Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 3 juin 2014, 13-15.099

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2014-06-03
Cour d'appel de Nancy
2013-01-07

Texte intégral

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que la société Boco qui exerce son activité dans la domaine de la restauration sur place et à emporter de produits cuisinés, est titulaire de la marque semi-figurative "Boco" enregistrée le 25 juin 2009 sous le n° 3660096, désignant des produits des classes 29, 30 et 43 ; que M. X..., créateur d'une gamme de bocaux gastronomiques vendus dans ses restaurants, est titulaire de la marque semi-figurative "Boko", enregistrée le 1er février 2010 sous le n° 3709256 pour désigner des produits et services en classes 21, 29, 30 et 43 ; que la société Boco a fait assigner M. X... en contrefaçon ;

Sur le moyen

unique pris en sa troisième branche :

Vu

l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 3, § 1, sous b) de la Directive 89/104 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;

Attendu que le caractère distinctif d'une marque doit s'apprécier au regard de chacun des produits et services visés au dépôt ; Attendu que pour dire que la marque Boko ne contrefait pas la marque Boco et rejeter les demandes de la société Boco, l'arrêt retient

, par motifs propres, que le terme Boco, qui renvoie immédiatement au pluriel à "bocal" est très faiblement distinctif eu égard aux produits et services considérés, et, par motifs adoptés, que les produits et services proposés sous la marque Boco sont des préparations culinaires de qualité conditionnées dans des conserves en verre, que la particularité du restaurant qu'exploite la société Boco est de présenter en self-service des plats servis dans des verrines et qu'il en résulte que le signe, qui se réfère aux caractéristiques des produits et services commercialisés, est de nature descriptive et non distinctive, tant pour la vente de préparations alimentaires que pour l'activité de restauration ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi

, au regard de l'activité du titulaire de la marque et des produits et services considérés, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la marque était dépourvue de caractère distinctif au regard des seuls produits et services tels que visés au dépôt, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le moyen

, pris en sa quatrième branche :

Vu

l'article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de l'article 3, § 1, sous b) de la Directive 89/104 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;

Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient

que le terme "Boco", qui renvoie immédiatement au pluriel à "bocal", est très faiblement distinctif eu égard aux produits et services considérés ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi

, sans justifier en quoi le terme Boco serait très faiblement distinctif pour désigner chacun des produits et services visés à l'enregistrement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy, autrement composée ; Condamne M. X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à la société Boco la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils pour la société Boco Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que la marque BOKO ne contrefait pas la marque BOCO et rejeté les demandes de la société BOCO. AUX MOTIFS PROPRES QUE «suivant l'article L. 711-4 du Code de la propriété intellectuelle, ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment à une marque antérieure enregistrée ; que suivant l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : a) la reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement, b) l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; qu'en l'espèce (...) les marques litigieuses sont toutes deux semi-figuratives ; que la marque "BOCO" est visuellement composée de quatre caractères de type minuscule, de taille identique et disposés horizontalement, b, o, c, o, le premier et le troisième étant de couleur noire, le deuxième et le quatrième, correspondant à la lettre "o" étant de couleur orange et ayant la forme d'un joint de caoutchouc assurant l'étanchéité d'un bocal de conserve en verre dont la rondeur est évoquée par les caractères du signe ; que la marque "BOKO" est quant à elle visiblement composée de quatre caractères représentant les lettres B, O, K, O (en majuscule) ; que le "B" et le "K" sont de couleur noire, que le premier "O" est constitué par un cercle fin et orange, tandis que le second est figuré par un disque de la même couleur orange ; que le "B" et le premier "O" sont en partie supérieure sur le même plan, placés au dessus du "K", renversé vers la droite à 90°, et lui-même placé au dessus du disque orange du deuxième "O" ; que l'aspect du signe est quelque peu "japonisant" ; qu'il n'existe ainsi aucune ressemblance visuelle et conceptuelle entre les signes considérés ; que d'autre part, même si phonétiquement les deux signes sont identiques et qu'ils (sic) existe un degré très élevé de similitudes entre les produits ou services couverts, il est certain que le terme "BOCO", qui renvoie immédiatement au pluriel à "BOCAL" est très faiblement distinctif eu égard aux produits et services considérés ; que dans ces conditions d'appréciation globale, il ne peut être considéré qu'il existe pour le consommateur d'attention moyenne un risque de confusion quant à l'origine des signes en présence ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré» ; AUX MOTIFS ADOPTES QUE «*SUR LES MARQUES DÉPOSÉES ET L'ÉTENDUE DE LA PROTECTION CONFÉRÉE ; l'article L. 711-1 du Code de la propriété intellectuelle précise que la marque se définit comme "un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale" ; que l'article procède à l'énumération non limitative de la nature de ce signe, qui peut être : - une dénomination telle que : mots, assemblage de mots, nom patronymique et géographique, pseudonymes, lettres, chiffres, sigles ; - un sigle sonore tel que : sons, phrase musicale ; que la CJCE n'admet la protection que pour ceux qui sont susceptibles de faire l'objet d'un (sic) représentation graphique au moyen d'une portée (27 novembre 2003, Schield Mark) ; - les signes figuratifs, tel que : dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs, hologrammes, logos, images de synthèse ; les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement, combinaison ou nuance de couleurs ; que concernant les couleurs, la jurisprudence de la CJCE impose que la ou les couleur(s) utilisée(s) soi(en)t identifiée(s) ou (sic) moyen d'un code internationnalement (sic) reconnu (24 juin 2004, Heidelberger Bauchemie) ; que l'article L. 711-1 du même Code ajoute que le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés et exclut le caractère distinctif pour : - les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; - les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ; - les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle ; que les deux premiers caractères distinctifs peuvent s'acquérir par l'usage ; que la protection de la marque valablement déposée est assurée : - par l'article L. 711-4, prohibe l'adoption d'un signe portant atteinte à une marque antérieurement déposée, et notamment une imitation de la marque protégée, - par l'article L. 713-1 qui confère au titulaire de la marque un droit de propriété sur cette marque pour les produits et service qu'il a désigné, - par l'article 713-2 et 713-3 qui ne permet l'usage de la marque ou d'une marque imitée pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement sans autorisation de son propriétaire, - par l'article 714-2 qui permet au propriétaire d'une marque d'obtenir l'annulation de l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4, - par l'article L. 716-1 qui érige en contrefaçon l'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque ; qu'il résulte des textes que la marque a une fonction essentiellement distinctive, permettant de singulariser des produits ou services parmi ceux de la même catégorie : elle se définit comme un signe arbitraire par rapport aux produits ou services qu'elle désigne ; que la nature distinctive du terme choisit (sic) doit donc s'apprécier in concreto par rapport aux produits ou services désignés ; qu'il s'en déduit que le sigle choisi n'a pas besoin d'être nouveau ou original d'une part ; que d'autre part que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie conduit à limiter la protection afin de ne pas priver les autres commerçants de signes qui leur seraient utiles pour désigner leurs produits ou une de leurs qualités ; qu'une marque qui se contente d'indiquer une qualité ou l'une des qualités du produit n'est donc pas protégeable (Com., 24 septembre 2003, Parie (sic), 9 février 2000) ; que le seul fait de modifier l'orthographe d'un terme descriptif ou usuel n'est pas suffisant pour lui donner un caractère distinctif dès lors que le terme ainsi modifié est utilisé dans son sens habituel (Paris, 19 novembre 1997) ; * Sur la dénomination et l'élément sonore des marques qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que les marques déposées concernent les mêmes catégories de produits et services et constituent chacune un dérivé du terme "bocaux" orthographié différemment ¿ le pluriel du substantif "bocal" défini par le dictionnaire Larousse édition 2004 comme "un récipient en verre à large ouverture et col très court" ; qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que les deux marques font référence à ce terme usuel dont seule l'orthographe est modifiée ¿ de manière propre pour chacune ; que les produits et services proposés sous la marque BOKO sont des préparations cuisinées de qualité, conditionnées dans des conserves en verre, définition du terme bocal ; que les produits et services proposés sous la marque BOCO sont également des préparations culinaires de qualité conditionnées dans des conserves en verre, outre une activité de restauration sur place ; que si au regard de l'activité générique de restauration le vocable "bocal" présente in abstracto un caractère arbitraire ¿ encore qu'il puisse apparaître comme nécessaire en désignant un ustensile habituel pour la cuisine et la restauration ¿ il ressort des pièces produites par la SAS BOCO que la particularité du restaurant qu'elle exploite est de présenter en self-service les plats servis dans des verrines (extraits des sites foodintelligence, mylittleparis, parisbouge, coupure du journal du dimanche) ; qu'il en résulte que le sigle est de nature descriptive, et non distinctive, tant pour la vente de préparations alimentaires que pour l'activité de restauration, se référant aux caractéristiques des produits et services commercialisés ; qu'il ne s'agit donc pas d'un nom arbitraire par rapport aux produits et services désignés ; que par application de l'article 711-2 du Code de la propriété intellectuelle l'élément auditif de la dénomination "bocaux" quelle que soit la manière dont est orthographiée ¿ BOCO ou BOKO ¿ ne présente donc pas de caractère distinctif et, par voie de conséquence, ne bénéficie pas de protection particulière ;que l'identité sonore des deux marques ne constitue donc pas un facteur justifiant l'annulation de la marque "BOKO" ; Sur l'élément visuel des marques qu'outre que la nuance orangée des deux logos n'est pas la même, la demande d'enregistrement de la marque "BOCO" ne comporte pas d'identification des couleurs utilisées au moyen d'un code internationalement reconnu ; que cet élément ne bénéficie donc pas de protection ; que l'agencement des caractères dans chacun des logos (pour l'un, une suite horizontale et linéaire des caractères ; pour l'autre, circonscrite dans un rectangle vertical, la première syllabe écrite horizontalement et la seconde verticalement), l'utilisation des polices de caractères différentes et la présence d'un rond entièrement coloré ¿ et non d'un cercle ¿ pour la dernière lettre de la marque "BOKO" excluent tout risque de confusion dans l'esprit du public ; Sur la similitude intellectuelle que comme cela a été rappelé plus haut, c'est uniquement le caractère distinctif - et non nouveau ou original - de la marque qui est protégé ; que dès lors, il convient de constater que la marque "BOKO" ne porte nullement atteint (sic) aux droits de la SAS BOCCO et n'est pas contrefaisante ; qu'en conséquence, il convient de rejeter l'intégralité de ses demandes» ; ALORS, D'UNE PART, QU'en se bornant à affirmer, après avoir procédé à leur description visuelle, «qu'il n'existe aucune ressemblance conceptuelle entre les signes considérés » sans donner aucun motif pour en justifier alors qu'elle constatait par ailleurs l'identité phonétique des signes, la cour d'appel a entaché sa décision de défaut de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ; ALORS, D'AUTRE PART, SUBSIDIAIREMENT, QUE le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants ; que l'appréciation de la similitude entre deux marques ne peut cependant se limiter à prendre en considération uniquement un composant d'une marque complexe et à le comparer à une autre marque ; qu'il a lieu, au contraire, d'opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble et ce n'est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l'appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l'élément dominant ; qu'en l'espèce, à supposer qu'elle ait adopté les motifs du tribunal ayant considéré, au titre de la similitude conceptuelle entre les deux marques en cause, que dans l'appréciation de cette similitude, leurs éléments dénominatifs respectifs BOCO et BOKO ne devaient pas être pris en compte dès lors que cet élément serait de nature descriptive et non protégeable, la cour d'appel, qui, dans son examen de l'impression d'ensemble produite d'un point de vue conceptuel par les marques, a alors ainsi fait abstraction de l'un des composants de celles-ci sans constater que, pour être, comme elle l'a retenu, faiblement distinctif, ce composant serait négligeable, a méconnu le principe d'appréciation globale du risque de confusion en violation de l'article L. 713-3, sous b), du Code de la propriété intellectuelle ; ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits et services désignés à l'enregistrement ; qu'en l'espèce, la société BOCO reprochait au tribunal d'avoir retenu que les éléments verbaux «BOCO» et «BOKO» des deux marques semi-figuratives en cause seraient de nature descriptive et non distinctive tant pour la vente de préparations alimentaires que pour l'activité de restauration aux motifs que les produits «proposés» sous chacune de ces marques sont des préparations culinaires conditionnées dans des conserves en verre, définition du terme bocal et qu'en conséquence les termes «BOCO» ou «BOKO» se référeraient «aux caractéristiques des produits et services commercialisés » ; qu'invoquant le principe précité, la société BOCO faisait valoir que le terme BOCO était arbitraire et distinctif pour désigner les produits des classes 29 et 30 visés au dépôt de sa marque qui ne sont pas, par nature, « conditionnés dans des conserves en verre » ainsi que pour désigner les services de la classe 43, également visés à ce dépôt, qui, par nature, ne peuvent être conditionnés ; qu'en excluant tout risque de confusion entre les marques semi-figuratives en cause au motif que quelque puisse être l'identité phonétique des deux signes et le degré très élevé de similitude entre les produits et services couverts, «le terme "BOCO" qui renvoie immédiatement au pluriel à "BOCAL" est très faiblement distinctif eu égard aux produits et servies considérés » sans préciser qu'elle se référait bien ainsi aux seuls produits et services visés à l'enregistrement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle ; ALORS, ENFIN, QU'en statuant ainsi sans en outre justifier en quoi le terme «BOCO» serait «très faiblement distinctif» pour désigner chacun des produits et services précisément visés à l'enregistrement, la cour d'appel a, derechef, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle.