Vu les procédures suivantes :
I. Par une requête enregistrée le 9 mai 2022, sous le n°2201144, M. A C, représenté par la SELAS OGA, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2022 par lequel le préfet de la Vienne lui a fait interdiction d'exercer temporairement les fonctions mentionnées à l'article
L. 212-1 du code du sport pour une durée de six mois ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat les entiers dépens de l'instance.
Il soutient que :
- la situation d'urgence invoquée dans l'arrêté attaqué n'est pas démontrée en l'absence de suspicion de danger actuelle ;
- les faits au titre desquels il a été suspendu sont anciens et ont déjà fait l'objet, pour certains d'entre eux d'une composition pénale en 2017 non assortie d'une mesure d'éloignement des enfants, et pour d'autres n'ont pas donné lieu à des poursuites pénales ;
- il a fait l'objet de propos diffamatoires et calomnieux au titre desquels il a déposé une plainte le 4 mars 2022, n'ayant pour objet que de le discréditer, le développement de son propre club d'arts martiaux faisant concurrence à son ancien club de sport ;
- la mesure de suspension, excessive dans son principe comme dans sa durée, a pour effet de dégrader son état de santé psychologique.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 22 septembre 2022 et le 18 octobre 2022, le préfet de la Vienne conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de M. C et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- à titre principal, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 8 mars 2022, retiré par un arrêté ultérieur du 26 septembre 2022 portant interdiction définitive pour M. C d'exercer les fonctions d'éducateur sportif ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 28 novembre 2022, sous le n°2203009, M. A C, représenté par la SELAS OGA, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 par lequel le préfet de la Vienne lui a interdit définitivement d'exercer les fonctions mentionnées à l'article
L. 212-1 du code du sport ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Il soutient que :
- les faits au titre desquels il a été interdit d'exercer son activité d'entraîneur sportif sont anciens, en tout état de cause antérieurs à la création de son propre club, et ont déjà fait l'objet, pour certains d'entre eux d'une composition pénale en 2017 non assortie d'une mesure d'éloignement des enfants, et pour d'autres n'ont donné lieu à aucune poursuite pénale, ni de la part de son ancien employeur, ni de celle des personnes qui en auraient été victimes ;
- il a fait l'objet de propos diffamatoires et calomnieux au titre desquels il a déposé une plainte le 4 mars 2020, n'ayant pour objet que de le discréditer, le développement de son propre club d'arts martiaux faisant concurrence à son ancien club de sport ;
- la mesure d'interdiction attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière portant atteinte à ses droits de la défense, dès lors qu'il n'a pas pu obtenir de copie de son dossier avant son audition et qu'elle repose sur un témoignage anonyme, en méconnaissance du principe de loyauté et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle porte également atteinte à sa présomption d'innocence, protégée par l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi qu'au principe d'interdiction de sanctionner une seconde fois des faits ayant déjà été punis préalablement, en méconnaissance de l'article 4 § 1 du protocole n° 7 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et des articles
6 et
368 du code de procédure pénale ;
- les faits sur lesquels repose la sanction attaquée ne sont pas matériellement établis, notamment en l'absence de poursuites pénales, et sont, en tout état de cause, prescrits en application de l'article
L. 532-2 du code général de la fonction publique selon lequel les sanctions disciplinaires infligées aux agents publics se prescrivent par trois ans ;
- l'interdiction d'exercer attaquée est disproportionnée au regard des faits reprochés et procède d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2024, le préfet de la Vienne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code du sport ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gibson-Théry,
- et les conclusions de Mme Thèvenet-Bréchot, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit
:
1. Les requêtes n°s 2201144 et 220309 présentées pour M. C, concernent la situation d'un même requérant et présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.
2. M. C, titulaire d'un certificat de qualification professionnel " moniteur d'arts martiaux - option judo-jujitsu ", exerce la fonction d'éducateur sportif au sein du club MMA (arts martiaux mixtes) fighting Academy de Loudun (86). Une première enquête administrative a été ouverte en 2019 par le service départemental à la jeunesse, à l'engagement et aux sports de la Vienne (SDJES 86) à la suite de faits qui se seraient produits entre 2014 et 2017, alors que M. C était salarié du groupement d'employeur emploi judo 86, d'après lesquels il aurait employé une méthode pédagogique inadaptée, aurait enseigné le MMA sans possession de la qualification adéquate, et aurait tenu des propos déplacés et à connotation sexuelle à l'égard de plusieurs mineurs suivant ses cours. Ces faits n'ont donné lieu, à la suite du rapport d'enquête établi le 30 novembre 2019, à aucune mesure prise à l'encontre de M. C, en l'absence de " risque apparent pour l'intégrité physique ou morale des pratiquants " encadrés. Toutefois, ces faits ayant à nouveau été signalés au SDJES 86 par la cellule Signal-Sport le 13 septembre 2021, une nouvelle enquête a été ouverte. Elle a abouti au recueil d'autres éléments d'information relatifs, d'une part, au comportement inapproprié qu'aurait eu M. C en 2009 à l'égard de jeunes mineures, ayant conduit à l'époque à son exclusion de l'Amicale des clubs d'arts martiaux associés de la commune de La Couture (62), et, d'autre part, à une composition pénale du 18 juillet 2017 en raison de propositions sexuelles, en 2014, à destination de deux mineures de quinze ans par un moyen de communication électronique. Par un arrêté du 8 mars 2022 du préfet de la Vienne dont M. C demande l'annulation par sa requête n° 2201144, il a fait l'objet d'une interdiction temporaire d'exercer les fonctions de l'article
L. 212-1 du code du sport selon la procédure d'urgence prévue par l'article
L. 212-13 du même code, pour une durée de six mois. Lors de sa séance du 22 septembre 2022, le conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative de la Vienne a émis un avis favorable à l'unanimité quant à la mesure d'interdiction définitive d'exercice envisagée à l'encontre de M. C par l'autorité administrative. Par un arrêté du 26 septembre 2022 du préfet de la Vienne, dont M. C demande l'annulation par sa requête n° 2203009, il a été interdit définitivement d'exercer les fonctions de l'article
L. 212-1 du code du sport.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet de la Vienne :
3. Si le préfet de la Vienne soutient qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation dirigées à l'encontre de l'arrêté du 8 mars 2022 portant interdiction temporaire d'exercer les fonctions visées à l'article
L. 212-1 du code du sport pour une durée de six mois, au motif que l'arrêté ultérieur du 26 septembre 2022 s'y serait substitué, il résulte toutefois de l'instruction que ce dernier arrêté, portant interdiction définitive d'exercer ces mêmes fonctions et entré en vigueur à compter de sa date de notification au requérant, soit le 28 septembre 2022, n'a ni pour objet ni pour effet de retirer l'arrêté du 8 mars 2022, lequel a produit tous ses effets. Par suite, l'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet de la Vienne ne peut être accueillie.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article
L. 212-1 du code du sport : " I.- Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, (), les titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification professionnelle : / 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l'activité considérée ; / () ". Selon l'article
L.212-13 du même code alors : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées aux articles
L. 212-1 (). / () Cet arrêté est pris après avis d'une commission comprenant des représentants de l'Etat, du mouvement sportif et des différentes catégories de personnes intéressées. Toutefois, en cas d'urgence, l'autorité administrative peut, sans consultation de la commission, prononcer une interdiction temporaire d'exercice limitée à six mois. Dans le cas où l'intéressé fait l'objet de poursuites pénales, la mesure d'interdiction temporaire d'exercer auprès de mineurs s'applique jusqu'à l'intervention d'une décision définitive rendue par la juridiction compétente ".
5. Il résulte de ces dispositions que pour assurer la protection des pratiquants d'une activité physique ou sportive, l'autorité administrative peut interdire à une personne d'exercer une activité d'enseignement, d'animation ou d'encadrement d'une telle activité, une mission arbitrale, une activité de surveillance de baignade ou piscine ouverte au public, ou d'exploiter un établissement dans lequel sont pratiquées des activités physiques ou sportives, lorsque son maintien en activité " constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants ". Le législateur a ainsi défini les conditions d'application de cette mesure de police, que l'autorité compétente est tenue, même en l'absence de disposition explicite en ce sens, d'abroger à la demande de l'intéressé si les circonstances qui ont pu motiver légalement son intervention ont disparu et qu'il est établi qu'il n'existe plus aucun risque pour les pratiquants.
En ce qui concerne l'arrêté portant interdiction temporaire d'exercer pour six mois :
6. En premier lieu, l'urgence à prononcer une mesure d'interdiction pour une durée limitée à six mois et la dispense subséquente de consulter le conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative s'apprécie non au regard du délai pris par l'autorité administrative compétente pour édicter une telle mesure mais au regard de l'existence d'une situation de danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants au sens des dispositions précitées de l'article
L. 212-13 du code du sport. En conséquence, M. C ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que l'interdiction d'exercer temporairement toute activité d'enseignement, d'animation ou d'encadrement d'une activité physique ou sportive n'est intervenue que par un arrêté du 8 mars 2022 alors que certains des faits qui lui sont reprochés, tenant aux propositions à caractère sexuel qu'il a faites à deux jeunes filles de quinze ans en 2014, sont anciens. En tout état de cause, ces faits ont été portés à la connaissance du SDJES 86 par un courrier du procureur de la République du 23 février 2022, réceptionné par ce service le 2 mars 2022, soit quelques jours seulement avant l'arrêté en litige. L'intéressé ne peut davantage utilement se prévaloir de ce que les faits qu'il a commis en 2014 ont déjà été réprimés pénalement par le versement d'une amende de 500 euros au trésor public en exécution de la composition pénale du 18 juillet 2017, ni de la circonstance que les faits lui ayant été reprochés en 2009 n'ont donné lieu à aucune poursuite pénale. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, qui était encore appelé à exercer, y compris à titre bénévole, des activités d'éducateur sportif au contact de mineurs au sein du club MMA fighting Academy géré par son épouse, il existait bien, à la date de l'arrêté en litige, une situation d'urgence caractérisée de nature à dispenser l'autorité préfectorale de toute formalité préalable avant l'édiction de l'interdiction temporaire d'exercer toutes fonctions d'enseignement, d'animation ou d'encadrement d'une activité physique ou sportive. Dès lors, le vice de procédure allégué tiré de l'absence d'urgence doit être écarté.
7. En deuxième lieu, si M. C a été auditionné le 4 mars 2020 à la gendarmerie de Loudun dans le cadre d'une enquête préliminaire concernant des propos diffamatoires tenus à son encontre par M. B, dont la teneur n'est d'ailleurs pas connue, et qu'il a déposé une plainte le 17 juin 2021 pour diffamation contre M. D, salarié du club de judo de Loudun, qui lui reprocherait, dans un message électronique envoyé le 16 juin 2021 au président de ce club et à l'adjoint au sport de la mairie, une absence de concertation préalable pour la réservation de créneaux horaires auprès de la mairie, sa mauvaise méthode pédagogique et des manquements aux règles sanitaires, ces circonstances, à les supposer établies, n'ont aucune influence sur la légalité de l'arrêté attaqué, fondé sur des faits de propositions à caractère sexuel à des jeunes filles mineures des clubs dans lesquels il a été entraîneur sportif.
8. En troisième lieu, lorsqu'il examine, dans le cadre du contrôle de proportionnalité, la légalité d'une mesure portant atteinte aux droits fondamentaux des personnes, le juge de l'excès de pouvoir examine successivement si la mesure en cause est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit.
9. Il est reproché à M. C d'avoir harcelé, en 2009, par messagerie électronique au moins quatre jeunes filles du club âgées de treize à dix-sept ans, en leur proposant de leur envoyer des photos de lui en train de " se faire plaisir " ou de se déshabiller, et, en 2014, d'avoir envoyé des textos à caractère sexuel à deux jeunes filles de quinze ans, par ailleurs non licenciées dans le club d'arts martiaux qui l'employait à cette période. Si M. C se prévaut de ce que les faits commis en 2009 n'ont donné lieu qu'à son exclusion de l'amicale des clubs d'arts martiaux associés (ACAMA) qui l'employait alors, dans le département du Pas-de-Calais, sans poursuites pénales malgré les plaintes déposées par le président de l'association et par l'une des jeunes filles destinataires des messages de M. C, la circonstance que des faits similaires aient, pour leur part, été reconnus par l'intéressé puis réprimés quelques années plus tard suffit à justifier, par sa nature temporaire, la mesure d'interdiction d'exercice prise à l'encontre de M. C. A cet égard, la circonstance, à la supposer établie, que le syndrome anxiodépressif dont souffre l'intéressé soit imputable à la décision contestée n'a pas d'influence sur sa légalité, ni, par ailleurs, les attestations de soutien de plusieurs parents affirmant ne pas avoir été témoins de propos ou de comportements déplacés de M. C. Par suite, l'interdiction temporaire d'exercer ses fonctions d'éducateur sportif prononcée à l'encontre de M. C pour une durée de six mois n'est pas disproportionnée aux faits portés à la connaissance du SDJES 86 par le signalement du 13 septembre 2021 et le procureur de la République dans son courrier du 26 février 2022, que M. C était suspecté d'avoir commis.
En ce qui concerne l'arrêté portant interdiction définitive d'exercer :
10. En premier lieu, aux termes de l'article
L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article
L. 211-2 [décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police], ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article
L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article
L. 121-1 ne sont pas applicables : / () 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; () ". En l'absence d'une procédure contradictoire particulière organisée par les textes, le préfet doit se conformer aux dispositions issues de l'article
L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration en informant l'intéressé de son intention d'édicter une mesure d'interdiction d'exercer les fonctions énumérées à l'article
L. 212-1 du code du sport et de la possibilité qui lui est offerte de présenter des observations.
11. Il ne résulte pas de ces dispositions, contrairement à ce que soutient le requérant, qu'il aurait dû avoir accès à son dossier administratif avant son audition par le SDJES 86 le 30 août 2022, effectuée dans le cadre de la seconde enquête administrative le concernant. En outre, M. C a été informé, par un courrier du 5 septembre 2022, de sa convocation devant le conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative le 22 septembre 2022, de la possibilité de consulter son dossier administratif préalablement, de la faculté de s'y faire représenter et de celle d'y faire témoigner toute personne de son choix. Ainsi, M. C doit être regardé comme ayant bénéficié d'une procédure contradictoire préalable au cours de laquelle il a pu utilement présenter ses observations avant l'édiction de la mesure en litige. A cet égard, il n'établit pas que l'un des témoignages ayant servi de fondement à cette mesure aurait été anonyme, circonstance qui n'aurait eu, en tout état de cause, aucune influence sur sa légalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la mesure d'interdiction définitive d'exercer les fonctions visées à l'article
L. 212-1 du code du sport attaquée aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière portant atteinte à ses droits de la défense, au principe de loyauté et méconnaissant les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
12. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent jugement, l'arrêté portant interdiction d'exercer les activités visées à l'article
L. 212-1 du code du sport constitue une mesure de police et non une sanction. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance de la présomption d'innocence, protégée par l'article 9 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, du principe d'interdiction de sanctionner une seconde fois des faits ayant déjà été punis préalablement résultant de l'article 4 § 1 du protocole n° 7 additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et des articles
6 et
368 du code de procédure pénale, sont inopérants.
13. En troisième lieu, l'autorité de la chose jugée en matière pénale ne s'attachant qu'aux décisions des juridictions de jugement qui statuent sur le fond de l'action publique, tel n'est pas le cas des décisions de classement sans suite rendues par le procureur de la République, quelles que soient les constatations sur lesquelles elles sont fondées, qui ne s'opposent pas, d'ailleurs, à la reprise des poursuites.
14. Concernant les faits qu'il est reproché à M. C d'avoir commis en 2009, il ressort du procès-verbal de l'audition par le SDJES 86, le 18 août 2022, de la jeune fille âgée de dix-sept ans en 2009 ayant porté plainte, que M. C lui avait proposé, un soir alors qu'ils échangeaient des textos, de lui envoyer des photos de lui nu, et qu'elle avait dû par deux fois décliner sa proposition. En outre, malgré les dénégations de M. C exprimées lors de son audition du 30 août 2022 par le SDJES 86, il ressort des témoignages concordants de cette jeune fille et du président de l'ACAMA qu'au moins trois autres filles du club, dont une de treize ans, qui en avaient témoigné oralement auprès du président de l'association, auraient reçu des demandes similaires de la part de M. C, qui leur aurait d'ailleurs envoyé des photos de lui. En outre, il résulte de ce qui a été dit au point 6 du présent jugement que M. C reconnaît la matérialité des faits d'envoi de messages électroniques à caractère sexuel à deux jeunes filles de quinze ans, qui se sont déroulés en 2014. Dans ces conditions, la matérialité des faits reprochés à M. C en 2009 et en 2014 est établie. Enfin, il ressort des pièces du dossier que le CDJSVA qui s'est tenu le 22 septembre 2022 et a auditionné M. C et son conseil, ainsi que trois témoins en sa faveur, s'est prononcé à l'unanimité en faveur de l'interdiction définitive d'exercer de M. C. Dès lors, nonobstant les nombreux témoignages produits attestant l'absence de comportement ou de propos inappropriés du requérant depuis 2017 et les difficultés qu'aurait rencontrées M. C dans sa vie personnelle, eu égard à la gravité des faits commis, dont le requérant n'a pas pris conscience ni compris l'impact sur ses victimes, et leur réitération à quelques années d'écart, la mesure d'interdiction définitive d'exercer les fonctions visées à l'article
L. 212-1 du code du sport attaquée n'est pas disproportionnée aux buts de protection de la santé et de la sécurité physique ou morale des pratiquants d'arts martiaux du club du requérant.
15. Il résulte de ce qui précède que les requêtes de M. C doivent être rejetées, y compris les conclusions qu'il a présentées au titre des frais liés au litige.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. C sont rejetées.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A C et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Une copie sera adressée au préfet de la Vienne.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Cristille, président,
Mme Duval-Tadeusz, première conseillère,
Mme Gibson-Théry, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024.
La rapporteure,
Signé
S. GIBSON-THERY
Le président,
Signé
P. CRISTILLELa greffière,
Signé
N. COLLET
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour le greffier en chef,
La Greffière,
N. COLLET
N°s 2201144 - 2203009