AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre septembre deux mille un, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 20 octobre 2000, qui l'a condamné, pour infractions à la réglementation sur les transports routiers, à deux amendes de 2 500 francs chacune ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1, 3 bis de l'ordonnance n° 58-1310 modifiée du 23 décembre 1958, 1, 3 du décret n° 86-1130 du 17 octobre 1986, 2, 6, 7, 12 du règlement CEE n° 3820 du 20 décembre 1985,
121-1 du Code pénal, 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme,
485,
591 et
593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt a déclaré le prévenu, Jacques Y..., coupable des infractions aux temps de conduite et de repos commises par son préposé, M. X... ;
"aux motifs propres que la reconnaissance par le chauffeur de sa responsabilité ne fait pas obstacle aux poursuites envers le commettant qui doit s'assurer du respect effectif de la réglementation par des contrôles a posteriori opérés à intervalles réguliers et prenant à l'encontre des chauffeurs désinvoltes ou négligents les mesures disciplinaires qui s'imposent ; qu'à cet égard, il faut relever que le casier judiciaire du prévenu comporte 14 condamnations pour non respect de la législation sur les transports, et qu'en l'espèce, le chauffeur cité comme témoin par le prévenu a déclaré à l'audience avoir fait l'objet d'un avertissement verbal seulement ; qu'au regard de ces considérations, il s'avère que le prévenu n'a pas pris toutes les précautions pour faire effectivement respecter la législation ;
"et aux motifs adoptés qu'il appartient à l'employeur de s'exonérer de la responsabilité pénale qui lui incombe en démontrant qu'il s'est acquitté de trois obligations : l'information du salarié sur le contenu de la réglementation, le contrôle du respect effectif de la réglementation, l'organisation du travail en conséquence ; que Jacques Y... tente de justifier de la formation dispensée à ses chauffeurs salariés et du contrôle du temps de travail des chauffeurs en versant à la procédure des documents faisant apparaître le dispositif de formation et de contrôle mis en place au sein de la société des Transports
Y...
; qu'aucune des pièces ne démontre la réalité d'une formation dispensée de façon spécifique à M. X..., ni d'un contrôle portant sur le temps de travail ; que, par ailleurs, la déclaration du chauffeur expliquant le dépassement du temps de conduite journalière autorisé ne peut suffire à démontrer que Jacques Y... a organisé le travail de M. X... suivant des modalités permettant à ce dernier d'accomplir sa mission dans le respect de la réglementation en l'absence de production d'un ordre de mission ou d'une lettre mentionnant les horaires et lieu de livraison pris en début de mission ; qu'au vu de ces éléments, Jacques Y... ne justifie pas s'être acquitté de ses obligations ;
"1 - alors que la charge de la preuve de la commission d'une infraction incombe à la partie poursuivante ; qu'en retenant qu'il appartenait à Jacques Y... de faire la preuve de son absence de culpabilité en démontrant qu'il s'était acquitté de ses obligations en matière de législation sur les transports, quand il appartenait à l'accusation de faire la preuve du non respect par ce dernier de ses obligations, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve ;
"2 - alors que la reconnaissance par le salarié, au moment de la constatation de l'infraction par les service de la police, de sa seule et entière responsabilité dans la commission de celle-ci, est de nature à faire obstacle à la responsabilité de son employeur, lorsque ce dernier démontre avoir, de manière générale, pris toutes les dispositions nécessaires de nature à assurer le respect de la réglementation en cause ; qu'en retenant la culpabilité de Jacques Y..., quand il ressortait de ses propres constatations que ce dernier rapportait la preuve d'une information complète et régulière donnée à tous ses salariés sur le contenu de la réglementation en vigueur, ainsi que celle d'un contrôle du respect effectif de celle-ci, matérialisé notamment par l'exercice de son pouvoir disciplinaire à l'encontre des salariés irrespectueux de la réglementation, peu important que, dans le cas précis du conducteur intéressé et compte tenu de la situation particulière de ce dernier, l'employeur n'ait prononcé qu'un avertissement verbal à son encontre, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen ;
"3 - alors que Jacques Y... avait versé aux débats de nombreux éléments de nature à justifier du respect de ses obligations en matière d'information et de contrôle ; qu'il avait, notamment, justifié de l'emploi à temps complet d'un salarié spécialement affecté à la formation des conducteurs, ainsi que de la réalité des sanctions prises à l'encontre des contrevenants à la réglementation sur les temps de conduite et de repos ; qu'en ne s'expliquant pas sur ces éléments susceptibles de justifier tant de l'information préalable des conducteurs par l'employeur que du contrôle a posteriori effectué par ce dernier sur ses employés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"4 - alors que les juges doivent se prononcer concrètement sur les causes qui leur sont soumises, ce qui leur interdit de statuer par voie de référence à des décisions antérieures rendues dans d'autres instances ; qu'en se référant, pour affirmer la méconnaissance par l'employeur de ses obligations en matière de législation sur les transports dans le présent litige, sur de précédentes condamnations prononcées à l'encontre de ce dernier pour non respect de cette législation, sans rechercher si, précisément depuis ces condamnations, l'employeur n'avait pas mis en place les mesures propres à la faire respecter, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"5 - alors qu'il ressort des conclusions du prévenu et des éléments figurant au dossier que l'ordre de mission du conducteur indiquait les lieux et heures de départ et de livraison et que cette mission permettait largement au conducteur de respecter la réglementation sur les temps de conduite et de repos ; qu'en se fondant sur "l'absence de production d'un ordre de mission ou d'une lettre mentionnant les horaires et lieu de livraison pris en début de mission", la cour d'appel s'est contredite" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, les contraventions dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article
L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Karsenty conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Avocat général : Mme Commaret ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;