Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 25 mars 2016, 14PA01128

Mots clés contributions et taxes · société · recouvrement · société en nom collectif · taxe · tiers · facture · invest · impôts · contribuable · opération · documents · import · contrat · remboursement · biens

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro affaire : 14PA01128
Type de recours : Plein contentieux
Président : Mme DRIENCOURT
Rapporteur : Mme Geneviève MOSSER
Rapporteur public : M. ROUSSET
Avocat(s) : CABINET CAMILLE ET ASSOCIES

Texte

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif Invest OM 78 a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés et qui ont été mis en recouvrement à hauteur de 400 920 F CFP, en droits et pénalités.

Par un jugement 1300332 du 30 décembre 2013, le Tribunal administratif de la

Polynésie française a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 mars 2014 et

30 septembre 2015, la société en nom collectif Invest OM 78, représentée par le cabinet

Camille et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement 1300332 du 30 décembre 2013 du Tribunal administratif de la Polynésie Française ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2010 soit la somme de 400 920 F CFP ;

3°) de mettre à la charge du Gouvernement de la Polynésie française le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal, qui a retenu l'existence d'une fraude à la loi alors que l'administration n'avait pas invoqué d'abus de droit, a statué ultra petita ; le tribunal n'a jamais invité les parties à s'expliquer sur le moyen tiré de l'abus de droit qu'il envisageait de retenir d'office, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

- l'impossibilité d'invoquer après l'expiration du délai de recours contentieux des moyens nouveaux relatifs à la procédure d'imposition, prive la société d'un droit à un procès équitable et effectif ; en tout état de cause, l'article L. 199 du livre des procédures fiscales est applicable devant la présente Cour même lorsque celle-ci est saisie d'un jugement relatif à un litige né sur un territoire où ce texte n'est pas applicable ;

- dans ses réponses aux observations du contribuable, l'administration n'indique pas les raison de fait pour lesquelles elle oppose un refus à la demande de communication de documents ; ces réponses sont insuffisamment motivées ;

- dès lors que l'administration fait état, durant la procédure d'imposition, de documents en sa possession, ces documents sont couverts par les garanties prévues au profit du contribuable ; faute d'avoir pu obtenir les documents demandés, les droits de la défense ont été méconnus ; à supposer que l'administration n'ait pas en sa possession les documents en cause, il lui appartenait de l'indiquer à la société et de préciser la nature et la teneur des informations recueillies ; si la société a été informée de l'identité du tiers auprès duquel l'administration a obtenu les renseignements, elle ignore quel document a été consulté ou quelle constatation a été effectuée auprès de ce tiers ; ainsi, elle n'a pas pu vérifier l'existence et l'exactitude de ces renseignements ; que l'administration a méconnu les droits de la défense et la loyauté du débat fiscal ;

- l'administration ne justifie pas de la qualité de l'agent ayant exercé le droit de communication ;

- sa comptabilité n'ayant pas été examinée, les rehaussements sont nécessairement fondés sur des renseignements obtenus de tiers ; dès lors que l'administration fait état de renseignements obtenus auprès de tiers au stade de la notification de redressements ou de la réponse aux observations du contribuable, ces éléments entrent dans le champ d'application de la garantie de procédure ;

- l'administration doit justifier de l'existence et du respect des prescriptions de la convention entre la Polynésie française et le Trésor public, à laquelle fait référence l'article L. 711-1 du code des impôts ; il appartient à l'administration de justifier que le signataire des deux avis de mise en recouvrement disposait d'une délégation régulièrement publiée ;

- elle justifie avoir procédé au règlement des biens qu'elle a acquis et qu'elle a ensuite loués ;

- l'administration n'apporte aucun élément permettant de remettre en question les pièces produites, ni le caractère neuf des biens facturés et les factures émises comportent la désignation précise des biens vendus, leur quantité et leur prix ; l'administration doit dans un premier temps apporter des éléments suffisants permettant d'établir que la facture ne correspond pas à une opération réelle ; les circonstances invoquées par l'administration, tirées de ce que le fournisseur n'aurait pas respecté ses obligations fiscales, ne suffisent pas à démontrer le caractère fictif des opérations facturées ;

- le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée n'est pas subordonné à la condition que le bien acquis soit neuf ;

- les mentions prévues par l'article 344-5 du code des impôts figurent sur la facture établie par le fournisseur de la société en nom collectif ;

- les mentions figurant sur le procès-verbal de livraison sont suffisantes ; la date de livraison est indiquée sur le procès-verbal de livraison qui est signé par les parties et visé par la mairie ; la société en nom collectif n'a pas accès aux relevés de compte bancaire du fournisseur et du représentant fiscal ; l'administration a d'ailleurs effectué une vérification de comptabilité de la société Sofipac, représentante fiscale de la société en nom collectif, au cours de laquelle elle a pu constater les virements réalisés par les société en nom collectif gérées par la société Parso ;

- la société n'a mis en oeuvre aucun procédé visant à égarer le pouvoir de contrôle de l'administration ; les majorations ont été appliquées alors que la société n'a pas été invitée à faire valoir ses observations sur les sanctions fiscales envisagées ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2014, le Gouvernement de la Polynésie française, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de la société en nom collectif Invest OM 78 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la société en nom collectif Invest OM 78 fait partie des sociétés qui ont participé à un système de fausses factures élaboré par le cabinet de défiscalisation Sofipac permettant d'obtenir des remboursements de crédits de taxe sur la valeur ajoutée indus ;

- le tribunal administratif n'a pas statué ultra petita ;

- les redressements dont a fait l'objet la société en nom collectif ne se sont pas fondés sur les informations obtenues auprès de tiers, mais bien selon les informations propres à la société en cause et malgré l'impossibilité pour l'administration de communiquer les pièces sollicitées, elle a respecté son obligation d'information en indiquant l'identité du tiers auprès duquel la procédure a été diligentée et la nature du document ;

- la taxe dont l'entreprise peut opérer la déduction doit être justifiée par une facture d'achat conforme et correspondre à une opération réelle ; les factures produites sont des fausses factures et les moyens contraires doivent être rejetées et les documents produits donnent l'apparence de la réalité de l'opération mais ne permettent pas de s'assurer de l'identité des biens ; il est impossible de s'assurer que les biens mentionnés sur les factures sont ceux figurant dans le contrat d'acquisition de biens mobiliers, du contrat de location ou du procès verbal de livraison et de prise en charge qui ont été présentés par la société en nom collectif à l'appui de son dossier ; la société en nom collectif n'apporte aucune précision quant aux dates de livraison des biens, ne mentionne pas le nom des compagnies et l'identité des navires ayant livré le matériel et ne présente pas les documents d'expédition jusqu'à l'exploitant ; il existe une incohérence entre la capacité financière de la société à défiscaliser et le montant des biens défiscalisés ; la société en nom collectif ne présente pas de justificatif probant qui attesterait du versement d'une somme à son fournisseur ; la fictivité des opérations est suffisamment établie ;

- le dispositif de défiscalisation prévu par l'article 199 undecies B du code général des impôts vise les investissements productifs neufs ; il appartenait à la SNC, qui ne pouvait ignorer investir dans des biens neufs, de procéder aux vérifications nécessaires auprès de son représentant fiscal ;

- les intérêts de retard ont été appliqués à bon droit

- la société en nom collectif ayant utilisé une facture fictive afin d'obtenir un remboursement injustifié de taxe sur la valeur ajoutée, l'application de la majoration pour manoeuvres frauduleuses est justifiée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française, ensemble la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;

- l'ordonnance n° 98-581 du 8 juillet 1998 portant actualisation et adaptation des règles relatives aux garanties de recouvrement et à la procédure contentieuse en matière d'impôts en Polynésie française ;

- le code des impôts de la Polynésie française ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mosser, président assesseur,

- et les conclusions de M. Rousset, rapporteur public.

1. Considérant que la société en nom collectif (SNC) Invest OM 78 a conclu le

1er mars 2006, dans le cadre d'une opération de défiscalisation des investissements outre-mer, une convention prévoyant l'acquisition auprès de la société transpacific import d'un bateau

Karolina skiff 24 pieds, un moteur Yamaha enduro, deux nettoyeurs Kranzlc, 407 stations de collectage, 335 cordes, 3 150 sacs d'ancrage, 2 500 bouées, 56 grillages, deux tronçonneuses

Alpina, 500 paniers Ranuki, un moteur Mariner 200 XL EFI, l moteur Mariner 60 MLCH,

2 000 paniers Kangaroo rendus Tuamotu pour un montant hors taxes de 24 808 324 F CFP ; que la société Transpacific import a établi le 1er mars 2006 pour la vente de ce matériel une facture mentionnant un montant hors taxes de 23 005 135 F CFP et une taxe sur la valeur ajoutée de

3 680 822 F CFP ; que par un contrat de location signé le même jour, la SNC INVEST OM 78 a mis ce matériel à la disposition de la SC Aquacole Teanuanua Black Pearls pour une durée de cinq ans ; que la SNC Invest OM 78 a obtenu le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat dudit bien au titre du quatrième trimestre 2010 ; que l'administration, qui a estimé que la facture établie par la société transpacific import présentait un caractère fictif, a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'achat du matériel ; que, par une notification de redressements du 18 avril 2011, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont en conséquence été notifiés à la SNC Invest OM 78 suivant une procédure de redressement contradictoire ; que la

SNC Invest OM 78 relève appel du jugement 30 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande en décharge ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la société requérante soutient que le tribunal, en retenant l'existence d'une fraude à la loi alors que l'administration n'avait pas invoqué d'abus de droit, a statué

" ultra petita " ; que, pour admettre le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, les premiers juges se sont fondés sur le caractère fictif de la facture établie par la société transpacific import au titre de la vente de divers biens mobiliers ; qu'en se fondant également, pour rejeter la demande de la société requérante, sur un motif qui n'était pas invoqué par le service des contributions de la Polynésie française et qui n'était pas d'ordre public, tiré de ce que les opérations effectuées par la SNC Invest OM 78 en vue de permettre à ses associés de bénéficier de différents dispositifs de défiscalisation " [relevaient] d'un montage excluant tout risque financier, dont le but [était] exclusivement fiscal et [étaient] ainsi révélatrices d'une fraude à la loi ", les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité dès lors que ce motif était surabondant ; que, pour le même motif, la SNC Invest OM 78 n'est pas davantage fondée à soutenir que les premiers juges auraient entaché d'irrégularité le jugement attaqué en retenant d'office ce moyen sans avoir préalablement procédé à l'information des parties exigée par les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi organique n° 2004-192 du

27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française: " Dans les matières qui relèvent de la compétence de l'Etat, sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin. / Par dérogation au premier alinéa, sont applicables de plein droit en Polynésie française, sans préjudice de dispositions les adaptant à son organisation particulière, les dispositions législatives et réglementaires qui sont relatives : / 6° A la procédure administrative contentieuse (...) " et qu'aux termes de l'article 14 de la même loi : " Les autorités de l'Etat sont compétentes dans les seules matières suivantes : / 2° (...) justice : (...) procédure administrative contentieuse (...) " ;

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, qui prévoient que le contribuable peut, dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, faire valoir tout moyen nouveau jusqu'à la clôture de l'instruction, relèvent de la catégorie des règles de procédure administrative contentieuse au sens du 2° de l'article 14 de la loi organique précitée ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 7 et 14 de la loi organique que les dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales sont applicables en Polynésie française ; que les dispositions de l'ordonnance susvisée du 8 juillet 1998 ne prévoient aucune adaptation de la règle prévue par l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales ; que la société requérante pouvait dès lors invoquer des moyens relatifs à la procédure d'imposition postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Quant à la motivation des réponses aux observations du contribuable :

5. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article LP. 421-1 du code des impôts de la

Polynésie française : " L'administration fait connaître au contribuable la nature et les motifs du redressement envisagé. / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée. " ;

6. Considérant que la société fait valoir que l'administration a omis d'indiquer dans ses réponses aux observations du contribuable les raisons de fait pour lesquelles elle oppose un refus à la demande de communication de documents ; que, toutefois, les dispositions précitées n'imposent pas à l'administration de motiver un tel refus dans sa réponse aux observations du contribuable ; qu'en tout état de cause, l'administration répond sur ce point en précisant qu'elle ne peut communiquer des documents qui ne sont pas en sa possession mais dont elle a seulement pris connaissance lors de la vérification de comptabilité d'un tiers ; qu'en outre, en indiquant que la société ne peut produire de document probant justifiant la réalité et la livraison des matériels vendus et en relevant l'absence de justification d'un versement effectif du prix à la société transpacific import, l'administration a suffisamment répondu aux observations du contribuable ; que dès lors la réponse du 5 mai 2011 est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article LP. 421-1 du code des impôts de la Polynésie française ;

Quant aux renseignements obtenus de tiers :

7. Considérant que la société requérante fait valoir qu'elle n'a pas eu communication des documents sur lesquels l'administration s'est fondée pour procéder aux redressements en litige ; qu'il ressort toutefois des termes de la réponse aux observations du contribuable du 5 mai 2011 que l'administration, qui s'est notamment fondée sur les informations recueillies lors des procédures de contrôle de la société transpacific import pour établir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, n'était pas en possession des documents consultés lors de ces contrôles ; que ces mentions prévalent, à moins qu'il ne soit établi par des faits précis qu'elles sont inexactes ; que, pour le même motif, la société ne peut utilement soutenir que l'administration aurait obtenu des documents auprès d'un tiers sans justifier de la qualité de l'agent ayant exercé le droit de communication ; que l'administration a informé la société, dans ses réponses aux observations du contribuable, que dans le cadre des procédures de contrôle de la société transpacific import, elle n'avait pu justifier ni de la vente des biens en mars 2006, ni de l'éventuel encaissement d'une somme globale de

24 489 146 F CFP ; qu'ainsi, l'administration a informé la redevable de la teneur et de l'origine des renseignements obtenus auprès de la société transpacific import ; que le moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait entachée d'irrégularité ;

En ce qui concerne la régularité de l'avis de mise en recouvrement :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 711-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Le recouvrement des impôts faisant l'objet de rôles est confié au payeur de la Polynésie française assisté, le cas échéant, par des agents désignés à cet effet. / Le recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée (...) est assuré par la recette des impôts, assistée, pour les subdivisions autres que celle des îles du Vent, des agents spéciaux et des comptables subordonnés du Trésor. Une convention entre la Polynésie française et le Trésor public réglera les modalités d'intervention de ces comptables. " ;

10. Considérant que la société requérante soutient qu'il appartient à l'administration de justifier de l'existence et du respect des prescriptions de la convention entre la Polynésie et le

Trésor public à laquelle fait référence l'article 711-1 du code des impôts de la Polynésie française ; que, toutefois, de telles dispositions, relatives aux modalités d'organisation administrative des services fiscaux, sont sans incidence sur la régularité des avis de mise en recouvrement ; que le moyen ne peut dès lors qu'être écarté ;

11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article LP. 715-1 du code des impôts de la Polynésie française : " 1 - Un avis de mise en recouvrement est adressé par le receveur des impôts à tout redevable de sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. / 2 - L'avis de mise en recouvrement est individuel ou collectif. Il est signé et rendu exécutoire par le Président de la Polynésie française ou son délégué. (...) " ; que l'article 715-4 du même code dispose : " L'avis de mise en recouvrement individuel est établi en deux exemplaires. L'original est déposé à la recette des impôts et l'ampliation est notifiée au redevable. " ; qu'aux termes de l'article 715-7 du même code : " Les avis de mise en recouvrement et les mises en demeure peuvent être signés et rendus exécutoires, sous l'autorité et la responsabilité du comptable, par les agents ayant au moins le grade de contrôleur. " ;

12. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ont fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement datés du 4 juin 2012 ; que cet avis de mise en recouvrement mentionne le nom du signataire, M. A...C..., et indique que ce dernier a le grade d'inspecteur ; que, par une instruction du 11 mai 2011 régulièrement publiée au Journal officiel de la Polynésie française du 27 mai 2011, M. A...C...a reçu du comptable, receveur des impôts, responsable de la recette particulière des impôts de Polynésie française, délégation permanente à l'effet de signer, au nom de celui-ci, les avis de mise en recouvrement ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que cet avis de mise en recouvrement n'aurait pas été signé par un agent habilité ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 345-4 du code des impôts de la

Polynésie française : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / Pour ouvrir droit à déduction, la dépense engagée doit être nécessaire à l'exploitation et affectée exclusivement aux besoins de l'exploitation. (...) " ; que l'article 345-10 du même code dispose : " La taxe dont les assujettis peuvent opérer la déduction est : / (...) celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs fournisseurs, dans la mesure où ceux-ci étaient eux-mêmes autorisés à faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur ces factures. " ; qu'aux termes de l'article 345-15 du même code : " La déduction initialement opérée fait l'objet d'une régularisation, par imputation ou remboursement, lorsque la déduction s'avère supérieure ou inférieure à celle que l'assujetti était en droit d'opérer ou lorsque des modifications des éléments ayant servi à déterminer le montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment : / (...) lorsqu'une facture ou le document en tenant lieu ne correspond pas effectivement à la livraison d'un bien ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur (...) " ;

14. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles précités du code des impôts de la Polynésie française, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui ne lui a fourni aucun bien ou aucune prestation de service ; que dans le cas où l'auteur de la facture était régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés et assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y était mentionnée, d'établir qu'il s'agissait d'une facture fictive ou d'une facture de complaisance ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ;

15. Considérant qu'il est constant que le matériel en litige a été facturé par la société transpacific import, société régulièrement inscrite au registre du commerce et des sociétés de Papeete et assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration, pour refuser à la

SNC Invest OM 78 le droit de déduire la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture de la société transpacific import, fait valoir, d'une part, que cette facture ne comporte qu'une désignation générique des biens cédés et ne contient aucune valorisation précise des biens et, d'autre part, qu'elle a procédé à des contrôles de la société transpacific import mis en oeuvre en mars 2010 au cours desquels la société transpacific import n'avait pu justifier ni de la vente des biens effectués auprès de la SNC Invest OM 78 en mars 2006, ni de l'éventuel encaissement en 2006 d'une somme globale de 28 489 146 F CFP ; qu'ainsi, l'administration, en dépit des différents contrôles effectués auprès du fournisseur à l'origine de la facture mentionnant la taxe sur la valeur ajoutée en litige, n'a trouvé chez ce dernier aucune trace de l'opération ayant donné lieu à cette facture ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant des éléments suffisants de nature à mettre en cause la réalité de la livraison de matériel facturée par la société transpacific import ; que les pièces produites par la société requérante, à savoir un contrat signé le 1er mars 2006 et un document intitulé " procès-verbal de livraison et de prise en charge " daté du même jour, ne donnent aucune indication précise sur les modalités de livraison du matériel ; que les attestations de règlement d'échéance fournies, qui sont établies par les parties contractantes elles-mêmes et ne sont accompagnées d'aucun justificatif bancaire, ne suffisent pas à établir la réalité des versements en cause ; que les factures et photographies produites ne permettent pas de retenir qu'elles seraient en rapport avec les biens objets du contrat qui ne comporte aucune référence ; qu'ainsi, la société n'établit pas que le représentant fiscal aurait procédé au versement à la société transpacific import de sommes correspondant au montant de l'investissement ; que, par suite et alors même que le procès-verbal de livraison comporte le tampon de la commune de Tuamotu, la SNC Invest OM 78 n'apporte pas de justifications suffisantes de la réalité de la livraison de matériel facturée ; que, par suite, l'administration était fondée à refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée mentionnée sur la facture établie par la société transpacific import ;

En ce qui concerne la pénalité pour manoeuvres frauduleuses :

16. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 511-5 du code des impôts de la

Polynésie française : " Lorsque la déclaration mentionnée à l'article 511-4 fait apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'un des impôts prévus au code des impôts insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 511-1 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie, ou de 80 % s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses. " ; qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance susvisée du 8 juillet 1998 : " En cas de contestation des pénalités appliquées à un contribuable au titre des impôts directs et des taxes assimilées, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. " ;

17. Considérant, en premier lieu, que pour justifier l'application de la pénalité de 80 % prévue par les dispositions précitées de l'article 511-5 du code des impôts de la Polynésie française, l'administration, dans sa notification de redressement du 18 avril 2011, a indiqué que la

SNC Invest OM 78, qui ne s'était pas inquiétée de l'absence de justification quant à la réalité de l'investissement et au règlement effectif du prix en dépit du caractère imprécis des pièces versées au dossier de défiscalisation, avait participé à un montage tendant à obtenir le remboursement injustifié de la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'administration a, ce faisant, suffisamment motivé l'application de la pénalité en litige ; qu'en outre l'administration, après avoir rappelé que la société disposait d'un délai de trente jours pour faire parvenir ses observations, a attiré l'attention du redevable sur le fait que les redressements pourraient être assortis de sanctions fiscales ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, celle-ci a été invitée à présenter des observations sur les sanctions fiscales envisagées ;

18. Considérant, en second lieu, que l'administration, en se fondant sur les faits exposés au point 15, qui établissent que la SNC Invest OM 78 activement participé, dans le cadre d'un dispositif de défiscalisation, à un montage destiné à créer l'apparence d'une opération soumise à la taxe sur la valeur ajoutée afin d'obtenir le remboursement de la taxe facturée par la société transpacific import, apporte la preuve, qui lui incombe, que la SNC Invest OM 78 a eu recours à des procédés destinés à égarer l'administration ou à restreindre son pouvoir de contrôle et justifiant par conséquent l'application de la pénalité de 80 % prévue en cas de manoeuvres frauduleuses ;

19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SNC Invest OM 78 n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la

Polynésie française a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SNC Invest OM 78 au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge la SNC Invest OM 78 le versement de la somme de 500 euros au titre des frais exposés par la Polynésie française et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :



Article 1er : La requête de la SNC Invest OM 78 est rejetée.

Article 2 : La SNC Invest OM 78 versera à la Polynésie française une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif Invest OM 78 et au Gouvernement de la Polynésie française.

Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2016, à laquelle siégeaient :

- Mme Driencourt, président de chambre,

- Mme Mosser, président assesseur,

- M. Boissy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 mars 2016.

Le rapporteur,

G. MOSSERLe président,

L. DRIENCOURT Le greffier,

F. DUBUY

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA01128