Vu la procédure suivante
:
Par une requête enregistrée le 11 janvier 2022, Mme A B, représenté par Me Weinkofp, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2021 du maire de la commune de Mur-de-Sologne la sanctionnant d'une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux ans ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Mur-de-Sologne une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la matérialité des faits reprochée n'est pas établie ;
- certains des faits reprochés n'ont pas été soumis à la connaissance de l'agent et discutés contradictoirement devant le conseil de discipline ;
- la sanction est disproportionnée ;
- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire enregistré le 8 juillet 2022, la commune de Mur-de-Sologne, représentée par Me Margaroli, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de Mme B une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu :
- l'arrêté attaqué ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Best-De Gand,
- les conclusions de M. Joos, rapporteur public,
- et les observations de Me Weinkofp, représentant Mme B et de Me Le Douarin, représentant la commune de Mur-de-Sologne.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme A B, attachée territoriale titulaire, exerce les fonctions de secrétaire de mairie de la commune de Mur-de-Sologne dans le Loir-et-Cher depuis le 1er octobre 2010. Elle a fait l'objet d'une mesure de suspension de ses fonctions entre le 1er et le 6 juin 2021 puis a été à nouveau suspendue à compter du 1er juillet 2021. Après avis du conseil de discipline de la fonction publique territoriale de Loir-et-Cher en date du 19 octobre 2021, le maire de la commune de Mur-en-Sologne a infligé à Mme B, par un arrêté du 10 novembre 2021, dont elle demande l'annulation, la sanction disciplinaire du troisième groupe correspondant à l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux ans.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " () / Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. Aux termes de l'article
L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables. Sauf dispositions contraires du présent code, celui-ci est applicable aux relations entre l'administration et ses
agents. ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : () 2° Infligent une sanction ; () ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Il en résulte que l'autorité qui prononce une sanction disciplinaire a l'obligation de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre du fonctionnaire intéressé, de sorte que ce dernier puisse à la seule lecture de la décision qui lui est notifiée, connaître les motifs de la sanction qui le frappe. Si l'autorité qui prononce la sanction entend se référer à un avis, le texte de cet avis doit être incorporé et joint à sa décision.
3. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué qui inflige une sanction à Mme B, que s'il est motivé en droit, il se borne quant à la motivation en fait, à indiquer qu'il est reproché à l'intéressée un manquement à son obligation de service, une atteinte à l'image du service public, et des manquements répétés à l'obligation de respect et d'obéissance à la hiérarchie, sans apporter aucune précision sur les faits reprochés à l'intéressée. Ainsi, alors même que Mme B a été informée desdits faits dans le cadre de la procédure contradictoire préalable à la sanction qui lui a été infligée, la décision du 10 novembre 2021 qui ne précise pas de manière suffisante les griefs finalement retenus par l'autorité disciplinaire à son encontre, ne satisfait pas aux exigences de motivation ci-dessus rappelées.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens, et alors qu'au demeurant l'absence de précision sur les faits retenus par la collectivité pour fonder la sanction attaquée ne permet pas au tribunal d'examiner la matérialité des faits reprochés, le respect du principe du contradictoire tenant à leur discussion devant le conseil de discipline, leur caractère fautif et en conséquence la proportionnalité de la sanction prononcée et l'existence d'un détournement de pouvoir, que la décision du 10 novembre 2021 doit être annulée.
Sur les frais liés au litige :
5. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la requérante, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la commune de Mur-de-Sologne au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Mur-de-Sologne une somme de 1 500 euros à verser à Mme B sur le fondement de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : La décision du 10 novembre 2021 est annulée.
Article 2 : La commune de Mur-de-Sologne versera la somme de 1 500 (mille cinq cent) euros à Mme B sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B et à la commune de Mur-de-Sologne.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Lefebvre-Soppelsa, présidente,
Mme Best-De Gand, première conseillère,
Mme Defranc-Dousset, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023.
La rapporteure,
Armelle BEST-DE GAND
La présidente,
Anne LEFEBVRE-SOPPELSA
La greffière,
A PENNETIER-MOINET
La République mande et ordonne au préfet de Loir-et-Cher en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.