JN/SB
Numéro 22/2031
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 19/05/2022
Dossier : N° RG 20/00603 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HQFD
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse
Affaire :
Société [5]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 19 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 17 Mars 2022, devant :
Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame BARRERE, faisant fonction de greffière.
Madame NICOLAS, en application de l'article
945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Monsieur LAJOURNADE, Conseiller
Madame SORONDO, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Société [5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Maître BENTZ de la SELARL CEOS AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Maître MOULINIER loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 17 JANVIER 2020
rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : 18/00623
FAITS ET PROCÉDURE
Le 21 janvier 2018, M. [T] [P] (le salarié), salarié de la société [5] (l'employeur), a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes (la caisse ou l'organisme social), une demande de reconnaissance de maladie professionnelle, au vu d'un certificat médical initial du 15 décembre 2017, faisant état d'une « épaule droite/ ostéophytose sous acromio claviculaire, conflit avec sus-épineux, tendinite non transfixiante ».
Le 2 août 2018, après une instruction ayant nécessité un délai complémentaire, la caisse a notifié à l'employeur sa décision de prendre en charge la maladie déclarée de « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite », au titre de la législation professionnelle, comme étant inscrite au tableau n°57 des maladies professionnelles.
L'employeur a contesté l'opposabilité à son égard de cette décision, ainsi qu'il suit :
- le 28 septembre 2018, devant la commission de recours amiable (CRA) de l'organisme social, laquelle n'a pas répondu( fait constant, saisine non produite),
- le 20 décembre 2018, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Mont de Marsan, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan, en contestation de la décision implicite de rejet de la CRA.
Par jugement du 17 janvier 2020, n° 18 /623, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :
- rejeté la demande de jonction des dossiers n°18/00266 et n°18/00623,
- déclaré opposable à l'employeur la décision de la caisse, de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la maladie déclarée le 21 janvier 2018 par le salarié,
- rejeté la demande d'expertise formée par l'employeur,
- dit que la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie professionnelle déclarée le 21 janvier 2018 par le salarié s'étend à l'ensemble des prestations et soins servis au salarié du fait de cette pathologie,
- condamné l'employeur aux dépens engagés à compter du 1er janvier 2019.
Cette décision a été notifiée aux parties, par lettre recommandée avec avis de réception, reçue de l'employeur le 26 janvier 2020.
Le 21 février 2020, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe de la cour, l'employeur, par son conseil, en a régulièrement interjeté appel.
Selon avis de convocation du 3 novembre 2021, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 17 mars 2022, à laquelle elles ont comparu.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses dernières conclusions visées par le greffe le 20 décembre 2021, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'employeur, la société [5], appelante, conclut à :
-la réformation du jugement déféré, et statuant à nouveau demande à la cour :
'à titre principal de :
- lui déclarer inopposable la décision de l'organisme social, de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie du 15 décembre 2017, déclarée par le salarié,
'à titre subsidiaire :
- d'ordonner une mesure d'expertise médicale judiciaire, avec proposition d'une mission a confier à l'expert,
' en toute hypothèse, de condamner la caisse à lui payer 1500 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les frais d'expertise et les entiers dépens de l'instance.
Selon ses conclusions transmises par RPVA le 2 février 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'organisme social, la CPAM des Landes, intimée, conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, et sollicite en outre la condamnation de la société appelante, à lui payer 1500 € sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile.
SUR QUOI LA COUR
I/ Sur les contestations de l'opposabilité à l'employeur des décisions de prise en charge de la maladie professionnelle
En application des dispositions de l'article
L461-1 du code de la sécurité sociale, « est présumée d'origine professionnelle, toute maladie désignée dans un tableau et contractée dans les conditions qui y sont décrites ».
À ce titre, la maladie telle qu'elle est désignée dans les tableaux des maladies professionnelles est celle définie par les éléments de description et les critères d'appréciation fixés par chacun de ces tableaux.
Au cas particulier, la maladie professionnelle retenue par l'organisme social, et désignée par le tableau numéro 57A relatif aux affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail consiste en une «tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite » .
Pour contester l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge par l'organisme social, de cette maladie au titre de la législation sur les risques professionnels, l'employeur conteste que les conditions d'exposition au risque de prise en charge du tableau n° 57 A, soient réunies.
L'organisme social s'y oppose par des conclusions au détail desquelles il est expressément renvoyé.
Au vu des conclusions des parties auxquelles il est expressément renvoyé, il convient de trancher le litige.
I-A/ Sur la contestation du caractère contradictoire et régulier de la procédure d'instruction
Au visa des articles
R441-14, alinéa 3,
R441-13,
R441-12,
L 115-3 du code de la sécurité sociale, et de décisions jurisprudentielles, l'employeur fait valoir que la procédure d'instruction serait irrégulière, reprochant à la caisse :
- un manquement à son obligation d'information relatif à la pathologie réellement instruite, faisant valoir à cet égard que la caisse ne lui a jamais précisé quelle était la pathologie réellement instruite, dès lors que la déclaration de maladie (qui fait état de « douleur à l'épaule droite »), de même que le certificat médical initial (qui fait état d'une ostéophytose sous-acromio-claviculaire, conflit sus-épineux, tendinite non transfixiante épaule droite), ne font état d'aucune des pathologies visées par le tableau 57 A, et que ce n'est que le 13 juillet 2018, une fois l'instruction du dossier terminée, que la caisse l'a informé que la pathologie objet de l'instruction, consistait en une « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite », alors qu'il appartenait à la caisse de préciser la nature de la pathologie pour lui permettre de participer utilement à l'instruction, alors même qu'elle avait émis des réserves motivées,
-un défaut de communication du dossier, avant la clôture de l'instruction par la caisse, alors qu'il avait demandé sa communication antérieurement, dans un courrier du 15 mai 2018, par lequel il exposait-notamment- des réserves et se réservait le droit de formuler des observations complémentaires comme lui permet l'article
R441-12 du code de la sécurité sociale,
- un défaut de caractère sérieux et loyal de l'enquête menée par la caisse, dès lors qu'au vu des discordances entre les déclarations du salarié et celles de l'employeur, il lui appartenait de procéder à une enquête complémentaire, et ce d'autant que le salarié avait déjà procédé à une déclaration de maladie professionnelle, relative au coude droit, et que la description qu'il fait de son poste, est totalement différente de celle effectuée pour la pathologie initialement déclarée,
-un défaut de motivation de la décision de prise en charge, faisant valoir, au visa des articles
L 115-3 et
R441-14 du code de la sécurité sociale, que du fait de son insuffisance de motivation, la décision de prise en charge de la caisse, doit nécessairement lui être déclarée inopposable, en ce qu'elle ne permet pas de faire respecter les droits de la défense, et viole le principe du contradictoire,
-au visa des articles
L211-2-2 et
D253-6 du code de la sécurité sociale, selon lesquels le « directeur » prend les décisions nécessaires, avec possibilité de déléguer cette mission, conformément aux dispositions de l'article R 122-3, un défaut de signature de la décision de prise en charge, du fait qu'elle n'est pas signée par le directeur de la caisse, mais par un « technicien », dont il n'est pas justifié qu'il bénéficierait d'une délégation dûment régularisée.
La caisse s'y oppose.
Sur ce,
Selon l'article R441-11 III du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2010 au 1er décembre 2019 :
« III. - En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès. »
Selon l'article
R441-14 alinéas 3 et 4 du code de la sécurité sociale, en sa version applicable à la cause, en vigueur du 1er janvier 2010 au 1er décembre 2019 :
« Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article
R. 441-13.
La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief. ».
Selon l'article
R441-13 du code de la sécurité sociale, en sa version applicable à la cause, en vigueur du 10 juin 2016 au 1er décembre 2019 :
« Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre ;
1°) la déclaration d'accident ;
2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;
3°) les constats faits par la caisse primaire ;
4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;
5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ;
Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires.
Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire ».
Selon l'article
R441-12 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 21 décembre 1985 au 1er décembre 2019 :
«Après la déclaration de l'accident ou de la maladie, la victime ou ses ayants droit et l'employeur peuvent faire connaître leurs observations et toutes informations complémentaires ou en faire part directement à l'enquêteur de la caisse primaire.
En cas d'enquête effectuée par la caisse primaire sur l'agent causal d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, l'employeur doit, sur demande, lui communiquer les renseignements nécessaires permettant d'identifier le ou les risques ainsi que les produits auxquels le salarié a pu être exposé à l'exclusion de toute formule, dosage, ou processus de fabrication d'un produit.
Pour les besoins de l'enquête, la caisse régionale communique à la caisse primaire, sur la demande de celle-ci, les éléments dont elle dispose sur les produits utilisés ou sur les risques afférents au poste de travail ou à l'atelier considéré à l'exclusion de toute formule, dosage ou processus de fabrication d'un produit. »
Au vu des dispositions applicables qui viennent d'être rappelées, et des pièces produites au dossier, la contestation de l'employeur est jugée non fondée en ses 5 branches, puisqu'il est établi que la caisse a parfaitement respecté les dispositions qui s'imposaient à elle, que l'employeur a été informé de la pathologie déclarée, sans qu'il ne puisse être reproché à la caisse un défaut d'information, de communication, une instruction dénuée de sérieux et de loyauté, ou un défaut de motivation, dès lors qu'il est établi et jugé que :
-dès le 7 mars 2018, la caisse a, par courrier, informé l'employeur de la déclaration de maladie professionnelle litigieuse, qu'elle lui a adressée en copie de même que le certificat médical initial, tout en lui précisant qu'elle lui était parvenue accompagnée du certificat médical indiquant « ostéophytose sous-acromio-claviculaire, conflit sus- épineux, tendinite non transfixiante épaule droite »,
- le 1er juin 2018, en réponse au courrier de l'employeur du 15 mai 2018, la caisse a informé ce dernier, de la poursuite de l'instruction, et de la nécessité d'un délai complémentaire à ce titre ne pouvant excéder 3 mois,
- le 13 juillet 2018, la caisse, par un nouveau courrier, a informé l'employeur, conformément aux dispositions de l'article
R441-14, alinéa 3, de:
- la clôture de l'instruction du dossier,
- sa possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier, préalablement à la prise de décision fixée au 2 août 2018, « sur le caractère professionnel de la maladie « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite » inscrite sur le tableau n° 57 : affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail» ; à cet égard, il convient d'observer que l'employeur a procédé à cette consultation, le 28 juillet 2018, ainsi qu'il le reconnaît à ses écritures et pièces (conclusions page 4, pièce 24) et a ainsi pris connaissance du colloque médico administratif des maladies professionnelles, établi le 3 juillet 2018, et figurant au dossier, indiquant expressément non seulement le « code du syndrome », mais l'intitulé correspondant tel que prévu par le tableau 57 A, à savoir « tendinopathie chronique non rompue non calcifiante épaule droite confirmée par IRM », et précisant la nature et la date de réalisation de l'I.R.M., le 6 décembre 2017, par le Docteur [E],
- l'article
R441-13 du code de la sécurité sociale, en ce qu'il dispose « le dossier peut à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droits, l'employeur ou à leurs mandataires,' » , ne prévoit qu'une simple faculté de communication, et nullement une obligation, si bien que la caisse n'a pas l'obligation de communiquer le dossier, et qu'en ne procédant pas à cette communication, alors que l'employeur avait été informé de sa possibilité de consultation du dossier, dans le délai réglementaire, elle n'a commis aucun manquement à ses obligations,
-l'instruction menée par la caisse, par l'envoi de questionnaires tant à l'assuré qu'à l'employeur, puis leur exploitation a été sérieuse et loyale, nonobstant le fait que l'employeur n'ait pas retourné son questionnaire, et ait renvoyé la caisse aux informations qui lui avaient déjà transmises à l'occasion d'une précédente déclaration de maladie professionnelle par le même salarié,
-la sanction du défaut de motivation d'une décision de prise en charge, n'en n'est ni la nullité, ni l'inopposabilité, mais la possibilité pour l'employeur d'en contester judiciairement le bien-fondé sans condition de délai, étant en outre observé, contrairement à ce que soutient l'employeur, que la décision de prise en charge de la caisse, était motivée par le rappel de la pathologie, de la législation applicable, et du tableau dans lequel la pathologie est inscrite, en ces termes :
« Le dossier de votre salarié a été examiné dans le cadre du deuxième alinéa de l'article
L461-1 du code de la sécurité sociale. Il ressort que la maladie tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite inscrite sur le tableau n° 57 : affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail est d'origine professionnelle.
Cette maladie est prise en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels.
Si toutefois vous estimez devoir contester' »,
-en application de l'article
R441-14 du code de la sécurité sociale, en sa version applicable à la cause, en vigueur du 1er janvier 2010 au 1er décembre 2019, le défaut de pouvoir d'un agent d'une caisse primaire de sécurité sociale, signataire d'une décision de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, ne rend pas cette décision inopposable à l'employeur, qui conserve la possibilité d'en contester tant le bien-fondé que les modalités de mise en oeuvre au regard des obligations d'information et de motivation incombant à l'organisme social.
Les contestations portant sur la régularité de la procédure menée par la caisse, ne sont pas fondées et ont été à juste titre rejetées par le premier juge.
I-B/ Sur le fond
Les dispositions du tableau 57 A en ce qu'elles concernent le présent litige, sont les suivantes :
Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail
Désignation des maladies
délai de prise en charge
Liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies
A
épaule
Tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (*).
6 mois (sous réserve d'une durée d'exposition de 6 mois)
Travaux comportant des mouvements ou le maintien de l'épaule sans soutien en abduction (**) :
- avec un angle supérieur ou égal à 60° pendant au moins deux heures par jour en cumulé
ou
- avec un angle supérieur ou égal à 90° pendant au moins une heure par jour en cumulé.
L'employeur conteste le fait que la maladie déclarée, soit désignée dans le tableau 57 A, de même que la condition d'exposition au risque.
La condition relative au délai de prise en charge n'est pas contestée.
1-b- 1-Sur la désignation de la maladie
L'analyse des conclusions de l'employeur, permet de retenir que ce moyen recoupe en fait l'argumentaire relatif au non respect du contradictoire, en ce que l'employeur soutient que la maladie qui était visée par la déclaration de maladie professionnelle (« douleurs épaule droite »), de même que par le certificat médical initial,(« ostéophytose sous acromio claviculaire, conflit sus épineux, tendinite non transfixiante épaule droite » ), de même que la pathologie citée par la notification de prise en charge du 2018 (« tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite »), ne correspondent à aucune des maladies désignées par le tableau 57 A.
Cependant, il n'y a pas lieu de se limiter à une analyse littérale du certificat médical initial, mais il convient au contraire de rechercher si la pathologie qui est visée, est bien celle désignée par le tableau.
À cet égard, le médecin-conseil, a notamment pour mission de vérifier que la pathologie indiquée dans le certificat médical initial correspond- au-delà de la dénomination utilisée par le médecin rédacteur de ce certificat- à une maladie désignée par le tableau des maladies professionnelles sur la base duquel l'instruction a été menée par la caisse.
Or, ce médecin-conseil a expressément indiqué dans la fiche du colloque médico administratif, que la maladie était une «Tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (*).», en visant l'I.R.M. pratiqué, et sa date, de même qu'en indiquant que les conditions médicales réglementaires du tableau étaient remplies.
Il a ainsi nécessairement constaté l'existence d'une «Tendinopathie chronique non rompue non calcifiante avec ou sans enthésopathie de la coiffe des rotateurs objectivée par IRM (*). »
Il en résulte que la pathologie déclarée correspond bien à une maladie désignée par le tableau numéro 57A .
1-b-2-Sur l'exposition au risque
Après des renvois à des décisions jurisprudentielles, l'employeur estime que la caisse échoue à démontrer que soit remplie la condition d'exposition au risque tel que visée par le tableau 57A, et fait valoir au soutien de sa position que :
-le salarié était en arrêt de travail depuis le 17 juin 2017, à la suite d'une première maladie professionnelle déclarée le 24 mars 2017,
-le certificat médical initial est en date du 15 décembre 2017, si bien que 2 jours plus tard, le délai de prise en charge aurait été dépassé,
- à l'exception des seules déclarations du salarié, qui s'avèrent être en totale contradiction avec les précédentes déclarations de la première enquête relative à la première maladie déclarée, la caisse ne justifie nullement de l'exposition du salarié aux travaux visés par le tableau 57A, et ce d'autant que :
-le salarié réalise des tâches très variées et polyvalentes, et non des mouvements répétés,
-les photographies relatives à l'environnement de travail, n'apportent aucune preuve quant aux mouvements effectués et à leur cadence.
Pour solliciter la confirmation du jugement déféré, la caisse rappelle les déclarations par lesquelles le salarié a décrit son poste, faisant valoir que l'employeur n'a pas répondu au questionnaire mais a choisi de lui adresser des réserves, et que l'agent enquêteur, aux termes de son rapport, a constaté que le salarié effectuait des travaux comportant des mouvements tels que définis dans le tableau 57 A, ses déclarations faisant foi jusqu'à preuve du contraire.
Au cas particulier, il n'a été soumis à la caisse, comme il n'est soumis à la cour, que les déclarations effectuées par le salarié, et le rapport de l'agent enquêteur, faute pour l'employeur, d'avoir renseigné le questionnaire qui lui a été adressé, dans l'attente d'éléments, qui faisaient justement l'objet de l'instruction du dossier.
Ainsi, le salarié a déclaré qu'à l'occasion de ses activités professionnelles, il effectuait des mouvements d'abduction de ses deux épaules, ainsi qu'il suit :
-pendant plus de 3h30 par jour en cumulé, avec un angle supérieur ou égal à 60°,
-pendant plus d'une heure par jour en cumulé, avec un angle supérieur ou égal à 90°.
Il a ainsi décrit des activités de « montage de tour à bout de bras », assemblage d'éléments lourds, clavelage de longrines à 3 m de haut ».
S'il n'est pas contestable que ces tâches sollicitent des mouvements des membres supérieurs, cet élément est insuffisant, à permettre de caractériser la condition légale d'exposition au risque, laquelle suppose de quantifier en temps de travail journalier cumulé les mouvements d'abduction des épaules selon les angles prévus au tableau 57A.
Or, à ce titre, à défaut de tout élément circonstancié de nature à les corroborer, les seules déclarations du salarié sont insuffisantes à établir que cette condition d'exposition au risque serait remplie.
C'est à tort que la caisse indique que son agent enquêteur aurait « constaté » que les travaux effectués par le salarié dans ses activités professionnelles, rempliraient les conditions d'exposition au risque prévues par le tableau n° 57 A, et que cette constatation ferait foi.
En effet, il résulte du rapport d'enquête, qui se base expressément et exclusivement sur des échanges avec le salarié d'une part et l'employeur d'autre part, que l'enquêteur n'a pas opéré de constatation personnelle.
En revanche, il s'est basé sur les déclarations du salarié, pour conclure par une affirmation ne valant pas démonstration, que les travaux effectués par le salarié, seraient de nature à l'exposer au risque tel que prévu par le tableau 57 A. À ce titre, l'enquêteur a retenu que le salarié « bâtit des briques, des blocs, effectue de la démolition, fait des coffrages, utilise des truelles, marteau, masse, pelle, marteau-piqueur » et que le salarié a précisé qu'il avait eu « mal surtout lors du chantier du stade montois pour la construction des tribunes, indiquant qu'il a monté des tours pour étayer les planchers qu'il montait manuellement à bout de bras chaque élément pesant environ 20 kg, un salarié fait passer les éléments et celui qui est en haut les assemble ».
Ces seuls éléments, contrairement à la conclusion de l'enquête de la caisse, ne permettent pas d'établir que la condition d'exposition au risque soit remplie.
Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'employeur conteste que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle lui soit opposable.
Le premier juge sera infirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile à la cause.
La caisse, qui succombe, supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,
Infirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan, n° RG 18 /623, en date du 17 janvier 2020,
Et statuant à nouveau,
Déclare inopposable à la société [5], la décision que lui a notifiée la caisse primaire d'assurance-maladie des Landes, le 2 août 2018, de prendre en charge la maladie déclarée par M. [P] [T], de « tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite », au titre de la législation professionnelle,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article
700 du code de procédure civile,
Condamne la caisse primaire d'assurance-maladie des Landes aux dépens.
Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE