Cour de cassation, Chambre sociale, 8 juin 1994, 93-45.665

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1994-06-08
Cour d'appel de Chambéry (chambre sociale)
1991-03-12

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur la requête présentée par Mme Danielle Carré née Dumaz, demeurant "Machamod", Chavanod (Haute-Savoie), tendant au rabat de l'arrêt n° 2694, rendu, le 13 juillet 1993, par la Cour de Cassation, Chambre sociale, Et sur le pourvoi formé par la même demanderesse, en cassation d'un arrêt rendu le 12 mars 1991 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), au profit de la Société civile professionnelle Dominique X..., Bernard X... et Daniel Reymond, dont le siège est ... (Haute-Savoie), défenderesse à la cassation ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 27 avril 1994, où étaient présents : M. Waquet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Bignon, conseiller référendaire rapporteur, M. Y..., Mme Z..., M. Desjardins, conseillers, Mlle Sant, conseiller référendaire, M. de Caigny, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Bignon, les observations de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de la SCP X... et Reymond, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu que Mme Carré, engagée par M. X... en qualité de dactylographe, puis devenue cadre et la salariée de la SCP X... et Reymond, a été licenciée pour faute grave le 21 septembre 1990 ; Sur la requête en rabat d'arrêt : Attendu que le recours n° 93-45665-H, en date du 26 octobre 1993, adressé à la Cour de Cassation par Mme Carré, tend à obtenir l'annulation de l'arrêt de ladite cour qui, le 13 juillet 1993, a déclaré irrecevable le pourvoi qu'elle avait formé, le 15 mai 1991, contre un arrêt rendu le 12 mars 1991 par la cour d'appel de chambéry ; Attendu que l'arrêt constatant l'irrecevabilité du pourvoi principal formé par Mme Carré et l'irrecevabilité consécutive du pourvoi incident formé par la SCP X... et Reymond est intervenu aux motifs que la déclaration de pourvoi ne formulait aucun moyen de cassation et que le mémoire ampliatif n'avait pas été produit dans le délai de trois mois prévu par l'article 989 du nouveau Code de procédure civile ; Attendu, cependant, que la salariée justifie avoir déposé un mémoire contenant l'énoncé des moyens de cassation le 13 août 1991, soit dans le délai de 3 mois à compter de la déclaration de pourvoi ; qu'il s'ensuit que le pourvoi principal et que le pourvoi incident sont recevables ; Qu'il convient en conséquence de rabattre l'arrêt du 13 juillet 1993 et de statuer à nouveau ;

Sur le moyen

unique du pourvoi principal formé par la salariée :

Attendu que Mme Carré fait grief à

l'arrêt attaqué (Chambéry, 12 mars 1991) de l'avoir déboutée de sa demande en paiement d'un solde de congés payés au titre de la période 1989-1990, alors que, selon le moyen, pour infirmer le jugement de ce chef, la cour d'appel a procédé par voie d'affirmation en énonçant qu'elle avait pris ses congés payés bien que l'employeur n'ait jamais soutenu qu'elle avait pris l'intégralité de ses vacances ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a statué au-delà des contestations adverses ;

Mais attendu

qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que l'employeur contestait devoir un solde d'indemnité de congés payés à la salariée ; qu'en déboutant celle-ci de sa demande, la cour d'appel n'a pas méconnu les termes du débat et n'a pas statué hors des limites du litige ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen

unique du pourvoi incident formé par l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à

l'arrêt d'avoir décidé que le licenciement ne procédait pas d'une faute grave, alors que, selon le moyen, d'une part, la lettre de licenciement du 21 septembre 1989 ne se bornait pas à qualifier de faute grave les erreurs commises par la salariée dans les affaires "Service aérien français" et "Van Overmeire", mais visait expressément sous la même qualification celle ayant consisté à "oublier" dans un parapheur une lettre avisant un client de ce qu'il avait été condamné par arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel à une peine de prison ferme et attirant son attention sur la date d'expiration du délai de pourvoi en cassation ; qu'en considérant que l'appréciation du bien-fondé du licenciement pour fautes graves ne devait être faite que sur les deux premiers manquements susvisés, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'intimée et violé l'article 1134 du code civil ; et alors que, d'autre part, la répétition de manquements, même sanctionnés au fur et à mesure de leur survenance, est susceptible de constituer une faute grave ; que la cour d'appel, qui constatait le bien-fondé de nombreux reproches avancés par l'employeur, devait rechercher si leur répétition n'était pas susceptible, surtout chez un cadre, de caractériser la faute grave ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-6 du Code du travail ;

Mais attendu

que, hors toute dénaturation et se fondant sur l'ensemble des griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a estimé que la plupart de ceux-ci n'étaient pas établis, et retenu que depuis l'avertissement prononcé à l'encontre de la salariée en raison du manquement visé par la première branche du moyen, il ne pouvait être reproché à celle-ci que d'avoir établi un chèque d'un montant erroné et commis une erreur insignifiante ; qu'en l'état de ces constatations, et abstraction faite de motifs surabondants, la cour d'appel a pu décider que ces faits ne rendaient pas impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise pendant la durée du préavis et ne constituaient pas une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: RABAT l'arrêt rendu le 13 juillet 1993, et statuant à nouveau, DIT RECEVABLES le pourvoi principal et le pourvoi incident ; REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident ; Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ; Dit qu'à la diligence de M. le grefier en chef de la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt rapporté ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du huit juin mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.