TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 06 Janvier 2012
3ème chambre 3ème section N°RG: 10/06926
DEMANDERESSE Société MR B SA [...] 48380 LA CHAPELLE SAINT MESMIN représentée par Me Caroline CASALONGA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0177
DÉFENDERESSES S.A.S. CODIEMA Rue du Lac 56800 PLOERMEL représentée par Me Jean-Didier MEYNARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0240 & Me Matthieu M, de la Sté d'Avocats CARCREFF CONTENTIEUX D'AFFAIRES, avocat au barreau Rennes,
Société QUEGUINER MATERIAUX SAS [...] 29400 LANDIVISIAU représentée par Me François GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617
COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie S. Vice-Président, signataire de la décision Anne CHAPLY, Juge, Laure COMTE, Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision
DÉBATS A l'audience du 18 Octobre 2011 , tenue publiquement, devant Marie S, Anne CHAPLY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article
786 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE La société MR B a une activité, au vu de son extrait Kbis, de centrale de référencement, d'achat et toutes activités de vente, production, fabrication, représentation, diffusion de tous matériels, produits, articles, fournitures. Elledistribue des articles de bricolage vendus sous la marque MR. B ou sous des marques de tiers à ses magasins adhérents.
La société MR. B est titulaire des marques figuratives suivantes : - française déposée en couleurs, composée d'un « B » rouge entouré d'un carré vert, n°03 3 23 8 397 déposée le 25 juillet 2003 pour dés igner des produits et services en classes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 25, 27, 28, 31, 35, 37, 42 et 44, y compris tous produits et services relatifs au bricolage et à la décoration ;
- française, composée d'un « B » entouré d'un carré, n°03 3 238 398 déposée le 25 juillet 2003 pour désigner des produits et services en classes 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 25, 27, 28, 31, 35, 37, 42 et 44, y compris tous produits et services relatifs au bricolage et à la décoration;
- communautaire n° 494 5028, reprenant le même dessin figuratif, enregistrée le 21 mars 2007 pour désigner des « services de vente dans le cadre du commerce de détail d'articles liés à la construction, l'aménagement, l'équipement et la décoration de la maison et du jardin » en classe 35.
La société MR. B revendique aussi des droits d'auteur sur un logo composé d'un B en forme de cœur.
La société QUEGUINER MATERIAUX-ci après QUEGUINER- est spécialisée dans le négoce et la distribution de matériaux de construction qu'elle commercialise dans des magasins en Bretagne.
Elle est titulaire depuis le 24 avril 2001 d'une marque française semi figurative, composée d'un coeur et du slogan UNE ENVIE DE sur lequel le point du I est remplacé par un cœur, n° 01 3 096 629, pour désigne r des produits compris dans les classes 11 et 19 : « appareils d'éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d'eau et installation sanitaire. Matériaux de construction non métallique ; tuyaux rigides non métalliques pour la construction ; asphalte, poids et bitume ; constructions transportables non métalliques ; monuments non métalliques ».
Le 9 octobre 2007, la société MR. B a adressé à la société QUEGUINER une lettre de mise en demeure lui demandant de cesser tout usage de son « logo » en forme de cœur, estimant que ce signe portait atteinte à ses marques et droits d'auteur.
Par ordonnance du 30 mai 2008, le président du tribunal de grande instance de Vannes a autorisé à la demande de la société QUEGUINER une saisie-contrefaçon portant sur les produits revêtus des marques de la société MR B, au sein du magasin MR B situé à Ploërmel et exploité par la société CODIEMA, ayant intégré le réseau « MR B » fin 2004 et souscrit à la charte de la société « MR B » laquelle régit notamment l'utilisation des enseignes et des marques du réseau « MR B ». Les opérations de saisie-contrefaçon se sont déroulées le 18 juin 2008.
Le 20 juin 2008, la société MR B et la société CODIEMA ont assigné la société QUEGUINER devant le tribunal de grande instance de Morlaix en déchéance de ses droits sur la marque française semi-figurative n°01 3 096 629 pour défaut d'exploitation.Les 30 juin et 1er juillet 2008, la société QUEGUINER a assigné respectivement la société CODIEMA et la société MR B en contrefaçon de sa marque semi figurative n°01 3 096 629, en nullité des marques françaises n °03 3 238 397 et n°03 3 238 398 et en interdiction d'usage du logo dit « Logo B COEUR » devant le même tribunal.
Les deux procédures ont été jointes.
Le 4 mars 2009, la société MR B a assigné la société QUEGUINER en contrefaçon de sa marque communautaire n° 004 945 028 devant le tribunal de grande instance de Paris.
Le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Morlaix s'est dessaisi au profit du tribunal de grande instance de Paris par ordonnance du 4 mai 2010.
Dans ses dernières écritures signifiées le 20 septembre 2011, la société MR B demande au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :
Vu les articles
L.714-5, L.716-1, L.717-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, Vu les articles 9,14 et 95 du Règlement (CE) 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, Vu les articles
L.111-1 et
L.335-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, Vu l'article
1382 du Code Civil,
- débouter la société QUEGUINER de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, - dire la société MR B recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
Et, y faisant droit : - dire que la marque française semi-figurative UNE ENVIE DE n°01 3 096 629 dont la société QUEGUINER est titulaire n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans à compter de la date de son enregistrement pour les produits qu'elle désigne, - prononcer la déchéance totale des droits de la société QUEGUINER sur la marque française semi-figurative UNE ENVIE DE n° 01 3 096 629,
- dire que la déchéance prendra effet le 20 juin 2003, - dire que le jugement à intervenir sera notifié au Directeur de l'INPI par le Greffier du Tribunal aux fins d'inscription au Registre National des Marques, conformément à l'article
R.714-3 du code de la Propriété Intellectuelle, - dire que la société QUEGUINER a commis des actes de contrefaçon des droits d'auteur de MR B sur son logo B COEUR, - dire que la société QUEGUINER a commis des actes de contrefaçon des marques françaises LOGO B COEUR n° 03 3 238 397, n° 03 3 23 8 398 ainsi que de la marque communautaire logo B COEUR n° 004 945 028 ap partenant à la société MR B, - dire que la société QUEGUINER a commis des actes de concurrence déloyale en utilisant un nouveau logo COEUR de couleur rouge,- interdire à la société QUEGUINER de faire usage de son logo sous astreinte de 10.000 € par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, - ordonner à la société QUEGUINER de procéder au retrait de tous documents et objets revêtus du logotype contrefaisant, aux fins de destruction sous contrôle d'huissier et à ses frais avancés, sous astreinte de 10.000 € par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, - autoriser la société MR B à publier en tout ou partie le jugement à intervenir, dans 5 journaux ou revues de son choix, et aux frais avancés de la société QUEGUINER sous astreinte de 5.000 € par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la réception par elle des devis de parution, - ordonner à la société QUEGUINER de procéder à la publication du dispositif du jugement à intervenir en page d'accueil de son site aux adresses : -httpV/materiaux-de-construction-fabricant-beton-landivisiaubretagne.groupe- queguiner.com/ - http://www.queguiner.fr - http://www.queguiner.com - http://www.queguiner.eu avec affichage continu à l'écran d'une minute, en résolution minimale de 1024 x 768, pendant une période ininterrompue de 3 mois passé un délai de 2 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 5.000 € par jour de retard, - ordonner à la société QUEGUINER de procéder à la publication du dispositif du jugement à intervenir sur les portes de chacun de ses magasins de manière visible ou publique, et sur format A3 pendant une période ininterrompue de trois mois passé un délai de deux jours à compter de la signification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard, - dire que le tribunal se réservera de liquider les astreintes qu'il aura ordonnées ; - condamner la société QUEGUINER à payer à la société MR B la somme de 150.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la contrefaçon, sauf à parfaire, - condamner la société QUEGUINER à payer à la société MR. B la somme de 100.000 euros à titre de dommages intérêts au titre des actes de concurrence déloyale, - condamner la société QUEGUINER à payer à la société MR B la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile, - condamner la société QUEGUINER en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Caroline C A, conformément aux dispositions de l'article 699 de code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures du 12 octobre 2011, la société QUEGUINER demande au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de:
- constater que la société QUEGUINER est titulaire de la marque n°01 3 096 629 représentant un cœur stylisé, pour l'avoir déposée le 24 avril 2001 dans les classes 11 et 19, - dire et juger qu'en déposant les marques françaises numéro 03 3238 397 et 03 3238 398, et la marque communautaire n° 4945028, qu'en proposant à la vente et en commercialisant des produits revêtus de ces marques, la société Mr B et la société CODIEMA ont commis des actes de contrefaçon de la marque n°01 3 096 629 au sens des dispositions de l'articl e L.713-2 du code de la propriétéintellectuelle, ou à tout le moins de contrefaçon par imitation de marque, en application de l'article
L.713-3 du code de la propriété intellectuelle. - débouter les sociétés CODIEMA et Mr B de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
En conséquence, - prononcer la nullité des marques françaises 03 3238 397 et 03 3238 398. - dire et juger que la décision d'annulation des marques françaises précitées de la société Mr B sera portée sur le registre national des marques, conformément à l'article
R.714-3 du code de la propriété intellectuelle. - prononcer la nullité de la marque communautaire n°4 945028, en application de l'article 52 du Règlement CE. n° 40/94 du 20 décemb re 1993, - dire et juger que la présente décision sera portée au registre communautaire des marques de l'OHMI, conformément à l'article 56, §6 du règlement CE n°40/94 du 20 décembre 1993, - condamner in solidum la société Mr B et la société CODIEMA à verser à titre de dommages et intérêts à la société QUEGUINER la somme de 1.000.000 euros. - faire interdiction aux sociétés Mr B et CODIEMA d'utiliser, à quelque titre que ce soit, le dessin représentant un cœur que la société Mr B a déposé à titre de marque pour désigner des produits identiques ou similaires à ceux visés dans le libellé de la marque n° 01 3 096 629 de la société QUEGUINER, sou s astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir, - ordonner en application de l'article
L 716-15 du code de la propriété intellectuelle aux sociétés Mr B et CODIEMA, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, que tout objet, matériel publicitaire et emballage reproduisant la marque n°013096629 de la société QUEGUINER soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la société QUEGUINER, et aux frais in solidum des sociétés Mr B et CODIEMA, - ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues du choix de la société QUEGUINER, et aux frais in solidum des sociétés Mr B et CODIEMA, dans la limite de 5.000 euros HT par insertion, - ordonner la publication du jugement dans les 8 jours à compter de sa signification, sur le site internet de la société Mr B, en accès direct et en partie haute de la page d'accueil du site, pendant une durée d'un mois, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, - condamner in solidum la société Mr B et la société CODIEMA à verser la somme de 20.000 euros à la société QUEGUINER en application de l'article
700 du code de procédure civile. - condamner in solidum les sociétés Mr B et CODIEMA aux entiers dépens.
Dans ses dernières écritures du 8 mars 2011, la société CODIEMA demande au tribunal de :
Vu l'article
1382 du code civil, Vu les principes qui gouvernent l'action en concurrence déloyale, - débouter la société QUEGUINER MATERIAUX de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, - dire que la société QUEGUINER MATERIAUX a commis des actes de concurrence déloyale en imitant les marques, logos et enseignes utilisés par la société CODIEMA,- condamner la société QUEGUINER MATERIAUX à payer à la société CODIEMA la somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la concurrence déloyale, - dire que la société QUEGUINER MATERIAUX n'a pas usé de la procédure de saisie-contrefaçon avec mesure et discernement et qu'elle a de la sorte commis un abus, - condamner la société QUEGUINER MATERIAUX à payer à la société CODIEMA la somme de 75.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de l'abus,
A titre infiniment subsidiaire, si le tribunal faisait droit à tout ou partie des demandes de la société QUEGUINER MATERIAUX Vu l'article
1721 du Code civil, - dire que la société MR B doit garantir la société CODIEMA contre les défauts et vices cachés des marques données en licence, - condamner la société MR B à garantir la société CODIEMA de toute condamnation à intervenir à son encontre, soit lui rembourser toute somme qu'elle devrait verser à la société QUEGUINER MATERIAUX ou à un tiers à raison du jugement à intervenir, - condamner la société QUEGUINER MATERIAUX à payer à la société CODIEMA la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile, - ordonner l'exécution provisoire du jugement, nonobstant appel et sans constitution de garantie, - condamner la société QUEGUINER MATERIAUX en tous les dépens, dont distraction au profit de la SCP BRODU CICUREL MEYNARD, conformément aux dispositions de l'article 699 de code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 octobre 2011.
MOTIVATION
Sur la demande de déchéance de la marque française semi-figurative UNE ENVIE DE n°01 3 096 629
La société MR. B soutient qu'il n'a pas été fait un usage sérieux de la marque UNE ENVIE DE pour désigner les produits enregistrés mais uniquement à titre de slogan publicitaire ou promotionnel pour ses magasins, ce qui ne constitue pas un usage à titre de marque.
La société QUEGUINER fait valoir qu'elle justifie de l'existence d'une exploitation suivie de sa marque, conformément à sa fonction, dans la relation avec les consommateurs, et notamment à des fins publicitaires ou pour présenter ou accompagner l'offre d'un produit ou service.
En vertu de l'article
L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, "encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tel usage (...) l'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif (...) La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée (...)La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens. La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu ".
La demande en déchéance ayant été formulée dans l'assignation de la société MR B du 20 juin 2008, la période à prendre en considération pour analyser l'usage de la marque est celle du 20 juin 2003 au 20 juin 2008, seules les pièces se rapportant à cette période étant pertinentes. Par ailleurs, les pièces n'ayant pas de date certaine ne seront pas retenues pour établir l'usage de la marque.
Les documents publicitaires reproduisant uniquement le cœur composant la marque, sans les mots « une envie de », ou avec l'expression « produits coup de cœur », ne constituent pas un usage de la marque en cause dès lors que l'absence de signe verbal altère son caractère distinctif et donc sa fonction.
La société QUEGUINER produit : - des publicités reproduisant la marque publiées dans « le Télégramme » des 10, 23, 24 et 26 janvier 2008 pour son magasin de Paimpol, - le guide confiance 2008 sur la couverture duquel est reproduite la marque qui figure aussi en première page et présente l'ensemble des matériaux commercialisés pour la structure et mise hors d'eau, les menuiseries extérieures, le second-œuvre et les menuiseries intérieures, le décor et le confort, les aménagements extérieurs, l'outillage, la quincaillerie et la chimie du bâtiment, ce guide ayant été imprimé à 39.900 exemplaires, - une facture C Channel qui reproduit la photographie d'un panneau publicitaire reproduisant la marque positionné du 4 avril 2003 au 4 avril 2005 Route de Lorient à Rennes pour le magasin situé à 150 mètres et proposant à la vente du carrelage, des salles de bains, du parquet, de la menuiserie et de la décoration.
Par ailleurs, l'attestation du commissaire aux comptes de la société QUEGUINER établit, contrairement à ce que soutient la société MR. B, avec précision les dépenses engagées dans le cadre de l'utilisation de la marque en cause pour d'autres affichages publicitaires longue durée, 3 en 2005, 2 en 2006 et un en 2007. Cette attestation justifie aussi que la marque est reproduite sur 6.500 cartons d'invitation (pièce 43) en juillet 2007, en décembre 2007 sur 5.000 calendriers et en mars 2008 sur 5.000 « cartes confiance » (pièce 33).
Si la marque est principalement associée aux magasins de la société QUEGUINER, elle accompagne la mise à disposition au public des produits offerts à la vente dans ces magasins, étant relevé qu'il n'est pas contesté que les produits visés à l'enregistrement de la marque sont bien commercialisés par la défenderesse. En conséquence, le public associe la marque aux produits commercialisés par la société défenderesse.
Ces éléments établissent l'usage réel et sérieux sur la période considérée de la marque dont est titulaire la société QUEGUINER. En conséquence, la demande de déchéance sera rejetée.
Sur la contrefaçon de la marque française semi-figurative UNE ENVIE DE n°01 3 096 629La société QUEGUINER fait valoir que le dépôt des marques françaises n°03 3238 397 et 03 3238 398 et de la marque commun autaire n° 4945028 et leur exploitation pour désigner des produits identiques à ceux visés par la marque dont elle est titulaire constituent des actes de contrefaçon. Elle soutient que la marque dont elle est titulaire présente un caractère très fortement distinctif pour désigner des produits liés à la construction et à l'aménagement et bénéficie d'une très forte notoriété. Elle estime que les deux signes représentent un cœur stylisé dont le graphisme est très proche : le cœur est incliné vers la droite et le contour du cœur est constitué d'un trait épais. Selon elle, l'impression d'ensemble entre les marques est quasiment identique et celles-ci désignent des produits rigoureusement identiques, si bien qu'il existe un risque de confusion.
La société MR. B indique que la société QUEGUINER, qui a procédé au dépôt de la marque française UNE ENVIE DE plus de vingt ans après la création du logo MR. B par Publicis, ne peut lui reprocher d'utiliser sa lettre B, tant sous sa forme droite, que sous sa forme inclinée. Selon elle, le signe contesté ne reprend pas l'élément distinctif dominant de la marque antérieure invoquée, à savoir le slogan UNE ENVIE DE, mais consiste simplement en un cœur dont la forme est très différente du cœur de la marque antérieure invoquée. En outre, phonétiquement, visuellement et conceptuellement les marques en cause sont différentes et il n'existe aucun risque de confusion, tant en raison de la différence entre les produits et services, qu'en raison de la différence entre les signes.
Le fait que la société MR.BRICOLAGE revendique l'utilisation antérieure au dépôt de la marque de la société QUEGUINER de la lettre B est inopérant juridiquement, dès lors qu'elle ne conteste pas la validité de la marque.
Les signes en présence étant différents, c'est au regard de l'article 713-3 b) du code de la propriété intellectuelle qui dispose que "sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement", qu'il convient d'apprécier la demande en contrefaçon.
II y a lieu plus particulièrement de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné.
S'agissant des marques françaises n° 3228397 et 323 83998 dont est titulaire MR. B, elles portent sur des produits identiques à ceux pour laquelle est enregistrée la marque de la société QUEGUINER.
S'agissant de la marque communautaire n° 004945028 dont est titulaire MR. B, celle-ci désigne des services de vente dans le cadre du commerce de détail d'articles liés à la construction, l'aménagement, l'équipement et la décoration de la maison et du jardin qui ont un lien avec les produits désignés par la marque de la société QUEGUINER qui portent sur des matériaux de construction et d'équipement de la maison.
Les marques litigieuses représentent un cœur entouré d'un carré.La marque dont est titulaire la société QUEGUINER reproduit un cœur sur le haut duquel figure l'expression « une envie de », le point du i étant représenté par un cœur.
Le tribunal relève que si les deux signes représentent des cœurs, ceux-ci n'ont pas une forme similaire, celui de la marque MR. B étant entouré d'un carré, sa forme se rapprochant d'un B alors que celui de la société QUEGUINER se caractérise par la mention verbale « une envie de ». Dès lors, la seule présence d'un cœur dans les deux marques, qui constitue un signe banal, n'amènera pas le consommateur à un risque de confusion sur l'origine des marques, en dépit de la similarité des produits, dès lors que l'élément distinctif de la marque opposée « une envie de » ne se retrouve pas sur les marques de la société MR. B, qui se distinguent par la forme du cœur en B et le carré.
En conséquence, en l'absence de risque de confusion, la société QUEGUINER sera déboutée de ses demandes en contrefaçon.
Sur la contrefaçon du logo sur lequel la société MR.BRICOLAGE revendique des droits d'auteur
La société MR. B estime que le logo utilisé par la société QUEGUINER depuis 2008 reproduit l'ensemble des caractéristiques originales de son logo B cœur, qu'elle décrit comme un B de couleur rouge, incliné vers la gauche dont les boucles supérieures et inférieures sont associées de sorte qu'elles forment un cœur aux formes arrondies dont la partie gauche se trouve surélevée par rapport à la partie droite.
Elle soutient que cette typographie a été créée en 1980 par PUBLICIS et que celle-ci est originale du fait des formes arrondies de la lettre B dont les boucles sont associées pour former un cœur aux formes arrondies dont la partie gauche est surélevée par rapport à la partie droite.
La société QUEGUINER fait valoir que le logo n'est pas susceptible d'être protégé par le droit d'auteur, qu'il n'a été créé qu'en 2003 et que son logo n'en constitue pas la contrefaçon.
Aux termes de l'article L.L 11-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial.
Ce droit est conféré, selon l'article
L. 112-1 du même code, à l'auteur de toute œuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. Sont notamment considérées comme œuvres de l'esprit, en vertu de l'article L. 112-2-10°, les œuvres des arts appliqu és.
Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale.
Néanmoins, lorsque cette protection est contestée en défense, l'originalité d'une œuvre doit être explicitée par celui qui s'en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d'identifier les éléments traduisant l'empreinte de sa personnalité.En conséquence, toute personne revendiquant des droits sur une œuvre doit la décrire et spécifier pour chacune ce qui la caractérise et en fait le support de sa personnalité, tâche qui ne peut revenir au tribunal qui n'est par définition pas l'auteur des œuvres et ne peut substituer ses impressions subjectives aux manifestations de la personnalité de l'auteur.
Ainsi, le tribunal ne peut ni porter de jugement sur la qualité de l'œuvre qui lui est soumise ni imposer ses choix ou ses goûts ; il ne peut qu'apprécier le caractère protégeable de l'œuvre au vu des éléments revendiqués par l'auteur et des contestations émises par ses contradicteurs.
En réalité, la société MR. B revendique des droits d'auteurs sur une lettre B dans une typographie particulière et avec une forme inclinée qui évoque l'idée d'un cœur. Les caractéristiques telles que revendiquées par MR. B sont trop vagues pour faire l'objet d'une protection par le droit d'auteur, qui ne peut conférer un monopole à cette société portant sur le genre d'une lettre B avec des formes arrondies dont les boucles forment un cœur et dont la partie gauche est surélevée par rapport à la partie droite, ce qui en soi n'est pas original.
Le tribunal relève que la société MR. B ne revendique aucune caractéristique esthétique portant l'empreinte de la personnalité d'un auteur.
En conséquence, la société MR. B sera déclarée irrecevable à agir sur le fondement du droit d'auteur.
Sur la contrefaçon des marques de la société MR. B
La société MR. B estime que sa marque et le logo de la société QUEGUINER ont un graphisme très proche : un cœur incliné vers la droite comme un B déséquilibré et dont le contour est constitué d'un trait épais. Elle estime que la présence du carré qui entoure B COEUR ne permet pas d'écarter le risque de confusion entre les signes en cause qui créent, chez le consommateur d'attention moyenne, la même impression d'ensemble en raison de la reprise quasi à l'identique de la représentation particulière d'un cœur incliné vers la droite. Elle fait valoir que le logo de QUEGUINER est utilisé pour des produits similaires à ceux pour lesquelles les marques de MR B sont déposées, à savoir notamment des produits de construction et d'équipement.
La société QUEGUINER estime que la contrefaçon n'est pas constituée.
Les deux signes étant différents, il convient de rechercher s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du consommateur, sur le fondement de l'article 713-3 b) du code de la propriété intellectuelle et de 'article 9 b du règlement communautaire qui dispose que : Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque.Le logo incriminé par la société MR. B est composé d'une forme ronde de cœur qui se caractérise par des traits fins et stylisés et une ouverture d'une partie du cœur à gauche.
Il ne peut engendrer aucun risque de confusion dans l'esprit du consommateur avec la marque dont est titulaire MR. B qui s'en distingue par le fait que le cœur est composé de traits épais, entouré d'un carré et dont la forme évoque la lettre B, même si les produits sont similaires. En effet, bien que confronté à deux cœurs, le consommateur arrivera à faire la différence entre chacun d'entre eux, notamment parce qu'il associera la marque de la société MR. B au B qui compose le nom de cette société.
Dès lors, la société MR. B sera déboutée de sa demande en contrefaçon.
Sur les actes de concurrence déloyale
La société MR. B soutient qu'en utilisant le nouveau logo COEUR qui imite non seulement la forme du logo B COEUR de MR. B, mais également sa couleur caractéristique rouge, la société QUEGUINER tente de se placer dans son sillage et de bénéficier de Fattractivité de son logo caractéristique qui figure sur chaque magasin MR. B depuis 2003 et est associé à l'enseigne par le consommateur. Elle ajoute que de tels actes qui créent un risque de confusion entre l'offre de MR. B et celle de la société défenderesse constituent des actes de parasitisme et de concurrence déloyale, la société QUEGUINER ayant cherché à se placer dans son sillage.
Compte tenu de sa forme particulière et spécifique, le logo incriminé par la société MR. B ne peut engendrer aucun risque de confusion, pas plus sur le fondement du droit des marques que de la concurrence déloyale.
Par ailleurs, la société MR. B ne peut revendiquer un monopole sur l'utilisation d'un signe en forme de cœur de couleur rouge, cette couleur étant naturellement associée à la forme d'un cœur.
En outre, la spécificité du logo de la société MR. B n'ayant pas été repris, aucun acte de parasitisme n'est constitué.
En conséquence, les demandes de la société MR. B sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme seront rejetées.
Sur les demandes la société CODIEMA
La société CODIEMA, en sa qualité de licenciée de la société MR. B, sollicite l'indemnisation de son préjudice sur le fondement de la concurrence déloyale. En l'absence de contrefaçon, la demande fondée de ce chef et formée sur les mêmes faits est mal fondée et sera rejetée.
Par ailleurs, la société CODIEMA soutient que les opérations de saisie-contrefaçon réalisées dans ses locaux le 18 juin 2008 ont permis à la société QUEGUINER MATERIAUX de capter des informations confidentielles sur son savoir-faire, porté image à son image compte tenu de la présence de ses clients et salariés et qu'elle asubi cette saisie alors qu'elle exploitait paisiblement son établissement sous l'enseigne MR. B depuis des années.
Cependant, la société CODIEMA ne démontre aucun abus dans l'utilisation de la procédure de saisie-contrefaçon, l'huissier s'étant contenté de prendre en photographies des panneaux publicitaires et de saisir de la documentation commerciale à destination du public, pas plus qu'elle ne démontre l'existence d'un préjudice subi du fait de ces opérations. Sa demande sera rejetée.
La demande formée à titre subsidiaire tendant à la garantie de MR. B est sans objet.
Sur les autres demandes
L'équité commande que chaque partie garde à sa charge ses propres frais irrépétibles et dépens.
L'exécution provisoire n'est pas justifiée au vu de la nature de la présente décision et ne sera pas ordonnée.
PAR CES MOTIFS
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LE TRIBUNAL,
par jugement rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
Déboute la société MR. B de sa demande de déchéance de la marque française semi-figurative UNE ENVIE DE n° 01 3 096 629
Déboute la société QUEGUINER MATERIAUX de l'ensemble de ses demandes,
Déclare la société MR. B irrecevable à agir en contrefaçon de droit d'auteur,
Déboute la société MR. B de l'ensemble de ses demandes,
Déboute la société CODIEMA de l'ensemble de ses demandes,
Constate que la demande de garantie formée par la société CODIEMA est sans objet,
Laisse à chaque partie la charge de ses propres frais irrépétibles et dépens,
Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision,