Cour de cassation, Chambre sociale, 6 décembre 2005, 03-46.477

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2005-12-06
Cour d'appel d'Angers (chambre sociale)
2003-07-16

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que la société Brodard et Taupin a engagé en mars 1999 une procédure de licenciement collectif pour motif économique donnant lieu à l'établissement d'un plan social à l'issue de laquelle elle a prononcé en mai 1999 le licenciement de M. X... et de treize autres salariés ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que les salariés font grief à

l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande tendant à ce que soit constatée la nullité du plan social et celle de leur licenciement et ordonnée leur réintégration, et de les avoir condamnés à verser à la société Brodard et Taupin une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, alors, selon le moyen : 1 / que les salariés licenciés pour motif économique ont un droit propre à faire valoir que leur licenciement est nul au regard des dispositions de l'article L. 321-4-1 du Code du travail ; qu'en considérant que M. X... et les autres salariés licenciés n'étaient pas recevables à se prévaloir de la nullité du plan social résultant de la fixation par l'employeur seul de l'ordre du jour, dès lors que l'irrégularité n'avait pas été soulevée avant le terme de la procédure, la cour d'appel a violé les articles L. 434-3 et L. 321-4-1 du Code du travail ; 2 / qu'il résulte de l'article L. 434-3 du Code du travail que l'ordre du jour doit être signé conjointement par l'employeur et par le secrétaire du comité d'entreprise pour chaque réunion ; que la cour d'appel, qui a constaté qu'il n'était pas apporté de preuve formelle que l'ordre du jour de la première réunion en date du 18 mars 1999 du comité d'entreprise extraordinaire de la société Brodard et Taupin a bien été arrêté conjointement par le chef d'entreprise et le secrétaire de ce comité, mais a refusé de constater la nullité du plan social et celle des licenciements en résultant, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient au regard du texte susvisé ; 3 / que, s'agissant de la seconde réunion du comité d'entreprise, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme il le lui était demandé, si l'ordre du jour avait été signé par le même secrétaire, aux seuls motifs qu'il a été tenu compte de l'avis du comité d'entreprise et que l'ordre du jour était connu et avait été arrêté en concertation avec la suppléante du secrétaire, n'a pas légalement justifié sa décision au regard desdites dispositions ; 4 / que M. X... et les autres salariés sollicitaient la nullité du plan social en l'absence de mesures de reclassement concrètes et précises destinées à limiter le nombre de licenciements ou faciliter le reclassement du personnel dont le licenciement ne pourrait être évité ; que la cour d'appel, qui, sans rechercher si le plan social présentait ou non des mesures concrètes et précises de nature à satisfaire aux exigences de l'article L. 321-4-1 du Code du travail, s'est contentée de relever que le problème n'était pas celui du passage aux trente-cinq heures mais celui d'un sureffectif incompatible avec le rétablissement de la compétitivité de l'entreprise, a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

Mais attendu

, d'abord, que la cour d'appel qui, après avoir exactement retenu que, lorsque la procédure consultative est terminée, son irrégularité permet seulement d'obtenir la réparation du préjudice subi dans les termes de l'article L. 122-14-4, dernier alinéa, du Code du travail, a constaté que les salariés avaient invoqué l'irrégularité de la consultation du comité d'entreprise après leur licenciement, en a déduit à bon droit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et troisième branches, que les demandes des intéressés tendant au prononcé de la nullité du plan social et du licenciement pour motif économique ainsi qu'à leur réintégration dans l'entreprise n'étaient pas fondées ; Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a relevé, par motifs adoptés, que le plan social prévoyait dix mutations internes, des indications sur le nombre, la nature et la localisation d'emplois disponibles dans d'autres imprimeries, des aides à la mobilité géographique destinées à favoriser les reclassements externes et des aides visant à compenser temporairement la perte de revenus découlant de l'acceptation d'un emploi moins bien rémunéré, une réduction à trente cinq heures du temps de travail de la partie du personnel effectuant encore un horaire de travail supérieur et la mise en place d'une antenne emploi-formation, a pu décider, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la quatrième branche, que le plan répondait aux exigences de l'article L. 321-4-1 du Code du travail ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen

:

Attendu que les salariés font grief à

l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de les avoir condamnés à verser une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, alors, selon le moyen : 1 / que les difficultés économiques s'apprécient au niveau du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise concernée ; que la cour d'appel, qui n'a pas recherchée, comme elle y était invitée, si la société relevait ou non d'un groupe et n'a pris en considération pour apprécier les difficultés économiques alléguées que les seules résultats de la société Brodard et Taupin, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ; 2 / que les salariés, reprenant les résultats de la société Brodard et Taupin, soutenaient qu'ils avaient été faussés ; qu'en 1997, si la provision n'avait pas été doublée, les résultats auraient été positifs ; qu'en 1998, les résultats l'auraient été si avait été déduit le coût du plan social ; qu'en 1999, les résultats avaient été positifs et que le licenciement n'avait pour but que d'augmenter ce résultat ; que la cour d'appel, qui n'a pas répondu à ce moyen péremptoire, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 3 / que la cour d'appel, qui n'a pas répondu au moyen des salariés pris de la réalité de la suppression de leurs postes eu égard aux nombreuses embauches en contrats à durée indéterminée et contrats à durée déterminée et au recours fréquent à l'intérim ayant immédiatement suivi leur licenciement ;

Mais attendu

, d'abord, que la cour d'appel a estimé que les sociétés CPSCA, CP Livres et Brodard et Taupin constituaient un groupe et relevé que la première avait pour seule activité la prise de participations financières dans la seconde et celle-ci dans la troisième ; qu'elle a ainsi fait ressortir que les résultats du groupe ne se différenciaient pas de ceux de la société Brodard et Taupin dont elle a constaté par une décision motivée qu'ils avaient été déficitaires en 1997 et 1998 ; Attendu, ensuite, que la cour d'appel a constaté, par motifs adoptés, que les emplois des salariés avaient été supprimés ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen

:

Attendu que M. X... fait grief à

l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'une somme due au titre de la médaille du travail, alors, selon le moyen, que celui-ci soutenait dans ses conclusions d'appel que, bénéficiant d'une ancienneté de trente ans, il était en droit de revendiquer l'obtention de la médaille vermeil du travail avec le paiement d'une somme, la cour d'appel, qui l'a débouté sans motifs de sa demande, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

que sous couvert du grief de défaut de réponse à conclusions, le moyen critique une omission de statuer sur un chef de demande, laquelle peut être réparée selon la procédure prévue par l'article 463 du nouveau Code de procédure civile ; que le moyen n'est pas recevable ;

Mais sur le troisième moyen

, pris en sa première branche :

Vu

l'article L. 321-1 du Code du travail ;

Attendu que pour débouter les salariés de leur demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient

que les salariés ont implicitement refusé les emplois disponibles dans diverses sociétés ;

Qu'en statuant ainsi

, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait fait état dans le plan social d'une liste d'emplois disponibles dans différentes sociétés, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si les salariés concernés par le licenciement étaient inaptes à les occuper et, dans la négative, si l'employeur avait fait à chacun des intéressés une proposition de reclassement précise, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres branches du troisième moyen et sur le quatrième moyen : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que l'employeur avait satisfait à l'obligation de reclassement et débouté en conséquence les salariés de leur demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 16 juillet 2003, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ; Condamne la société Brodard et Taupin aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Brodard et Taupin à payer aux salariés une somme globale de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille cinq.