Vu la procédure suivante
:
Par une requête, enregistrée le 18 août 2021, la SAS
Carrefour Hypermarchés, représentée par Juliette Fleury, directrice fiscale, demande au tribunal :
1°) la décharge de l'intégralité de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères mise à sa charge au titre de l'année 2016 ;
2°) de mettre à la charge de l'administration fiscale la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le montant de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères prélevée par une collectivité sur l'ensemble des usagers ne peut excéder le coût supporté par cette collectivité pour la fourniture du service public de collecte et de traitement des ordures ménagères et, le cas échéant, des ordures assimilées, à savoir le coût du service diminué des recettes fiscales ;
- la délibération fixant le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères entre en contradiction avec l'article
1520 du code général des impôts et est illégale au titre de l'année 2016 en ce que les recettes de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères dépassent de manière manifeste le coût du service non couvert par les recettes non fiscales ;
- le produit de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au titre de l'année 2016 excède de 13,97 % le coût du service afférent à l'enlèvement et le traitement des ordures ménagères diminué des recettes non fiscales relatives au même service ;
- la délibération fixant le budget primitif au titre de l'année 2016 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 janvier 2022, le directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le litige porte sur la totalité des sommes mises en recouvrement, soit un montant total de 60 093 euros au titre de l'année 2016 ;
- la présente requête est recevable ;
- au stade de la réclamation préalable, la requérante a soutenu, sans le démontrer, que les recettes issues de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères excédaient manifestement le coût du service de collecte et de traitement des déchets ménagers ;
- depuis le 1er janvier 2016, la taxe d'enlèvement des ordures ménagères peut couvrir le coût de la collecte des déchets ménagers et non ménagers, dès lors, pour comparer le produit de ladite taxe, et par conséquent son taux, au montant des dépenses non couvertes par des recettes non fiscales, il n'y a pas lieu d'exclure du montant de ces dépenses celles afférentes aux déchets non ménagers ;
- il n'existe pas une disproportion marquée entre le produit prévisionnel de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et le coût estimé du service de collecte des déchets ;
- la délibération n'est pas illégale en ce que le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, tel qu'apprécié à la date du vote, n'est manifestement pas disproportionné ;
- pour apprécier la proportionnalité du taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères au regard du coût du service, le montant de la redevance spéciale doit être déduit de ce coût, ce que la requérante n'a pas fait dans son calcul ;
- en retenant la totalité du montant des dépenses réelles de fonctionnement, l'excédent de taxe d'enlèvement des ordures ménagères par rapport au coût du service diminué des recettes non fiscales, après prise en compte de la dotation aux amortissements est de 8 %, au titre de l'année 2016, ce qui ne caractérise pas une disproportion marquée.
Par ordonnance du 7 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 15 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
La présidente du tribunal administratif a désigné Mme B, pour statuer sur les litiges relevant de l'article
R. 222-13 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B,
- et les conclusions de M. A, rapporteur-public.
Considérant ce qui suit
:
1. La société par actions simplifiée (SAS)
Carrefour Hypermarchés est propriétaire d'un immeuble situé au 115 rue Jean Jaurès sur la commune de Lescar (64). Au titre de l'année 2016, elle a été assujettie à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, qui a été mise en recouvrement le 31 août 2016 pour un montant de 60 093 euros. Par une réclamation en date du 26 décembre 2017, la requérante a demandé la décharge de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères acquittée au titre de cet établissement à Lescar pour l'année 2016. Par un courrier du 3 juin 2021, la direction générale des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques a rejeté cette réclamation. Par la présente requête, la société
Carrefour Hypermarchés demande au tribunal de prononcer la décharge de l'imposition litigieuse au titre de l'année 2016.
Sur les conclusions à fin de décharge :
2. Aux termes du I de l'article
1520 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article
57 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 et applicable à compter du 1er janvier 2016 : " Les communes qui assurent au moins la collecte des déchets des ménages peuvent instituer une taxe destinée à pourvoir aux dépenses du service de collecte et de traitement des déchets ménagers et des déchets mentionnés à l'article
L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, dans la mesure où celles-ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n'ayant pas le caractère fiscal. () ". Aux termes de l'article
L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction également issue de la loi du 29 décembre 2015 : " Les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats mixtes peuvent instituer une redevance spéciale afin de financer la collecte et le traitement des déchets mentionnés à l'article
L. 2224-14. / Ils sont tenus de l'instituer lorsqu'ils n'ont institué ni la redevance prévue à l'article L. 2333-76 du présent code ni la taxe d'enlèvement des ordures ménagères prévue à l'article
1520 du code général des impôts. () Elle est calculée en fonction de l'importance du service rendu, notamment de la quantité des déchets gérés. Elle peut toutefois être fixée de manière forfaitaire pour la gestion de petites quantités de déchets ". Les déchets mentionnés à l'article
L. 2224-14 sont les déchets non ménagers que ces collectivités peuvent, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières.
3. Il résulte de ces dispositions d'une part que le législateur a entendu autoriser, à compter du 1er janvier 2016, le financement par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères du coût de collecte non seulement des déchets ménagers mais également des déchets non ménagers mentionnés à l'article
L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales, d'autre part que le produit de la redevance spéciale est désormais inclus parmi les recettes non fiscales du service lorsque ladite redevance a été instituée. Il suit de là qu'il appartient au juge de l'impôt, pour apprécier la légalité d'une délibération fixant le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à compter du 1er janvier 2016, de rechercher si le produit de la taxe, tel qu'estimé à la date de l'adoption de la délibération, n'est pas manifestement disproportionné par rapport au coût de collecte et de traitement des déchets ménagers et non ménagers assimilés, tel qu'il pouvait être estimé à cette même date, non couvert par les recettes non fiscales affectées à ces opérations, incluant le cas échéant le produit de la redevance spéciale.
4. Par une délibération prise en 2016 au titre du vote du budget primitif pour cette même année, la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées a adopté les taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères applicables sur son territoire et a fixé deux taux qui s'élèvent à 9,03 %, pour le centre-ville de Pau et 8,40 %, pour le reste du territoire communautaire.
5. Pour solliciter la décharge de l'imposition litigieuse et des frais de gestion y afférents, la société requérante soutient, par voie d'exception, que la délibération fixant le taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères est illégale en raison d'une disproportion manifeste du taux de la taxe par rapport aux dépenses nécessaires à l'exploitation du service.
6. Pour déterminer le montant de la taxe, il y a lieu de prendre en compte les dépenses réelles de fonctionnement exposées pour le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers mais aussi les dotations aux amortissements des immobilisations affectées au service.
7. Il résulte de l'instruction et en particulier du budget primitif de l'année 2016, que les recettes attendues de la perception de la taxe étaient de 18 750 000 euros, que les dépenses réelles de fonctionnement du service d'enlèvement et de traitement des déchets et les dotations aux amortissements des immobilisations étaient évaluées à 20 311 000 euros et 950 000 euros, les recettes non fiscales à 2 800 000 euros et la redevance spéciale à 1 060 000 euros. Ainsi, le montant des recettes issues de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères excède celui des dépenses non couvertes par les recettes non fiscales et par la redevance spéciale, qui est de 17 401 000 euros, à hauteur de 1 349 000 euros, soit un excédent de 7,75 %.
8. Par suite, il résulte de tout ce qui précède qu'un excédent de 7,75 %, ainsi que le soutient le directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques, n'est manifestement pas disproportionné. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à se prévaloir du caractère manifestement excessif du taux de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, voté au titre de l'année 2016, pour demander la décharge de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères à laquelle elle a été assujettie au titre de cette même année, à raison de l'immeuble situé au 115 rue Jean Jaurès sur la commune de Lescar (64).
Sur les frais liés au litige :
9. Aux termes de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. () ".
10. L'administration fiscale n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les conclusions de la SAS
Carrefour Hypermarchés présentées sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS
Carrefour Hypermarchés est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SAS
Carrefour Hypermarchés et au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques.
Copie en sera adressée à la communauté d'agglomération Pau Béarn Pyrénées.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 avril 2023.
La magistrate désignée,
signé
M. B
La greffière,
signé
M. C
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition :
La greffière,