Tribunal de grande instance de Paris, 16 juin 2009, 2007/04106

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2007/04106
  • Domaine de propriété intellectuelle : BREVET
  • Numéros d'enregistrement : EP03470066 ; FR02C0050
  • Parties : RATIOPHARM GmbH (Allemagne) / H. LUNDBECK A/S (Danemark)

Chronologie de l'affaire

Tribunal de grande instance de Paris
2009-12-08
Tribunal de grande instance de Paris
2009-06-16

Texte intégral

TRIBUNAL D E GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 16 Juin 2009 Sème chambre 1ère sectionN° RG : 07/04106 DEMANDERESSESociété RATIOPHARM GmbHGraf-Arco-Strasse 3 - D-89070 ULMALLEMAGNEreprésentée par Me Pierre COUSIN - Pierre COUSIN - Myriam M - Jean Martin C, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R159 DÉFENDERESSESociété H. LUNDBECK A/SOttiliavej 9, DK-2500 Copenhague - ValbyDANEMARKreprésentée par Me Marina COUSTE - HOWREY LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire L295 COMPOSITION DU TRIBUNALMarie-Christine C, Vice PrésidenteAnne CHAPLY, JugeCécile VITON, Juge, signataire de la décisionassistées de Léoncia BELLON, Greffier DEBATSA l'audience du 4 mai 2009tenue publiquement JUGEMENT Prononcé par mise à disposition de la décision au greffeContradictoirementen premier ressort EXPOSE DU LITIGE La société H. Lundbeck A/S est un laboratoire pharmaceutique titulaire du brevet européen EP n° 0 347 066 Bl déposé le 1er juin 1989 sous priorité anglaise du 14 juin 1988, délivré le 15 mars 1995 et dont la protection est prolongée par le certificat complémentaire correspondant n° 02 C 0050 devant expirer le 31 mai 2014. Elle indique commercialiser sur la base de ce brevet un médicament antidépresseur SEROPLEX (DCI - escitalopram) pour lequel elle a obtenu une autorisation de mise sur le marché le 7 décembre 2001. Souhaitant commercialiser par sa filiale française Ratiopharm une spécialité pharmaceutique dont la dénomination commune internationale est "escitalopram", la société Ratiopharm GmbH a fait assigner, par acte du 8 mars 2007, la société H. Lundbeck A/S en nullité des revendications 1 à 5 de la partie française du brevet européen EP n° 0 347 066 Bl ainsi que du CCP n° 02 C 0050. Par ordonnance du 11 février 2009, le juge de la mise en état a constaté que les demandes d'AMM en France sur lesquelles la société Ratiopharm GmbH fonde son intérêt à agir ont été retirées, dit n'y avoir lieu de constater que la société Ratiopharm GmbH ne peut plus justifier "d'un processus visant au dépôt, auprès de l'Association Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) d'une demande d'Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) ", débouté la société H. Lundbeck A/S de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et renvoyé l'affaire à l'audience du 4 mai 2009 pour plaidoiries uniquement sur la question de la recevabilité de l'action de la société Ratiopharm GmbH. Dans ses dernières conclusions du 1er avril 2009 sur la recevabilité de ses demandes, la société Ratiopharm GmbH demande au Tribunal de déclarer la société Lundbeck irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, l'en débouter, d'ordonner que le débat reprenne au fond, et de condamner la société Lundbeck à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Pierre COUSIN - C M C, Avocats Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile. Elle fait valoir qu'elle est présente sur le marché des antidépresseurs de la famille des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine par l'exploitation du citalopram, qui comprend 50% d'escitalopram, et qu'elle souhaite développer avant 2014 une gamme de médicaments comprenant de l'escitalopram si bien que son intérêt à agir ne se réduit pas à la seule existence d'une demande d'AMM. Elle relève que l'intérêt et la qualité à agir s'apprécient au jour de la demande de sorte que le retrait de la demande d'AMM est sans incidence sur sa recevabilité à agir, et qu'elle ne pouvait supposer que les chances d'obtenir une AMM n'étaient pas sérieuses, d'autant qu'elle a pu obtenir de telles AMM dans différents pays de l'Union Européenne. Elle estime que la société Lundbeck vise à ne permettre que l'action en nullité ne puisse aboutir à une décision judiciaire exécutable que passé l'expiration des droits de brevet et de CCP en 2014. Aux termes de ses dernières conclusions du 4 mars 2009 sur l'irrecevabilité des demandes de la société Ratiopharm, la société H. Lundbeck demande de : A titre principal,- prononcer le sursis à statuer de l'instance enrôlée sous le n° RG 07/04106 jusqu'à ce que la société Ratiopharm puisse justifier de la délivrance d'AMM valable sur le territoire français, A titre subsidiaire,- déclarer irrecevable pour défaut d'intérêt à agir et comme dépourvue d'objet, la demande de nullité de la partie française du brevet européen EP 0 347 066 Bl formée par la société Ratiopharm en mars 2007,A titre principal et subsidiaire,- condamner la société Ratiopharm à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Marina C, Avocats Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile. Elle estime que la décision administrative émanant de l'AFSSAPS est susceptible d'avoir une incidence notable sur le déroulement de la présente instance dans la mesure où si aucune AMM n'était délivrée à la société Ratiopharm, celle-ci ne pourrait plus justifier d'un intérêt actuel mais seulement d'un intérêt éventuel ne pouvant fonder sa demande en nullité de brevet. Elle soutient que l'intérêt à agir de la société Ratiopharm a disparu suite à sa propre initiative de retrait des demandes d'AMM et de la décision de l'AFSSAPS à l'origine de ce retrait, et que la demande en nullité de brevet est désormais dépourvue d'objet suite au retrait volontaire des demandes d'AMM qui fondaient l'intérêt à agir de la société Ratiopharm. EXPOSE DES MOTIFS Aux termes de l'article 122 du Code de Procédure Civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée. L'article 31 du même code prévoit que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seuls personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. En l'espèce, la société Ratiopharm GmbH a fait assigner par acte du 8 mars 2007 la société H. Lundbeck afin d'obtenir la nullité des revendications 1 à 5 de la partie française du brevet européen EP n° 0 347 066 Bl ainsi que du CCP n° 02 C 0050. La société Ratiopharm GmbH commercialise un médicament Citalopram Ratiopharm 20 mg qui est un anti-dépresseur non imipraminique. Elle indique dans ses conclusions que le citalopram comprend 50% d'escitalopram et que les deux sont des antidépresseurs de la famille des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine. Par courrier du 2 mars 2007, la société Ratiopharm GmbH a informé la société H. Lundbeck, en application de l'article L.5121-10 du Code de la Santé Publique, qu'elle avait déposé auprès de l'AFSSAPS des demandes d'autorisation de mise sur le marché pour les spécialités génériques de l'escitalopram ratiopharm 5,10,20 et 40 mg, comprimé pellicule, qui sont des génériques des produits SEROPLEX 5,10, 20 et 40 mg, comprimé pellicule. La société Ratiopharm GmbH a obtenu des autorisations de mise sur le marché pour son médicament escitalopram ratiopharm 10 mg, comprimés pellicules, le 12 février 2008 en Allemagne, le 27 février 2008 en Autriche, le 12 mai 2008 en Lituanie et le 18 juillet 2008 en Angleterre. Dans ces conditions, et en l'absence d'éléments contraires, la société H. Lundbeck n'établit pas que les demandes d'AMM en France ont eu pour objet de masquer le caractère prématuré de l'action en nullité du brevet. Si les données contenues dans le dossier de la spécialité de référence, le SEROPLEX, sont protégées jusqu'au 7 décembre 2011 et si la société Ratiopharm a, postérieurement à l'introduction de la présente instance, retiré ses demandes d'AMM en France, il demeure qu'elle commercialise un générique du citalopram qui présente, sauf élément contraire apporté par la société Lundbeck, des indications thérapeutiques très proches de celles de l'escitalopram, qu'à la date de l'assignation, c'est à dire la date à laquelle son intérêt à agir doit être apprécié, ses demandes d'AMM étaient toujours en cours devant l'AFSSAPS, et que même après leur retrait, elle a obtenu des autorisations de mise sur le marché pour l'escitalopram 10 mg dans d'autres pays européens démontrant ainsi sa volonté de commercialiser ce médicament générique. La société H. Lundbeck ne peut, par le biais de la fin de non recevoir qu'elle invoque, protéger indirectement son brevet et le CCP afférent, jusqu'à l'expiration de la protection des données contenues dans le dossier de la spécialité de référence. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la société Ratiopharm justifie avoir un intérêt légitime et qui n'a pas disparu en cours d'instance, à ce que soient examinés la validité du brevet européen EP n° 0 347 066 B1 et le CCP n° 02 C 0050. Elle doit être déclarée recevable en ses demandes. La recevabilité de la demande de la société Ratiopharm ne reposant pas uniquement sur l'existence, au moment de l'introduction de la présente instance, de demandes d'AMM en France, la demande de sursis à statuer jusqu'à ce que la société Ratiopharm puisse justifier de la délivrance d'AMM valable sur le territoire français n'apparaît pas être dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. La société H. Lundbeck sera déboutée de cette demande. Il y a lieu de réserver les dépens et les demandes des parties au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à la disposition du public par le greffe le jour du délibéré, Déclare la société Ratiopharm GmbH recevable en sa demande de nullité du brevet européen EP n° 0 347 066 Bl et du CCP n° 02 C 0050, Déboute la société H. Lundbeck de sa demande de sursis à statuer, Dit que l'affaire sera plaidée au fond à l'audience du 12 octobre 2009 à 14h45 - durée toute l'après midi, Dit que l'affaire sera renvoyée aux audiences de mise en état suivantes : - le 8 juillet 2009 à 14 heures pour dernières conclusions au fond de la société H. Lundbeck, - le 2 septembre 2009 à 14 heures pour dernières conclusions au fond de la société Ratiopharm GmbH, - le 23 septembre 2009 à 14 heures pour clôture, Réserve les demandes des sociétés Ratiopharm GmbH et H. Lundbeck au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et les dépens.