Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème Chambre, 5 décembre 2013, 12VE00438

Mots clés police · police administrative et judiciaire · société · sanction · aeroports · préfet · soutenir · commission · sécurité · contrôle · amende · procès-verbal · saisie · pouvoir · requête · passagers · aléatoire

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro affaire : 12VE00438
Type de recours : Excès de pouvoir
Président : M. BOULEAU
Rapporteur : Mme Sophie COLRAT
Rapporteur public : Mme AGIER-CABANES
Avocat(s) : GUILLAUME

Texte

Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2009, présentée pour la société AEROPORTS DE PARIS dont le siège est 291 boulevard Raspail à Paris (75675), par Me Guillaume, avocat ; pour la société AEROPORTS DE PARIS demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0601697 en date du 18 juin 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'une décision en date du 17 octobre 2005 du préfet de la Seine-Saint-Denis lui infligeant deux amendes d'un montant respectif de 3 000 et 2 000 euros pour manquements à ses obligations de sûreté aéroportuaire ;

2° d'annuler cette sanction ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société AEROPORTS DE PARIS soutient que :

- le préfet n'a pas respecté les règles de procédure applicables aux sanctions fondées sur l'article R. 217-1 du code de l'aviation civile, énoncées à l'article R. 217-2 du même code ; l'avis de la commission de sûreté aurait dû lui être communiqué, même s'il était facultatif ;

- les manquements reprochés ne lui sont pas imputables ; ses agents ont en effet agi sous l'autorité de l'Etat ; en vertu de l'article R. 282-8 du code de l'aviation civile, les agents de la société SIFA, son sous-traitant, ont été mis à la disposition de l'Etat, sous les ordres des officiers de police judiciaire ;

- il résulte des dispositions combinées des articles 16 b, 16 d et 28 de l'arrêté interministériel du 12 novembre 2003 que les exploitants d'aérodromes, quand ils effectuent des palpations de sécurité aléatoires, doivent se conformer à des objectifs quantitatifs fixés par le ministre chargé des transports ; aucune décision ministérielle n'est venue fixer ces objectifs quantitatifs ; que par suite ces dispositions n'étaient pas applicables le 23 juin 2004, faute de la mesure nécessaire pour en préciser les modalités d'application ; l'article 1er de la décision attaquée, qui ne vise pas l'article 15 de cet arrêté, est dépourvu de base légale ;

- l'article 15 a) ne permettait pas au préfet de sanctionner un défaut de palpation aléatoire ;

- le défaut de palpation aléatoire a été relevé durant une durée manifestement limitée ; il n'a pas été constaté que des palpations n'auraient pas eu lieu avant et après les heures notées ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'aviation civile ;

Vu l'arrêté du 1er septembre 2003 relatif aux infrastructures, équipements et formations en matière de sûreté du transport aérien ainsi qu'à certaines modalités d'exercice des agréments en qualité d'agent habilité, de chargeur connu, d'établissement connu et d'organisme technique ;

Vu l'arrêté du 12 novembre 2003 relatif aux mesures de sûreté du transport aérien ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Colrat, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Agier-Cabanes, rapporteur public ;

1. Considérant que, par un procès-verbal du 24 juin 2004, les services de la direction générale de l'aviation civile ont constaté un manquement aux règles de sécurité à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle du fait de l'absence de réalisation de palpations de contrôle lors de l'inspection-filtrage de passagers et d'employés accédant à la zone réservée aux passagers contrôlés à l'un des postes de contrôle situés à l'aérogare 2D ; qu'à raison de ce manquement, le préfet de la Seine-Saint-Denis a infligé à la société AEROPORTS DE PARIS une amende dont la société a contesté la légalité devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui a rejeté sa demande par un jugement du 18 juin 2009 ; que la société AEROPORTS DE PARIS fait appel de ce jugement ;

Sur la régularité de la procédure :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 217-1 du code de l'aviation civile dans sa rédaction alors applicable : " (...) II. - En cas de manquement constaté aux dispositions (...) c) Des arrêtés et mesures pris en application de l'article R. 213-1. Le préfet peut, en tenant compte de la nature et de la gravité des manquements et éventuellement des avantages qui en sont tirés, après avis de la commission instituée à l'article R. 217-4, prononcer à l'encontre de la personne morale responsable une amende administrative d'un montant maximum de 7 500 euros. Toutefois, l'amende ne peut excéder 1 500 euros en cas de défaut de présentation des documents exigibles par la réglementation " et qu'aux termes de l'article R. 217-2 du même code : " Les manquements aux dispositions énumérées à l'article R. 217-1 font l'objet de constats écrits dressés par les militaires de la gendarmerie, les officiers et les agents de la police nationale, les agents des douanes ainsi que par les fonctionnaires et agents spécialement habilités et assermentés en application de l'article L. 282-11. Ils portent la mention des sanctions encourues. Ils sont notifiés à la personne concernée et communiqués au préfet par le chef du service auquel appartient le rédacteur du constat. A l'expiration du délai donné à la personne concernée pour présenter ses observations, le préfet peut saisir la commission instituée à l'article R. 217-4 qui lui émet un avis sur les suites à donner. La personne concernée doit avoir connaissance de l'ensemble des éléments de son dossier. Elle doit pouvoir être entendue par la commission avant que celle-ci émette son avis et se faire représenter ou assister par la personne de son choix. (...) " ;

3. Considérant que la procédure particulière prévue par l'article R. 217-2 du code de l'aviation civile prévoit que la commission de sûreté d'un aéroport peut être saisie pour avis par le préfet avant que celui-ci prononce une sanction pour manquement aux règles de sécurité aéroportuaire ; que cette commission émet son avis au vu des seuls éléments du dossier dont la personne concernée, après avoir été informée des griefs formulés à son encontre, peut demander la communication ; que cet article organise une procédure contradictoire, impliquant le droit pour la personne en cause de formuler ses observations écrites et d'être entendue par la commission ; qu'eu égard aux garanties ainsi apportées, la procédure répond aux exigences qu'implique le respect des droits de la défense ; que ni l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ni aucun principe général du droit et en particulier celui des droits de la défense n'imposent en revanche la communication de l'avis de la commission à la personne concernée ; que, par suite, les dispositions de l'article R. 217-2 du code de l'aviation civile n'impliquaient pas la communication à la société AEROPORTS DE PARIS de l'avis émis par la commission saisie par le préfet avant que celui-ci ne prenne une sanction ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. / (...) / 3. Tout accusé a droit notamment à : / a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; / b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense (...) " ; que les stipulations précitées de l'article 6 ne sont applicables, en principe, qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale et ne peuvent être invoquées pour critiquer une procédure administrative, alors même qu'elle conduirait au prononcé d'une sanction ; qu'il ne peut en aller autrement que dans l'hypothèse où la procédure d'établissement de cette sanction pourrait, eu égard à ses particularités, emporter des conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère équitable d'une procédure ultérieurement engagée devant le juge ;

5. Considérant que la procédure instituée par l'article R. 217-2 du code de l'aviation civile aménage, comme il a été dit plus haut, le pouvoir de sanction du préfet de telle sorte que le respect des droits de la défense est pleinement assuré ; que par suite l'absence de communication de cet avis à la société requérante n'emporte pas des conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible au caractère équitable de la procédure ultérieurement engagée devant le juge ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué ;

Sur le bien-fondé de la sanction :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de l'arrêté du 12 novembre 2003 : " Règles applicables au traitement des passagers. - L'exploitant d'aérodrome ou l'entreprise opérant pour son compte est tenu : / a) De procéder à la vérification de la validité du document de transport du passager pour le secteur d'embarquement considéré ; / b) D'effectuer, de manière aléatoire, des palpations de sécurité avec le consentement de la personne et en respectant des objectifs quantitatifs fixés par décision de l'autorité compétente, et, lorsque des équipements de détection sont utilisés : / c) De procéder à des palpations de sécurité sur les passagers qui produisent des certificats médicaux leur interdisant d'être soumis à ces équipements ;/ d) De procéder, en cas d'alarme persistante à l'issue des examens effectués à l'aide de ces équipements, à des palpations de sécurité. " ;

7. Considérant qu'il ressort des constatations consignées au procès-verbal du 24 juin 2004 que le 23 juin 2004, aucune palpation de sécurité aléatoire prévue au b) de l'article 16 de l'arrêté du 12 novembre 2003 précité n'a été réalisée le 23 juin 2004 entre 11 heures 10 et 11 heures 45 alors que 57 passagers ont franchi le contrôle durant cette période et que trois employés habilités à se rendre en zone post-contrôle n'ont pas subi de palpation de sécurité alors qu'ils avaient déclenché les alarmes des portiques de détection et des magnétomètres en méconnaissance du d) de l'article 16 précité ; que, compte-tenu du nombre de passagers et du temps écoulé sans qu'ait été procédé à une palpation de sécurité aléatoire, la société AEROPORTS DE PARIS ne peut soutenir qu'elle n'a pas commis de faute quand bien même les objectifs quantitatifs prévus par les dispositions précitées n'auraient pas été définis par l'autorité compétente ; que, par ailleurs, la société AEROPORTS DE PARIS ne saurait sans méconnaitre les dispositions précitées s'exonérer de sa responsabilité dans la survenue de ces manquements en soutenant que l'Etat serait responsable de l'exécution des contrôles en cause alors que les textes applicables ne confèrent à ce dernier qu'une mission de contrôle des conditions dans lesquelles l'exploitant d'aérodrome ou l'entreprise opérant pour son compte mettent en oeuvre les obligations qu'elles tiennent des dispositions susrapellées de l'arrêté du 12 novembre 2003 ; que la société AEROPORTS DE PARIS n'est dès lors pas fondée à soutenir que la sanction litigieuse serait entachée d'erreur de fait ou de droit ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société AEROPORTS DE PARIS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :



Article 1er : La requête de la société AEROPORTS DE PARIS est rejetée.

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N° 12VE004382