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CEDH, Cour (Quatrième Section), AFFAIRE ZWIERZ c. POLOGNE, 6 novembre 2007, 39205/04

Synthèse

  • Juridiction : CEDH
  • Numéro de pourvoi :
    39205/04
  • Dispositif : Violation de l'art. 5-3
  • Importance : Faible
  • État défendeur : Pologne
  • Nature : Arrêt
  • Identifiant européen :
    ECLI:CE:ECHR:2007:1106JUD003920504
  • Lien HUDOC :https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-83072
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Résumé

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Texte intégral

QUATRIÈME SECTION AFFAIRE ZWIERZ c. POLOGNE (Requête no 39205/04) ARRÊT STRASBOURG 6 novembre 2007 DÉFINITIF 06/02/2008 Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme. En l'affaire Zwierz c. Pologne, La Cour européenne des Droits de l'Homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de : MM. J. Casadevall, président, G. Bonello, K. Traja, L. Garlicki, Mme L. Mijović, M. J. Šikuta, Mme P. Hirvelä, juges, et de Mme F. Araci, greffière adjointe de section, Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 octobre 2007. Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 39205/04) dirigée contre la République de Pologne et dont un ressortissant de cet État, M. Andrzej Zwierz (« le requérant »), a saisi la Cour le 11 octobre 2004 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). 2. Le gouvernement polonais (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Jakub Wołąsiewicz, du ministère des Affaires étrangères. 3. Le 7 septembre 2006, la quatrième section a décidé de communiquer la requête au Gouvernement. Se prévalant des dispositions de l'article 29 § 3, elle a décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien-fondé de l'affaire. EN FAIT LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE 4. Le requérant est né en 1964 et réside à Lublin. 5. Le 8 novembre 2002, le requérant fut arrêté. Il était soupçonné d'onze infractions, dont dix brigandages, séquestrations et mises en circulation de monnaie contrefaite avec la complicité d'autres personnes. 6. Le 9 novembre 2002, le requérant fut placé en détention provisoire. La décision de mise en détention, confirmée en appel le 2 décembre 2002, fut motivée par la présence de raisons plausibles de soupçonner qu'il avait commis les infractions en question, ainsi que par la sévérité de la peine encourue. 7. Dans la phase d'instruction, les tribunaux prolongèrent régulièrement la détention provisoire en évoquant la sévérité de la peine encourue, ainsi que le risque d'entrave à la bonne marche de la procédure. Ils soulignèrent à cet égard que l'un des coprévenus avait intimidé un témoin. Les juges soulevèrent également le caractère complexe de l'affaire, le besoin d'arrêter les autres suspects et la nécessité de recueillir de nombreuses preuves. 8. Le 26 mai 2003, le procureur d'appel refusa d'échanger la détention contre un autre moyen plus souple considérant que cela ne garantirait pas le bon déroulement de la procédure. 9. Le 13 septembre 2004, le procureur modifia les charges d'accusation pesant sur le requérant. Il lui reprocha d'avoir commis treize infractions, dont douze perpétrées dans le cadre d'une association de malfaiteurs qu'il avait dirigée lui-même. 10. Le 28 septembre 2004, le procureur déposa auprès du tribunal régional l'acte d'accusation contre huit accusés leur reprochant soixante-huit infractions au total, dont treize au requérant. 11. Durant la phase judiciaire, les juges prolongèrent régulièrement la détention et rejetèrent une demande de mise en liberté. Ils constatèrent que les pièces versées au dossier confirmaient que le requérant avait mené une activité criminelle de grande envergure et qu'il avait agi dans un groupe organisé. Selon les juges, ces faits étayaient d'une part la crainte de voir l'intéressé entraver le bon déroulement de la procédure et d'autre part la perspective d'une lourde sentence. En parallèle, les juges soulignèrent que, malgré son caractère complexe et les non-comparutions de témoins, le procès était conduit de manière diligente. 12. Le tribunal régional tint vingt-trois audiences et entendit trente-huit témoins. 13. Le 3 avril 2006, le tribunal régional innocenta partiellement le requérant et le déclara coupable de huit infractions (brigandages, mises en circulation de monnaie contrefaite, séquestration, escroquerie, possession illégale d'arme à feu), dont sept commises au sein d'un groupe organisé, où il avait agi parfois comme donneur d'ordres. Il le condamna à une peine de huit ans et six mois d'emprisonnement ainsi qu'à une peine d'amende. 14. Le 18 décembre 2006, la cour d'appel confirma la condamnation quant aux sept infractions et lui infligea une peine de huit ans d'emprisonnement. Quant à la huitième infraction, la cour rendit un non-lieu.

EN DROIT



I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 5 § 3 DE LA CONVENTION

15. Le requérant se plaint de la durée de sa détention provisoire et cite l'article 5 § 3 de la Convention, ainsi libellé : « Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article (...) a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience. » A. Sur la recevabilité 16. La Cour constate que ce grief n'est pas manifestement mal fondé au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs que le grief ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable. B. Sur le fond 1. La période à prendre en considération 17. La Cour considère que la détention provisoire de l'intéressé s'étend du 8 novembre 2002, date de son arrestation, au 3 avril 2006, date de sa condamnation en première instance. La durée totale de la détention est dès lors d'environ trois années et cinq mois. 2. Le caractère raisonnable de la durée de la détention provisoire 18. A titre liminaire, le Gouvernement met l'accent sur la nature grave des infractions reprochées à l'intéressé qui avaient toutes trait à l'activité d'une bande organisée au sein de laquelle celui-ci agissait en tant que dirigeant. 19. Le Gouvernement relève que la présente affaire se caractérise par un degré élevé de complexité, dans la mesure où elle avait trait à la délinquance organisée et impliquait un grand nombre de prévenus. La nécessité d'auditionner de nombreux personnes et d'administrer un grand nombre de preuves diverses, a contribué au prolongement de la procédure. 20. Concernant la prolongation de la détention de l'intéressé, le Gouvernement estime que celle-ci se justifiait par des raisons suffisantes et pertinentes et souligne qu'elle était soumise à un contrôle régulier de la part des tribunaux qui ont à chaque fois fourni des explications détaillées et fondées sur les circonstances concrètes de l'affaire. 21. Il soutient que des raisons plausibles de soupçonner que le requérant avait commis les infractions reprochées ont persisté tout au long de la procédure. 22. Selon le Gouvernement, on pouvait raisonnablement croire qu'une fois en liberté l'intéressé tenterait d'entraver le bon déroulement de la procédure, notamment en influençant les témoignages à recueillir. 23. Le Gouvernement soulève qu'ayant exercé de très nombreux actes de procédure concernant de nombreux prévenus et de nombreux témoins, les autorités nationales ont apporté une diligence particulière à la poursuite. 24. Le requérant réfute les arguments du Gouvernement, sans pour autant apporter aucune précision à ce sujet. 25. La Cour rappelle qu'il incombe en premier lieu aux autorités judiciaires nationales de veiller à ce que, dans un cas donné, la durée de la détention provisoire d'un accusé ne dépasse pas la limite du raisonnable. A cette fin, il leur faut examiner toutes les circonstances de nature à révéler ou écarter l'existence d'une véritable exigence d'intérêt public justifiant, eu égard à la présomption d'innocence, une exception à la règle du respect de la liberté individuelle et d'en rendre compte dans leurs décisions relatives aux demandes d'élargissement. C'est essentiellement sur la base des motifs figurant dans lesdites décisions, ainsi que des faits indiqués par l'intéressé dans ses recours, que la Cour doit déterminer s'il y a eu ou non violation de l'article 5 § 3 de la Convention. 26. La persistance de raisons plausibles de soupçonner la personne arrêtée d'avoir commis une infraction est une condition sine qua non de la régularité du maintien en détention, mais au bout d'un certain temps elle ne suffit plus ; la Cour doit alors établir si les autres motifs adoptés par les autorités judiciaires continuent à légitimer la privation de liberté. Quand ils se révèlent « pertinents » et « suffisants », elle cherche de surcroît si les autorités nationales compétentes ont apporté une « diligence particulière » à la poursuite de la procédure (voir, notamment, l'arrêt Letellier c. France du 26 juin 1991, série A no 207, p. 18, § 35). 27. La Cour observe qu'en l'espèce les autorités ont justifié la prolongation de la détention par le risque d'entrave à la bonne marche de la justice, par la complexité de l'affaire ainsi que par la sévérité de la peine encourue. 28. La Cour considère que ces motifs pouvaient initialement suffire à légitimer la détention. Toutefois, au fil du temps, ils sont inévitablement devenus moins pertinents et seules des raisons vraiment impérieuses pourraient persuader la Cour que la longue privation de liberté (trois ans et cinq mois environ) se justifiait au regard de l'article 5 § 3. 29. La Cour n'a pas décelé pareilles raisons en l'espèce et constate que les juridictions nationales ont rejeté les demandes de libération du requérant et ont prolongé la détention essentiellement pour les mêmes motifs que ceux cités précédemment. 30. La Cour rappelle à cet égard qu'à la lumière de sa jurisprudence établie l'existence d'un fort soupçon de participation à des infractions graves et la perspective d'une lourde sentence ne sauraient à elles seules justifier une longue détention provisoire (voir, notamment, les arrêts Wemhoff c. Allemagne, 27 juin 1968, série A no 7, p. 22, § 14 ; Matznetter c. Autriche, 10 novembre 1969, série A no 10, p. 29, § 11 ; Letellier c. France précité, § 43 ; Scott c. Espagne, 30 novembre 1996, CEDH 1996 - VI, p. 2304, § 78). 31. La Cour note par ailleurs que le fait que la procédure en l'occurrence avait trait à un groupe criminel organisé est incontestablement un facteur rendant les investigations plus complexes et plus longues. Ceci ne saurait toutefois justifier une détention provisoire d'une durée de trois années et de cinq mois (voir Celejewski c. Pologne, no 17584/04, 4 mai 2006, § 40). 32. En conséquence la Cour conclut que les raisons invoquées par les tribunaux dans leurs décisions n'étaient pas suffisantes pour justifier le maintien en détention du requérant pendant la période en question. 33. Il y a donc eu violation de l'article 5 § 3 de la Convention. II. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION 34. Aux termes de l'article 41 de la Convention, « Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. » A. Dommage 35. Le requérant ne présente aucune demande concernant le préjudice matériel. En revanche, il réclame 20 000 EUR au titre du préjudice moral qu'il aurait subi. 36. Le Gouvernement ne prend pas position à ce sujet. 37. La Cour considère que l'intéressé a certainement subi un préjudice moral qui n'est pas suffisamment réparé par le constat d'une violation. Statuant en équité, elle alloue au requérant 1 000 EUR de ce chef. B. Frais et dépens 38. Le requérant, qui n'était pas représenté par un avocat devant la Cour, ne présente pas d'observations quant aux frais et dépens encourus devant les juridictions internes et ceux encourus devant la Cour. C. Intérêts moratoires 39. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS

, LA COUR, À L'UNANIMITÉ, 1. Déclare la requête recevable ; 2. Dit qu'il y a eu violation de l'article 5 § 3 de la Convention ; 3. Dit a) que l'État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 1 000 EUR (mille euros) pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ; b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ; 4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus. Fait en français, puis communiqué par écrit le 6 novembre 2007 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement. Fatos Araci Josep Casadevall Greffière adjointe Président

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