Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société en nom collectif (SNC) Invest DOM 39 a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre des années 2007, 2008 et 2009 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n°1300382 du 24 décembre 2013, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 5 mars 2014, la SNC Invest DOM 39, représentée par
MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 200 000 francs CFP en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
La société requérante soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que, pour rejeter leur demande, les premiers juges, d'une part, se sont fondés sur un motif tiré de l'existence d'une fraude à la loi alors que l'administration n'avait pas invoqué l'abus de droit et qu'ils ont, de la sorte, statué sur un moyen soulevé d'office alors qu'il n'était pas d'ordre public et, d'autre part, ont relevé d'office ce moyen sans faire usage des dispositions de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative ;
- les premiers juges, en écartant comme irrecevables les moyens nouveaux tirés de la régularité de la procédure d'imposition, ont méconnu l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales applicable de plein droit sur le territoire de la Polynésie française ;
- l'administration a méconnu l'article LP. 421-1 du code des impôts de la Polynésie française ;
- les avis de mise en recouvrement sont irréguliers dès lors que l'administration ne justifie pas de l'existence et du respect des prescriptions de la convention qui, en application de l'article 711-1 du code des impôts de la Polynésie française, règle les modalités d'intervention de certains agents comptables précisément énumérés que ces avis ont été signés par une personne qui ne disposait pas de la compétence pour le faire et qu'ils ont méconnu les dispositions du 2° de l'article 715-2 du code des impôts de la Polynésie française ;
- le service ne l'a pas informée de la teneur et de la nature des renseignements qu'il avait obtenus de la part des sociétés contrôlées, et qui ont fondé les rappels en litige, ne lui a pas communiqué les documents qu'elle détenait à ce titre et n'a pas davantage justifié de la compétence de l'agent qui avait exercé le droit de communication ;
- les factures émises par les sociétés Intermat et Toa Hiro ne sont pas fictives ;
- la majoration de 80% prévue par l'article 511-5 du code des impôts de la Polynésie française a, à tort, été appliquée alors que, d'une part, elle n'a pas été invitée à faire valoir ses observations sur les sanctions fiscales envisagées et, d'autre part, elle n'a mis en oeuvre aucun procédé visant à égarer le pouvoir de contrôle de l'administration.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2015, la Polynésie française, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Invest DOM 39 le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
La Polynésie française soutient que les moyens soulevés par la société Invest DOM 39 ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
- l'ordonnance n° 98-581 du 8 juillet 1998 portant actualisation et adaptation des règles relatives aux garanties de recouvrement et à la procédure contentieuse en matière d'impôts en Polynésie française ;
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Boissy, rapporteur,
- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.
1. Considérant que, dans le cadre d'une opération de défiscalisation des investissements outre-mer, la société Invest DOM 39 a conclu le 1er juin 2005 une première convention prévoyant l'acquisition, auprès de la société Toa Hiro, d'un brise roche " Indeco " ; qu'à cette même date, la société Toa Hiro a établi pour la vente de ce matériel une facture mentionnant un montant hors taxes de 4 947 368 francs CFP et une taxe sur la valeur ajoutée de
792 579 francs CFP ; que, par un contrat de location signé le même jour, la société Invest DOM 39 a mis ce matériel à la disposition de la société Toa Hiro pour une durée de cinq ans ; que la société Invest DOM 39 a conclu le 6 juin 2005 une seconde convention prévoyant l'acquisition, auprès de la société Intermat, d'une pelle sur chenille " Kobelko " et d'un brise roche " Kwanglin " ; qu'à cette même date, la société Intermat a établi pour la vente de ce matériel une facture mentionnant un montant hors taxes de 30 800 000 francs CFP et une taxe sur la valeur ajoutée de 4 832 000 francs CFP ; que, par un contrat de location signé le même jour, la société Invest DOM 39 a mis ce matériel à la disposition de l'entreprise Heimana construction pour une durée de cinq ans ; que la société Invest DOM 39 a notamment obtenu le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat de ce matériel au titre des années 2007, 2008 et 2009 ; que l'administration fiscale, qui a estimé que les factures établies par les sociétés Toa Hiro et Intermat présentaient un caractère fictif, a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat des matériels et, le 8 décembre 2010, a notifié à la société Invest DOM 39 des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des années 2007, 2008 et 2009, assortis des intérêts de retard et de la majoration de 80% prévue par le 1. de l'article 511-5 du code des impôts de la Polynésie française, pour un montant de 3 956 187 francs CFP, qui ont été mis en recouvrement le 11 avril 2012 ; que la société Invest DOM 39 relève appel du jugement du 24 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels et pénalités ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation et de décharge :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la société requérante soutient que le tribunal, en retenant l'existence d'une fraude à la loi alors que l'administration n'avait pas invoqué d'abus de droit, a statué " ultra petita " ; que, pour admettre le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, les premiers juges se sont fondés sur le caractère fictif des factures établies par les sociétés Toa Hiro et Intermat au titre de la vente à la société Invest DOM 39 de divers matériels ; que si les premiers juges ont également indiqué que les opérations effectuées par la société Invest DOM 39 en vue de permettre à ses associés de bénéficier de différents dispositifs de défiscalisation relevaient d'un montage excluant tout risque financier et dont le but était exclusivement fiscal et étaient ainsi révélatrices d'une fraude à la loi, il ressort toutefois des termes mêmes du jugement attaqué que ce motif qui n'avait, il est vrai, pas été invoqué par le service des contributions de la Polynésie française et qui n'était pas d'ordre public, n'a été mentionné qu'à titre surabondant ; que, dès lors, la société Invest DOM 39 n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient entaché d'irrégularité le jugement attaqué en statuant d'office sur un moyen sans avoir préalablement procédé à l'information des parties exigée par les dispositions de l'article
R. 611-7 du code de justice administrative ;
En ce qui concerne le bien fondé du jugement attaqué :
S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :
Quant à la recevabilité des moyens relatifs à la régularité de la procédure d'imposition :
3. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi organique n°2004-192 du
27 février 2004 : " Dans les matières qui relèvent de la compétence de l'Etat, sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin. / Par dérogation au premier alinéa, sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice de dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : / 6° A la procédure administrative contentieuse (...)" ; qu'aux termes de l'article 14 de la même loi : " Les autorités de l'Etat sont compétentes dans les seules matières suivantes : / 2° (...) justice : (...) procédure administrative contentieuse (...) " ;
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, qui prévoient que le contribuable peut, dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, faire valoir tout moyen nouveau jusqu'à la clôture de l'instruction, relèvent de la catégorie des règles de procédure administrative contentieuse au sens du 2° de l'article 14 de la loi organique du 27 avril 2004 ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 7 et 14 de cette même loi organique que les dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales sont applicables en Polynésie française ; que les dispositions de l'ordonnance du
n° 98-581 du 18 juillet 1998 ne prévoient aucune adaptation de la règle prévue par l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales ; que la société requérante pouvait dès lors invoquer des moyens relatifs à la procédure d'imposition postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux ;
Quant à la motivation de la réponse aux observations du contribuable :
5. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article LP. 421-1 du code des impôts de la Polynésie française : " L'administration fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée " ;
6. Considérant, d'une part, que si la société fait valoir que l'administration a omis d'indiquer dans ses réponses aux observations du contribuable les raisons de fait pour lesquelles elle a opposé un refus à la demande de communication de documents, les dispositions précitées n'imposent pas à l'administration de motiver un tel refus et, en tout état de cause, l'administration a indiqué qu'elle ne pouvait pas communiquer des documents qui n'étaient pas en sa possession mais dont elle a seulement pris connaissance lors des opérations de contrôle d'un tiers ; que, d'autre part, en indiquant que la société n'a pas produit de document probant justifiant la réalité et la livraison des matériels vendus et en relevant l'absence de justification d'un versement effectif du prix à la société Toa Hiro et l'absence d'exploitation du bien chez la l'entreprise Heimana construction, l'administration a suffisamment répondu aux observations du contribuable ; que, dès lors, la réponse du 21 mars 2011 est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article LP. 421-1 du code des impôts de la Polynésie française ;
Quant aux renseignements obtenus de tiers :
7. Considérant que la société requérante fait valoir qu'elle n'a pas eu communication des documents sur lesquels l'administration s'est fondée pour procéder aux redressements en litige ; qu'il ressort toutefois des termes de la réponse aux observations du contribuable du
21 mars 2011 que l'administration, qui s'est notamment fondée sur les informations recueillies lors des opérations de contrôle effectuées auprès de la société Toa Hiro et de l'entreprise Heimana construction pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, n'était pas en possession des documents consultés lors de ces contrôles ; que ces mentions prévalent, à moins qu'il ne soit établi par des faits précis qu'elles sont inexactes ; que, pour le même motif, la société ne peut utilement soutenir que l'administration aurait obtenu des documents auprès d'un tiers sans justifier de la qualité de l'agent ayant exercé le droit de communication ; que l'administration a informé la société, dans sa réponse aux observations du contribuable, que l'examen des documents comptables présentés par la société Toa Hiro et l'entreprise Heimana construction ne faisait apparaître aucun enregistrement d'opération effectuée avec la société Invest DOM 39 et la société Intermat et qu'aucun encaissement de facture n'avait été identifié sur les relevés de compte bancaire de la société Toa Hiro ; qu'ainsi, l'administration a informé la redevable de la teneur et de l'origine des renseignements obtenus auprès de la société Toa Hiro et de l'entreprise Heimana construction ; que le moyen doit dès lors être écarté ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularité ;
S'agissant de la régularité des avis de mise en recouvrement :
9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 711-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Le recouvrement des impôts faisant l'objet de rôles est confié au payeur de la Polynésie française assisté, le cas échéant, par des agents désignés à cet effet. / Le recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée (...) est assuré par la recette des impôts, assistée, pour les subdivisions autres que celle des îles du Vent, des agents spéciaux et des comptables subordonnés du Trésor. Une convention entre la Polynésie française et le Trésor public réglera les modalités d'intervention de ces comptables " ;
10. Considérant que la société requérante soutient qu'il appartient à l'administration de justifier de l'existence et du respect des prescriptions de la convention entre la Polynésie française et le Trésor public à laquelle fait référence l'article 711-1 du code des impôts de la Polynésie française ; que, toutefois, de telles dispositions, relatives aux modalités d'organisation administrative des services fiscaux, sont sans incidence sur la régularité des avis de mise en recouvrement ; que ce moyen doit dès lors être écarté ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article LP. 715-1 du code des impôts de la Polynésie française : " 1- Un avis de mise en recouvrement est adressé par le receveur des impôts à tout redevable de sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. /
2- L'avis de mise en recouvrement est individuel ou collectif. Il est signé et rendu exécutoire par le Président de la Polynésie française ou son délégué (...) " ; que l'article 715-4 du même code dispose : " L'avis de mise en recouvrement individuel est établi en deux exemplaires. L'original est déposé à la recette des impôts et l'ampliation est notifiée au redevable " ; qu'aux termes de l'article 715-7 du même code : " Les avis de mise en recouvrement et les mises en demeure peuvent être signés et rendus exécutoires, sous l'autorité et la responsabilité du comptable, par les agents ayant au moins le grade de contrôleur " ;
12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont fait l'objet de deux avis de mise en recouvrement datés du 11 avril 2012 ; que ces avis de mise en recouvrement mentionnent le nom du signataire, M. A...D..., et indiquent que ce dernier a le grade d'inspecteur ; que, par une instruction du 11 mai 2011 régulièrement publiée au Journal officiel de la Polynésie française du 27 mai 2011, M. A...D...a reçu du comptable, receveur des impôts, responsable de la recette particulière des impôts de Polynésie française, délégation permanente à l'effet de signer, au nom de celui-ci, les avis de mise en recouvrement ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ces avis de mise en recouvrement n'auraient pas été signés par un agent habilité ;
13. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article LP. 715-2 du code des impôts de la Polynésie française : " L'avis de mise en recouvrement individuel comporte : /
1°) les indications nécessaires à la connaissance des sommes qui en font l'objet ; / 2°) les éléments de calcul et le montant des droits et des pénalités, indemnités ou intérêts de retard, qui constituent la créance. / Toutefois, les éléments de calcul peuvent être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figurent lorsque ce document a été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui a été notifié antérieurement. Il en est de même lorsque le contribuable n'a pas fait la déclaration nécessaire au calcul des droits " ;
14. Considérant que les avis de mise en recouvrement datés du 11 avril 2012 renvoient à un document du 21 mars 2011 qui contient les éléments de calcul des droits et des pénalités, à savoir la réponse aux observations du contribuable du 21 mars 2011 que la société ne conteste pas avoir reçue ; que cette réponse fait explicitement référence à la notification de redressements du 8 décembre 2010 qui indique le taux et les modalités de calcul des intérêts de retard ; qu'ainsi, et alors même que cet avis mentionne par erreur une " notification de redressements " du
21 mars 2011, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait méconnu les dispositions précitées de l'article 715-2 ;
S'agissant du bien-fondé des impositions :
15. Considérant qu'aux termes de l'article 345-4 du code des impôts de la Polynésie française : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / Pour ouvrir droit à déduction, la dépense engagée doit être nécessaire à l'exploitation et affectée exclusivement aux besoins de l'exploitation (...) " ; que l'article 345-10 du même code dispose : " La taxe dont les assujettis peuvent opérer la déduction est : / (...) celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ceux-ci étaient eux-mêmes autorisés à faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur ces factures " ; qu'aux termes de l'article 345-15 de ce code : " La déduction initialement opérée fait l'objet d'une régularisation, par imputation ou remboursement, lorsque la déduction s'avère supérieure ou inférieure à celle que l'assujetti était en droit d'opérer ou lorsque des modifications des éléments ayant servi à déterminer le montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment : / (...) lorsqu'une facture ou le document en tenant lieu ne correspond pas effectivement à la livraison d'un bien ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur (...) " ;
16. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles précités du code des impôts de la Polynésie française, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de service ; que, dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;
17. Considérant qu'il est constant que le matériel en litige a été facturé par les sociétés Intermat et Toa Hiro, sociétés régulièrement inscrites au registre du commerce et des sociétés de Papeete et assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration, pour refuser à la société Invest DOM 39 le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les factures les sociétés Intermat et Toa Hiro, fait notamment valoir qu'aucun flux financier correspondant aux achats et aux ventes des biens défiscalisés n'avait été détecté sur les comptes bancaires fournis lors des opérations de contrôle effectués chez le vendeur ou le locataire et, qu'en particulier, elle n'a constaté aucun enregistrement d'opération effectuée avec la société Invest DOM 39 ni aucun encaissement de facture sur les relevés de compte bancaire de la société Toa Hiro ; que l'administration a déduit de l'ensemble de ces éléments qu'en dépit du contrôle effectué auprès de la société Toa Hiro et de l'entreprise Heimana construction, elle n'avait trouvé chez ces derniers aucune trace des opérations ayant donné lieu à ces factures ; que si la société requérante produit les différents contrats signés les 1er et 6 juin 2005 et des " procès-verbaux de livraison et de prise en charge " datés du même jour, ces documents ne donnent aucune indication précise sur les modalités de livraison du matériel ; que la facture du 1er juin 2005 de la société Sodepap, en date du 1er juin 2005, libellée à l'attention de la société Toa Hiro, et qui mentionne la fourniture du brise roche Indeco n'est, par elle-même, pas de nature à établir que la société Toa Hiro aurait vendu ce bien à la société requérante ; que les attestations de règlement d'échéance fournies, établies par les parties contractantes elles-mêmes, qui ne sont accompagnées d'aucun justificatif bancaire, ne sont pas davantage de nature à établir la réalité des versements qui seraient intervenus ; que, dès lors, la société Invest DOM 39 n'apporte pas de justifications suffisantes concernant la réalité de la livraison des matériels facturés ; que, par suite, l'administration, qui n'avait pas à constater l'inexistence des biens loués chez les locataires, était fondée à refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur les facture établies par les sociétés Intermat et Toa Hiro ;
En ce qui concerne la majoration pour manoeuvres frauduleuses :
18. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 511-5 du code des impôts de la Polynésie française : " Lorsque la déclaration mentionnée à l'article 511-4 fait apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'un des impôts prévus au code des impôts insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 511-1 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie, ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses " ; qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance du 8 juillet 1998 : " En cas de contestation des pénalités appliquées à un contribuable au titre des impôts directs et des taxes assimilées, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration " ;
19. Considérant, en premier lieu, que pour justifier l'application de la majoration de 80% prévue par les dispositions précitées de l'article 511-5 du code des impôts de la Polynésie française, l'administration, dans la notification de redressements du 8 décembre 2010, a indiqué que la société Invest DOM 39, qui ne s'était pas inquiétée de l'absence de justification de la réalité de l'investissement et du règlement effectif du prix en dépit du caractère imprécis des pièces versées au dossier de défiscalisation, avait participé à un montage tendant à obtenir le remboursement injustifié de la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration a, ce faisant, suffisamment motivé l'application de la majoration en litige ; que, par ailleurs, l'administration, après avoir rappelé que la société disposait d'un délai de trente jours pour faire parvenir ses observations, a attiré l'attention du redevable sur le fait que les redressements pourraient être assortis de sanctions fiscales ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, celle-ci a été invitée à présenter des observations sur les sanctions fiscales envisagées ;
20. Considérant, en second lieu, que l'administration, en se fondant sur les faits exposés au point 17, qui établissent que la société Invest DOM 39 a activement participé, dans le cadre d'un dispositif de défiscalisation, à un montage destiné à créer l'apparence d'une opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée afin d'obtenir le remboursement de la taxe facturée par les sociétés Intermat et Toa Hiro, apporte la preuve, qui lui incombe, que la société Invest DOM 39 a eu recours à des procédés destinés à égarer l'administration ou à restreindre son pouvoir de contrôle qui justifient l'application de la majoration de 80% prévue en cas de manoeuvres frauduleuses ;
21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Invest DOM 39 n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Considérant que les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Invest DOM 39 au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Invest DOM 39 le versement de la somme de 500 euros au titre des frais exposés par la Polynésie française et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Invest DOM 39 est rejetée.
Article 2 : La société Invest DOM 39 versera à la Polynésie française une somme de 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif Invest DOM 39 et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 5 février 2016, à laquelle siégeaient :
- Mme Driencourt, président de chambre,
- Mme Mosser, président assesseur,
- M. Boissy, premier conseiller,
Lu en audience publique le 19 février 2016.
Le rapporteur,
L. BOISSYLe président,
L. DRIENCOURTLe greffier,
A.L. PINTEAU
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°14PA009833