Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 15 janvier 2002, 99-15.945

Mots clés
fonds de commerce • vente • notaire • responsabilité • promesse de vente • conditions potestative et suspensive • responsabilité (non) • pourvoi • sanction • signature • recours • référendaire

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
15 janvier 2002
Cour d'appel de Caen (1re chambre, section civile)
6 avril 1999

Synthèse

  • Juridiction : Cour de cassation
  • Numéro de pourvoi :
    99-15.945
  • Dispositif : Rejet
  • Publication : Inédit au recueil Lebon - Inédit au bulletin
  • Textes appliqués :
    • Code civil 1147, 1134 et 1174
  • Nature : Arrêt
  • Décision précédente :Cour d'appel de Caen (1re chambre, section civile), 6 avril 1999
  • Identifiant Légifrance :JURITEXT000007433042
  • Identifiant Judilibre :613723cecd5801467740e621
  • Président : M. DUMAS
  • Avocat général : M. Viricelle
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Résumé

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Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le pourvoi formé par : 1 / Mme Ingrid A..., épouse Y..., 2 / Mlle Nadia Y..., demeurant toutes deux ..., en cassation d'un arrêt rendu le 6 avril 1999 par la cour d'appel de Caen (1re chambre, section civile), au profit : 1 / de M. Joseph D..., demeurant ..., 2 / de M. Patrick X..., 3 / de Mme Murielle B..., épouse X..., demeurant ensemble ..., 4 / de Mme Sylvie Z..., demeurant ..., 5 / de Mme Florence C..., épouse Z..., demeurant 2, quai de la Marine, 14800 Deauville, 6 / de Mme Laurence Z..., demeurant chemin de l'Ecole, 14130 Tourville-en-Auge, défendeurs à la cassation ; Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 novembre 2001, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, M. Métivet, conseiller, Mme Moratille, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de la SCP A. Bouzidi, avocat de Mmes Y..., de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. D..., de la SCP Christian et Nicolas Boullez, avocat des époux X... et des consorts Z..., les conclusions de M. Viricelle, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Caen, 6 avril 1999) que, suivant deux actes sous seing privé établis par M. D..., notaire à La Ferté-Fresnel, M. Gérald Z... a promis de vendre à Mmes Ingrid et Nadia Y... un immeuble à usage de commerce et d'habitation situé à Deauville et M. et Mme X... ont promis de leur vendre le fonds de commerce qui y était exploité, Mmes Y... versant diverses sommes en garantie de leurs engagements et les actes authentiques devant être établis au plus tard le 31 mai 1993 ; qu'à cette date, M. D... a dressé un procès-verbal de carence des acquéreurs ; que Mmes Y... ont assigné les époux X..., les consorts Z... et M. D... en restitution des sommes versées au titre des deux actes et en indemnisation de leur préjudice ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que Mmes Y... font grief à

l'arrêt du rejet de leurs demandes, alors, selon le moyen, qu'elles faisaient valoir le caractère potestatif de la condition stipulée dans les deux actes aux termes de laquelle chacune des ventes était liée à l'autre, les deux ventes formant "un tout indissociable", invitant la cour d'appel à constater que le refus par l'un quelconque des promettants entraînait l'anéantissement de la seconde vente au bon vouloir des promettants ; qu'ayant relevé les termes de la condition selon laquelle les deux compromis formaient un tout indissociable et retenu que cette condition suspendant l'exécution de chacune des ventes à la réalisation par les acquéreurs d'une autre vente ne constitue pas une condition purement potestative, dès lors que, pour cette seconde vente, les consorts Y... comme leur cocontractants étaient engagés par un compromis qui en fixait les conditions et dont elles ne pouvaient se dégager sans encourir une sanction pécuniaire non négligeable, la cour d'appel, qui ne précise pas quelles étaient les sanctions pécuniaires encourues par les vendeurs de nature à retirer toute potestativité à la clause, n'a par là-même pas justifié sa décision au regard de l'article 1174 du Code civil ;

Mais attendu

qu'en retenant que la condition qui suspendait l'exécution de la vente de chacun des deux biens à l'exécution de la vente de l'autre bien aux mêmes acquéreurs par un tiers n'était pas purement potestative dès lors que chacune de ces ventes avait fait l'objet d'un compromis qui en fixait les conditions et dont les parties ne pouvaient se dégager sans encourir une sanction pécuniaire non négligeable, la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans être tenue de procéder à la recherche visée par le moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen

, pris en ses deux branches : Attendu que Mmes Y... font encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen : 1 / qu'elles faisaient valoir que les acquisitions projetées étaient soumises à la condition suspensive de la vente de leur propre fonds de commerce situé à Paris, l'importance du délai séparant les promesses de vente des actes définitifs démontrant que cette condition était entrée dans le champ contractuel, en invitant la cour d'appel à constater que le notaire, dans ses conclusions, indiquait que le paiement au comptant "supposait bien sûr non seulement la vente de leur fonds de commerce de Paris mais encore qu'elles aient elles-mêmes la possibilité de la vente en n'excluant pas leur demande supplémentaire de délai et l'a d'ailleurs démontré, le recours à un crédit-relais" (conclusions responsives p. 5) ; qu'ayant constaté que les actes prévoyaient le paiement comptant des prix de 2 600 000 francs et 1 550 000 francs, que les actes ne comportent aucune mention relative au fonds de commerce exploité par les consorts Y..., que s'il est certain que le délai de régularisation des ventes, d'une longueur inhabituelle, a été prévu pour permettre aux consorts Y... de vendre leur fonds de commerce et ainsi de financer les acquisitions, ainsi que le reconnaît M. D..., il n'en résulte pas pour autant que les parties aient eu la commune intention de faire de cette vente une condition suspensive, la cour d'appel, qui relève qu'il est établi que le délai de régularisation avait été exceptionnellement long en vue de permettre à Mmes Y... de vendre leur fonds de commerce et qui cependant décide qu'elles ne rapportent pas la preuve de l'existence d'une telle condition, n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations et a violé l'article 1134 du Code civil ; 2 / qu'elles faisaient valoir que les acquisitions projetées étaient soumises à la condition suspensive de la vente de leur propre fonds de commerce situé à Paris, l'importance du délai séparant les promesses de vente des actes définitifs démontrant que cette condition était entrée dans le champ contractuel, en invitant la cour d'appel à constater que le notaire, dans ses conclusions, indiquait que le paiement au comptant "supposait bien sûr non seulement la vente de leur fonds de commerce de Paris mais encore qu'elles aient elles-mêmes la possibilité de la vente en n'excluant pas leur demande supplémentaire de délai et l'a d'ailleurs démontré, le recours à un crédit-relais" (conclusions responsives p. 5) ; qu'ayant constaté que les actes prévoyaient le paiement comptant des prix de 2 600 000 F et 1 550 000 F, que les actes ne comportent aucune mention relative au fonds de commerce exploité par les consorts Y..., que s'il est certain que le délai de régularisation des ventes, d'une longueur inhabituelle, a été prévu pour permettre aux consorts Y... de vendre leur fonds de commerce et ainsi de financer les acquisitions, ainsi que le reconnaît M. D..., il n'en résulte pas pour autant que les parties aient eu la commune intention de faire de cette vente une condition suspensive, sans préciser en quoi ce délai de régularisation exceptionnellement long accordé à Mmes Y... en vue de leur permettre de vendre leur fonds de commerce et ainsi de financer les acquisitions ne caractérisait pas la commune intention de faire de cette vente une condition suspensive en l'état de ce que reconnaissait le notaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1135 du Code civil ;

Mais attendu

que c'est souverainement et en justifiant légalement sa décision qu'ayant constaté que, non seulement aucun des actes ne faisait référence à la condition suspensive de la vente par Mmes Y... de leur propre fonds de commerce à Paris, mais encore que, dans chacun d'eux, elles se sont engagées à payer le prix comptant lors de la signature et ont même apposé la mention manuscrite prévue par la loi du 13 juillet 1979 selon laquelle, en cas de prêt, elles ne pourraient se prévaloir de la condition suspensive de son obtention, circonstance propre à attirer leur attention sur le mode de financement des acquisitions projetées, la cour d'appel a estimé que le fait qu'un délai de neuf mois ait été prévu pour la signature de l'acte authentique afin de leur permettre de vendre leur fonds ne suffit pas à établir que les parties aient eu la commune intention de faire de cette vente une condition suspensive ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Et sur le troisième moyen

, pris en ses cinq branches :

Attendu que Mmes Y... font le même grief à

l'arrêt, alors, selon le moyen : 1 / qu'elles faisaient valoir les manquements du notaire à son obligation de conseil, le notaire, ayant parfaite connaissance de ce que, en vue de payer le prix au comptant des deux acquisitions, elles devaient préalablement procéder à la vente de leur fonds de commerce, ne les ayant pas conseillées sur la nécessité d'insérer dans les compromis une condition suspensive ; qu'ayant relevé que le notaire reconnaissait que le délai de régularisation, d'une longueur inhabituelle, avait été prévu pour leur permettre de vendre leur fonds de commerce et ainsi financer les acquisitions, puis retenu qu'il n'est pas contesté que M. D... n'est pas intervenu dans la négociation des cessions, les appelantes faisant état dans leurs écritures de ce que les parties s'étaient adressées au notaire pour rédiger le compromis, et affirmé qu'il peut s'en déduire qu'elles avaient, au préalable, trouvé un accord sur les conditions et les modalités des cessions et que, notamment, elles avaient convenu d'un délai de neuf mois avant la régularisation des ventes par acte authentique pour permettre aux acquéreurs de vendre leur fonds, pour en déduire qu'il n'appartenait pas au notaire, chargé de rédiger les compromis, de se livrer à des investigations particulières concernant le financement d'une opération simple conclue entre commerçants, la cour d'appel s'est par là même prononcée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; 2 / qu'elles faisaient valoir les manquements du notaire à son obligation de conseil, le notaire ayant parfaite connaissance de ce que, en vue de payer le prix au comptant des deux acquisitions, elles devaient préalablement procéder à la vente de leur fonds de commerce, ne les ayant pas conseillées sur la nécessité d'insérer dans les compromis une condition suspensive ; qu'ayant relevé que le notaire reconnaissait que le délai de régularisation, d'une longueur inhabituelle, avait été prévu pour leur permettre de vendre leur fonds de commerce et ainsi financer les acquisitions, puis retenu qu'il n'est pas contesté que M. D... n'est pas intervenu dans la négociation des cessions, les appelantes faisant état dans leurs écritures de ce que les parties s'étaient adressées au notaire pour rédiger le compromis, et affirmé qu'il peut s'en déduire qu'elles avaient, au préalable, trouvé un accord sur les conditions et les modalités des cessions et que, notamment, elles avaient convenu d'un délai de neuf mois avant la régularisation des ventes par acte authentique pour permettre aux acquéreurs de vendre leur fonds, pour en déduire qu'il n'appartenait pas au notaire, chargé de rédiger les compromis, de se livrer à des investigations particulières concernant le financement d'une opération simple conclue entre commerçants, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de Mmes Y... qui faisaient expressément valoir que les parties avaient saisi le notaire en vue de les conseiller et d'établir les actes et a violé l'article 1134 du Code civil ; 3 / que le notaire ne peut décliner le principe de sa responsabilité en alléguant qu'il n'a fait que donner la forme authentique ou sous seing privé aux opérations conclues par les parties, le notaire tenu professionnellement d'éclairer les parties sur les conséquences de leurs actes ne pouvant décliner sa responsabilité en alléguant s'être borné à donner forme aux déclarations reçues par lui ; qu'ayant constaté que le notaire reconnaissait que le délai de régularisation, d'une longueur inhabituelle, avait été prévu pour permettre à Mmes Y... de vendre leur fonds de commerce et ainsi financer l'acquisition au comptant, qu'il n'est pas contesté que le notaire n'est pas intervenu dans la négociation des cessions, que les parties s'étaient adressées au notaire pour dresser le compromis et retenu qu'il peut s'en déduire que les parties avaient, au préalable, trouvé un accord sur les conditions et modalités des cessions et que notamment, elles avaient convenu d'un délai de neuf mois avant la régularisation des ventes par acte authentique pour permettre aux acquéreurs de vendre leur fonds, la cour d'appel, qui affirme qu'il n'appartenait pas au notaire, chargé de rédiger les compromis, de se livrer à des investigations particulières concernant le financement d'une opération simple conclue entre commerçants, sans préciser en quoi le fait que le notaire qui avait connaissance de l'importance des prix devant être payés au comptant, et que le délai de neuf mois pour la régularisation des actes authentiques avait pour objet de permettre à Mmes Y... de vendre leur fonds en vue de financer l'acquisition, n'était pas de nature à justifier que le notaire conseille les clientes sur la nécessité d'insérer à l'acte une clause particulière et n'avait pas dès lors commis une faute n'a légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ; 4 / que, quelle que soit l'opération conclue, le notaire est tenu d'un devoir de conseil ; qu'en affirmant qu'il n'appartenait pas au notaire chargé de rédiger les compromis de se livrer à des investigations particulières concernant le financement d'une opération simple conclue entre commerçants, tout en relevant que le notaire avait rédigé les actes contenant l'indication des prix importants devant être payés au comptant, que le notaire reconnaissait avoir connaissance de ce que le délai de 9 mois avait été accordé à Mmes Y... en vue de leur permettre de vendre leur fonds de commerce et ainsi financer l'acquisition, la cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil ; 5 / qu'en affirmant que force est enfin d'observer que la condition que les appelantes reprochent au notaire de ne pas avoir inséré dans les actes est souvent reconnue comme ayant un caractère potestatif, qu'il est curieux qu'elles reprochent au notaire de ne pas avoir inséré une condition dont elles estiment qu'elle aurait vicié les actes, la cour d'appel, qui ne précise pas en quoi une telle condition aurait constitué une condition potestative, n'a par là même pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1174 du Code civil, ensemble l'article 1147 dudit Code ;

Mais attendu

qu'ayant relevé que le notaire n'avait été requis que pour donner forme aux accords auxquels étaient parvenues les parties, toutes commerçantes, avant son intervention, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que Mmes Y... ne démontrent pas avoir ignoré les risques évidents que comportait leur projet d'acheter l'immeuble et le fonds de commerce avec les seules ressources provenant de la vente de leur établissement parisien, sans faire insérer dans les compromis une clause subordonnant la régularisation de ces actes à la vente de leur hôtel-restaurant de Paris, qu'il n'est pas établi que les vendeurs auraient accepté une clause permettant à Mmes Y..., au bout d'un délai particulièrement long, d'échapper aux indemnités qui les auraient dédommagés de l'immobilisation de leurs biens, qu'enfin, si elles l'avaient souhaité, Mmes Y... auraient pu, compte tenu de la consistance de leur patrimoine, obtenir sans difficulté un crédit-relais ; qu'à partir de ces constatations et énonciations déduites de son appréciation souveraine des faits de la cause, et exclusives de dénaturation, la cour d'appel, qui a légalement justifié sa décision, a pu décider qu'aucune faute ne pouvait être reprochée au notaire pour ne pas avoir incité Mmes Y... à subordonner leurs engagements à la condition suspensive de la cession de leur fonds de commerce ; que le moyen qui, en ses quatre premières branches, n'est pas fondé et en sa dernière vise un motif surabondant de l'arrêt, ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne Mmes Y... aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mmes Y... à payer, d'une part à M. et Mme X... et à Mmes Z... une somme de 1 500 euros, d'autre part à M. D... une somme de 1 500 euros, et rejette leur demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille deux.