Chronologie de l'affaire
Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre 04 avril 2001
Cour de cassation 05 juin 2002

Cour de cassation, Chambre criminelle, 5 juin 2002, 01-85690

Mots clés juridictions correctionnelles · exception · exception de nullité · présentation · moment · exception relevée d'office par le tribunal · exception reprise par le prévenu devant la Cour d'appel · irrecevabilité

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 01-85690
Dispositif : Rejet
Textes appliqués : Code de procédure pénale 385
Décision précédente : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, 04 avril 2001
Président : Président : M. COTTE
Rapporteur : M. Challe conseiller

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre 04 avril 2001
Cour de cassation 05 juin 2002

Résumé

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Texte

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq juin deux mille deux, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN, GEORGES et THOUVENIN et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Eric,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 4 avril 2001, qui, pour fraude fiscale et passation d'écritures inexactes ou fictives en comptabilité, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 100 000 francs d'amende, 3 ans d'interdiction d'exercer une profession industrielle, commerciale ou libérale, 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, a ordonné l'affichage et la publication de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen

de cassation, pris de la violation des articles L. 47 du Livre des procédures fiscales, 385, 591 et 593 du Code de procédure pénale, contradiction et défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait constaté d'office la nullité des opérations de vérification de comptabilité par application des dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, et rejeté l'exception de nullité soulevée sur ce fondement pour la première fois en cause d'appel par le prévenu (Eric X..., le demandeur), poursuivi pour fraude fiscale ;

"aux motifs que, pour faire droit au moyen de nullité soulevée, les premiers juges avaient constaté la nullité des opérations de vérification, non pas au visa des articles L. 55 et suivants du Livre des procédures fiscales mais à celui soulevé d'office de son article L. 47, en considérant que "les opérations de contrôle faites au siège de l'entreprise à Beausoleil en présence d'Eric X..., en date des 19, 20 et 21 novembre 1991, l'avaient été sur la base de l'avis de vérification expédié le 21 novembre 1991 (AR signé le 23 novembre 1991) annulant et remplaçant celui du 16 octobre 1991 prévoyant une première intervention le 19 octobre 1991 ; que l'Administration ne pouvait s'appuyer, pour bénéficier du caractère contradictoire du contrôle, sur un avis de vérification par elle annulé ; qu'en conséquence, force était de constater que les opérations de contrôle des 19, 20 et 21 novembre 1991 l'avaient été sur la base de l'avis de vérification expédié le 21 novembre 1991 (AR signé le 23 novembre 1991), soit postérieurement audit contrôle" ;

que, toutefois, les premiers juges ne pouvaient relever d'office un moyen dont les parties n'avaient pas été amenées à débattre, d'autant que c'était incontestablement à tort qu'ils avaient considéré que les opérations de vérification des 19, 20 et 21 novembre 1991 avaient été faites sur la base d'un avis du 21 novembre 1991 annulant et remplaçant celui expédié le 16 octobre 1991 ; qu'il ressortait, en effet, des pièces versées aux débats que l'avis de vérification (modèle 3927) du 16 octobre 1991, adressé préalablement aux interventions sur place effectuées les 19, 20 et 21 novembre et dont Eric X... avait accusé réception le 21 octobre 1991, n'avait pas été annulé, ni par l'avis du 21 novembre 1991 ni par aucun autre ; qu'en effet, l'avis du 21 novembre 1991 (AR du 23 novembre 1991) concernait l'examen de la situation fiscale personnelle de M. ou Mme X..., ne prévoyait pas, par nature, de date de première intervention et annulait et remplaçait un premier avis (modèle 3929) concernant l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle des époux X... en date du 19 septembre 1991 (AR du 28 septembre 1991) ; que, de surcroît, l'exception de nullité invoquée pour la première fois en cause d'appel par le prévenu était irrecevable par application de l'article 385 du Code de procédure pénale ;

"alors que, en rejetant l'exception de nullité de la procédure de vérification fondée sur une infraction aux dispositions de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales au prétexte que les premiers juges avaient relevé d'office un moyen dont les parties n'auraient pas été amenées à débattre, la cour d'appel s'est déterminée en contradiction avec les énonciations du jugement d'où il ressortait que l'Administration avait déposé à l'audience des conclusions en réponse à l'incident soulevé du chef du non-respect des dispositions de ce texte, ce dont il résultait que les parties avaient débattu tant oralement que par écrit de cette exception devant le tribunal à la suite d'un incident élevé à l'audience ;

"alors que, en outre, le prévenu était recevable à réitérer en cause d'appel, sur le fondement d'un moyen différent, l'exception soulevée in limine litis devant le tribunal ;

"alors que, enfin, en affirmant que l'avis adressé au contribuable le 21 novembre 1991 annulait et remplaçait non l'avis du 16 octobre 1991 que le contribuable devait recevoir préalablement aux interventions sur place, mais un premier avis en date du 19 septembre 1991 concernant l'examen de la situation fiscale personnelle des époux X..., la cour d'appel a statué au mépris du contenu de cet avis rectificatif qui précisait annuler et remplacer "celui adressé précédemment", non le document émis le 19 septembre 1991" ;

Attendu que, pour infirmer le jugement qui avait relevé d'office la nullité des opérations de vérification sur le fondement de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales et rejeter le moyen de nullité pris de la violation du même article présenté par le prévenu devant la cour d'appel, la juridiction du second degré se prononce par les motifs repris au moyen et énonce, notamment, que l'exception de nullité invoquée pour la première fois en cause d'appel est irrecevable en application de l'article 385 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen

de cassation, pris de la violation des articles L. 13, L. 47 et suivants ainsi que L. 55 et suivants du Livre des procédures fiscales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure de vérification soulevée par un prévenu (Eric X..., le demandeur) et fondée sur la violation des dispositions des articles L. 55 et suivants du Livre des procédures fiscales ;

"aux motifs qu'il résultait des pièces versées aux débats que les opérations de vérification de la comptabilité d'Eric X... pour la période du 1er janvier 1988 au 31 décembre 1991 avaient été précédées d'un avis de vérification (modèle 3927) en date du 16 octobre 1991 (AR du 21 octobre 1991) prévoyant une première intervention sur place le 19 octobre 1991 ; que les opérations de vérification pour l'exercice clos le 31 décembre 1988 s'étaient déroulées au siège de l'entreprise en présence continue et quotidienne du prévenu les 19, 20 et 21 novembre 1991, ce qu'il ne contestait pas ; que les opérations de vérification pour les années 1989 et 1990 s'étaient déroulées du 19 novembre 1991 au 6 janvier 1992, date de la réunion de synthèse, en présence du prévenu, au siège de l'entreprise à Beausoleil ainsi qu'en attestaient les différents courriers adressés au prévenu, certes de Paris mais après contrôle sur place, l'invitant à préciser certains points (courrier du 25 novembre 1991 - AR du 29 novembre 1991 et réponse au prévenu par courrier du 6 décembre reçu le 11 décembre 1991), et non pas à Paris comme le soutenait le prévenu qui ne rapportait pas la preuve qui lui incombait de l'absence de débat oral contradictoire ; que, dès lors, il ne pouvait valablement soutenir avoir été privé de la possibilité d'un débat oral et contradictoire, de sorte que son exception de nullité devait être rejetée ;

"alors que la preuve que les opérations de vérification fiscale portant sur les années 1989 et 1990 s'étaient déroulées sur place en présence du prévenu de manière à permettre un débat oral et contradictoire devait résulter des pièces du dossier administratif, de sorte qu'en reprochant au prévenu de ne pas avoir démontré qu'il n'y avait pas eu de débat oral contradictoire entre lui et le vérificateur lors du contrôle portant sur les exercices 1989 et 1990, la cour d'appel a inversé le fardeau de la preuve et a ainsi exempté l'Administration de son obligation d'établir que la procédure de contrôle fiscal s'était déroulée conformément aux règles prescrites par la loi ;

"alors que, en outre, il ne ressort d'aucune des pièces visées par l'arrêt attaqué que, postérieurement aux opérations des 19, 20 et 21 novembre 1991 ayant porté exclusivement sur le contrôle de l'exercice clos le 31 décembre 1988, des mesures de vérification de la comptabilité des exercices 1989 et 1990 se seraient déroulées sur place, à l'entreprise, dans le cadre d'un débat oral contradictoire avant que n'ait eu lieu la réunion de synthèse du 6 février 1992, si bien que la cour d'appel ne pouvait légalement en déduire la preuve que le contrôle fiscal portant sur ces années-là avait été régulièrement effectué" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception de nullité de la procédure de vérification prise de la violation de l'article L. 55 du Livre des procédures fiscales, la juridiction du second degré se prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine de l'existence d'un débat oral et contradictoire entre le prévenu et le vérificateur et dès lors qu'il appartient à celui qui soulève une exception d'en prouver le bien-fondé, la cour d'appel a, sans inverser la charge de la preuve, justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le troisième moyen

de cassation, pris de la violation des articles 1741 du Code général des impôts, L. 227 du Livre des procédures fiscales, 121-3 du Code pénal, 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 6.2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré un prévenu (Eric X..., le demandeur) coupable de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de la TVA et de l'impôt sur le revenu, puis l'a condamné de ces chefs à un an d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à 100 000 francs d'amende, lui a interdit d'exercer une profession industrielle, commerciale ou libérale pendant trois ans, l'a privé de ses droits civiques, civils et de famille pendant cinq ans, a ordonné la publication par extraits de sa décision dans deux journaux ainsi que son affichage en mairie et a déclaré l'Administration bien fondée en sa constitution de partie civile ;

"aux motifs que si le prévenu s'était soumis à ses obligations déclaratives de TVA dans les délais, elles portaient toutes la mention "néant" ou étaient créditrices en raison de l'absence de mention de certaines ventes immobilières ; que sa volonté délictueuse ressortait de l'importance des minorations de la base d'imposition et du montant de la TVA éludée, même s'il avait ensuite effectué des démarches auprès de l'administration fiscale en avril 1991 pour annuler sa demande de remboursement de la TVA d'avril 1990 "au motif qu'une partie des recettes avait été omise", cette démarche n'étant pas de nature à faire disparaître la dissimulation antérieure et l'infraction étant constituée dès le dépôt de la déclaration ; que si le prévenu s'était soumis à des obligations déclaratives de l'impôt sur le revenu dans les délais légaux, il les avait considérablement minorées ; que seul le contrôle fiscal avait permis d'établir sa véritable situation patrimoniale ; que la reconstitution du chiffre d'affaires réalisé par le prévenu et de l'ensemble des ressources dont son foyer fiscal avait pu disposer avait permis de déterminer le montant des sommes dissimulées qui s'élevait à 5 038 480 francs pour les années 1989 et 1990 et l'impôt éludé à 2 716 089 francs ; que, certes, le prévenu contestait le sérieux et l'exactitude des redressements opérés par l'administration fiscale et avait engagé une action devant le tribunal administratif de Nice ; que, toutefois, même à supposer inexacts certains des redressements retenus, il ne pouvait contester s'être abstenu de porter dans sa déclaration de revenu global au titre de l'année 1989 le montant des salaires nets imposables versés par la société monégasque Gei dont il était l'administrateur puisqu'il se targuait d'avoir présenté "spontanément" en date du 17 juin 1991 une demande de rectification de ce chef ; que, de même, avait été réintégré dans sa déclaration de revenu au titre de l'année 1990 le montant des salaires omis, perçus par lui-même ou son épouse, toutes sommes dont la dissimulation excédait largement le seuil de tolérance légale ; que le prévenu ne pouvait arguer de sa bonne foi eu égard à sa formation et à l'exercice pendant plusieurs années de la profession d'inspecteur des impôts chargé de la fiscalité immobilière ; que les demandes de déclarations

rectificatives dont il faisait état ne pouvaient effacer le délit qui avait été entièrement consommé avant le dépôt desdites déclarations ; que sa persistance à souscrire de fausses déclarations mensuelles de chiffres d'affaires ou des déclarations de revenus volontairement minorées des salaires et avantages perçus dans le cadre de sa fonction d'administrateur délégué d'une société monégasque impliquait sa volonté délibérée de se soustraire à l'établissement et au paiement de l'impôt qu'il devait ; qu'il convenait, en conséquence, de faire une application sévère de la loi pénale à son encontre, eu égard à son ancienne profession qui lui faisait un devoir de probité fiscale ;

"alors que, en cas de poursuites pénales sur le fondement de l'article 1741 du Code général des impôts, il incombe aux parties poursuivantes de rapporter la preuve du caractère intentionnel de la soustraction reprochée, la volonté de frauder ne pouvant se déduire d'un simple constat matériel d'omissions dans les documents fiscaux que le contribuable a spontanément rectifiés après détection de ses erreurs ni d'une simple référence à l'ancienne profession exercée ; que, dès lors, ne caractérise aucunement l'intention délibérée du demandeur de se soustraire à ses obligations fiscales la cour d'appel qui se borne à faire état de son ancienne profession ainsi qu'à relever trois omissions matérielles portant sur la base d'imposition au titre de la TVA et de l'impôt sur le revenu, tout en admettant pourtant qu'il avait spontanément rectifié les erreurs commises de ce chef auprès de l'administration fiscale et tout en reconnaissant que les autres éléments ayant motivé les redressements fiscaux pouvaient n'être pas justifiés et être annulés par la juridiction administrative qui en était saisie" ;

Sur le quatrième moyen

de cassation, pris de la violation des articles 1743 du Code général des impôts, 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré un prévenu (Eric X..., le demandeur) coupable de passation inexacte ou fictive d'écritures comptables puis l'a condamné de ce chef à un an d'emprisonnement avec sursis ainsi qu'à 100 000 francs d'amende, lui a interdit d'exercer une profession industrielle, commerciale ou libérale pendant trois ans, l'a privé de ses droits civiques, civils et de famille pendant cinq ans, a ordonné la publication par extraits de sa décision dans deux journaux ainsi que son affichage en mairie et a déclaré l'Administration bien fondée en sa constitution de partie civile ;

"aux motifs que la multiplicité et la gravité des dissimulations constatées privaient de toute valeur probante les écritures passées par le prévenu dans les livres comptables présentés au vérificateur ;

"alors que le délit de passation inexacte ou fictive d'écritures comptables constitue une infraction autonome, distincte de celles réprimées par l'article 1741 du Code général des impôts ;

que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait se contenter de présumer inexacts ou fictifs les livres comptables présentés par le demandeur au vérificateur en se fondant exclusivement sur la fraude ayant, selon elle, vicié les documents fiscaux, sans caractériser autrement les irrégularités éventuelles qui auraient pu affecter les livres comptables au sens de l'article 1743 du Code général des impôts" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;


REJETTE le pourvoi ;


Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Challe conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;