Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 7 mai 2015, 14-14.842

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2015-05-07
Cour d'appel de Nancy
2014-01-29
Conseil de Prud'hommes d'Epinal
2011-12-07
Conseil de Prud'hommes d'Epinal
2011-05-25

Texte intégral

Sur le moyen

unique, pris en sa deuxième branche :

Vu

l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que, salarié de la société Michelin (l'employeur) depuis le 26 juillet 1971 en qualité de mécanicien-ajusteur, Michel X... est décédé le 27 septembre 2008 ; que le 31 octobre 2008, sa veuve a souscrit une déclaration de maladie professionnelle accompagnée d'un certificat médical initial faisant état d'une pancytopénie ; que cette affection ainsi que le décès ayant été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges (la caisse) au titre du tableau n° 4 des maladies professionnelles, les consorts X... ont saisi une juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ; que, dans une instance distincte, l'employeur a demandé à cette même juridiction de lui déclarer inopposable la décision de la caisse en contestant le caractère professionnel de la maladie ; Attendu que, pour rejeter la demande des consorts X..., l'arrêt retient que des conclusions précises de l'expert judiciaire désigné dans le cadre de l'instance relative à l'opposabilité de la décision de prise en charge, la cour, par arrêt rendu le même jour, a déduit que la cause du décès de Michel X... n'était pas déterminée ; qu'en conséquence, les maladies professionnelles du tableau n° 4 ou du tableau n° 12 n'étaient pas établies ; que la reconnaissance par la caisse de la maladie professionnelle et du décès n'était pas opposable à l'employeur, de sorte que la preuve de la faute inexcusable de l'employeur ne pouvait être rapportée par les consorts X... ;

Qu'en statuant ainsi

, par simple référence à une décision concomitante, rendue dans une instance entre d'autres parties, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Condamne la société manufacture française des pneumatiques Michelin aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société manufacture française des pneumatiques Michelin et la condamne à payer aux consorts X... la somme globale de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille quinze, signé par Mme Flise, président, et par Mme Genevey, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt. Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour les consorts X.... Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les consorts X... de leur demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la société MICHELIN ainsi que de leur demande d'expertise ; AUX MOTIFS QUE « par jugement du 25 mai 2011, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'Epinal avait ordonné une expertise ¿ dans le litige opposant la société MICHELIN à la CPAM ¿ destinée à déterminer l'affection dont était atteint Monsieur Michel X..., déterminer les causes du décès de ce dernier, dire si l'affection dont était atteint Monsieur Michel X... relève de la législation sur les risques professionnels et plus particulièrement du tableau n° 4 ou du tableau n° 12 des maladies professionnelles ; Attendu que par jugement du 7 décembre 2011, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'Epinal avait sursis à statuer sur la demande de Madame veuve Agnès X... et de ses enfants en reconnaissance de la faute inexcusable de la société MICHELIN dans l'attente de la réception du rapport d'expertise ordonnée par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale dans la procédure susvisée ; Que le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale avait « enjoint » à la société MICHELIN de communiquer le rapport d'expertise aux consorts X... dès réception ; Attendu que l'expert judiciaire a indiqué dans son rapport que : - les dossiers médicaux de Monsieur X... ont été obtenus par l'intermédiaire de Madame X... et du Centre Hospitalier d'Epinal, - la société MICHELIN a fourni un dossier médico-technique et administratif très complet ; Qu'il a ainsi estimé que ¿ même en l'absence des pièces de la CPAM, toutes les pièces nécessaires ont été retrouvées ; Attendu que le Professeur Y... du Centre Hospitalier Universitaire de Grenoble, qui a accepté la mission d'expertise, a pu répondre à toutes les questions posées par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale ; Attendu que l'expert a donné des réponses dénuées d'ambiguïté aux questions précises du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale en s'appuyant sur les pièces communiquées par les parties et par Madame X... ; Que l'expertise, si elle ne peut être reconnue contradictoire à l'égard des consorts X..., présente néanmoins toutes les qualités d'un travail sérieux et complet qui a été transmis aux consorts X... et qui constitue un élément de preuve soumis à la discussion des parties ; Attendu que les conclusions du rapport du Professeur Y... permettent de retenir que : - en l'absence de diagnostic hématologique, il y a eu, de façon certaine, une affection de la moelle osseuse, responsable d'une insuffisance de production, - la cause du décès réside dans une défaillance « multiviscérale » d'origine indéterminée mais probablement septique, - les éléments disponibles dans le dossier ne révèlent pas une utilisation habituelle et répétée des agents impliqués dans le tableau 4 et concernant le tableau 12 pas d'exposition documentée ; Attendu que si l'expert n'exclut pas « la manipulation ponctuelle de produits à faible concentration de benzène », il considère que les délais de prise en charge seraient « hors tableau » ; Attendu que de ces conclusions précises, la Cour, par arrêt rendu le 29 janvier 2014 (RG n° 1974/2012) a déduit que la cause du décès de Monsieur X... n'était pas déterminée et qu'en conséquence, les maladies professionnelles du tableau 4 ou du tableau 12 n'étaient pas établies ; que la reconnaissance par la CPAM de la maladie professionnelle et du décès de Monsieur X... n'était pas opposable à la société MICHELIN ; Qu'il en résulte que la preuve de la faute inexcusable de l'employeur ne peut être rapportée par les consorts X... ; Attendu que les éléments d'information dont dispose la Cour sont suffisants sans qu'il soit utile de procéder à une expertise complémentaire » ; ALORS d'abord QUE les rapports entre la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et l'assuré sont indépendants des rapports entre cette Caisse et l'employeur et des rapports entre le salarié et l'employeur, de sorte que le fait que le caractère professionnel de la maladie ne soit pas établi entre la Caisse et l'employeur ne prive pas la victime du droit de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, il appartient dans ce cas à la juridiction, après débat contradictoire, de rechercher si la maladie a un caractère professionnel et si l'assuré a été exposé au risque dans des conditions constitutives d'une telle faute ; qu'en l'espèce, pour considérer que la preuve de la faute inexcusable de l'employeur ne pouvait être rapportée par les consorts X..., l'arrêt se borne à retenir que la Cour d'appel avait déduit des conclusions de l'expert que la cause du décès de Monsieur X... n'était pas déterminée, qu'en conséquence les maladies professionnelles du tableau 4 ou du tableau 12 n'étaient pas établies et que la reconnaissance par la CPAM de la maladie professionnelle et du décès de Monsieur X... n'était pas opposable à la société MICHELIN ; que pourtant, cette décision d'inopposabilité dans les rapports entre l'employeur et la caisse ne privait pas les consorts X... du droit de faire reconnaître la faute inexcusable de la société MICHELIN ; qu'en statuant ainsi sans rechercher si, comme le soutenaient les exposantes la maladie avait un caractère professionnel et si Monsieur X... y avait été exposé dans des conditions constitutives d'une faute inexcusable, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 452-1 à L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ; ALORS encore QUE, tenu de motiver sa décision, le juge doit se déterminer d'après les circonstances particulières du procès et non par voie de référence à une autre décision de justice ; qu'en l'espèce, pour considérer que les consorts X... ne pouvaient rapporter la preuve de la faute inexcusable de la société MICHELIN, la Cour d'appel s'est contentée de se référer aux déductions faites par la Cour d'appel de Paris d'un rapport d'expertise dans un arrêt rendu le 29 janvier 2014 dans le cadre d'un litige auquel les consorts X... n'étaient pas parties, qu'en statuant ainsi par voie de référence à une autre décision de justice, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ; ALORS ensuite et en toute hypothèse QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, tant dans leurs conclusions d'appel qu'au travers des motifs de premiers juges qu'elles sont réputées s'être appropriés, les consorts X... faisaient valoir que, si l'expert désigné dans le cadre de la procédure engagée par la société MICHELIN aux fins d'inopposabilité de la prise en charge de la maladie et du décès de Monsieur X... au titre des risques professionnels avait retenu que, si la pancytopénie dont est décédé Monsieur X... traduisait nécessairement une insuffisance de production par la moelle osseuse, aucun diagnostic hématologique ne pouvait être porté, il citait néanmoins comme causes possibles de cette pathologie, un syndrome myélodysplasique, une leucémie aiguë ou une aplasie, pathologies qui sont toutes visées par le tableau 4 des maladies professionnelles, ce dont il ressort que Monsieur X... était bien atteint d'une pathologie visée au tableau 4 des maladies professionnelles ; qu'en se contentant de retenir que la cause du décès de Monsieur X... n'était pas déterminée et qu'en conséquence, les maladies professionnelles du tableau 4 ou du tableau 12 n'étaient pas établies sans répondre à ce moyen déterminant soulevé par les consorts X..., la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ; ALORS enfin QUE les juges sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, tant dans leurs conclusions d'appel qu'au travers des motifs de premiers juges qu'elles sont réputées s'être appropriés, les consorts X... faisaient valoir, s'agissant de l'exposition de Monsieur X... à des agents nocifs, que, si l'expert n'avait pas retenu une utilisation habituelle et répétée des agents impliqués dans le tableau 4, celui-ci s'était prononcé au vu des seuls éléments mis à sa disposition par l'hôpital et par l'employeur alors que l'enquête administrative menée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et les attestations versées aux débats dont l'expert n'avait pas eu connaissance permettaient d'établir une exposition habituelle et répétée de Monsieur X... au benzène ; qu'en se contentant néanmoins de retenir les conclusions de l'expert selon lesquelles « les éléments disponibles dans le dossier ne relèvent pas une utilisation habituelle et répétée des agents impliqués dans le tableau 4 » sans s'expliquer sur le moyen ainsi par les consorts X..., la Cour d'appel a de nouveau violé l'article 455 du Code de procédure civile.