06/09/2022
ARRÊT
N°22/361
N° RG 21/03729 - N° Portalis DBVI-V-B7F-OLDN
MLA/CG
Décision déférée du 29 Avril 2016 - Tribunal de
Grande Instance de CAHORS - 14/00277
Association REFUGE CANIN LOTOIS
Association C.N.S.P.A
C/
Fondation BRIGITTE BARDOT
CONFIRMATION
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
1ere Chambre Section 2
***
ARRÊT DU SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX
***
DEMANDERESSES SUR RENVOI APRES CASSATION
Association REFUGE CANIN LOTOIS REFUGE canin lotois ou RCL
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Prune CALONNE de la SCP CALONNE & ADOUE-DUGAST, avocat au barreau de TOULOUSE
Association C.N.S.P.A
Confédération Nationale de la société protectrice des animaux et des pays d'expression française- association défense de l'animal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Prune CALONNE de la SCP CALONNE & ADOUE-DUGAST, avocat au barreau de TOULOUSE
DEFENDERESSE SUR RENVOI APRES CASSATION
Fondation BRIGITTE BARDOT
Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Olivier VERCELLONE de la SELARL VERCELLONE AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
Après audition du rapport, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :
C. GUENGARD, président
V. CHARLES-MEUNIER, conseiller
M. DUBOIS, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : C. CENAC
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du Code de procédure civile.
- signé par C. GUENGARD, président, et par C. CENAC, greffier de chambre.
EXPOSE DU LITIGE :
Mme [Z] [C], célibataire soumise au pacte civil de solidarité conclu le 24 décembre 1999 avec Mme [L] [T], est décédée le 23 juin 2012.
Aux termes d'un premier testament en date du 3 novembre 2004, elle a institué pour légataire universelle Mme [L] [T], et en cas de prédécès, la
Fondation Brigitte Bardot.
Puis, selon un second testament du 15 juin 2012, elle a institué pour légataire universelle la
Fondation Brigitte Bardot à charge de distribuer la moitié de l'héritage reçu à l'association Refuge Canin Lotois de [Localité 7].
La
Fondation Brigitte Bardot a accepté le legs le 26 septembre 2012 et le Préfet de Paris a rendu une décision d'absence d'opposition le 21 novembre 2012.
Considérant que l'association Refuge Canin Lotois, auquel elle a la charge de distribuer la moitié de l'héritage, n'a pas la capacité juridique de recevoir le legs, la
Fondation Brigitte Bardot, par acte d'huissier du 30 janvier 2014, a assigné cette dernière devant le tribunal de grande instance de Cahors afin de faire constater, au visa des articles
900 et suivants du code civil, l'absence de capacité de recevoir un legs de l'association Refuge Canin Lotois et l'illicéité de la condition imposée par Mme [Z] [C] avec les conséquences en découlant.
Selon jugement du 29 avril 2016 le tribunal de grande instance de Cahors a :
- dit que la clause contenue dans le testament olographe rédigé par Mlle [Z] [C] le 15 juin 2012 disant que la
Fondation Brigitte Bardot à 'la charge de distribuer la moitié de l'héritage reçu au refuge canin lotois de [Localité 7] [Adresse 9]', est réputée non écrite,
- dit que le legs universel consenti par Melle [Z] [C] à la
Fondation Brigitte Bardot dans son testament olographe du 15 juin 2012, est consenti sans condition,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la
Fondation Brigitte Bardot aux dépens.
Le 21 juin 2016, l 'association Refuge Canin Lotois a régulièrement fait appel de cette décision.
Par arrêt en date du 13 mai 2019, la cour d'appel d'Agen a :
Déclaré l'intervention volontaire de la Confédération Nationale des SPA de France et des Pays d'Expression Française - Association Défense de l'Animal dite la C.N.S.P.A recevable,
Infirmé le jugement sauf en ce qu'il a condamné la
Fondation Brigitte Bardot aux dépens,
Statuant à nouveau :
- Autorisé l'association Défense de l'Animal Confédération Nationale des Sociétés de Protection des Animaux de France et des pays d' expression française dite « les SPA de France » à accepter le legs universel pour moitié de la succession fait par Mme [Z] [C] au profit de l'association Refuge Canin Lotois dans son testament du 15 juin 2012, à charge pour elle d'en affecter le montant à une action de ladite association Refuge Canin Lotois conformément à la volonté de la testatrice,
- Débouté les parties de leurs autres demandes,
Y ajoutant :
- Condamné la
Fondation Brigitte Bardot aux dépens d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés par Me [H] pour ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément à l'article
699 du code de procédure civile.
Par arrêt en date du 14 avril 2021, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a :
Cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il autorise la CNSPA à accepter le legs universel consenti par [Z] [C], pour moitié de sa succession, au profit de l'association le Refuge Canin Lotois à charge pour la CNSPA d'en affecter le montant à une action de cette association conformément à la volonté de la testatrice, l'arrêt rendu le 13 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen,
Remis, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse,
Condamné l'association le Refuge Canin Lotois et l'association confédération nationale des CNSPA de France et des pays d'expression française aux dépens,
En application de l'article
700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.
Le 20 août 2021, l'association le Refuge Canin Lotois et l'association confédération nationale des CNSPA de France et des pays d'expression française ont effectué une déclaration de saisine.
Par dernières conclusions en date du 18 mai 2022, l'association le Refuge Canin Lotois demande à la cour de :
Vu les articles
900 et suivants du code civil,
Recevoir l'appel formé par l'association du Refuge Canin Lotois ci-après dénommée RCL, comme recevable et bien fondé,
Réformer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris le 29 avril 2016 par le Tribunal de Grande Instance de Cahors,
Constater que le legs avec charge instituant la
Fondation Brigitte Bardot légataire universel de Melle [Z] [C] n'est, dans sa condition de charge, ni impossible, ni illicite,
Débouter purement et simplement la
Fondation Brigitte Bardot de ses fins et prétentions,
Dire et juger que la
Fondation Brigitte Bardot devra, conformément au testament de Mme [Z] [C], redistribuer au Refuge Canin Lotois une valeur nette égale à la moitié de la succession,
En tout état de cause, la condamner à 8.000 € sur le fondement des dispositions de l'article
700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions en date du 30 novembre 2021 la
Fondation Brigitte Bardot demande à la cour de :
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 avril 2016 par le Tribunal de Grande Instance de Cahors ;
Déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la Confédération Nationale des SPA de France et des Pays d'Expression Française - Association Défense de I'Animal dite la 'C.N.S.P.A.' ;
En conséquence :
Y ajoutant :
Débouter I'Association Refuge Canin Lotois de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;
Débouter la Confédération Nationale des SPA de France et des Pays d'Expression Française - Association Défense de I'Animal dite la 'C.N.S.P.A.' de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;
Condamner, au titre de la procédure de saisine de la cour d'appel de renvoi, l'Association Refuge Canin Lotois à payer à la
Fondation Brigitte Bardot la somme de 4.000 € par application de I'article
700 du code de procédure civile,
Condamner, au titre de I'intervention volontaire devant la cour d'appel de renvoi, la Confédération Nationale des SPA de France et des Pays d'Expression Française - Association Défense de l'Animal dite la 'C.N.S.P.A.' à payer à la
Fondation Brigitte Bardot la somme de 4.000 € (quatre mille euros) par application de I'article
700 du code de procédure civile,
Condamner solidairement I'Association Refuge canin lotois et la Confédération Nationale des SPA de France et des Pays d'Expression Française (C.N.S.P.A) aux entiers dépens de l'instance devant la cour sur le fondement de I'article
699 du code de procédure civile qui seront recouvrés par Maître Olivier Vercellone, Avocat associé de la SELARL Vercellone avocats, Avocat au Barreau de Toulouse.
Par conclusions en date du 19 octobre 2021, la C.N.S.P.A demande à la cour de :
Recevoir la concluante en son intervention volontaire,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accueilli favorablement la revendication exclusive du legs de Madame [Z] [C] de la part de la
Fondation Brigitte Bardot,
Dire que le Refuge Canin Lotois, qui est affilié à l'association défense de l'animal confédération nationale des sociétés de protection des animaux de France et des pays d'expression francaise dite « CNSPA», association reconnue d'utilité publique, qui intervient volontairement dans la cause, a la qualité nécessaire à recevoir un legs,
Réformer dans toutes ses dispositions le jugement entrepris le 29 avril 2016 par le Tribunal de Grande Instance de Cahors,
Dire que le legs avec charge instituant la
Fondation Brigitte Bardot légataire universel de Mademoiselle [Z] [C] n'est, dans sa condition de charge, ni impossible, ni illicite,
Débouter purement et simplement la
Fondation Brigitte Bardot de ses fins et prétentions,
Dire et juger que la
Fondation Brigitte Bardot devra redistribuer au Refuge Canin Lotois une valeur nette égale à la moitié de la succession de Madame [Z] [C],
En tout état de cause,
Condamner la
Fondation Brigitte Bardot à payer à la l'association défense de l'animal confédération nationale des sociétés de protection des animaux de France et des pays d'expression francaise dite « CNSPA » la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,
Statuer ce que de droit sur les dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Prune Calonne, avocat aux offres de droit.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 mai 2022.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fera expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DECISION
:
Aux termes des dispositions de l'article
624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce. Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.
En l'état de l'arrêt de cassation prononcé par la 1ère chambre civile le 14 avril 2021, la disposition de l'arrêt de la cour d'appel d'Agen ayant déclaré recevable l'intervention volontaire de la Confédération Nationale des SPA de France et des Pays d'Expression Française - Association Défense de l'Animal dite la C.N.S.P.A est désormais définitif, comme n'ayant pas été cassé et ne se trouve donc pas soumis à la présente cour de sorte qu'il n'y a pas lieu, comme le demande la
Fondation Brigitte Bardot de déclarer cette intervention irrecevable.
Sur le testament
Aux termes des dispositions de l'article
900 du code civil dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui sont contraires aux lois ou aux moeurs, seront réputées non écrites.
Aux termes des dispositions combinées de l'article
6 alinéa 5 de la loi du 1er juillet 1901, modifié par la loi du 31 juillet 2014 et de l'article 200 1b) du code général des impôts, une association déclarée qui n'a pas de caractère philantropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises n'est pas autorisée, par la loi, à accepter des libéralités ou des legs.
Tel est le cas de l'association du refuge canin lotois, le premier juge ayant justement souligné que l'association l'avait elle-même reconnu dans le courrier qu'elle a adressé le 24 janvier 2013, en réponse à Me [B], où elle confirmait qu'elle n'avait pas vocation à recevoir les legs.
Mme [Z] [C] avait, selon son testament olographe, prévu les dispositions suivantes :
' Je soussigné, [Z] [C], née à [Localité 6] le 17 août 1947
J'institue pour ma légataire universelle en toute propriété la
Fondation Brigitte Bardot, [Adresse 2] chargée de distribuer la moitié de l'héritage reçu au refuge canin lotois de [Localité 7] [Adresse 9].'
Par cette disposition, Mme [C] a clairement instituée légataire universelle la
Fondation Brigitte Bardot, laquelle en conséquence a vocation à recevoir la totalité des biens dépendant de la succession, lui imposant la charge de remettre, après l'avoir reçu, la moitié de l'héritage à l'association Refuge Canin Lotois.
Mme [C] a, de la sorte, souhaité pouvoir gratifier cette association auprès de laquelle elle s'était spécialement investie ainsi que le Refuge Canin Lotois le développe dans ses conclusions, de sorte que cette charge, différente de la fourniture de moyens ou la prise en charge de dépenses, constitue une libéralité que cette association n'a pas la capacité juridique de recevoir.
Le Refuge Canin Lotois expose, par ailleurs, dans ses conclusions qu'il avait effectué le 23 juillet 2009 une demande d'adhésion à la Confédération Nationale des Sociétés Protectrices des Animaux (CNSPA), reconnue d'utilité publique, un refus motivé lui ayant été transmis le 17 janvier 2010 à la suite de cette demande, ajoutant que ' Mme [Z] [C], très proche de la présidente du RCL et adhérente active, connaissait ces difficultés'.
Aucun lien d'affiliation n'unit la
Fondation Brigitte Bardot, reconnue d'utilité publique, au Refuge Canin Lotois, dépourvu de toute capacité à recevoir les legs ou libéralités et la volonté de la testatrice ne peut rendre licite un acte interdit par la loi de sorte que cette incapacité rend l'exécution de cette charge impossible et c'est dès lors à juste titre que le premier juge a déclaré que cette clause était réputée non écrite.
Le jugement attaqué sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Chaque partie conservera la charge de ses dépens sans qu'aucune raison d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
:
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine :
Confirme le jugement attaqué,
Déboute les parties de toute demande plus ample ou contraire,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
C. CENAC C. GUENGARD
.