Cour de cassation, Troisième chambre civile, 16 juin 1999, 96-22.604, 97-10.435

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1999-06-16
Cour d'appel de Bordeaux (1re chambre, section A)
1996-10-08

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS I - Sur le pourvoi n° C 96-22.604 formé par : 1 / M. Jean A..., demeurant ..., 2 / Mme Caroline Y..., épouse X..., demeurant ..., 3 / M. Christophe Y..., demeurant le Font Chrétien, 86320 Civaux, 4 / Mme Liliane D..., veuve Y..., demeurant le Font Chrétien, 86320 Civaux, 5 / M. Patrick Y..., demeurant ..., défendeurs à la cassation ; en cassation d'un arrêt rendu le 8 octobre 1996 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre, section A), au profit de Electricité de France (EDF), dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ; II - Sur le pourvoi n° W 97-10.435 formé par Electricité de France (EDF), en cassation du même arrêt rendu au profit : 1 / de M. Jean A..., 2 / de Mme Caroline Y..., épouse X..., 3 / de M. Christophe Y..., 4 / de Mme Liliane D..., veuve Y..., 5 / de M. Patrick Y..., défendeurs à la cassation ; Les demandeurs au pourvoi n° C 96-22.604 invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; La demanderesse au pourvoi n° W 97-10.438 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation, annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 12 mai 1999, où étaient présents : Mlle Fossereau, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Guerrini, conseiller rapporteur, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, M. Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. Guerrini, conseiller, les observations de la SCP Defrénois et Levis, avocat d'EDF, de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat des consorts Z..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Joint les pourvois n° C 96-22.604 et W 97-10.435 ;

Sur le moyen

unique du pourvoi n° C 96-22.604 : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 8 octobre 1996), statuant sur renvoi après cassation, que suivant un acte notarié du 3 août 1973, M. A... et M. Y..., aux droits duquel viennent les consorts Y..., ont vendu diverses parcelles à M. C... en se réservant sur une partie de la parcelle cadastrée Z0-3 à concurrence de deux hectares, les produits alluvionnaires et sables pouvant exister, les travaux d'extraction devant être effectués et terminés dans un délai de dix ans ; que suivant acte intervenu pour accorder une prolongation du délai d'exploitation jusqu'au 3 août 1993, les consorts Z... ont cédé leur droit d'exploitation de la carrière à la société Sables et matériaux du Poitou et du Limousin (SMPL) à concurrence de 150 000 mètres cubes, étant précisé que cette convention expirait le 19 juin 1990, sauf si la société avait épuisé avant cette date le volume maximum autorisé, les produits non extraits à cette date demeurant alors la propriété exclusive des concédants ; que par acte du 24 juin 1981, M. C... a vendu à Electricité de France (EDF) la parcelle cadastrée Z0-3 ; qu'un différend étant apparu sur l'indemnisation, les consorts Z... ont assigné EDF en paiement d'une certaine somme représentant la valeur des matériaux non extraits dans la limite des 150 000 mètres cubes ;

Attendu que les consorts Z... font grief à

l'arrêt de les débouter de leur demande, alors, selon le moyen, "1 / que, si le droit de disposer des matériaux non utilisés par la société cessionnaire, que s'étaient réservés les consorts Y..., était conditionnel, en ce sens que cette société devait ne pas avoir extrait les quantités auxquelles elle avait droit et qu'une autorisation préfectorale devait avoir été obtenue, l'existence d'une telle condition, dont il n'était pas constaté qu'elle fût irréalisable, voire hautement improbable, ne suffisait pas à priver les titulaires de ce droit de tout dédommagement du préjudice éprouvé par suite de sa perte définitive ; qu'en se fondant sur le caractère hypothétique du préjudice, constitué à tout le moins par la perte d'une chance, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 1382 du Code civil ; 2 / que l'arrêt attaqué ne pouvait d'office opposer aux consorts B... un arrêté préfectoral du 19 avril 1982 et l'interdiction d'extraction qu'il aurait édictée sans rouvrir les débats et provoquer une discussion contradictoire, dès lors que l'existence, la date et les dispositions de cet arrêté, telles qu'énoncées par l'arrêt n'avaient pas été invoquées par les parties ; que l'arrêt attaqué, en ce qu'il fonde sa décision sur l'arrêté susvisé, viole les dispositions de l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; 3 / que l'arrêté du 19 avril 1982, en vigueur à la date de la prise de possession de la parcelle par EDF, prévoit, au contraire, la possibilité d'extraction de matériaux sur les terrains qu'il concerne ; que l'arrêt attaqué, en lui conférant un sens et une portée opposés, a violé par refus d'application ses dispositions d'ordre réglementaire ; 4 / que rien n'interdisait aux parties aux actes de cession de 1973 comme de 1980, de réserver à l'une d'elles une partie des droits d'extraction ainsi cédés ; qu'en excluant cette faculté, l'arrêt attaqué n'a pas donné à sa décision une base légale au regard des dispositions de l'article 1134 du Code civil" ;

Mais attendu

qu'appréciant souverainement les éléments de preuve soumis à son examen, et ayant relevé que la partie du tréfonds exploitable de la parcelle cadastrée Z0-3 de deux hectares concernée n'avait en réalité qu'une contenance volumétrique théorique de 141 000 mètres cubes, réduite à 116 000 mètres cubes à la date de cessation d'exploitation, que cette circonstance conférait un caractère encore plus hypothétique à la perte future de matériaux non extraits invoquée, et que rien ne permettait d'affirmer que la SMPL, si elle avait pu poursuivre son exploitation, n'aurait pas extrait la totalité des matériaux réservés avant la date d'expiration de la concession, la cour d'appel, ayant ainsi caractérisé l'absence de certitude quant à l'existence de la chance dont la perte était alléguée par les consorts Z..., a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le moyen

unique, qui est recevable, du pourvoi n° W 97-10.435 :

Vu

l'article 1153, alinéa 3, du Code civil ; Attendu que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ; Attendu que l'arrêt, qui constate qu'en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers du 24 juin 1992, cassé par arrêt du 16 novembre 1994, EDF a payé aux consorts Z... une somme de 1 089 078, 90 francs, condamne ceux-ci à rembourser cette somme, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt qui ordonne le remboursement et dont il retient qu'il fonde seul le droit à remboursement, s'agissant d'une indemnité ;

Qu'en statuant ainsi

, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à sa date le point de départ des intérêts au taux légal, l'arrêt rendu le 8 octobre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ; Condamne les consorts Z... aux dépens des pourvois ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les consorts Z... à payer, ensemble, à EDF la somme de 9 000 francs ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du seize juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf par Mlle Fossereau, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.