Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Rouen 27 mars 2007
Cour de cassation 03 mars 2009

Cour de cassation, Chambre sociale, 3 mars 2009, 07-42535

Mots clés société · contrat · procédure civile · convention · travail · forfait · congés payés · rapport · magasin · enquête · emploi · salaire · licenciement · direction · employeur

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 07-42535
Dispositif : Cassation partielle
Décision précédente : Cour d'appel de Rouen, 27 mars 2007
Président : M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delvolvé, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Rouen 27 mars 2007
Cour de cassation 03 mars 2009

Texte

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... et son épouse Mme X... ont été engagés le 20 juillet 1993 par la société La Halle, respectivement en qualité de chargé de magasin et d'auxiliaire commerciale ; qu'ils ont été ensuite successivement mutés à Alès puis à Tourville-La-Rivière ; que le 22 février 2001, M. X... s'est vu confirmer sa classification en qualité de directeur de magasin, statut cadre catégorie B position 2 et Mme X... son emploi d'adjointe de direction, statut assimilé cadre ; que le 13 mai 2005, M. X... a été licencié pour faute grave ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et la condamnation de ce dernier au paiement de diverses sommes à titre d'indemnités de rupture, de rappel de salaire et de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen

:

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais

sur le second moyen

:

Vu l'article L. 212-15-3 du code du travail recodifié sous les articles L. 3121-38, L. 3121-40, L. 3121-42 du même code ;

Attendu que, selon ce texte, la durée de travail des cadres peut être fixée par des conventions individuelles de forfait qui peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle pour autant que la conclusion de telles conventions soit prévue par une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ; que la convention ou l'accord collectif prévoyant la conclusion de forfait en jours doit prévoir le nombre de jours travaillés, qui ne peut dépasser le plafond de deux cent dix-sept jours ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'une somme à titre d'heures supplémentaires, la cour d'appel a retenu que la convention de forfait conclue entre M. X... et son employeur ne prévoyait pas le nombre d'heures supplémentaires prévues dans le forfait et ne répondait pas aux exigences légales ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'une convention de forfait en jours n'a pas à prévoir le nombre d'heures supplémentaires comprises dans le forfait jours annuel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

:

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement d'une somme à titre d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 27 mars 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille neuf.

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Delvolvé, avocat aux Conseils pour la société La Halle

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur Alain X... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné son employeur, la société LA HALLE, à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire, une indemnité conventionnelle de licenciement, et une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.

AUX MOTIFS QUE, en premier lieu, la société produisait une lettre de Madame Y..., déléguée syndicale FO, des lettres de salariées du magasin de Tourville et un rapport d'enquête du CHSCT et de la direction à la demande de cette dernière ; que la lettre de Madame Y... avait été envoyée le 19 avril 2005 à Mme Z..., chargée des affaires sociales, le jour même de l'enquête de la direction et du CHSCT ; qu'elle n'était donc pas le préalable à l'enquête, contrairement à ce qu'indiquait la lettre de licenciement puisque Monsieur X... avait été convoqué dans le cadre de celle-ci le 13 avril 2005 ; que cette mesure d'enquête avait été demandée par la direction et diligentée par elle conjointement avec le CHSCT ; que cependant, il n'était produit aucune décision du CHSTC mandatant ses membres à cet effet et c'était seulement en appel que la société avait communiqué un rapport signé de deux membres du CHSCT ; que par lettre du 13 avril 2005, Monsieur X... avait certes été invité à présenter ses observations mais il était à l'époque en arrêt de maladie pour dépression ; qu'il n'avait donc pas été sérieusement mis en mesure d'exposer contradictoirement ses arguments ; que par lettre du 27 avril 2005, il avait tenté de se procurer le procès verbal de l'enquête auprès de la responsable des affaires sociales, du secrétaire du CHSCT et de l'inspection du travail ; qu'il avait encore formulé cette demande le 1er juillet 2005 auprès de la représentante syndicale FO du CHSCT et du secrétaire du CHSCT ; que le rapport ne lui avait été communiqué que le 15 juillet 2005 à la suite de la sommation de communiquer de son avocat, soit plus de deux mois après son licenciement ; que les déclarations des salariées étaient au surplus contradictoires, certaines d'entre elles ne formulant aucun reproche à l'encontre de Monsieur X... (Mlle A..., Mlle Sandra X... qui ne comprend pas l'acharnement vis-à-vis de ses supérieurs, et Mlle B...) ; que Monsieur X... produisait en outre des témoignages attestant d'une ambiance de travail agréable et des qualités humaines des époux X... (Mlle B..., Mlle C..., Mlle D..., Mlle Sandra X...) ; qu'il avait été d'ailleurs versé une prime de 100 aux salariées en mai 2005 ; que Mlle X... et Mme B... qui avaient attesté en faveur des époux X... ne l'avaient pas reçue ; qu'en deuxième lieu, les lettres des salariées datées du 15 septembre et du 25 octobre 2004 adressées au directeur des ressources humaines ou au directeur régional mettant en cause les époux X... et n'ayant donné lieu à aucune réponse, ne pouvaient être prises en compte en raison de la prescription des faits ; qu'en troisième lieu, étaient produites également des lettres de salariées se plaignant notamment de changements d'horaires sans signature d'un avenant (Mmes E..., G... et F...) ; que Mme E... avait toutefois indiqué lors de l'enquête que les plannings étaient affichés une ou deux semaines à l'avance ; qu'en outre, Monsieur X... était tenu de ne pas dépasser le « crédit horaire » qui lui était imposé ; que si Monsieur X... produisait une série d'avenants signés par des salariées ayant accepté la modification de leurs horaires pour des motifs légitimes (fêtes de fin d'année, soldes, congé maladie …) il n'avait pas régularisé les horaires d'autres salariées, ce qui constituait un manquement de sa part ; que s'agissant de Mme F..., qui avait sollicité le 24 mars 2005 une attestation de ses horaires prenant en compte un second emploi afin d'en justifier auprès de son second employeur, le refus de Monsieur X... ne pouvait être qualifié d'abusif compte tenu de l'ambiguïté de la rédaction de l'article 1 du contrat de travail de la salariée stipulant qu'elle n'était liée à aucune autre entreprise ; qu'il ne pouvait non plus être reproché à Monsieur X... d'avoir réclamé à la salariée la justification de son absence même si celle-ci s'était avérée particulièrement légitime ; que par ailleurs, il résultait d'attestations de Mmes E..., F... et H... l'existence d'irrégularités : horaires travaillées différents de ceux inscrits au contrat de travail, déclaration d'heures fictives … ; que des manquements pouvaient donc être reproché à Monsieur X... qui méritaient un rappel à l'ordre mais pas un licenciement comme l'indiquait le rapport d'enquête en conclusion : « Il serait souhaitable que M. et Mme X... réagissent très rapidement afin de rétablir une situation saine et viable à l'intérieur du PVT » ; que le licenciement était donc sans cause réelle et sérieuse ; que compte tenu de l'ancienneté de Monsieur X..., de sa rémunération, de son âge et des circonstances du licenciement, il devait être lui être alloué une somme de 71 333, 98 à titre de dommages et intérêts.

ALORS QUE, D'UNE PART, il résulte de la lettre de Madame Y..., déléguée syndicale FO, datée certes du 19 avril 2005, qu'elle fait « suite à nos différents entretiens téléphoniques concernant des dysfonctionnements sur le magasin de Tourville-la-Rivière », de telle sorte que si cette lettre n'a pu être formellement le préalable de l'enquête de la direction et du CHSCT, son contenu, porté antérieurement à la connaissance de l'employeur, l'a été ; et qu'en s'abstenant d'apprécier la valeur probante des éléments de fait exposés par la déléguée dans cette lettre, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile

ALORS QUE, EGALEMENT, ni l'absence de production d'une décision du CHSTC mandatant ses membres, ni l'absence pour arrêt de maladie (avec heures de sorties autorisées) de Monsieur X..., qui avait été régulièrement convoqué lors de l'enquête du 19 avril 2005, ne sont de nature à affecter la régularité de l'enquête diligentée par la direction et le CHSCT et son caractère contradictoire, de telle sorte qu'en se déterminant par des considérations inopérantes, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile

ALORS QU'EN OUTRE, la cour d'appel ne pouvait se borner à relever le caractère contradictoire des déclarations des salariées sous prétexte que 3 d'entre elles (sur 10 entendues par le CHSCT) ne formulait aucun reproche à l'encontre de Monsieur X..., sans répondre aux conclusions d'appel (p. 7) de la société LA HALLE rappelant que Mlle Sandra X... était absente du magasin pour congé parental depuis deux ans au moment des faits, que Mlle B..., qui reconnaissait qu'« un mauvais climat s'est installé », avait été également absente depuis tout le 1er semestre de l'année 2005, et qu'enfin il n'était pas reproché à Monsieur X... son attitude à l'égard de la totalité des salariées sous ses ordres, mais à l'égard de certaines d'entre elles qui avaient témoigné en ce sens ; et qu'ainsi la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile

ALORS QUE, DE PLUS, en tenant pour suspectes les déclarations des salariées, sous prétexte qu'elles avaient reçu en mai 2005 une prime de 100, alors que Mlle X... et Mme B..., qui avaient attesté en faveur des époux X..., ne l'avaient pas reçue, sans répondre aux conclusions de la société LA HALLE (p. 7), justifiant que la prime avait versée à tout le personnel présent sur le point de vente au mois d'avril, aussi bien à celles qui n'avaient pas été entendues par le CHSCT qu'à celles qui avaient témoigné en faveur des époux X..., la prime ayant pour cause le surcroît de travail demandé et l'implication dans la gestion du magasin durant la période d'absence des époux X..., et qu'ainsi Mme E..., qui était en congé parental, n'en avait pas bénéficié, en dépit de son témoignage défavorable aux époux X..., de la même façon que Mlle Sandra X... et Mme B..., absentes en avril 2005, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile

ALORS QUE, D'AUTRE PART, l'article L. 122-44 du Code du travail ne s'oppose pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois lorsque le comportement fautif du salarié s'est poursuivi dans ce délai ; et qu'en refusant de tenir compte des lettres de salariées datées des 15 septembre et 25 octobre 2004 qui mettaient déjà en cause Monsieur X..., la cour d'appel a faussement appliqué ce texte

ALORS QU'ENFIN, la cour d'appel qui a constaté que Monsieur X..., directeur de magasin, imposait à certaines salariées (Mmes E..., F... et H...) des horaires de travail différents de ceux inscrits au contrat de travail, et déclarait des heures fictives, ce qui constituent de graves irrégularités de la part d'un responsable de l'encadrement d'une équipe de vente qui ont pour effet de rendre précaires les conditions de travail des salariées concernées, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient en violation des articles L. 122-14-3, L. 122-14-4, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société LA HALLE à verser à Monsieur Alain X..., la somme de 20 000 à titre de rappels d'heures supplémentaires et les congés payés afférents.

AUX MOTIFS QUE l'avenant au contrat de travail de Monsieur X... du 15 février 2001 prévoyait une convention de forfait de 214 jours maximum par an, l'employeur s'engageant à faire bénéficier le salarié de la réduction du temps de travail sans diminution de son salaire de base ; que cependant, la convention de forfait ne prévoyait pas le nombre d'heures supplémentaires comprises dans celui-ci et ne répondait donc pas aux exigences légales ; que l'argument de la société selon lequel les heures supplémentaires n'avaient pas été autorisées par la direction devait être écarté car la note de service ne prévoyait une telle autorisation que pour les employés à temps complet, temps partiel, adjoints de magasin et non pour les cadres ; que Monsieur X... versait aux débats des fiches de temps, un courrier adressé à la direction le 3 septembre 2003 indiquant ne pouvoir réaliser son travail en 35 heures pour lui et son adjoint et un autre, le 29 novembre 2004, précisant qu'en tant que responsable, il travaillait 50 heures par semaine, le magasin étant ouvert 60 heures, une note décomptant son temps de présence lors des travaux de rénovation du magasin ; que Monsieur X... avait donc accompli des heures supplémentaires, mais que, compte tenu de la liberté d'organisation dont il bénéficiait et de la présence de son épouse, en qualité d'adjoint, celles-ci devaient être arbitrées à la somme de 20 000 outre les congés payés afférents.

ALORS QU'il résulte de l'article L. 212-15-3 du Code du travail, que la durée de travail des salariés ayant la qualité de cadre peut être fixée par des conventions individuelles de forfait qui peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle ; que la conclusion d'une convention de forfait en jours, dès lors qu'elle est prévue par une convention ou un accord collectif, avec un cadre, dont l'autonomie dans l'organisation de son emploi du temps ne permet pas la prédétermination de la durée du temps de travail, lui rend inapplicable les dispositions de l'article L. 212-1 et du 2ème alinéa de l'article L. 212-7 du Code du travail ; qu'une convention de forfait en jours est par définition dépourvue de référence horaire, de telle sorte qu'elle n'a pas à prévoir le nombre d'heures supplémentaires comprises dans le forfait jours annuel ; et qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté que les parties avaient conclue une convention de forfait de 214 jours maximum, dont la licéité n'était pas contestée par le salarié, a, en refusant de tirer les conséquences de cette convention, violé l'article L. 212-15-3 III du Code du travail et l'article 1134 du Code civil.