Vu la requête
, enregistrée le 13 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DU SITE DU MONT-BLANC, dont le siège est Maison de la Montagne, place de l'Eglise à Chamonix (74400), M. Eric X, demeurant ..., l'ASSOCIATION GREENPEACE FRANCE, dont le siège est 22, rue des Rasselins à Paris (75020) ; l'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DU SITE DU MONT-BLANC et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé plus de deux mois par le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur la demande qu'ils lui ont adressé le 9 mars 2001, réitérée le 5 avril 2001 et tendant à diverses modifications de l'acte de concession du 7 juillet 1959 relatif au tunnel du Mont-Blanc et de son cahier des charges ;
2°) d'enjoindre à l'Etat : 1° de se conformer dans le délai de deux mois, en application de l'article 55 de la Constitution, à l'article 7 de la convention franco-italienne du 14 mars 1953 en ce qu'elle prescrit la constitution d'une société anonyme de plein exercice ; 2° de modifier, dans le même délai, l'acte de concession et l'article 6 du cahier des charges afin de réserver le tunnel à l'usage exclusif du trafic de transport de personnes ; 3° de modifier, dans le même délai, l'article 11 de l'acte de concession en ce qu'il délègue à une personne privée un pouvoir de police ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son article 55 ;
Vu la loi n° 57-506 du 17 avril 1957 relative à la construction d'un tunnel routier sous le Mont-Blanc, dont l'article 1er autorise la ratification de la convention entre la France et l'Italie du 14 mars 1953 relative à la construction et à l'exploitation d'un tunnel sous le Mont-Blanc, ensemble le décret n° 60-203 du 20 février 1960 qui en porte publication ;
Vu le décret
n° 65-737 du 27 août 1965 portant publication de l'avenant à la convention entre la France et l'Italie relative à la construction et à l'exploitation d'un tunnel sous le Mont-Blanc signé le 25 mars 1965 ;
Vu le décret n° 67-684 du 7 août 1967 portant publication de l'échange de lettres du 1er mars 1966 entre la France et l'Italie relatif à la constitution d'une commission franco-italienne de contrôle du tunnel sous le Mont-Blanc ;
Vu le décret n° 2000-710 du 27 juillet 2000 portant publication de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne relatif à la constitution du GEIE du tunnel du Mont-Blanc, sous forme d'échange de lettres signées à Paris et Rome le 14 avril 2000 ;
Vu le code du domaine de l'Etat, notamment ses articles
L. 28 et L. 29 modifiés par la loi n° 70-601 du 9 juillet 1970 ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs modifiée par la loi n° 96-1236 du 30 décembre 1996 et par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999, notamment ses articles 1er et 14 ;
Vu le décret du 24 novembre 1958 portant approbation des statuts de la Société concessionnaire française pour la construction et l'exploitation du tunnel routier sous le Mont-Blanc (STMB), modifié par les décrets des 16 février 1970, 4 mai 1971, 5 novembre 1972, 3 août 1979, 4 mai 1987 et 9 août 1994 ;
Vu le décret du 2 décembre 1977 approuvant la convention passée entre l'Etat et la Société du tunnel routier sous le Mont-Blanc en vue de la construction, de l'entretien et de l'exploitation de l'autoroute A 41 entre GAILLARD et LE FAYET et de l'autoroute A 42 entre Annemasse et Châtillon-de-Michaille, ensemble les décrets des 26 juin 1985, 30 juin 1989, 12 avril 1991, 30 septembre 1993 et 30 décembre 2000 approuvant les avenants à cette convention et au cahier des charges annexé ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Salesse, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat du ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'
à la suite de l'accident survenu le 24 mars 1999 dans le tunnel routier sous le Mont-Blanc et dans la perspective de la réouverture de cet ouvrage au trafic routier, l'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DU SITE DU MONT-BLANC, M. X et l'ASSOCIATION GREENPEACE FRANCE ont demandé, par courrier en date du 9 mars 2001, renouvelé le 5 avril 2001, au ministre de l'équipement, des transports et du logement la modification des articles 1er, 3, 7, 8, 9, 10 et 11 de la convention du 7 juillet 1959 par laquelle l'Etat a concédé à la société française pour la construction et l'exploitation du tunnel routier sous le Mont-Blanc, devenue société Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc, la construction et l'exploitation dudit tunnel ainsi que des articles 2 et 6 du cahier des charges ; que l'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DU SITE DU MONT-BLANC, M. X et l'ASSOCIATION GREENPEACE FRANCE demandent au Conseil d'Etat l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur cette demande ; que les requérants demandent en outre au Conseil d'Etat d'enjoindre à l'Etat de modifier la convention de concession et l'article 6 du cahier des charges précités afin de se conformer aux stipulations de la convention franco-italienne du 14 mars 1953 ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant que l'article 1er de la convention de concession précitée, en tant qu'il confie à la société concessionnaire l'exploitation et non la seule construction du tunnel, son article 3, qui stipule que des commissions paritaires franco-italiennes sont chargées de contrôler la construction et l'exploitation du tunnel, son article 7, qui prévoit que l'exploitation du tunnel doit être confiée par le concessionnaire à une société franco-italienne unique, son article 8, qui précise les modalités pratiques de représentation du concessionnaire à Chamonix, son article 9, qui prévoit la constitution d'un fonds d'amortissement, son article 10, qui impose à la société concessionnaire d'adresser chaque année un certain nombre de documents à l'Etat et l'article 2 du cahier des charges, qui fixe l'emprise de la concession ne comportent aucune clause à caractère réglementaire ; que, par suite, les requérants ne sont pas recevables à demander l'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'équipement, des transports et du logement a refusé de modifier ces articles ; que la requête n'est donc recevable qu'en tant qu'elle concerne l'article 11 de la convention de concession, aux termes duquel le concessionnaire sera responsable de la police de la circulation dans le tunnel et devra faire assermenter, conformément à la législation de l'un et de l'autre pays, chacun des agents qui en seront chargés et l'article 6 du cahier des charges, qui précise les caractéristiques techniques du tunnel et la destination des différentes voies de circulation ;
Sur l'intervention de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT) :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'intervention de la FNAUT est irrecevable en tant qu'elle concerne les articles 1er, 3, 7, 8, 9 et 10 de la convention de concession ainsi que l'article 2 du cahier des charges ; que, s'agissant de l'article 11 de la convention et de l'article 6 du cahier des charges, la FNAUT a intérêt à leur annulation ; que son intervention est, dans cette mesure, recevable ;
Sur la légalité de la décision attaquée en ce qui concerne l'article 11 de la convention de concession et l'article 6 du cahier des charges :
Considérant, en premier lieu, que si les requérants contestent le refus implicite du ministre de l'équipement, des transports et du logement de modifier les stipulations de l'article 11 de la convention au motif qu'une autorité de police ne peut légalement déléguer par contrat les prérogatives de police qui lui appartiennent, lesdites stipulations reproduisent celles qui figurent à l'article 13 de la convention franco-italienne du 14 mars 1953 relative à la construction et à l'exploitation du tunnel sous le Mont-Blanc, auxquelles le ministre était tenu de se conformer ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs : (...) Les grands projets d'infrastructures et les grands choix technologiques sont évalués sur la base de critères homogènes intégrant les impacts des effets externes des transports relatifs notamment à l'environnement, à la sécurité et à la santé et permettant de procéder à des comparaisons à l'intérieur d'un même mode de transport et entre différents modes ou combinaisons de modes. Ces évaluations sont rendues publiques avant l'adoption définitive des projets concernés. (...) ; qu'aux termes de l'article
L. 28 du code du domaine de l'Etat : Nul ne peut, sans autorisation délivrée par l'autorité compétente, occuper une dépendance du domaine public national ou l'utiliser dans des limites excédant le droit d'usage qui appartient à tous. (...) et qu'aux termes de l'article
L. 29 du même code : La délivrance des autorisations de voirie sur le domaine public national est subordonnée au paiement, outre les droits et redevances perçus au profit soit de l'Etat, soit des communes, d'un droit fixe correspondant aux frais exposés par la puissance publique. ; que les moyens tirés de ce que le ministre aurait méconnu ces dispositions en refusant de modifier l'article 6 du cahier des charges annexé à la convention de concession litigieuse, lequel, ainsi qu'il a été dit, se borne à préciser les caractéristiques techniques du tunnel concédé, ne peuvent qu'être écartés ;
Considérant, en troisième lieu, que si les requérants soutiennent que c'est en méconnaissance des stipulations de l'article 2 de la convention susmentionnée entre la France et l'Italie du 14 mars 1953 que la société ATMB, concessionnaire de l'exploitation de la partie française de l'ouvrage, s'est vu accorder la concession d'un autre ouvrage routier, un tel moyen, qui n'est relatif à aucune des stipulations conventionnelles que les requérants demandaient au ministre de modifier, ne peut qu'être, en tout état de cause, écarté ;
Considérant, en quatrième lieu, que, si les requérants soutiennent que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des impératifs de sécurité des usagers, un tel moyen, qui n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé, doit être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le ministre de l'équipement, des transports et du logement a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées ;
Sur les conclusions de la FNAUT tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que la FNAUT, intervenant en demande, n'étant pas partie à la présente instance, les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions du ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge des requérants une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Etat et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la FNAUT n'est admise qu'en tant qu'elle concerne l'article 11 de la convention de concession du 7 juillet 1959 et l'article 6 du cahier des charges qui lui est annexé.
Article 2 : La requête de l'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DU SITE DU MONT-BLANC, de M. X et de l'ASSOCIATION GREENPEACE FRANCE est rejetée.
Article 3 : L'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DU SITE DU MONT-BLANC, M. X et l'ASSOCIATION GREENPEACE FRANCE verseront solidairement à l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la FNAUT tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION POUR LE RESPECT DU SITE DU MONT-BLANC, à M. Eric X, à l'ASSOCIATION GREENPEACE FRANCE, à la FNAUT, à la société Autoroutes et Tunnel du Mont Blanc et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.