COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-8
ARRÊT
AU FOND
DU 10 FEVRIER 2023
N°2023/.
Rôle N° RG 21/12657 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BIAPC
[C] [Z] épouse [V]
C/
CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Pierre DANJARD
- Me Anne CHIARELLA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Pôle Social du TJ de DIGNE-LES-BAINS en date du 12 Avril 2019,enregistré au répertoire général sous le n° 17/00199.
APPELANTE
Madame [C] [Z] épouse [V], demeurant [Adresse 2]
Ayant pour avocat Me Pierre DANJARD, avocat au barreau de TOULON
NON COMPARANT
INTIMEE
CPAM DES ALPES DE HAUTE PROVENCE, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Anne CHIARELLA, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article
945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Isabelle PERRIN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre
Madame Audrey BOITAUD DERIEUX, Conseiller
Mme Isabelle PERRIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Isabelle LAURAIN.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Février 2023.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Février 2023
Signé par Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre et Madame Isabelle LAURAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [C] [Z], infirmière libérale a fait l'objet d'une procédure de contrôle des facturations sur la période du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2015 par la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes de Haute Provence.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 26 septembre 2016, ledit organisme a informé Mme [Z] d'un indu d'un montant de 149 884, 19 euros au titre de prestations remboursées à tort, pour les griefs suivants :
-non respect de la nomenclature générale des actes professionnels ;
-non respect de la prescription médicale ;
-utilisation de prescriptions falsifiées pour l'établissement de facturations d'actes ;
-établissement de fausses facturations.
Par courrier recommandé avec avis de réception expédié le 6 décembre 2016, Mme [Z] a saisi la commission de recours amiable d'un recours à l'encontre de la décision d'indu.
Par courrier recommandé avec avis de réception expédié le 11 mai 2017, la commission a confirmé l'indu ramené à la somme de 149 794, 22 euros.
Parallèlement, par courrier recommandé avec accusé de réception du 26 septembre 2016, la caisse a informé Mme [Z] de son intention de mis en oeuvre de la procédure de pénalité financière prévue aux article
L.114-17-1 et
R.147-11 du code de la sécurité sociale.
Le 18 octobre 2016, Mme [Z] a contesté cette décision devant la commission compétente en la matière.
Par courrier du 13 décembre 2016, le directeur de la caisse a notifié Mme [Z] une pénalité d'un montant de 15 000 euros.
Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 22 février 2017, Mme [Z] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociales des Alpes-de-Haute-RPovence, d'un recours tendant à contester l'indu.
Par jugement du 12 avril 2019, n° 17/00199 le pôle social du tribunal judiciaire de Digne-les-Bains, ayant repris l'instance, saisi de la contestation de l'indu, a :
- rejeté les demandes d'annulation de Mme [Z] ;
- confirmé la décision de la commission de recours amiable lors de sa réunion du 9 mai 2017 pour la totalité de l'indu, sauf concernant l'indu sur le non respect de la nomenclature d'acte ;
- confirmé l'indu sur le non respect de la prescription médicale, l'utilisation de
prescriptions falsifiées, l'établissement de fausses facturations,
- invité la CPAM des Alpes de Haute Provence à préciser le montant de l'indu pour le non respect de la prescription médicale, l'utilisation de prescriptions falsifiées, l'établissement de fausses facturations,
- ordonné le sursis à statuer sur le montant de l'indu pour le non respect de la prescription médicale, l'utilisation de prescriptions falsifiées, l'établissement de fausses facturations, dans l'attente du montant de cet indu communiqué par la caisse ;
- ordonné le sursis à statuer sur le surplus des demandes ;
- rejeté les demandes d'expertise pour le surplus de l'indu (concernant le non respect de la prescription médicale, l'utilisation de prescriptions falsifiées, l'établissement de fausses facturations) ;
- ordonné une expertise technique del 'article
L 141-2-1 du code de la sécurité sociale concernant la nomenclature d'actes.
Par une lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 21 juillet 2017, Mme [Z] a également saisi le tribunal des affaires de sécurité sociales des Alpes de Haute Provence d'un recours tendant à contester la pénalité susvisée.
Par un second jugement du 12 avril 2019, n° 17/00077 le pôle social du tribunal judiciaire de Digne-les-Bains ayant repris l'instance saisi de la contestation de la pénalité a :
- confirmé, sur le principe, la pénalité prononcée ;
- ordonné le sursis à statuer sur le montant de ladite pénalité, dans l'attente de l'expertise et du jugement sur l'indu concernant la nomenclature des actes ;
- renvoyé la cause et les parties à l'audience du 15 octobre 2019.
***
Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 3 septembre 2020, Mme [Z] a interjeté appel du jugement portant sur l'indu dans des conditions de forme et délais qui ne sont pas contestées.
Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le même jour, Mme [Z] a interjeté appel du jugement portant sur la pénalité dans des conditions de forme et délais qui ne sont pas contestées.
Les deux affaires ont été radiées pour défaut de diligence des parties le 5 février 2020, pour être ré-inscrites au rôle à la demande de Mme [Z], par conclusions déposées le 3 août 2021.
Les deux affaires ont été réenregistrées sous les numéros respectifs 21/12657 et 21/12666 et ont été appelées à l'audience du 30 novembre 2022.
L'appelante, bien que régulièrement convoquée par courriers du 29 juin 2022, n'est ni présente ni représentée.
En l'état de ses dernières conclusions visées au greffe à l'audience, oralement soutenues et auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé plus ample de ses moyens et arguments, la partie intimée demande à la cour de:
S'agissant du litige portant sur l'indu :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a:
* rejeté les demandes d'annulation
* confirmé la décision de la commission de recours amiable du 9 mai 2017 ;
* confirmé le principe de l'indu sur le non-respect de la prescription médicale, l'utilisation de prescription falsifiées, l'établissement de fausses facturation,
* rejeté la demande d'expertise pour le surplus de l'indu fondé sur les mêmes griefs;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a:
* confirmé la décision de la commission de recours amiable pour la totalité de l'indu sauf celui motivé par le non-respect de la NGAP,
* l'a invitée à préciser le montant de l'indu fondé sur le non-respect de la prescription médicale, l'utilisation de prescription falsifiées, l'établissement de fausses facturation,
* ordonné le sursis à statuer sur le montant dudit indu,
* ordonné le sursis à statuer sur le surplus des demandes,
* ordonné une expertise technique,
- confirmer la décision de la commission de recours amiable pour la totalité de l'indu ,
- dire n'y avoir lieu à expertise technique,
- condamner Mme [V] à lui rembourser la somme de 149 794,22 euros,
- condamner Mme [V] à lui verser la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
S'agissant du litige portant sur la pénalité :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu le principe de la pénalité financière ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné le sursis à statuer sur le montant de ladite pénalité dans l'attente de l'expertise et du jugement sur l'indu concernant la nomenclature des actes,
- condamner Mme [V] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'articel 700 du code de procédure
MOTIFS
L rappelle à titre liminaire que les articles
562,
931,
946 et
954 du code de procédure civile exigent, en matière de procédure orale, que l'appelant formule expressément ses prétentions devant la cour ainsi que les moyens par lesquels il critique le jugement déféré.
En l'espèce, faute de comparution ou de représentation à l'audience et en l'absence de toute demande de dispense de comparution. la cour n'est pas régulièrement saisie de prétentions de l'appelante tendant à l'infirmation ou à la réformation du jugement entrepris.
Sur la jonction
Il est de l'intérêt d'un bonne justice que soit prononcée la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 21/12657 et 21/12666 , au regard du lien de connexité qu'elles présentent, sous le n° 21/12657 en application des dispositions de l'article
367 du code de procédure civile.
Sur l'indu
La cour n'est pas saisie, en l'absence de prétentions oralement soutenues par l'appelante, de contestations des indus notifiés pour:
- non respect de la prescription médicale,
- l'utilisation de prescriptions falsifiées,
- l'établissement de fausses facturations,
que les premiers juges ont jugées justifiés dans leur principe.
Elle n'est donc saisie que des prétentions de la caisse primaire d'assurance maladie tendant à voir réformer le jugement portant sur l'indu notifié pour non respect de la NGAP, en ce qu'il a ordonné une expertise et sursis à statuer sur sa demande en condamnation au paiement de l'indu, et de la demande de condamnation de la praticienne à lui rembourser ledit indu.
L'article
L 133-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 23 décembre 2011 au 1er janvier 2016, dispose qu'en en cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation :
1° Des actes, prestations et produits figurant sur les listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 162-17, L. 165-1, L. 162-22-7 ou relevant des dispositions des articles L. 162-22-1 et L. 162-22-6 ;
2° Des frais de transports mentionnés à l'article L. 321-1,
l'organisme de prise en charge recouvre l'indu correspondant auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.
Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés.
Au soutien de sa demande, la caisse primaire d'assurance maladie soutient en l'espèce que Mme [Z] n'a pas établi de démarches de soins infirmiers constituant l' entente préalable à la prise en charge des actes des patients concernés.
Les premiers juges ont sur ce point ordonné une expertise concernant la nomenclature d'actes et sursis à statué sur le montant de l'indu.
Or, l'expertise technique ordonnée sur le fondement de l'article
L 141-2-1 du code de la sécurité sociale n'a vocation à s'appliquer que dans le cas où subsiste une difficulté quant à la nomenclature des actes de santé facturés à l'organisme par le professionnel de santé.
Les premiers juges ont, pour ordonner ladite expertise, relevé de manière contradictoire que la caisse avait accompagné la notification de l'indu d'un tableau détaillé, mentionnant pour chacune des prestations concernées la nature et la date, ainsi que le motif et la date du paiement de l'indu, le montant versé à tort et la somme due au total, tout en observant que le montant de l'indu n'apparaissait pas sans rapport avec les chiffres d'affaires de Mme [V] en 2012 et 2015, alors que ce motif est sans rapport avec une difficulté sur la nomenclature des actes.
En conséquence et par infirmation du jugement n° 17/00199 la cour condamne Mme [Z] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence la somme de 149 794,22 euros.
Sur la pénalité financière
Aux termes de l'article
L 114-17-1 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur jusqu'au 1er janvier 2918 :
I.-Peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, de la caisse mentionnée à l'article L. 215-1 ou L. 215-3 ou de l'organisme local chargé de verser les prestations au titre des assurances obligatoires contre les accidents de travail et les maladies professionnelles des professions agricoles :
3° Les professionnels et établissements de santé, ou toute autre personne physique ou morale autorisée à dispenser des soins, à réaliser une prestation de service ou des analyses de biologie médicale ou à délivrer des produits ou dispositifs médicaux aux bénéficiaires mentionnés au 1° ;
II.-La pénalité mentionnée au I est due pour :
1° Toute inobservation des règles du présent code, du code de la santé publique, du code rural et de la pêche maritime ou du code de l'action sociale et des familles ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme local d'assurance maladie. Il en va de même lorsque l'inobservation de ces règles a pour effet de faire obstacle aux contrôles ou à la bonne gestion de l'organisme ;
III.-Le montant de la pénalité mentionnée au I est fixé en fonction de la gravité des faits reprochés, soit proportionnellement aux sommes concernées dans la limite de 50 % de celles-ci, soit, à défaut de sommes déterminées ou clairement déterminables, réserve faite de l'application de l'article L. 162-1-14-2, forfaitairement dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale. Il est tenu compte des prestations servies au titre de la protection complémentaire en matière de santé et de l'aide médicale de l'Etat pour la fixation de la pénalité.
En l'espèce, la décision du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie porte sur une pénalité de 15 000 euros motivée par une fraude constituée par la surcharge volontaire des prescriptions médicales effectuées par la praticienne.
La cour n'est pas, en l'absence de prétentions oralement soutenues par l'appelante, saisie de contestation de la pénalité qui lui a été notifiée, et les premiers juges ont justifié leur décision quant à son principe.
La cour n'est saisie que de la demande de la CPAM tendant à infirmer le jugement ayant sursis à statuer dans l'attente du resultat de l'expertise ordonnée dans le cadre du litige portant sur l'indu.
Or, la cour vient de juger qu'une expertise n'avait pas lieu d'être ordonnée et que l'appelante était redevable auprès de la caisse primaire d'assurance maladie d'un indu d'un montant de 149 794,22 euros.
La décision de pénalité du directeur de la caisse est motivée par la fraude caractérisée par l'utilisation de prescriptions falsifiées, de fausses facturations, et du non respect répété de la NGAP.
Par infirmation du jugement n° 17/00077 la cour condamne Mme [C] [Z] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-de-Haute-Provence la somme de 15 000 euros au titre de la pénalité.
Enfin, la juridiction du contentieux de sécurité sociale n'est pas juge d'appel de la décision de la commission de recours amiable d'un organisme social.
Il s'ensuit qu'elle n'a ni à l'infirmer, ni à la confirmer, l'objet du litige étant la décision initialement prise par cet organisme. Le rejet (implicite ou explicite) par la commission de recours amiable de la contestation de la décision de l'organisme a pour unique conséquence d'ouvrir la voie du recours judiciaire.
Les premiers juges ne pouvaient donc infirmer la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie, et la cour n'a pas davantage à le faire, le recours judiciaire ayant rendu cette décision caduque.
Succombant, Mme [Z] sera condamnée aux dépens.
L'équité commande par ailleurs de condamner Mme [Z] à payer la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Ordonne la jonction des affaires n°21/12657 et 21/12666 sous le n° 21/12657,
Infirme le jugement n°17/00099 en ses dispositions soumises à la cour,
Infirme le jugement 17/00077 en ses dipositions soumises à la cour,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- condamne Mme [Z] épouse [V] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 149 794,22 euros au titre de l'indu,
- condamne Mme [Z] épouse [V] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 15 000 euros au titre de la pénalité financière,
Condamne Mme [Z] épouse [V] aux dépens,
Condamne Mme [Z] épouse [V] à payer à a caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Alpes la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président