Vu leur connexité, joint les pourvois n° T 10-22.964 à R 10-22.985 et A 10-22.994 ;
Sur les deux moyens
réunis :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Caen, 18 juin 2010) que la société Mécanique industrie chimie (MIC) qui produisait des appareils de manutention manuelle dans son usine d'Argentan et avait à Rungis un service administratif et commercial, est devenue en 1974 une filiale de la société Jungheinrich Finance Holding (JFH), qui contrôlait également la société Jungheinrich France, distribuant en France les produits du groupe de même nom, et qui était elle-même contrôlée par la société de droit allemand Jungheinrich AG, à travers la société Jungheinrich Beteilgungs ; qu'en octobre 2002, la société MIC a cédé à la société Jungheinrich France, l'ensemble des services implantés à Rungis, le personnel qui y était attaché passant alors sous la direction du cessionnaire ; qu'un jugement rendu le 1er avril 2003 par le tribunal de grande instance de Créteil ayant retenu que les conditions d'application de l'article
L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas remplies, la société MIC a proposé aux salariés rattachés au siège de Rungis d'accepter un changement volontaire d'employeur ; que des salariés ayant refusé cette modification sont restés au service de la société MIC qui a continué à payer leurs salaires sans leur fournir de travail ; qu'en 2004, après avoir conclu un accord de méthode portant sur le plan de sauvegarde de l'emploi, la société MIC a licencié la totalité de son personnel employé à Argentan et à Rungis, pour motif économique ; que des salariés de l'établissement d'Argentan ont contesté la rupture de leurs contrats et demandé paiement d'indemnités en dirigeant leurs demandes à la fois contre la société MIC, ensuite placée en liquidation judiciaire le 14 décembre 2005, et contre la société Jungheinrich AG, en tant que co-employeur ;
Attendu que la société Jungheinrich AG fait grief a
ux arrêts d'avoir rejeté l'exception d'incompétence qu'elle opposait et d'avoir retenu sa qualité de coemployeur, alors, selon le moyen :
1°/ que les règles spéciales de compétence prévues par le règlement n° 44/2001 en faveur des travailleurs salariés ne s'appliquent que dans le cas où se trouve établie l'existence d'une relation de travail subordonnée ; qu'en affirmant que les salariés pouvaient se prévaloir de l'article 19 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 et attraire ainsi la société Jungheinrich AG devant le tribunal du lieu d'exécution du contrat de travail du simple fait qu'ils considéraient celle-ci comme leur employeur, la cour d'appel a violé l'article 19 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
2°/ que seul constitue un employeur, au sens de l'article 19 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, la personne en faveur et sous la direction de laquelle le travailleur accomplit pendant un certain temps une prestation de travail en contrepartie de laquelle il touche une rémunération ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a retenu la qualité d'employeur de la société Jungheinrich AG au seul regard des rapports qu'entretenaient entre elles les sociétés MIC et Jungheinrich AG, a derechef violé l'article 19 du règlement 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ; qu'en statuant de la sorte quand elle avait par ailleurs constaté que la société Jungheinrich AG n'avait ni recruté, ni payé, ni dirigé les salariés, ce dont il résultait l'absence de toute relation de travail salariée, la cour d'appel a, une fois de plus, violé l'article 19 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
3°/ que les règles de compétence édictées par le règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 doivent être appliquées sur la base de critères uniformes qu'il incombe à la seule Cour de justice de l'Union européenne de définir ; que le point de savoir si et à quelles conditions la société holding d'un groupe international de sociétés, qui a son siège social sur le territoire d'un des Etats membres de l'Union européenne, peut, en raison des rapports qu'elle entretient avec ses filiales établies sur le territoire d'autres Etats membres, être considérée comme un "employeur" au sens de l'article 19 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 et ce, alors qu'elle n'a ni recruté, ni payé, ni dirigé les salariés avec lesquels elle n'a jamais eu aucun rapport direct, pose une question d'interprétation du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 que la Cour de cassation est tenue de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du Traité UE ;
4°/ qu'en vertu du principe dit de l'autonomie des personnes morales et sauf en cas de confusion de patrimoine ou de caractère fictif de la filiale, une société mère demeure une entité juridiquement distincte à l'encontre de laquelle les créanciers de ses filiales ou des sociétés qui sont sous son contrôle, ne peuvent prétendre disposer d'un droit de créance ; que le simple fait, pour la société "holding" d'un groupe international de sociétés, de posséder la presque totalité du capital des sociétés du groupe soit directement, soit indirectement par l'intermédiaire d'autres sociétés appartenant elles aussi au même groupe, d'exercer sur celles-ci et leur activité un certain contrôlé lié à sa qualité d'actionnaire majoritaire et de prendre, toujours en sa qualité de principale actionnaire et de société dominante du groupe, des décisions qui, relatives à la stratégie du groupe dans son ensemble, sont susceptibles de produire certaines conséquences sur les contrats de travail conclus par sa filiale, ne saurait être en soi de nature à lui conférer la qualité d'employeur des salariés de cette dernière ;
qu'en décidant
l'inverse, la cour d'appel a violé l'article
L. 1221-1 du code du travail, ensemble le principe dit de l'autonomie des personnes morales et l'article
1165 du code civil ;
5°/ que quels que soient les rapports qu'entretiennent deux sociétés entre elles, l'une ne peut être déclarée co-employeur des salariés de l'autre dès lors qu'elle n'a jamais eu aucun lien, de quelque nature que ce soit, avec ces derniers ; qu'en déduisant la qualité de co-employeur de la société Jungheinrich AG des seuls liens existant entre celle-ci et la société MIC quand elle avait constaté que la société Jungheinrich AG n'avait ni recruté, ni payé, ni exercé le moindre pouvoir de direction à l'encontre des salariés de la société MIC, la cour d'appel a violé l'article
L. 1221-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 19 du règlement n° 44/2001/CE du Conseil du 22 décembre 2000 que l'employeur ayant son domicile dans le territoire d'un Etat membre peut être attrait dans un autre Etat membre, notamment devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ; que selon l'interprétation faite par la Cour de justice des Communautés européennes des dispositions de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, qui est transposable pour l'application de l'article 19 du règlement n° 44/2001/CE, l'employeur est défini comme la personne pour le compte de laquelle le travailleur accomplit pendant un certain temps, en sa faveur et sous sa direction, des prestations en contrepartie desquelles elle verse une rémunération ;
Et attendu que, par motifs propres et adoptés, la cour d'appel a constaté qu'il existait entre les sociétés composant le groupe Jungheinrich une unité de direction sous la conduite de la société Jungheinrich AG, que les décisions prises par cette dernière avaient privé la société MIC de toute autonomie industrielle, commerciale et administrative, au seul profit de la société mère du groupe, que celle-ci avait repris tous les brevets, marques et modèles de la société MIC et bénéficié de licences d'exploitation, que les choix stratégiques et de gestion de la société d'Argentan étaient décidés par la société Jungheinrich AG, laquelle assurait également la gestion des ressources humaines de la filiale et avait imposé la cessation d'activité, en organisant le licenciement des salariés et en attribuant elle-même une prime aux salariés de la société MIC ; que le dirigeant de la société MIC ne disposait plus d'aucun pouvoir effectif et était entièrement soumis aux instructions et directives de la direction du groupe, au seul profit de celui-ci ; qu'elle a pu en déduire qu'il existait ainsi, entre la société MIC et la société Jungheinrich une confusion d'activités, d'intérêts et de direction conduisant cette dernière à s'immiscer directement dans la gestion de la société MIC et dans la direction de son personnel ;
Qu'il s'ensuit, sans qu'il soit nécessaire de poser une question préjudicielle, que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE les pourvois ;
Condamne la société Jungheinrich AG aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente novembre deux mille onze
MOYENS ANNEXES
au présent arrêt
Moyens produits aux pourvois par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils pour la société Jungheinrich AG.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
II est fait grief aux arrêts attaqués d'AVOIR rejeté l'exception d'incompétence formulée par la société JUNGHEINRICH AG ;
AUX MOTIFS QUE la société JUNGHEINRICH AG soutient que le Landgericht de Hambourg, tribunal du lieu de son siège social serait seul compétent pour connaître du litige s'agissant d'une contestation relative aux sociétés commerciales ; que tel n'est toutefois pas le cas, qu'en effet, le salarié a attrait la société JUNGHEINRICH AG devant le conseil de prud'hommes d'Argentan en considérant cette société comme son employeur; qu'il résulte de l'article 19 du règlement (CE) n°44/2001 du 22 décembre 2000 que l'employeur ayant son domicile dans le territoire d'un état membre peut être attrait dans un autre état membre, notamment devant le tribunal du lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail ; que le conseil de prud'hommes d'Argentan, tribunal du lieu habituel de travail du salarié était donc compétent pour connaître du litige, comme l'est la cour d'appel de Caen en qualité de juridiction du second degré de ce conseil de prud'hommes ; que si l'existence de ce contrat de travail n'est pas établie, le salarié sera débouté et non renvoyé à mieux se pourvoir comme le soutient la société JUNGHEINRICH AG ; que l'exception d'incompétence sera donc rejetée ;
ET AUX MOTIFS ENCORE QU'il est constant que la société Jungheinrich AG n'a ni recruté ni directement payé ou dirigé le salarié ; que toutefois, cette seule constatation ne saurait permettre d'exclure sa qualité d'employeur puisqu'est également employeur une société dont les intérêts, les activités et la direction sont confondus avec ceux de l'employeur de droit, signataire du contrat de travail et exerçant au quotidien un pouvoir de direction sur le salarié ; qu'en l'espèce, le conseil d'administration de la SA MIC était composé, au cours de l'exercice clos au 31/12/03, d'une seule personne, M. Y..., administrateur et directeur général, n'ayant pas de mandat au sein d'une autre société du groupe Jungheinrich ; que les autres membres du conseil d'administration avaient toutes une autre mandat : M. Z..., président du conseil d'administration de la SA MIC était également membre du directoire de la société Jungheinrich AG et gérant de la société allemande Jungheinrich Beteiligungs (société détenant les actions de la SAS Jungheinrich Finances Holding et elle-même entièrement détenue par la société Jungheinrich AG) outre des fonctions notamment de président du conseil de surveillance d'une autre société Jungheinrich, M. A... administrateur de la SA MIC était également fondé de pouvoir de la société Jungheinrich AG et de la société Jungheinrich Beteiligungs outre des fonctions de direction dans quatre autres sociétés du groupe Jungheinrich, M. B..., administrateur de la SA MIC était également président de Jungheinrich France et de Jungheinrich MIC Commercial et Mme C... administratrice de la SA MIC était également présidente de Jungheinrich Finances Holding et directrice générale de Jungheinrich France. Cette dernière avait d'ailleurs été spécialement détachée auprès de la SA MIC pour superviser les aspects financiers, informatiques, de personnel et de contrôle de gestion ce qui l'amenait à diriger, de fait, la SA MIC pour le compte du groupe Jungheinrich ; que la composition du conseil d'administration démontre une confusion partielle entre les dirigeants de la SA MIC et ceux de la société Jungheinrich AG son actionnaire final et une mise sous tutelle de la SA MIC par la nomination d'une administratrice exerçant la présidence de la société mère de la SA MIC chargée de sa supervision ; que la SA MIC n'était plus au moment de sa cessation d'activité qu'un site industriel non autonome limité à la production d'un seul produit le transpalette manuel après avoir le 28/12/99 cédé son activité concernant les hayons élévateurs, conclu le 28/12/01 une convention d'intégration fiscale avec sa société mère la SAS Jungheinrich Finances Holding, cédé en octobre 2002: son activité commerciale, administrative et après-vente à sa société soeur la Jungheinrich France, son activité de pièces de rechange à la société Jungheinrich AG, cédé en décembre 2002 ses marques, brevets et modèles à la société Jungheinrich AG ; que cette cession a été suivie en janvier 2003 d'un contrat de licence de marque concernant le transpalette manuel : que le cabinet d'expertise comptable Leclair mandaté pour informer le comité d'entreprise- précise que cette licence n'étant pas exclusive, la société Jungheinrich AG pouvait faire fabriquer ce produit ailleurs, elle pouvait imposer des fournisseurs et résilier ce contrat de manière anticipée en cas de "détérioration substantielle" sur le marché de ce transpalette ; que ce cabinet précise que le transpalette manuel, en concurrence avec des produits fabriqués dans des pays à coût de production moindre, n'est concurrentiel que s'il est vendu en quantité suffisante. Le nombre de ces ventes dépend des efforts déployés par des équipes commerciales ; que ces équipes ne sont plus celles de la SA MIC mais celles de Jungheinrich France qui commercialise l'intégralité des produits Jungheinrich et non pas seulement le transpalette manuel ; qu'en janvier 2003, la SA MIC fabrique un produit sous licence de la société Jungheinrich AG. Cette licence ne laisse pas de liberté à la SA MC ne lui accorde pas de garantie et la rentabilité de cette production dépend d'une activité commerciale que la SA MIC ne maîtrise pas : que pour y assurer un certain niveau d'activité, la société Jungheinrich AG a transféré sur le site d'Argentan la production de deux autres produits (Swift et Junior). Ce transfert non contractualisé dépend du seul bon vouloir de la société Jungheinrich AG, il peut y être mis fin à tout moment alors même que ces deux produits ont représenté en 2003 50% du chiffre d'affaires de la SA MIC; que cette situation est résumée par la remarque faite par M. Y... "Nous sommes aujourd'hui sous perfusion d'Hambourg" faite lors du comité d'entreprise extraordinaire du 7/11/03 ; qu'il existe donc une confusion des activités et des moyens d'action entre la S A MIC société réduite à une usine, ne possédant ni marque ni brevet travaillant sous licence, dépourvue de services administratif, commercial et après-vente et le groupe Jungheinrich -particulièrement la société Jungheinrich AG, son actionnaire final -, assurant à cette usine son infrastructure et décidant directement, (par des transferts d'activité) ou indirectement (par sa politique commerciale) de sa production ; que les cessions ci-dessus évoquées ont été décidées par "le groupe" ; qu'ainsi, c'est dans le cadre d'une stratégie commerciale globale qu'il a été décidé que, dans chaque pays, une société et une seule commercialiserait l'intégralité des produits du groupe. C'est pourquoi le secteur commercial de la SA MIC a été cédé à Jungheinrich France devenue la filiale commerciale française de Jungheinrich sans égard pour l'intérêt que cette cession pouvait ou non présenter pour la SA MIC ; qu'outre ces choix stratégiques pour la SA MIC décidés au niveau du groupe et plus particulièrement par la société Jungheinrich AG société mère du groupe, des décisions capitales en matière de ressources humaines ont été prises par la société Jungheinrich AG ; qu'ainsi, l'assemblée générale de la SA MIC a approuvé la cessation d'activité de la société qui entraînait le licenciement de 360 salariés après avoir pris connaissance du rapport du conseil d'administration "prenant acte de la décision du conseil de surveillance de l'actionnaire ultime de la société, la société Jungheinrich AG qui, réuni le 12/12/03, a approuvé la demande de son directoire de cessation de l'activité de la SA MIC... " ; que la direction de la SA MIC a annoncé lors du comité extraordinaire d'établissement du 9/1/04 le paiement d'une prime de productivité en précisant "ce principe a été accepté par le direction hambourgeoise" ; qu'enfin le plan social a entièrement été financé par la société Jungheinrich AG ; que ces décisions ont été mises en oeuvre par un salarié émanant du groupe; qu'en effet, M. D..., directeur des ressources humaines, qui, à ce titre, a notamment co-signé la lettre de licenciement bénéficiait certes d'un contrat de travail avec la SA MIC mais avec une "clause de retour chez Jungheinrich" (voir PV du CE extraordinaire du 9/12/03) ; qu'il a, outre ces fonctions salariées, été nommé à compter du 11/2/05 directeur général délégué avec les mêmes pouvoirs que ceux de M. Y... -seul membre du conseil d'administration n'ayant pas de mandats dans une autre société du groupe-, pour exécuter le plan social ; qu'enfin Mme C..., administratrice a été détachée comme exposé ci-dessus auprès de la SA MIC notamment pour superviser les ressources humaines de la SA MIC; que les choix stratégiques ayant directement pesé sur l'avenir de la SA MIC et ayant des conséquences sur l'emploi ont été pris par l'actionnaire final, la société Jungheinrich AG ; que des décisions concrètes en matière de gestion des salariés ont aussi été prises avec son accord exprès, la gestion des ressources humaines a été mise en oeuvre par un salarié supervisé par une administratrice détachés par le groupe chez la SA MIC, les engagements du PSE ont entièrement été financés par la société Jungheinrich AG ; que dès lors, si M. Y... a présidé des séances de conseil d'administration, mené des discussions avec les salariés, signé des contrats de cession d'actifs ou déclaré la cessation de paiement de la société, il demeure que les décisions engageant la société et l'emploi des salariés ont été prises par la société Jungheinrich AG privant ainsi le dirigeant des prérogatives essentielles d'un employeur et le cantonnant à l'exécution de mesures décidées par ce qu'il appelle lui-même la direction hambourgeoise et surveillées par celle-ci ; que le capital de la SA MIC est détenu par la société Jungheinrich AG à plus de 99% via la SAS Jungheinrich Finances Holding et Jungheinrich Beteiligungs Gmbh, chacune possédant au moins 99% des actions de sa filiale et détenue à au moins 99% par sa société mère; les sociétés MIC et Jungheinrich AG constituent en outre un ensemble uni par la confusion de leurs intérêts, de leurs dirigeants de leurs activités et de leurs moyens d'exploitation, dès lors elles sont toutes deux co-employeurs du salarié ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les règles spéciales de compétence prévues par le règlement n°44/2001 en faveur des travailleurs salariés ne s'appliquent que dans le cas où se trouve établie l'existence d'une relation de travail subordonnée ; qu'en affirmant que les salariés pouvaient se prévaloir de l'article 19 du règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000 et attraire ainsi la société JUNGHEINRICH AG devant le tribunal du lieu d'exécution du contrat de travail du simple fait qu'ils considéraient celle-ci comme leur employeur, la Cour d'appel a violé l'article 19 du règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE seul constitue un employeur, au sens de l'article 19 du règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000, la personne en faveur et sous la direction de laquelle le travailleur accomplit pendant un certain temps une prestation de travail en contrepartie de laquelle il touche une rémunération ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, qui a retenu la qualité d'employeur de la société JUNGHEINRICH AG au seul regard des rapports qu'entretenaient entre elles les sociétés MIC et JUNGHEINRICH AG, a derechef violé l'article 19 du règlement 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'en statuant de la sorte quand elle avait par ailleurs constaté que la société JUNGHEINRICH AG n'avait ni recruté, ni payé, ni dirigé les salariés, ce dont il résultait l'absence de toute relation de travail salariée, la Cour d'appel a, une fois de plus, violé l'article 19 du règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
ALORS, ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE les règles de compétence édictées par le règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000 doivent être appliquées sur la base de critères uniformes qu'il incombe à la seule Cour de justice de l'Union européenne de définir ; que le point de savoir si et à quelles conditions la société holding d'un groupe international de sociétés, qui a son siège social sur le territoire d'un des Etats membres de l'Union européenne, peut, en raison des rapports qu'elle entretient avec ses filiales établies sur le territoire d'autres Etats-membres, être considérée comme un «employeur» au sens de l'article 19 du règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000 et ce, alors qu'elle n'a ni recruté, ni payé, ni dirigé les salariés avec lesquels elle n'a jamais eu aucun rapport direct, pose une question d'interprétation du règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000 que la Cour de cassation est tenue de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne en application de l'article 267 du Traité UE.
SECOND MOYEN DE CASSATION
II est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société JUNGHEINRICH AG était le co-employeur des salariés de la société MIC ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que la société Jungheinrich AG n'a ni recruté ni directement payé ou dirigé le salarié ; que toutefois, cette seule constatation ne saurait permettre d'exclure sa qualité d'employeur puisqu'est également employeur une société dont les intérêts, les activités et la direction sont confondus avec ceux de l'employeur de droit, signataire du contrat de travail et exerçant au quotidien un pouvoir de direction sur le salarié ; qu'en l'espèce, le conseil d'administration de la SA MIC était composé, au cours de l'exercice clos au 31/12/03, d'une seule personne, M. Y..., administrateur et directeur général, n'ayant pas de mandat au sein d'une autre société du groupe Jungheinrich ; que les autres membres du conseil d'administration avaient tous un autre mandat : M. Z..., président du conseil d'administration de la SA MIC était également membre du directoire de la société Jungheinrich AG et gérant de la société allemande Jungheinrich Beteiligungs (société détenant les actions de la SAS Jungheinrich Finances Holding et elle-même entièrement détenue par la société Jungheinrich AG) outre des fonctions notamment de président du conseil de surveillance d'une autre société Jungheinrich, M. A... administrateur de la SA MIC était également fondé de pouvoir de la société Jungheinrich AG et de la société Jungheinrich Beteiligungs outre des fonctions de direction dans quatre autres sociétés du groupe Jungheinrich, M. B..., administrateur de la SA MIC était également président de Jungheinrich France et de Jungheinrich MIC Commercial et Mme C... administratrice de la SA MIC était également présidente de Jungheinrich Finances Holding et directrice générale de Jungheinrich France. Cette dernière avait d'ailleurs été spécialement détachée auprès de la SA MIC pour superviser les aspects financiers, informatiques, de personnel et de contrôle de gestion ce qui l'amenait à diriger, de fait, la SA MIC pour le compte du groupe Jungheinrich ; que la composition du conseil d'administration démontre une confusion partielle entre les dirigeants de la SA MIC et ceux de la société Jungheinrich AG son actionnaire final et une mise sous tutelle de la SA MIC par la nomination d'une administratrice exerçant la présidence de la société mère de la SA MIC chargée de sa supervision ; que la SA MIC n'était plus au moment de sa cessation d'activité qu'un site industriel non autonome limité à la production d'un seul produit le transpalette manuel après avoir le 28/12/99 cédé son activité concernant les hayons élévateurs, conclu le 28/12/01 une convention d'intégration fiscale avec sa société mère la SAS Jungheinrich Finances Holding, cédé en octobre 2002: son activité commerciale, administrative et après-vente à sa société soeur la Jungheinrich France, son activité de pièces de rechange à la société Jungheinrich AG, cédé en décembre 2002 ses marques, brevets et modèles à la société Jungheinrich AG ; que cette cession a été suivie en janvier 2003 d'un contrat de licence de marque concernant le transpalette manuel : que le cabinet d'expertise comptable Leclair mandaté pour informer le comité d'entreprise- précise que cette licence n'étant pas exclusive, la société Jungheinrich AG pouvait faire fabriquer ce produit ailleurs, elle pouvait imposer des fournisseurs et résilier ce contrat de manière anticipée en cas de "détérioration substantielle" sur le marché de ce transpalette ; que ce cabinet précise que le transpalette manuel, en concurrence avec des produits fabriqués dans des pays à coût de production moindre, n'est concurrentiel que s'il est vendu en quantité suffisante. Le nombre de ces ventes dépend des efforts déployés par des équipes commerciales; que ces équipes ne sont plus celles de la SA MIC mais celles de Jungheinrich France qui commercialise l'intégralité des produits Jungheinrich et non pas seulement le transpalette manuel ; qu'en janvier 2003, la SA MIC fabrique un produit sous licence de la société Jungheinrich AG. Cette licence ne laisse pas de liberté à la SA MC ne lui accorde pas de garantie et la rentabilité de cette production dépend d'une activité commerciale que la SA MIC ne maîtrise pas : que pour y assurer un certain niveau d'activité, la société Jungheinrich AG a transféré sur le site d'Argentan la production de deux autres produits (Swift et Junior). Ce transfert non contractualisé dépend du seul bon vouloir de la société Jungheinrich AG, il peut y être mis fin à tout moment alors même que ces deux produits ont représenté en 2003 50% du chiffre d'affaires de la SA MIC; que cette situation est résumée par la remarque faite par M. Y... "Nous sommes aujourd'hui sous perfusion d'Hambourg" faite lors du comité d'entreprise extraordinaire du 7/11/03 ; qu'il existe donc une confusion des activités et des moyens d'action entre la S A MIC société réduite à une usine, ne possédant ni marque ni brevet travaillant sous licence, dépourvue de services administratif, commercial et après-vente et le groupe Jungheinrich - particulièrement la société Jungheinrich AG, son actionnaire final-, assurant à cette usine son infrastructure et décidant directement, (par des transferts d'activité) ou indirectement (par sa politique commerciale) de sa production ; que les cessions ci-dessus évoquées ont été décidées par "le groupe" ; qu'ainsi, c'est dans le cadre d'une stratégie commerciale globale qu'il a été décidé que, dans chaque pays, une société et une seule commercialiserait l'intégralité des produits du groupe. C'est pourquoi le secteur commercial de la SA MIC a été cédé à Jungheinrich France devenue la filiale commerciale française de Jungheinrich sans égard pour l'intérêt que cette cession pouvait ou non présenter pour la SA MIC ; qu'outre ces choix stratégiques pour la SA MIC décidés au niveau du groupe et plus particulièrement par la société Jungheinrich AG société mère du groupe, des décisions capitales en matière de ressources humaines ont été prises par la société Jungheinrich AG ; qu'ainsi, l'assemblée générale de la SA MIC a approuvé la cessation d'activité de la société qui entraînait le licenciement de 360 salariés après avoir pris connaissance du rapport du conseil d'administration "prenant acte de la décision du conseil de surveillance de l'actionnaire ultime de la société, la société Jungheinrich AG qui, réuni le 12/12/03, a approuvé la demande de son directoire de cessation de l'activité de la SA MIC... " ; que la direction de la SA MIC a annoncé lors du comité extraordinaire d'établissement du 9/1/04 le paiement d'une prime de productivité en précisait "ce principe a été accepté par le direction hambourgeoise" ; qu'enfin le plan social a entièrement été financé par la société Jungheinrich AG ; que ces décisions ont été mises en oeuvre par un salarié émanant du groupe ; qu'en effet, M. D..., directeur des ressources humaines, qui, à ce titre, a notamment co- signé la lettre de licenciement bénéficiait certes d'un contrat de travail avec la SA MIC mais avec une "clause de retour chez Jungheinrich" (voir PV du CE extraordinaire du S/12/03) ; qu'il a, outre ces fonctions salariées, été nommé à compter du 11/2/05 directeur général délégué avec mêmes pouvoirs que ceux de M. Y... -seul membre du conseil d'administration n'ayant pas de mandats dans une autre société du groupe-, pour exécuter le plan social ; qu'enfin Mme C..., administratrice a été détachée comme exposé ci-dessus auprès de la SA MIC notamment pour superviser les ressources humaines de la SA MIC; que les choix stratégiques ayant directement pesé sur l'avenir de la SA MIC et ayant des conséquences sur l'emploi ont été pris par l'actionnaire final, la société Jungheinrich AG ; que des décisions concrètes en matière de gestion des salariés ont aussi été prises avec son accord exprès, la gestion des ressources humaines a été mise en oeuvre par un salarié et supervisé par une administratrice détachés par le groupe chez la SA MIC, les engagements du FSE ont entièrement été financés par la société Jungheinrich AG. ; que dès lors, si M. Y... a présidé des séances de conseil d'administration, mené des discussions avec les salariés, signé des contrats de cession d'actifs ou déclaré la cessation de paiement de la société, il demeure que les décisions engageant la société et l'emploi des salariés ont été prises par la société Jungheinrich AG privant ainsi le dirigeant des prérogatives essentielles d'un employeur et le cantonnant à l'exécution de mesures décidées par ce qu'il appelle lui-même la direction hambourgeoise et surveillées par celle-ci ; que le capital de la SA MIC est détenu par la société Jungheinrich AG à plus de 99% via la SAS Jungheinrich Finances Holding et Jungheinrich Beteiligungs Gmbh, chacune possédant au moins 99% des actions de sa filiale et détenue à au moins 99% par sa société mère; les sociétés MIC et Jungheinrich AG constituent en outre un ensemble uni par la confusion de leurs intérêts, de leurs dirigeants de leurs activités et de leurs moyens d'exploitation, dès lors elles sont toutes deux co-employeurs du salarié ;
ALORS, D'UNE PART, QU'en vertu du principe dit de l'autonomie des personnes morales et sauf en cas de confusion de patrimoine ou de caractère fictif de la filiale, une société mère demeure une entité juridiquement distincte à l'encontre de laquelle les créanciers de ses filiales ou des sociétés qui sont sous son contrôle, ne peuvent prétendre disposer d'un droit de créance ; que le simple fait, pour la société « holding » d'un groupe international de sociétés, de posséder la presque totalité du capital des sociétés du groupe soit directement, soit indirectement par l'intermédiaire d'autres sociétés appartenant elles aussi au même groupe, d'exercer sur celles-ci et leur activité un certain contrôlé lié à sa qualité d'actionnaire majoritaire et de prendre, toujours en sa qualité de principale actionnaire et de société dominante du groupe, des décisions qui, relatives à la stratégie du groupe dans son ensemble, sont susceptibles de produire certaines conséquences sur les contrats de travail conclus par sa filiale, ne saurait être en soi de nature à lui conférer la qualité d'employeur des salariés de cette dernière ; qu'en décidant l'inverse, la Cour d'appel a violé l'article
L 1221-1 du Code du travail, ensemble le principe dit de l'autonomie des personnes morales et l'article
1165 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE quels que soient les rapports qu'entretiennent deux sociétés entre elles, l'une ne peut être déclarée co-employeur des salariés de l'autre dès lors qu'elle n'a jamais eu aucun lien, de quelque nature que ce soit, avec ces derniers ; qu'en déduisant la qualité de co-employeur de la société JUNGHEINRICH AG des seuls liens existant entre celle-ci et la société MIC quand elle avait constaté que la société JUNGHEINRICH AG n'avait ni recruté, ni payé, ni exercé le moindre pouvoir de direction à l'encontre des salariés de la société MIC, la Cour d'appel a violé l'article
L. 1221-1 du Code du travail.