CR/RP
COPIE OFFICIEUSE
COPIE EXÉCUTOIRE
à :
- la SCP BON-DE SAULCE LATOUR
- la SELARL LIANCIER - MORIN-MENEGHEL
LE : 24 NOVEMBRE 2022
COUR D'APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2022
N° - Pages
N° RG 21/00841 - N° Portalis DBVD-V-B7F-DL7U
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal judiciaire de NEVERS en date du 16 Juin 2021
PARTIES EN CAUSE :
I - M. [V] [B]
[Adresse 17]
[Localité 10]
- Mme [O] [B] épouse [B]
née le 04 Novembre 1950 à [Localité 10]
[Adresse 17]
[Localité 10]
Représentés par la SCP BON-DE SAULCE LATOUR, avocat au barreau de NEVERS
timbre fiscal acquitté
APPELANTS suivant déclaration du 27/07/2021
II - M. [E] [F]
né le 29 Mai 1953 à [Localité 24]
[Adresse 8]
[Localité 11]
Représenté par la SELARL LIANCIER - MORIN-MENEGHEL, avocat au barreau de NEVERS
timbre fiscal acquitté
INTIMÉ
24 NOVEMBRE 2022
N° /2
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles
786 et
907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Octobre 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CIABRINI
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. WAGUETTE Président de Chambre
M. PERINETTI Conseiller
Mme CIABRINI Conseiller
***************
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme JARSAILLON
***************
ARRÊT : Contradictoire
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
**************
EXPOSÉ :
[E] [F] est propriétaire de parcelles de terrain situées sur la commune de [Localité 10] (Nièvre), dont certaines jouxtent les parcelles numéro [Cadastre 5] et [Cadastre 7] appartenant à Monsieur et Madame [B].
Par acte d'huissier du 5 décembre 2019, Monsieur [F] a fait assigner Monsieur et Madame [B] devant le tribunal de grande instance de Nevers aux fins de condamnation à cesser les empiétements sur sa propriété et à supprimer les plantations et ouvrages qu'ils y ont érigés, sollicitant par ailleurs l'octroi d'une indemnité de 15 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi.
Monsieur et Madame [B] se sont opposés à de telles demandes, demandant au tribunal de constater l'acquisition de la prescription concernant la parcelle [Cadastre 6] au préjudice de Madame [B].
Par jugement rendu le 16 juin 2021, le tribunal judiciaire de Nevers a :
' Constaté l'existence d'empiétements réalisés par Monsieur et Madame [B] sur les parcelles numéros [Cadastre 4] et [Cadastre 6] et numéro [Cadastre 13] appartenant à [E] [F]
' Condamné Monsieur et Madame [B] à supprimer à leurs frais toutes plantations et ouvrages érigés sur les parcelles précitées de Monsieur [F]
' Dit qu'à défaut d'exécution dans un délai de 30 jours à compter de la signification de la décision, Monsieur et Madame [B] seront condamnés à effectuer ces suppressions sous astreinte définitive d'un montant de 100 € par jour de retard
' Condamné Monsieur et Madame [B] à remettre en état à leurs frais les haies délimitant les parcelles appartenant à Monsieur [F]
' Dit qu'à défaut d'exécution dans un délai de 30 jours à compter de la signification de la décision, Monsieur et Madame [B] seront condamnés à effectuer cette remise en état sous astreinte définitive d'un montant de 100 € par jour de retard
' Ordonné l'expulsion de Monsieur et Madame [B] eux-mêmes et de tous occupants de leur chef, en ce compris toutes espèces animales, des parcelles précitées de Monsieur [F]
' Condamné solidairement Monsieur et Madame [B] à verser à Monsieur [F] la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice de jouissance subi ainsi qu'une indemnité de 2500 € sur le fondement des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile
' Ordonné l'exécution provisoire de la décision
' Condamné solidairement Monsieur et Madame [B] aux dépens en ce compris le coût des procès-verbaux de constat établis les 11 juillet 2018 et 21 septembre 2018
' Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
[V] [B] et [O] [B] épouse [B] ont interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 27 juillet 2021 demandent à la cour, dans leurs dernières écritures notifiées par voie électronique le 9 février 2022, à la lecture desquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article
455 du code de procédure civile, de :
' Réformer le jugement rendu le 16 juin 2021 en toutes ses dispositions
' Constater l'acquisition de la prescription concernant la parcelle [Cadastre 6] au lieu-dit [Localité 22] sur la commune de [Localité 10] au bénéfice de Madame [B]
' Condamner Monsieur [F] à leur verser la somme de 2500 € sur le fondement des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
[E] [F], intimé, demande pour sa part à la cour, dans ses dernières écritures notifiées le 25 janvier 2022, à la lecture desquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article
455 du code de procédure civile, de :
Vu les articles 544 et suivants, 555 et suivants et 1240 (anciennement 1382) du Code civil
' Le déclarer recevable et bien fondé en ses moyens, fins et prétentions,
' Débouter, en conséquence, Monsieur et Madame [B] de leur appel et de toutes leurs demandes
' Confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 16 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Nevers
' Condamner solidairement Monsieur et Madame [B] à lui verser la somme de 4000 € sur le fondement des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile
' Débouter Monsieur et Madame [B] de toutes leurs prétentions contraires
' Condamner Monsieur et Madame [B] aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de son conseil.
Par ordonnance de référé du 8 mars 2022, le premier président de la cour d'appel de Bourges a débouté Monsieur et Madame [B] de leur demande de suspension de l'exécution provisoire du jugement dont appel et les a condamnés solidairement au paiement d'une indemnité de 1200 € sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 24 mai 2022, le conseiller de la mise en état a constaté l'exécution des condamnations prononcées à l'encontre des époux [B] par la décision entreprise sous le bénéfice de l'exécution provisoire et dit, en conséquence, sans objet la demande de Monsieur [F] tendant à la radiation de la procédure pour défaut d'exécution des condamnations prononcées en première instance et dit n'y avoir lieu à application de l'article
700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 septembre 2022.
Sur quoi :
Il résulte des articles
544 et
545 du Code civil que «la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements» et «nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité».
En application des deux premiers alinéas de l'article
555 du même code, «lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever. Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds».
En l'espèce, il résulte de l'attestation rédigée le 22 mars 2018 par Maître [K], notaire à [Localité 16], que Monsieur [F] est propriétaire de parcelles de terre situées sur la commune de [Localité 10] ainsi cadastrées : section F numéro [Cadastre 4] au lieu-dit «[Localité 22]» pour une contenance de 2 ha 53 ca, F numéro [Cadastre 6] pour lieu-dit «[Localité 25]» pour une contenance de 11 a 50 ca et E numéro [Cadastre 13] au lieu-dit «[Localité 21]» d'une contenance de 23 a 52 ca (pièces numéros 1 et 2 du dossier de l'intimé).
Selon l'attestation notariale rédigée le 21 mars 2008 par Maître [N], notaire à [Localité 20] (58), Madame [B] a fait l'acquisition par acte notarié du 20 mars 2008 d'une propriété située au lieu-dit «[Localité 25]» sur la commune de [Localité 10] comprenant, notamment, les parcelles cadastrées section F numéros [Cadastre 5] et [Cadastre 7] pour des contenances respectives de 2 ha 56 ca et 1 ha 02 ca 25 a (pièce numéro 1 du dossier des appelants).
Monsieur [F] a assigné le 5 décembre 2019 Monsieur et Madame [B] devant le premier juge en reprochant à ces derniers l'existence d'empiètements sur les parcelles cadastrées numéros [Cadastre 4],[Cadastre 6] et [Cadastre 13] dont il est propriétaire.
S'agissant, en premier lieu, de la parcelle numéro [Cadastre 6] située au lieu-dit «[Localité 25]» dont Monsieur [F] est propriétaire, ce dernier soutient que les appelants ont supprimé, sans aucune autorisation, la haie se trouvant sur cette parcelle pour y planter du maïs ou encore y installer un troupeau de bovins, ce qui constitue une voie de fait de leur part.
Soutenant que la parcelle numéro [Cadastre 6] appartenant à Monsieur [F], de nature de chemin, est totalement incluse dans la parcelle numéro [Cadastre 5] appartenant à Madame [B], les appelants soutiennent au contraire que le chemin litigieux n'existe plus depuis plus de 40 ans.
Les appelants sollicitent ainsi que soit constatée la prescription acquisitive, dès lors qu'ils justifient d'une possession publique, paisible et continue à laquelle ils peuvent joindre celle de leurs auteurs conformément à l'article
2265 du Code civil.
Il convient d'observer que dans un procès-verbal de constat en date du 11 juillet 2018 (pièce numéro 7 du dossier de l'intimé) Me [W], huissier de justice, indique s'être rendu sur place et avoir constaté les éléments suivants : «depuis le bord du [Adresse 19], j'ai pu constater qu'il n'existe à ce jour plus aucun chemin permettant l'accès jusqu'au bois que constitue la parcelle numéro [Cadastre 4]. On peut deviner l'ancien chemin qui devait longer les chênes existant en bordure de la parcelle se trouvant devant nous. Puis le chemin existant sur le plan est coupé par une parcelle entière de maïs et reprend en suivant le plan de l'autre côté de cette parcelle de maïs le long d'un chêne encore existant, puis devait se terminer dans le bois. À ce jour, plus aucun chemin n'est visible, et il est impossible à mon requérant d'accéder à sa parcelle. S'il se remet à suivre le plan cadastral, l'accès à ce jour est impossible. À ce jour, il n'existe d'ailleurs aucune autre voie d'accès permettant à mon requérant de rejoindre sa parcelle depuis le [Adresse 18] ou [Adresse 19] (')».
L'extrait de plan cadastral produit en pièce numéro 3 du dossier de l'intimé permet de constater que la parcelle numéro [Cadastre 6] est constituée d'un chemin étroit et rectiligne traversant en son milieu la parcelle numéro [Cadastre 5] appartenant à Madame [B], et permettant d'accéder à la parcelle numéro [Cadastre 4], propriété de l'intimé, depuis le «[Adresse 19]».
Les appelants ne pouvant se prévaloir d'un juste titre autorisant une prescription abrégée de 10 ans en application du second alinéa de l'article
2272 du Code civil, il convient de rappeler que le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de 30 ans en application du premier alinéa de ce même texte.
Madame [B] ayant fait l'acquisition de la parcelle numéro [Cadastre 5] selon acte notarié du 20 mars 2008, ainsi que cela a été rappelé supra, elle soutient que la possession des propriétaires antérieurs revêt un caractère public, paisible et continu et doit donc s'adjoindre à sa propre possession.
Toutefois, ainsi que l'a pertinemment noté le premier juge, il ne saurait être déduit des attestations succinctes produites en première instance, ainsi que devant la cour, l'existence d'une possession continue, non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire de la parcelle numéro [Cadastre 6] au sens de l'article
2261 du Code civil.
C'est à conséquence à juste titre que le premier juge a rejeté la demande des époux [B] tendant au constat de l'acquisition de la prescription concernant la parcelle numéro [Cadastre 6] et a ainsi fait droit aux demandes de Monsieur [F] fondées sur les articles
544 et
555 du Code civil précités.
S'agissant, en deuxième lieu, de l'accès à la parcelle numéro [Cadastre 4], il résulte du procès-verbal de constat précité que cet accès doit être réalisé en partant du chemin rural, puis en empruntant la parcelle cadastrée numéro [Cadastre 3] et en utilisant le chemin constituant la parcelle numéro [Cadastre 6] ci-dessus évoquée, et qu'en raison des plantations réalisées par les appelants ainsi que la présence de bovins, un tel accès n'est pas matériellement praticable.
Comment en première instance, Monsieur et Madame [B] soutiennent que Monsieur [F] peut parfaitement accéder à la parcelle numéro [Cadastre 4], non pas par l'itinéraire ainsi préconisé par l'huissier de justice, mais en empruntant un passage situé entre les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2] rejoignant un chemin rural.
Toutefois, il résulte de l'extrait du plan cadastral produit en pièce numéro 10 du dossier de l'intimé qu'un tel trajet supposerait de traverser plusieurs propriétés privées ' Monsieur [F] justifiant, à cet égard, avoir eu recours à une société à l'automne 2010 dont le gérant a indiqué dans un courrier du 31 juillet 2020 (pièce numéro 11 du même dossier) avoir été contraint de traverser la parcelle numéro [Cadastre 9], appartenant à un tiers et après obtention de l'autorisation préalable de celui-ci, pour procéder au débardage des grumes de la parcelle numéro [Cadastre 4].
C'est en conséquence à juste titre que le premier juge, après avoir rappelé que le libre accès à une propriété constituait un accessoire au droit de propriété, a rejeté le moyen invoqué par les appelants tenant de la possibilité d'utiliser un itinéraire différent de celui préconisé par l'huissier de justice dans son procès-verbal de constat précité.
S'agissant, enfin, de la parcelle numéro [Cadastre 13], il résulte du procès-verbal de constat établi le 21 septembre 2018 par Maître [I], huissier de justice à [Localité 23], que cette parcelle «est entourée de la parcelle [Cadastre 12], puis [Cadastre 15] et [Cadastre 14]» et que «les clôtures délimitant les différentes parcelles ont été retirées », l'officier ministériel constatant, par ailleurs, «la présence de vaches sur la parcelle du requérant» (page numéro 2 du procès-verbal de constat produit en pièce numéro 8 du dossier de l'intimé).
Les appelants, qui ne contestent pas que le bétail dont la présence a été constatée par huissier de justice leur appartient, se bornent à contester les constatations de cet officier ministériel sans fournir aucun élément permettant d'établir que le constat du retrait des clôtures délimitant les parcelles serait erroné.
C'est en conséquence à juste titre que le premier juge a condamné sous astreinte Monsieur et Madame [B] à remettre en état à leurs frais les haies délimitant les parcelles appartenant à l'intimé.
C'est par ailleurs par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a évalué à la juste somme de 2000 € l'indemnité devant revenir à Monsieur [F] en réparation du préjudice subi du fait des empiétements, de l'arrachage des haies, de la culture de plantations et de la présence de vaches sur ses parcelles imputables aux appelants.
Il résulte de ce qui précède que la décision de première instance devra être confirmée en l'intégralité de ses dispositions.
L'équité commandera, en outre, d'allouer à Monsieur [F] une indemnité de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles que celui-ci a dû exposer en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
' Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris
Y ajoutant
' Condamne solidairement [V] [B] et [O] [B] épouse [B] à verser à [E] [F] la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile
' Condamne solidairement [V] [B] et [O] [B] épouse [B] aux entiers dépens d'appel et dit qu'il pourra être fait application des dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.
L'arrêt a été signé par M.WAGUETTE, Président et par Mme MAGIS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
S. MAGIS L. WAGUETTE