INPI, 18 mars 2022, NL 21-0129

Mots clés marque · produits · risque · nullité · propriété intellectuelle · publicité · commerciales · spectacles · propriété industrielle · tiers · confusion · recours · terme · similitude · expositions

Synthèse

Juridiction : INPI
Numéro affaire : NL 21-0129
Domaine de propriété intellectuelle : NULLITE MARQUE
Marques : SONAR ; SONAR +D
Numéros d'enregistrement : 4718731 ; 013764246
Parties : ADVANCED MUSIC SL / D

Texte

NL 21-0129 / LZ Le 18/03/2022

DECISION

STATUANT SUR UNE DEMANDE EN NULLITE

****

LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE ;

Vu le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne ;

Vu le Code de la propriété intellectuelle dans sa version issue de l’ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019 et notamment ses articles L.411-1, L. 411-4, L. 411-5, L. 711-1 à L.711-3, L. 714-3, L. 716-1, L.716-1-1, L.716-2 à L. 716-2-8, L.716-5, R. 411-17, R.714-1 à R.714-6, R. 716-1 à R.716-13, et R. 718-1 à R. 718-5 ;

Vu le Code de la propriété intellectuelle dans sa version issue de la loi n° 92-597 du 1er juillet 1992 et notamment ses articles L.711-1 à L.711-4, L. 713-2, L.713-3 et L.714-3 ;

Vu l’arrêté du 24 avril 2008 modifié par l’arrêté du 9 décembre 2019 relatif aux redevances de procédure perçues par l'Institut national de la propriété industrielle ;

Vu la décision modifiée n° 2020-35 du Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle relative aux modalités de la procédure en nullité ou en déchéance d’une marque.

Siège Institut national de la propriété industrielle 15 rue des Minimes - CS 50001 92677 COURBEVOIE Cedex Téléphone : +33 (0)1 56 65 89 98 Télécopie : +33 (0)1 56 65 86 00 www.inpi.fr Établissement public national créé par la loi n° 51-444 du 19 avril 1951 I.-

FAITS ET PROCEDURE



1. Le 17 juin 2021, la société de droit espagnol ADVANCED MUSIC, S.L. (le demandeur) a présenté une demande en nullité enregistrée sous la référence NL21-0129 contre la marque n° 21/4718731 déposée le 06 janvier 2021, ci-dessous reproduite :

2. L’enregistrement de cette marque, dont est titulaire Monsieur D L (le titulaire de la marque contestée), a été publié au BOPI 2021-17 du 30 avril 2021.

3. La demande en nullité porte sur l’ensemble des services pour lesquels la marque contestée est enregistrée, à savoir :

« Classe 35 : publicité en ligne sur un réseau informatique ; services d'intermédiation commerciale ;

Classe 45 : services de réseautage social en ligne ».

4. Le demandeur invoque un motif relatif de nullité et se fonde sur une atteinte à la marque de l’Union Européenne antérieure n° 013764246, déposée le 23 février 2015 et enregistrée le 11 septembre 2015, portant sur le signe complexe ci-dessous reproduit :

5. Un exposé des moyens a été versé à l’appui de cette demande en nullité. Le demandeur fait notamment valoir l’identité et/ou la similarité des services en cause, une forte similitude entre les signes sur les plans visuel, phonétique et intellectuel, et une prise en compte de l’interdépendance des facteurs pertinents, desquels résulterait un risque de confusion entre les marques en présence.

Le demandeur requiert également que les frais engagés soient mis à la charge du titulaire de la marque contestée conformément aux dispositions de l’article L.716-1-1 du code de la propriété intellectuelle, et ce à hauteur de 600 € au titre de la phase écrite et de 500 € au titre des frais de représentation. 6. L’institut a informé le titulaire de la marque contestée de la demande en nullité et l’a invité à se rattacher au dossier électronique par courrier simple envoyé à l’adresse indiquée lors du dépôt ainsi que par courrier électronique.

7. En l’absence de rattachement, la demande a été notifiée conformément à l’article R. 718-3 du code de la propriété intellectuelle au titulaire de la marque contestée par courrier recommandé en date du 16 août 2021. Cette notification l’invitait à présenter des observations et produire toute pièce qu’il estimerait utile dans un délai de deux mois à compter de sa réception.

8. La notification étant revenue à l’Institut avec la mention « Destinataire inconnu à l’adresse », celle-ci a été publiée au BOPI 2021-43 du 29 octobre 2021, conformément aux dispositions de l'article R.718-4 du code de la propriété intellectuelle, sous la forme d’un avis relatif à l’opposition, la nullité et la déchéance.

9. Aucune observation n’ayant été présentée à l’Institut dans le délai imparti, les parties ont été informées de la date de fin de phase d’instruction, à savoir le 29 décembre 2021.

II.- DECISION

A- Sur le droit applicable

10. Conformément à l’article L.714-3 du code la propriété intellectuelle dans sa version applicable au jour du dépôt, l'enregistrement d'une marque est déclaré nul « si la marque ne répond pas aux conditions énoncées aux articles L. 711-2, L. 711-3, L. 715-4 et L. 715-9 ».

11. A cet égard, l’article L. 711-3 du même code dispose notamment que « I. Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :

1° Une marque antérieure : [...]

b) Lorsqu'elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association avec la marque antérieure ».

12. La présente demande en nullité doit être appréciée au regard de ces dispositions.

B- Sur le fond

1- Sur les services

13. Pour apprécier la similitude entre les produits et services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits et services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire.

14. En l’espèce, la demande en nullité est formée à l’encontre de l’ensemble des services de la marque contestée, à savoir : « Classe 35 : publicité en ligne sur un réseau informatique ; services d'intermédiation commerciale ;

Classe 45 : services de réseautage social en ligne ».

15. La marque antérieure a été enregistrée notamment pour les services suivants :

« Classe 35 : Organisation d'expositions à des fins commerciales, organisation de foires à des fins commerciales, services d'exposition pour la commercialisation, services de représentations commerciales, promotion des ventes pour le compte de tiers ; Organisation d'événements, d'expositions, de foires et de spectacles à des fins commerciales, promotionnelles et publicitaires; Promotion des produits et des services de tiers; Promotion de concerts [publicité] ;

Classe 41 : services de divertissement, loisirs et distraction ; Événements musicaux ; Festivals de musique ; organisation et production de spectacles musicaux ; Spectacles musicaux ».

16. Les services suivants de « publicité en ligne sur un réseau informatique » de la marque contestée apparaissent similaires aux services invoqués de la marque antérieure, ce qui n’est pas contesté par le titulaire.

17. En revanche, les « services d'intermédiation commerciale » de la marque contestée, qui désignent des services rendus par un intermédiaire destinés à faciliter le rapprochement de l'offre et de la demande par la mise en relation de plusieurs personnes physiques ou morales ayant des intérêts complémentaires ne présentent pas de lien de complémentarité avec les services suivants : « Organisation d'expositions à des fins commerciales, organisation de foires à des fins commerciales, services d'exposition pour la commercialisation, services de représentations commerciales, promotion des ventes pour le compte de tiers ; Organisation d'événements, d'expositions, de foires et de spectacles à des fins commerciales, promotionnelles et publicitaires ; Promotion des produits et des services de tiers ; Promotion de concerts [publicité] » de la marque antérieure, les seconds n’ayant pas nécessairement recours aux premiers, lesquels n’ont pas nécessairement pour objet les seconds.

En outre, reconnaître un tel lien reviendrait à considérer comme complémentaires toutes les prestations susceptibles d’être rendues dans le cadre des « services d'intermédiation commerciale » alors même qu’elles peuvent avoir des destinations distinctes et être rendues dans des domaines très divers.

Ces services n’ont pas davantage les mêmes objet et prestataires, contrairement à ce que soutient la société opposante, les premiers étant rendus par des sociétés d’assistance personnelle (conciergeries) et les seconds par des sociétés spécialisées dans la préparation d'événements commerciaux ou publicitaires (notamment agences de publicité ou de communication).

18. Par ailleurs, les « services de réseautage social en ligne » de la marque contestée ne sauraient davantage être considérés comme complémentaires aux « Services de divertissement, loisirs et distraction ; Évènements musicaux ; festivals de musique ; organisation et production de spectacles musicaux ; Spectacles musicaux ; Organisations d’expositions à des fins commerciales, organisation de foires à des fins commerciales ; Organisation d’évènements, d’expositions, de foires et de spectacles à des fins commerciales, promotionnelles et publicitaires » de la marque antérieure.

En effet, les premiers, qui contrairement à ce qu’affirme le demandeur ne font pas « partie intégrante des «services de divertissement, de loisirs et de distraction» désignés par la marque antérieure », ne visent pas nécessairement la réalisation des seconds, lesquels peuvent être accomplis sans le recours aux premiers.

Il ne saurait suffire, pour les considérer comme similaires, que les premiers puissent faciliter les seconds et être mis en œuvre par les prestataires de ces derniers, cette circonstance étant trop générale pour caractériser une similarité pertinente, compte tenu de la généralisation de l’utilisation des réseaux sociaux en ligne dans tous les domaines d’activité économique.

19. Ainsi, les services suivants : « services d'intermédiation commerciale ; services de réseautage social en ligne » pour lesquels la marque contestée est enregistrée, ne sont pas similaires aux services invoqués de la marque antérieure.

2- Sur les signes

20. La marque contestée porte sur le signe verbal reproduit ci-dessous :

21. La marque antérieure porte quant à elle sur le signe complexe reproduit ci-dessous :

Cette marque a été enregistrée en couleurs.

22. Pour apprécier l’existence d’un risque de confusion, il convient, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, de se fonder sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

23. Il convient également de tenir compte du fait que le consommateur moyen des produits ou services en cause n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire.

 L’impression d’ensemble produite par les signes

24. Il résulte d’une comparaison globale et objective des signes en présence que le signe contesté est exclusivement composé de l’élément verbal « SONAR » tandis que la marque antérieure invoquée est composée des éléments verbaux et algébriques « sonar » et « +D », ainsi que d’éléments figuratifs et de couleurs.

25. Les signes ont donc en commun l’élément verbal « SONAR », ce qui leur confère des similitudes visuelles et phonétiques, ainsi qu’intellectuelles, ce vocable renvoyant, ainsi que le relève le demandeur, à « un appareil de détection sous-marine par réflexion des ondes sonores ». 26. Les signes diffèrent par la présence de l’élément « +D » ainsi que d’éléments figuratifs et de couleurs au sein de la marque antérieure invoquée ; la prise en compte de l’élément verbal distinctif et dominant « SONAR » conduit toutefois à tempérer ces dissemblances (points 28 à 30).

27. Les signes en causes présentent ainsi des similitudes phonétiques visuelles et intellectuelles moyennes générant des ressemblances d’ensemble.

 Les éléments distinctifs et dominants des signes

28. Le terme commun « SONAR » présente un caractère distinctif à l’égard des services en cause.

29. Le public est par ailleurs incité à porter particulièrement son attention sur cet élément verbal « sonar » de la marque antérieure, qui présente un caractère dominant dans ce signe.

En effet, ce terme « SONAR » y est bien individualisé, dans un rectangle à part, et mis en exergue par sa position en attaque. L’élément « +D » qui le suit, formé uniquement d’un signe algébrique suivi d’une lettre, apparaît comme une sorte de référence additionnelle, ce qui incite à le percevoir comme une adjonction accessoire par rapport au terme SONAR.

Il convient en outre de relever que les éléments figuratifs et couleurs de la marque antérieure, notamment la présence d’un petit carré blanc placé au-dessus de la lettre O de « SONAR », ainsi que deux rectangles de couleurs noire et bleue, faisant ressortir les éléments verbaux du signe, ne sont pas de nature à altérer la lisibilité et le caractère immédiatement perceptible et dominant de l’élément « SONAR », qui peut aisément être lu et prononcé par le consommateur.

30. Par conséquent, les signes en présence présentent des ressemblances d’ensemble renforcées par la prise en compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

3- Sur les autres facteurs pertinents du cas d’espèce

 Le public pertinent

31. La perception des marques qu'a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l'appréciation globale du risque de confusion. Il convient de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou services en cause.

32. En l’espèce, les services de la marque en cause s’adressent aussi bien au grand public qu’à des professionnels ayant recours à la publicité pour promouvoir leurs produits et services, en sorte que le consommateur pertinent est ici incarné par le consommateur d’attention moyenne, raisonnablement attentif et avisé, ainsi qu’un public plus averti.

 Le caractère distinctif de la marque antérieure

33. Le risque de confusion est d’autant plus élevé que la marque antérieure possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les services en cause. 34. En l’espèce, le caractère distinctif de la marque antérieure n’est pas discuté et doit être considéré comme normal.

4- Appréciation globale du risque de confusion

35. L'appréciation globale du risque de confusion implique également une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et notamment la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits et services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement.

36. En l’espèce, compte tenu de la similarité des services cités au point 16, des ressemblances d’ensemble entre les signes, renforcées par la prise en compte de leurs éléments distinctifs et dominants, et du caractère distinctif de la marque antérieure, il existe globalement un risque de confusion sur l’origine des marques en présence à l’égard de ces services, notamment un risque d’association, le public apparaissant fondé à croire que ces marques appartiennent à un même titulaire ou à tout le moins à des titulaires économiquement liés.

37. En revanche, il n’existe aucun risque de confusion dans l’esprit du public au regard des services visés au point 19. A cet égard, si un faible degré de similarité entre les produits ou services peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes, l’existence d’un risque de confusion présuppose un certain degré de similarité entre les produits et services en cause, lequel fait défaut en l’espèce.

38. En conséquence, la marque contestée doit être déclarée partiellement nulle pour les services cités au point 16.

C- Sur la répartition des frais

39. L’article L.716-1-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « Sur demande de la partie gagnante, le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle met à la charge de la partie perdante tout ou partie des frais exposés par l’autre partie dans la limite d’un barème fixé par arrêté du ministre chargé de la propriété industrielle ».

40. L’arrêté du 4 décembre 2020 prévoit en son article 2.II qu’ « Au sens de l’article L. 716-1-1, est considéré comme partie gagnante : [...] c) le demandeur quand il est fait droit à sa demande pour l’intégralité des produits ou services visés initialement dans sa demande en nullité ou déchéance. ». Il précise en outre à l’article 2.III que « Pour l’application de l’article L. 716-1-1, les montants maximaux des frais mis à la charge des parties sont déterminés conformément au barème en annexe ».

41. En l’espèce, bien que le demandeur ait présenté une demande de prise en charge des frais exposés, il ne peut être considéré comme partie gagnante dès lors qu’il n’est pas fait droit à sa demande pour l’intégralité des services visés initialement dans la demande en nullité.

42. En conséquence, la demande de répartition des frais est rejetée.

PAR CES MOTIFS



DECIDE

Article 1 : La demande en nullité NL21-0129 est reconnue partiellement justifiée.

Article 2 : La marque n° 21/4718731 est déclarée nulle pour les services suivants : « publicité en ligne sur un réseau informatique ».

Article 3 : La demande de répartition des frais est rejetée.

Laure ZERAH Juriste Christine LESAUVAGE Responsable Cellule annulation