés VAN CLEEF & ARPELS SA et VAN CLEEF & ARPELS FRANCE la somme globale de de quatre mille euros (4.000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les frais de constat d'huissier et de saisie contrefaçon,

-Ordonne l'exécution provisoire du jugement, -Condamne Monsieur Frédéric B aux dépens avec distraction au profit de la SCP DEPREZ GUIGNOT et Associés.