Cour de cassation, Troisième chambre civile, 24 mars 2016, 14-29.873

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2016-03-24
Cour d'appel de Bordeaux
2014-10-23

Texte intégral

CIV.3 CM COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 24 mars 2016 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 401 F-D Pourvoi n° K 14-29.873 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ Statuant sur le pourvoi formé par : 1°/ la société Les Deux Rives, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 2], 2°/ la société Château de Montlandrie, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 2], contre l'arrêt rendu le 23 octobre 2014 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile, section A), dans le litige les opposant à la société de travaux viticoles Emilionnais, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation ; La société de travaux viticoles Emilionnais a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt ; Les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 16 février 2016, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Renard, conseiller référendaire rapporteur, M. Jardel, conseiller doyen, Mme Berdeaux, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Renard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Les Deux Rives et de la société Château de Montlandrie, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société de travaux viticoles Emilionnais, l'avis de M. Petit, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Bordeaux, 23 octobre 2014), qu'au cours de l'automne 2008, la société Les Deux Rives a confié à la Société de travaux viticoles émilionnais (la STVE) des travaux de désinfection des sols par application d'un produit phytosanitaire notamment dans ses vignobles du Château [Localité 1] ; que se plaignant de ce que les travaux réalisés n'étaient pas satisfaisants et avaient occasionné des désordres dans ses vignes, la société Les Deux Rives a refusé de régler les factures et a, après expertise, assigné la STVE en indemnisation de ses préjudices ; que la société Château de Montlandrie, venant partiellement aux droits de la société Les Deux Rives, est intervenue volontairement à l'instance ;

Sur le premier moyen

du pourvoi principal :

Attendu que la société Les Deux Rives et la société Château de Montlandrie font grief à

l'arrêt de rejeter leurs demandes en paiement au titre d'un manque à gagner sur la production du Château [Localité 1], alors, selon le moyen : 1°/ que dans ses courriers du 18 décembre 2008, M. [P] se bornait à préciser que compte tenu des manquements de la société STVE une nouvelle désinfection devait être envisagée au cours de l'automne 2009 ; qu'en déduisant de ces courriers que M. [P] aurait prévu initialement de planter en 2010, la cour d'appel a dénaturé ces courriers en violation de l'article1134 du code civil ; 2°/ que le courrier du 15 décembre 2008 de la société Cerexagri fabricante du produit litigieux adressé à la société Les Deux Rives postérieurement aux manquements commis par la société STVE en octobre 2008 et après que la société Les Deux Rives s'est trouvée dans l'obligation de recommencer la désinfection des sols et partant de reporter la replantation initialement prévue pour l'été 2009, selon lequel « compte tenu de votre planification de plantation (printemps 2010), une nouvelle désinfection réalisée dans de bonnes conditions peut tout à fait être envisagée au cours de l'automne 2009 », ne se réfère nullement à une planification qui aurait été « initialement » prévue par la société Les Deux Rives ; qu'en considérant qu'il résulterait de ce courrier que la replantation était planifiée dès l'origine pour le printemps 2010 soit avec un décalage d'un an, la cour d'appel a dénaturé ce courrier en violation de l'article 1134 du code civil ; 3°/ que les sociétés Les Deux Rives et Château de Montlandrie faisaient valoir que les travaux de terrassement exécutés sur la parcelle du Château [Localité 1] à l'issue de la prestation de la société STVE ont été rendus nécessaires par les dégradations imputables à cette dernière ; qu'en se bornant pour exclure le lien de causalité entre le retard de production et les manquements commis par la société STVE, à énoncer qu'en réalité la replantation a été retardée en raison d'importants travaux de terrassement exécutés dans les vignes entre le printemps 2009 et la fin de l'été 2010, sans rechercher si les travaux de terrassement n'avaient pas eux-mêmes été rendus nécessaires par la faute de la société STVE, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ; 4°/ que les sociétés Les Deux Rives et Château de Montlandrie faisaient encore valoir, que sans les problèmes rencontrés lors de la désinfection effectuée par la société STVE à l'automne 2008, les travaux de terrassement préconisés par M. [M] auraient pu être réalisés au printemps et à l'été 2009 et qu'il avait fallu attendre l'autorisation de l'expert pour la première tranche et le dépôt du rapport d'expertise en septembre 2009 pour commencer la seconde tranche de ces travaux qui n'ont dès lors pu être achevés qu'au printemps 2010 ce qui a reporté la plantation en 2011 ; qu'en se bornant pour exclure le lien de causalité entre le retard de production et les manquements commis par la société STVE, à énoncer qu'en réalité la replantation a été retardée en raison d'importants travaux de terrassement exécutés dans les vignes entre le printemps 2009 et la fin de l'été 2010, sans rechercher comme elle y était invitée, si la date tardive de réalisation de ces travaux et leur durée n'étaient pas imputables à la société STVE la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu

qu'ayant retenu, sans dénaturation, que, la plantation étant prévue pour le printemps 2010, il était possible de procéder à un nouveau traitement phytosanitaire à l'automne 2009 et retenu, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que la replantation avait été retardée par d'importants travaux de terrassement exécutés dans les vignes entre le printemps 2009 et la fin de l'été 2010, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire l'absence d'un lien de causalité entre la faute commise par la STVE et le manque à gagner invoqué ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen

du pourvoi principal :

Attendu que la société Les Deux Rives et la société Château de Montlandrie font grief à

l'arrêt de condamner la société Château de Montlandrie au paiement d'une somme, alors, selon le moyen, que seule l'inexécution partielle du contrat permet au juge d'en exclure la résolution faute de gravité ; qu'en excluant l'exception d'inexécution invoquée, après avoir constaté que le manquement commis était tel qu'il avait entraîné la nécessité de refaire intégralement la prestation de la société STVE par une nouvelle désinfection après reprise préalable des sols et en caractérisant ainsi l'inexécution totale de ses obligations par l'entrepreneur, exclusive du paiement de sa prestation, la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil ;

Mais attendu

qu'ayant relevé que la STVE avait réalisé la fumigation convenue, bien que les conditions d'application n'aient pas été conformes aux prescriptions du fabricant, et souverainement retenu que le manquement aux règles de l'art commis par cette société n'était pas suffisamment grave pour justifier la mise en jeu de l'exception d'inexécution par la société Château de Montlandrie, la cour d'appel a pu accueillir la demande en paiement de la STVE ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen

unique du pourvoi incident de la STVE :

Attendu que la STVE fait grief à

l'arrêt de la condamner au paiement d'une somme en réparation des préjudices subis sur des parcelles, alors, selon le moyen, que seul un dommage certain résultant d'un manquement contractuel oblige le débiteur à le réparer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il n'était pas possible de conclure à l'inefficacité du produit Esaco répandu par la STVE et que la société Les Deux Rives avait refusé de procéder à une analyse chimique du sol qui, au demeurant, n'aurait pas permis de se prononcer sur l'efficacité du traitement opéré par société STVE ; qu'en condamnant néanmoins la société STVE à prendre en charge l'ensemble des coûts des travaux de reprise et de désinfection des parcelles litigieuses, la cour d'appel qui a ordonné la réparation d'un préjudice en réalité incertain, a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu

qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que l'application du produit fumigeant n'avait pas été conforme aux préconisations du fabricant, que les performances du produit étaient altérées par les défectuosités observées dans son application, ce qui compromettait l'efficacité du traitement, et que l'expert judiciaire avait préconisé une nouvelle désinfection des sols, la cour d'appel a souverainement apprécié l'existence et l'importance du préjudice résultant des manquements commis par la STVE ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE les pourvois ; Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille seize.

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Les Deux Rives et la société Château de Montlandrie PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les sociétés Les Deux Rives et Château Montlandrie de leurs demandes tendant à voir condamner la société de Travaux Viticoles Emilionnais à payer la somme de 84.800 euros HT au titre du manque à gagner sur la production du Château [Localité 1] ; AUX MOTIFS QUE la société Château de Montlandrie réclame le paiement d'une somme de 84.800 euros conformément à l'évaluation de l'expert judiciaire au titre de la perte d'une année de production ; mais que la société intervenante ne peut prétendre avoir été privée par la faute commise par la société STVE lors du traitement de 2008, de la possibilité de planter ses vignes à l'été 2009, puisque selon le courrier adressé le 15 décembre 2008 par la société Cerexagri (pièce 15), la plantation était prévue selon la planification pour le printemps 2010 ; qu'il était donc possible de procéder à un nouveau traitement phytosanitaire à l'automne 2009, comme l'indiquait d'ailleurs M. [P] gérant de la société Les Deux Rives dans ses courriers des 18 décembre 2008 (pièces 11 et 12) et de planter comme prévu initialement en 2010 ; qu'il apparait qu'en réalité la replantation a été retardée en raison d'importants travaux de terrassement exécutés dans les vignes entre le printemps 2009 et la fin de l'été 2010 ; qu'en l'absence d'un lien de causalité entre la faute commise et le préjudice invoqué, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande concernant la perte d'une année de production ; 1°- ALORS QUE dans ses courriers du 18 décembre 2008 (pièces 11 et 12), M. [P] se bornait à préciser que compte tenu des manquements de la société STVE une nouvelle désinfection devait être envisagée au cours de l'automne 2009 ; qu'en déduisant de ces courriers que M. [P] aurait prévu initialement de planter en 2010, la Cour d'appel a dénaturé ces courriers en violation de l'article 1134 du Code civil ; 2°- ALORS QUE le courrier du 15 décembre 2008 de la société Cerexagri fabricante du produit litigieux adressé à la société Les Deux Rives postérieurement aux manquements commis par la société STVE en octobre 2008 et après que la société Les Deux Rives s'est trouvée dans l'obligation de recommencer la désinfection des sols et partant de reporter la replantation initialement prévue pour l'été 2009, selon lequel « compte tenu de votre planification de plantation (printemps 2010), une nouvelle désinfection réalisée dans de bonnes conditions peut tout à fait être envisagée au cours de l'automne 2009 », ne se réfère nullement à une planification qui aurait été « initialement » prévue par la société Les Deux Rives ; qu'en considérant qu'il résulterait de ce courrier que la replantation était planifiée dès l'origine pour le printemps 2010 soit avec un décalage d'un an, la Cour d'appel a dénaturé ce courrier en violation de l'article 1134 du Code civil ; 3°- ALORS QUE les sociétés Les Deux Rives et Château de Montlandrie faisaient valoir que les travaux de terrassement exécutés sur la parcelle du Château [Localité 1] à l'issue de la prestation de la société STVE ont été rendus nécessaires par les dégradations imputables à cette dernière (conclusions p. 33) ; qu'en se bornant pour exclure le lien de causalité entre le retard de production et les manquements commis par la société STVE, à énoncer qu'en réalité la replantation a été retardée en raison d'importants travaux de terrassement exécutés dans les vignes entre le printemps 2009 et la fin de l'été 2010, sans rechercher si les travaux de terrassement n'avaient pas eux-mêmes été rendus nécessaires par la faute de la société STVE, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ; 4°- ALORS QUE les sociétés Les Deux Rives et Château de Montlandrie faisaient encore valoir (conclusions p. 22 et s.), que sans les problèmes rencontrés lors de la désinfection effectuée par la société STVE à l'automne 2008, les travaux de terrassement préconisés par M. [M] auraient pu être réalisés au printemps et à l'été 2009 et qu'il avait fallu attendre l'autorisation de l'expert pour la première tranche et le dépôt du rapport d'expertise en septembre 2009 pour commencer la seconde tranche de ces travaux qui n'ont dès lors pu être achevés qu'au printemps 2010 ce qui a reporté la plantation en 2011 ; qu'en se bornant pour exclure le lien de causalité entre le retard de production et les manquements commis par la société STVE, à énoncer qu'en réalité la replantation a été retardée en raison d'importants travaux de terrassement exécutés dans les vignes entre le printemps 2009 et la fin de l'été 2010, sans rechercher comme elle y était invitée, si la date tardive de réalisation de ces travaux et leur durée n'étaient pas imputables à la société STVE la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Château de Montlandrie venant aux droits de la société Les Deux Rives à payer à la société de Travaux Viticoles Emilionnais la somme de 34.503 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2012 ; AUX MOTIFS QUE le Tribunal n'a pas statué sur la demande en paiement relative aux prestations exécutées sur les parcelles du Château [Localité 1] ; que le manquement aux règles de l'art commis par la société STVE n'est pas suffisamment grave pour justifier la mise en oeuvre de l'exception d'inexécution par la société Château de Montlandrie, le prestataire ayant réalisé la fumigation convenue bien que les conditions d'application n'aient pas été conformes aux prescriptions du fabricant ; qu'il y a donc lieu de la condamner à payer à la société STVE la somme de 34.503 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2012 ; ALORS QUE seule l'inexécution partielle du contrat permet au juge d'en exclure la résolution faute de gravité ; qu'en excluant l'exception d'inexécution invoquée, après avoir constaté que le manquement commis était tel qu'il avait entraîné la nécessité de refaire intégralement la prestation de la société STVE par une nouvelle désinfection après reprise préalable des sols et en caractérisant ainsi l'inexécution totale de ses obligations par l'entrepreneur, exclusive du paiement de sa prestation, la Cour d'appel a violé l'article 1184 du Code civil. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils pour la société de travaux Emilionnais Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Travaux Viticoles Emilionnais à verser à la société Château de Montlandrie venant aux droits de la société Les Deux Rives, la somme de 44.466,04 euros HT (soit 47.932,97 euros TTC) en réparation des préjudices subis sur les parcelles du Château [Localité 1] ; AUX MOTIFS PROPRES QUE la responsabilité de la société de Travaux Viticoles Emilionnais est recherchée sur le fondement de l'article 1147 du code civil, pour une exécution défectueuse du contrat d'entreprise conclu entre les parties, qui portait sur l'application, avant la plantation de vignes, d'un produit dénommé Esaco comprenant comme matière active du métam sodium, actif contre les nématodes et le pourridié. Par des motifs pertinent que la cour adopte, le tribunal a retenu à bon droit qu'au regard des constatations et photographies prises par M. [M], consultant en viticulteur, de celles faites par le vendeur du produit, la société Cerexagri, et des constatations personnelles de l'expert, il était établi que l'application du produit fumigeant n'avait pas été conforme aux préconisations du fabricant, en particulier sur les parcelles numéros [Cadastre 1], [Cadastre 6], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5], puisque celles-ci présentaient, après traitement, de larges traces de résidus blanchâtres, ainsi que des traces de coutres révélant un tassement insuffisant après injection du produit en dépit de l'utilisation, par l'entrepreneur, d'un rouleau métallique enrobé de pneumatiques. Or, même s'il n'existe pas de véritable cahier des charges, le fabricant précise néanmoins expressément dans la notice d'utilisation qu'il convient d'éliminer les traces laissées par les griffes d'injection car celles-ci constituent des voies de diffusion préférentielle peu propices au bon fonctionnement du produit. Il en résulte qu'à défaut d'être recouvertes convenablement, les traces de coutres laissent partir dans l'air une partie significative de la matière active, ce qui compromet l'efficacité du traitement. La société STVE ne peut valablement reprocher à la société Les Deux Rives de ne pas avoir accepté une analyse chimique du sol au cours des opérations d'expertise judiciaire, puisqu'au regard des connaissances scientifiques actuelles, un tel examen n'aurait pas permis de doser les résidus blancs observés sur les parcelles ni dans le sol, afin d'évaluer la quantité de produits enfouie. Par ailleurs, un prélèvement n'aurait pas conduit à des résultats concluants et exploitables en ce qui concerne l'efficience du traitement contre le pourridié. Ainsi que le tribunal l'a retenu à juste titre, l'entrepreneur ne peut invoquer utilement la présence dans le sol d'une quantité trop importante de débris pierreux, alors qu'en sa qualité de professionnel, il lui appartenait de vérifier, avant le début des travaux, notamment par sondages, que l'état du sous-sol permettait la mise en oeuvre du traitement phytosanitaire dans les conditions prescrites par le fabricant. Au demeurant, il n'est nullement démontré que la nature du sol ait empêché de pratiquer un tassement convenable des terres après traitement. Bien que l'expert judiciaire en ait fait état dans son rapport écrit, les allégations de la société STVE concernant les pressions dont elle aurait fait l'objet en cours de chantier ne sont confortés par aucun élément objectif et doivent être écartées comme inopérantes. L'exécution de travaux de terrassement en vue d'une reconfiguration des parcelles litigieuses après le dépôt du rapport d'expertise n'a aucune conséquence sur l'existence avérée d'une faute dans la réalisation du traitement phytosanitaire. Il con vient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société STVE à l'occasion du traitement phytosanitaire des parcelles du Château [Localité 1]. Dans l'évaluation des préjudices subis, l'expert judiciaire a retenu, en premier lieu, la nécessité d'une reprise préalable du sol sur les 6 hectares concernés, avant un nouveau traitement. C'est à bon droit que le tribunal a fixé à 3.366 euros hors taxes l'indemnisation due à ce titre à la société Les Deux Rives en considération de la facture dressée le 15 décembre 2010 par l'entreprise Didier Pallard. L'expert judiciaire a préconisé en outre une nouvelle désinfection des sols à l'Esaco, ce qui a généré, pour la société Les Deux Rives, une nouvelle dépense d'un montant total de 41.100,04 euros hors taxes ou 43.907,23 euros TTC selon les factures Maisadour et Decouzon produites aux débats. Il convient en conséquence de confirmer le jugement sur l'indemnisation accordée à ce titre, sauf à préciser que la condamnation au paiement de la somme totale de 44.466,04 euros hors taxes ou 47.932,97 euros TTC intervient désormais au profit de la société Château de Montlandrie venant aux droits de la société Les Deux Rives ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la SARL Société des Travaux Viticoles Emilionnais a uniquement procédé à l'application de l'Esaco sur les parcelles du château « [Localité 1] », travaux réalisés le 24 octobre 2008 pour un coût facturé de 36.400,67 € TTC, en utilisant 53 bidons de 210 litres selon bon n° 1328. Selon l'expert, les constatations et les photos prises par Monsieur [M], consultant en viticulture et oenologie, consignées dans ses rapports du mois de novembre 2008, celles faites par Cerexagri et les observations faites par lui-même, conduisent à dire que l'application du produit fumigeant n'a pas été faite conformément aux préconisations du fabricant, en particulier sur les parcelles n° [Cadastre 1],[Cadastre 2],[Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], lesquelles présentaient de larges traces de résidus blanchâtres. Les traces de coutres encore visibles ne permettent pas d'assurer que sur les autres parcelles, le produit ait été sous-dosé. Les défectuosités ainsi observées sont caractéristiques d'un défaut d'application du produit selon les règles de l'art et conduisent à une hétérogénéité de la dose réellement appliquée par unité de surface. En conséquence, les performances du produit sont altérées. L'expert indique en outre que le tassement préconisé par le fabricant sur sa notice n'a pas été convenablement réalisé, le sol gardant des traces nettes des coutres injecteurs plusieurs semaines après l'application du produit. La SARL STVE ne saurait se retrancher dernière la mauvaise préparation des sols pour s'exonérer de sa responsabilité. En effet, selon l'expert, si les observations faites sur le matériel (page 9) laissent à penser que sur les parcelles principalement concernées, l'avancement du tracteur a été gêné et l'enfoncement des coutres n'a pas pu être maintenu, s'expliquant éventuellement par la présence de pierres/rochers dans l'horizon des 50/70 cms et/ou d'un compactage trop important, il n'en demeure pas moins que la SARL STVE, applicateur agréé, n'a pu fournir aucun renseignement préalable quant à. un éventuel contrôle de l'état du sous-sol. Il appartenait à. la SARL STVE, non préparatrice des parcelles du château « [Localité 1] », de vérifier préalablement si les conditions d'application du produit étaient ou non réunies et dans l'hypothèse d'une mauvaise préparation (profondeur de 50 cm d'une terre fine), d'émettre des réserves ou de refuser l'exécution de sa mission, la confiance n'excluant point les mesures d'auto-contrôle. Enfin, les travaux de préparation des sols réalisés par les sociétés Sabathier (défonçage à 1,60 m) et Zanette (décompactage à 70 cm par compacteur 5 dents, griffage à 40 cm, défonçage et hersage) n'ont nullement été remis en cause. Cependant, le défaut de prélèvement permettant de vérifier l'absence de nématodes et de contamination du sol (point zéro) après l'application, ainsi que l'absence d'évaluation de la population de nématodes préalablement à la désinfection initiale, ne permettent pas de se prononcer sur une nouvelle éventuelle contamination ou sur l'inefficacité du traitement 2008. Ainsi, s'il n'est pas possible d'affirmer que la fumigation appliquée n'ait pas été efficace et que les agents pathogènes ciblés (nématodes et pourridié) n'aient pas été détruits, il n'en demeure pas moins que la présence, sur les seules parcelles sus-citées, de résidus blanchâtres et de traces nettes de coutres injecteurs plusieurs semaines après l'utilisation atteste d'une mauvaise application du produit Esaco, non conforme aux prescriptions du fabricant, ainsi que d'une réduction ou une altération des performances souhaitées. Pour y remédier, l'expert préconise une nouvelle désinfection à l'Esaco de l'ensemble des parcelles du château [Localité 1] et non limitée aux seules parcelles litigieuses. La SARL STVE, qui n'a pas rempli ses obligations, sera tenue d'indemniser la SCEA Les Deux Rives de l'intégralité des préjudices subis. Sur les préjudices. - les travaux de reprise du sol et désinfection. Selon l'expert, les travaux de reprise du sol sur les 6 ha représentent un coût de 2.500 € HT. Par contre, il est justifié par la SCEA Les Deux Rives de la réalisation des travaux de préparation des sols par l'entreprise Didier Pallaro selon facture n° 781 du 15 décembre 2010, à hauteur de la somme de 3.366,00 € HT (ou 4.025,74 € TTC). Quant aux travaux. de désinfection évalués par l'expert à la somme de 39.600 € HT, la SCEA Les Deux Rives justifie, par factures n°171458772 de la SCA Maisadour en date du 30 juin 2010 (acquisition Esaco) et n°10110090 de la SARL Decouzon Locagri en date du 10 décembre 2010 (travaux de désinfection) d'un préjudice de 41.100,04 € HT ou 43.907,23 € TTC (…) En conséquence, il y a lieu de condamner la SARL STVE à payer, en réparation des préjudices subis, la somme de 44.466,04 euros HT (ou 47.932,97 euros TTC) se décomposant comme suit : préparation des sols : 3.366,00 euros HT et travaux de désinfection : 41.100,04 euros HT ; ALORS QUE seul un dommage certain résultant d'un manquement contractuel oblige le débiteur à le réparer ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il n'était pas possible de conclure à l'inefficacité du produit Esaco répandu par la STVE et que la société les Deux Rives avait refusé de procéder à une analyse chimique du sol qui, au demeurant, n'aurait pas permis de se prononcer sur l'efficacité du traitement opéré par société STVE ; qu'en condamnant néanmoins la société STVE à prendre en charge l'ensemble des coûts des travaux de reprise et de désinfection des parcelles litigieuses, la cour d'appel qui a ordonné la réparation d'un préjudice en réalité incertain, a violé l'article 1147 du code civil.