Vu la procédure suivante
:
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2013, à hauteur de 87 069 euros.
Par un jugement n°1702328 du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, réduit la base d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales de la somme de 2 000 euros au titre de l'année 2012 et de la somme de 12 314 euros au titre de l'année 2013, d'autre part, déchargé M. C... D..., en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre des année 2012 et 2013, à due concurrence de ces réductions de base, enfin, rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2019 sous le n°19DA02186, M. C... D..., représenté par Me Vibert, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne lui donne pas entière satisfaction ;
2°) de lui accorder la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, demeurant en litige, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 à 2013 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la somme de 3 000 euros versée par la société Faxa, imposée en traitements et salaires, a déjà été prise en considération par le service dans son rehaussement de 25 500 euros ;
- la somme de 18 000 euros versée par la société Faxa ne correspond pas à une rémunération imposable en traitements et salaires mais correspond à des prélèvements sur son compte courant d'associé créditeur ;
- il n'entretenait aucune relation d'affaires avec M. B... D... ; les sommes imposées en revenus d'origine indéterminée correspondent à des prêts intra-familiaux ;
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour écarterait la présomption de prêt familial, il conviendrait de limiter la taxation au titre des revenus d'origine indéterminée à concurrence des fonds prêtés dont le remboursement n'est pas intervenu, soit 67 340 euros ;
- le 2° du 1. de l'article
109 du code général des impôts ne peut être appliqué sans vérification préalable de comptabilité de la société distributrice ;
- il a justifié des remboursements de compte courant d'associé dans la société Faxa en 2011 et 2012 et, notamment, de l'existence d'un solde créditeur de compte courant d'associé au 31 mars 2011 ;
- l'administration n'a pas apporté la preuve de manquements délibérés pour l'application aux droits en litige des dispositions du a. de l'article
1729 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête de M. C... D....
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... D... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2022.
II. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 septembre 2019 et le 20 janvier 2020 sous le n°19DA02208, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n°1702328 du 11 juillet 2019 du tribunal administratif de Rouen et de réformer, en conséquence, l'article 3 de ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de M. C... D... les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales dont il a été déchargé au titre de l'année 2013, ainsi que les pénalités correspondantes.
Il soutient que :
- M. C... D... n'était ni associé ni gérant de la société A... et le titulaire du compte créditeur divers étant une société, la société à responsabilité limitée (SARL) (PSEUDO)(PSEUDO)E...(/PSEUDO)(/PSEUDO), cette dernière aurait dû en principe être attributaire des fonds virés par la société A... ; en revanche, M. C... D... était gérant de la SARL (PSEUDO)E...(/PSEUDO) qui détenait 30 % des parts sociales de la société A... ;
- le document présenté ne permet pas d'établir un lien entre le versement effectué sur le compte bancaire de M. C... D... et le compte intitulé " créditeurs et débiteurs divers " ouvert dans les comptes de la société A... au nom de la SARL (PSEUDO)E...(/PSEUDO) ; cette société n'a déposé aucun bilan après le 31 mars 2013 de sorte que la sincérité de l'extrait de compte présenté n'est pas établie ;
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la qualification de revenus d'origine indéterminée ne serait pas retenue par la cour, il est demandé de substituer le c. de l'article
111 du code général des impôts comme fondement de l'imposition litigieuse ; cette substitution de base légale ne prive le contribuable d'aucune garantie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2019, M. C... D..., représenté par Me Vibert, conclut au rejet de la requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la relance ne sont pas fondés ;
- il ne pouvait valablement être assujetti à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre des sommes versées en 2013 par la société (PSEUDO)A...(/PSEUDO) dès lors que ces sommes d'un montant total de 12 314 euros ne présentent ni la nature de revenus d'origine indéterminée ni celle de revenus distribués mais bien la nature de remboursement de frais non taxables.
Par une ordonnance du 19 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 février 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sauveplane, président assesseur,
- les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit
:
1. Les requêtes n°19DA02186 et n°19DA02208, qui sont dirigées contre le même jugement, sont relatives au même contribuable et aux mêmes impositions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul et même arrêt.
2. M. C... D... a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle à l'issue duquel l'administration a rectifié son revenu imposable au titre des années 2011 à 2013 et l'a assujetti, en droits et pénalités, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2011 à 2013. Par un jugement du 11 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen, d'une part, l'a déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à la réduction en base, qu'il a prononcée, de 2 000 euros au titre de l'année 2012 et de 12 314 euros au titre de l'année 2013, d'autre part, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des impositions ainsi mises à sa charge. M. C... D... relève appel du jugement du 11 juillet 2019 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce même jugement en tant qu'il a réduit de la somme de 12 314 euros la base d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales assignée à M. C... D... au titre de l'année 2013 et l'a déchargé, en conséquence, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à cette réduction en base.
Sur les conclusions de M. C... D... :
En ce qui concerne les traitements et salaires au titre de l'année 2011 :
3. Le service a réintégré au revenu imposable du contribuable de l'année 2011 des crédits bancaires identifiés par M. C... D... comme des salaires versés par les sociétés Faxa et DM1 Logistique pour un montant total de 25 500 euros. Au stade de la réclamation préalable, l'administration a admis qu'à hauteur de 18 000 euros, cette somme correspondait à un remboursement non imposable d'avances consenties aux sociétés et que le surplus à hauteur de 7 500 euros constituait des salaires effectivement imposables. Par ailleurs, l'administration a procédé, au stade de la réclamation préalable, à une substitution de base légale visant à imposer la somme de 3 000 euros créditée le 31 mars 2011 sur le compte courant d'associé de M. C... D... dans la société Faxa en qualité de rémunération de gérance et non de distribution. Elle a donc procédé au dégrèvement correspondant à cette substitution de base légale.
4. S'agissant de la somme de 3 000 euros créditée le 31 mars 2011 qui ferait l'objet, selon le requérant, d'une double imposition, il résulte de l'instruction qu'aucun crédit de 3 000 euros en date du 31 mars 2011 n'était compris dans le redressement en base de 28 500 euros opéré au titre de l'année 2011, le premier virement de 3 000 euros imposé étant en date du 13 avril 2011. Si le requérant fait valoir que le compte 641140 " rémunération Xavier D... " fait état d'un débit de 3 000 euros en date du 31 mars 2011 avec comme libellé " rémunération Xavier " et qu'il n'a été crédité que le 13 avril 2011 dans son compte courant d'associé, il ressort de l'extrait du compte courant d'associé n° 455 " compte courant d'associé Xavier " qu'il ne s'agit pas d'une écriture de crédit mais d'une écriture de débit. En conséquence, il n'existe pas de correspondance entre les deux écritures et la double imposition alléguée n'est pas établie.
5. S'agissant de la somme de 18 000 euros, ainsi qu'il a déjà été dit, l'administration a admis au stade de la réclamation préalable qu'à hauteur de 18 000 euros, cette somme correspondait à un remboursement non imposable d'avances consenties aux sociétés et a prononcé le dégrèvement correspondant. Dès lors, le moyen est inopérant.
En ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée :
6. Aux termes de l'article
L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés, notamment lorsque le total des montants crédités sur ses relevés de compte représente au moins le double de ses revenus déclarés ou excède ces derniers d'au moins 150 000 euros. (...) / Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur. ". Aux termes de l'article
L. 69 du même livre : " (...) sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. ". Aux termes de l'article L. 193 de ce même livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. ".
7. M. C... D... ayant été imposé d'office en application des dispositions précitées des articles
L. 16 et
L. 69 du livre des procédures fiscales, il supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions demeurant en litige.
8. L'administration a taxé les sommes de 26 500 euros en 2012 et de 17 100 euros en 2013 en provenance de M. B... D.... L'administration fait valoir que M. C... D... et M. B... D... étaient en relation d'affaires pendant la période vérifiée dès lors que le requérant était associé dans la société Apax dont le gérant était M. B... D... et que tous deux étaient associés des mêmes sociétés Faxa et SLD. Contrairement à ce que soutient le requérant, la seule circonstance qu'ils étaient associés des mêmes sociétés suffit à caractériser une relation d'affaires dès lors qu'ils ont des intérêts économiques communs. Dès lors, la présomption de prêt familial ne joue pas et il revient au requérant d'établir que les sommes en cause ont le caractère de prêt familial. Or, l'administration fait valoir qu'il existait des versements croisés entre M. C... D... et M. B... D... tout au long de la période vérifiée, dont le solde est nettement créditeur en faveur de M. C... D.... De surcroit, aucun contrat, même non enregistré, ne vient établir l'existence de ce prêt et contrairement à ce que soutient le requérant, la seule circonstance qu'un virement de 90 160 euros en provenance de M. C... D... vers M. B... D... en 2011 a été constaté par l'administration au cours des opérations de vérification, ne suffit pas à conférer aux sommes taxées de 26 500 euros en 2012 et 17 100 euros en 2013, la nature de remboursements de ce prêt. En effet, M. C... D... a également versé à M. B... D... une somme de 6 000 euros en 2012 ainsi qu'une somme de 14 780 euros en 2013. Dès lors, la nature juridique de prêt n'étant pas avérée, c'est à bon droit que l'administration a écarté la présomption de prêt familial et a taxé ces sommes en qualité de revenus d'origine indéterminée.
9. M. C... D... demande, à titre subsidiaire, de limiter la taxation à concurrence des fonds prêtés à M. B... D... dont le remboursement n'est pas intervenu sur la période vérifiée, soit la somme de 67 340 euros. Toutefois, l'administration ayant seulement imposé la somme de 43 600 euros à titre de revenus d'origine indéterminée, ces conclusions subsidiaires sont sans objet. En tout état de cause, dès lors que la réalité des prêts intra-familiaux invoqués n'est pas établie, aucune correspondance ne peut être établie entre les prêts et les remboursements allégués. De surcroit, les montants entre les prêts et les remboursements ne correspondent pas puisqu'un excédent de 67 340 euros en faveur de M. C... D... doit être constaté sur la période vérifiée. Or, si le requérant soutient que cette différence résulte d'opérations antérieures ou postérieures à la période vérifiée, il lui appartenait de justifier, ce qu'il ne fait pas, de ces opérations. Par suite, les conclusions subsidiaires présentées par M. C... D... doivent également être rejetées.
En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers :
10. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf disposition contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention. Toutefois, les éléments de preuve qu'une seule partie est en mesure de détenir, ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.
11. S'agissant des revenus de capitaux mobiliers, l'administration a suivi la procédure de redressement contradictoire prévue aux articles
L. 55 et suivants du livre des procédures fiscales. En conséquence, l'administration supporte la charge de la preuve du caractère imposable des sommes en litige dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
S'agissant des sommes en provenance des sociétés Faxa, SLD et (PSEUDO)E...(/PSEUDO) et de la somme de 14 718 euros en provenance de la société SLD :
12. L'administration a imposé la somme de 7 082 euros en provenance de la société Faxa et la somme de 14 718 euros en provenance de la société SLD, ces deux sociétés ayant M. C... D... en qualité de gérant majoritaire, ce dernier présentant lesdites sommes comme des remboursements de frais non imposables. L'administration ayant toutefois rejeté les états de frais de déplacements effectués par le requérant pour le compte de ces sociétés, lesdites sommes ont été imposées en qualité de revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 2° du 1. de l'article
109 du code général des impôts, le service ayant considéré que ces sommes ne pouvaient, en l'absence de toute justification, être qualifiées d'allocations spéciales pour frais d'emploi au sens du 1° de l'article
81 du code général des impôts imposables en traitements et salaires.
13. Aux termes de l'article
109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) ".
14. Contrairement à ce que soutient le requérant, l'application de ces dispositions ne présuppose pas la mise en œuvre, préalablement, d'une vérification de comptabilité de la société distributrice dès lors que seule la constatation par l'administration de la mise à disposition d'une somme à un associé, actionnaire ou porteur de parts, conditionne l'application du 2° du 1. de l'article
109 du code général des impôts. Cette constatation ne nécessite pas la vérification de comptabilité préalable de la société distributrice. De surcroit, la somme mise à disposition étant présumée non prélevée sur les bénéfices, l'administration n'a pas besoin de mettre en œuvre une vérification de comptabilité pour vérifier que la somme n'a pas été prélevée sur les bénéfices. En tout état de cause, M. C... D..., en réponse à une demande du service, a transmis des états de frais de déplacement sans aucune indication sur le véhicule utilisé, la réalité des distances parcourues et les motifs de ces déplacements. Le caractère de remboursements de frais n'est donc pas établi. Dès lors, le moyen doit être écarté. C'est donc à bon droit que l'administration a imposé les sommes en cause sur le fondement du 2° du 1. de l'article
109 du code général des impôts.
S'agissant de sommes provenances des sociétés Faxa, SLD et (PSEUDO)E...(/PSEUDO) :
15. L'administration a imposé les sommes de 12 000 euros en 2011 et de 11 000 euros en 2012 en provenance de la société Faxa, présentées par le contribuable comme des remboursements du compte courant d'associé dans cette société. L'administration ayant écarté le caractère de remboursements non imposables au motif que les comptes n'avaient pas été établis ni approuvés par les associés, ces sommes ont été imposées en qualité de revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 2° du 1. de l'article
109 du code général des impôts.
16. M. C... D... fait valoir, s'agissant de la société Faxa, qu'il a justifié d'un solde créditeur de 113 049 euros à la date du 31 mars 2011. Toutefois, le document produit est un extrait du compte courant d'associé n° 455 ouvert au nom de M. C... D... dans les comptes de la société Faxa pour l'exercice clos le 31 mars 2012, édité le 6 janvier 2015. Or, l'administration indique que les comptes définitifs de la société Faxa pour l'exercice clos le 31 mars 2012 n'ont pas été établis et approuvés par les associés, ni déposés au greffe du tribunal de commerce, et que cette société n'a pas davantage établi et déposé de déclaration de résultats auprès de l'administration fiscale. Dès lors, ce document n'a aucune valeur probante et ne permet d'établir ni l'existence du solde créditeur du compte courant d'associé au 1er avril 2012 ni, par voie de conséquence, la nature de remboursement de compte courant d'associé des sommes taxées.
Sur les pénalités :
17. Aux termes de l'article
1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs (...), la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".
S'agissant de la majoration appliquée sur les revenus d'origine indéterminée :
18. Pour appliquer aux revenus d'origine indéterminée la majoration de 40 % prévue au a. de l'article
1729 du code général des impôts, l'administration s'est fondée, d'une part, sur le fait que le rapport entre les revenus déclarés et les revenus d'origine indéterminée constatés sur les années 2012 et 2013 s'établissait respectivement à 3,17 et 1,58, d'autre part, sur le caractère évasif des réponses du contribuable et l'absence de justifications apportées aux demandes qui lui ont été adressées. L'administration a également relevé l'importance des mouvements de fonds non justifiés entre le contribuable et les sociétés dont il est le gérant, qui ne respectent pas l'obligation de publication des comptes. Ce faisant, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention délibérée, qui a été celle de M. C... D..., d'éluder le paiement de l'impôt, justifiant l'application de la majoration de 40 % prévue par le a. de l'article
1729 du code général des impôts.
S'agissant de la majoration appliquée sur les revenus de capitaux mobiliers :
19. Pour appliquer aux revenus de capitaux mobiliers la majoration de 40 % prévue au a. de l'article
1729 du code général des impôts, l'administration s'est fondée, d'une part, sur le fait que les sommes en provenance de la société Faxa n'étaient pas justifiées de façon pertinente par la seule production d'un extrait de compte sans valeur probante puisque la société n'avait déposé aucun bilan après le 31 mars 2011, d'autre part, sur le fait que les chèques en sa faveur étaient signés par sa mère, qui n'était ni gérante ni associée de la société. L'administration a également relevé que le contribuable avait bénéficié de remboursements de frais kilométriques pour des montants importants sans avoir été en mesure de justifier ni les références du véhicule utilisé, ni les factures d'entretien ou d'autoroute permettant de vérifier la matérialité des frais exposés dont le remboursement avait été demandé par l'intéressé. Cette situation s'est reproduite pour les deux sociétés dont le contribuable était le gérant et pour toutes les années vérifiées. Enfin, l'administration a relevé que les sommes qualifiées de remboursements de compte courant d'associé par le contribuable n'avait pas été justifiées de façon pertinente par la seule production d'extraits de compte d'une comptabilité sans valeur probante puisque non approuvée par l'assemblée générale ni déposée au greffe du tribunal de commerce. Ce faisant, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve de l'intention délibérée, qui a été celle de M. C... D..., d'éluder le paiement de l'impôt, justifiant l'application de la majoration de 40 % prévue par le a. de l'article
1729 du code général des impôts.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des impositions demeurant en litige.
Sur les conclusions du ministre :
21. Par les articles 2 et 3 du jugement attaqué, les premiers juges ont, notamment, réduit la base d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales assignées à M. C... D... de la somme de 12 314 euros au titre de l'année 2013 et déchargé celui-ci des impositions supplémentaires correspondant à cette réduction de la base d'imposition. Pour prononcer cette réduction en base, les premiers juges ont estimé que ce versement trouve son origine, non contestée, dans un acte de distribution d'une société de capitaux susceptible de relever du champ d'application des articles
109 à
111 du code général des impôts, au titre notamment des rémunérations et avantages occultes et qu'il appartenait au service de rechercher si la somme totale de 12 314 euros pouvait être qualifiée de revenus distribués. Ainsi, les premiers juges ont estimé que la somme de 12 314 euros ne pouvait pas être imposée comme un revenu d'origine indéterminée et, faute de demande de substitution de base légale par l'administration, ils ont défalqué cette somme de la base d'imposition assignée à M. C... D... au titre de l'année 2013 et prononcé, dans cette mesure, la réduction des impositions supplémentaires mises à la charge de celui-ci au titre de l'année 2013.
22. Il résulte de la proposition de rectification que M. C... D... a perçu de la société A..., en 2013, une somme totale de 12 314 euros sous forme de huit virements bancaires. Pour justifier ces virements, M. C... D... a produit un extrait du compte 467 au nom de la SARL (PSEUDO)E...(/PSEUDO) dans les comptes de la société A... et un extrait du compte courant d'associé ouvert à son nom dans la comptabilité de la SARL (PSEUDO)E...(/PSEUDO). La circonstance que M. C... D... n'était ni gérant ni associé de la société A... ne faisait pas obstacle à l'imposition de cette somme dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers dès lors que le libellé de ces virements dans la comptabilité de la société A... mentionne uniquement " vire Xavier " avec une écriture de débit du compte banque comme contrepartie. Ainsi, la comptabilisation de ces virements fait ressortir le caractère d'avantages ou de rémunérations occultes des sommes y afférentes. Par suite, en l'absence de toute justification des dépenses exposées pour le compte de la société A... et eu égard au libellé de la comptabilisation des virements en cause, qui s'analysent comme une rémunération ou un avantage occulte, c'est à tort que l'administration a imposé cette somme en qualité de revenus d'origine indéterminée.
23. Toutefois, l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier une imposition par un nouveau fondement juridique, à la condition qu'une telle substitution de base légale ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi.
24. Aux termes de l'article
111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ".
25. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que les virements en cause, en l'absence de toute justification par le contribuable des dépenses exposées pour le compte de la société A... et compte tenu du libellé de leur comptabilisation, présentent le caractère de rémunérations occultes. En conséquence, la somme de 12 314 euros était imposable, entre les mains de M. C... D..., sur le fondement du c. de l'article
111 du code général des impôts. La substitution de base légale ne prive M. C... D... d'aucune garantie dès lors que l'administration a respecté les garanties attachées à la procédure de redressement contradictoire alors même qu'elle a initialement suivi la procédure de taxation d'office prévue à l'article
L. 69 du livre des procédures fiscales. A cet égard, si M. C... D... soutient que la somme taxée correspond à des remboursements de frais non taxables, il se borne à de simples allégations sur ce point. Dès lors, le ministre est fondé à demander à substituer le c. de l'article
111 du code général des impôts à l'article
L. 69 du livre des procédures fiscales comme fondement de l'imposition en litige et à demander que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales assignées à M. C... D... au titre de l'année 2013 dont les premiers juges ont prononcé la décharge, à raison de la réduction de la base d'imposition assignée au contribuable de la somme de 12 314 euros, soient remises à la charge de celui-ci.
26. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen, par l'article 2 du jugement attaqué, a réduit de 12 314 euros la base imposable à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales assignée à M. C... D... au titre de l'année 2013 et, par l'article 3, l'a déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à sa charge au titre de l'année 2013 à due concurrence de cette réduction en base. Le ministre est, par voie de conséquence, également fondé à demander que soient remises à la charge de M. C... D... les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2013 dont il a été déchargé par le tribunal administratif de Rouen, ainsi que les pénalités correspondantes.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
27. L'Etat n'étant pas partie perdante à l'instance, les conclusions de M. C... D... tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... D... est rejetée.
Article 2 : L'article 2 du jugement n°1702328 du 11 juillet 2019 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 3 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales assignées à M. C... D... au titre de l'année 2013, dont le tribunal administratif de Rouen, par le jugement du 11 juillet 2019, a prononcé la décharge, sont remises à la charge de celui-ci, ainsi que les pénalités correspondantes.
Article 4 : L'article 3 du jugement du 11 juillet 2019 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : Les conclusions de la demande de M. C... D... accueillies par le tribunal administratif de Rouen sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 31 mars 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président,
- M. Mathieu Sauveplane, président assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mai 2022.
Le président, rapporteur,
Signé : M. SauveplaneLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
La greffière,
Nathalie Roméro
N°19DA02186, 19DA02208 2