Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 décembre 2021 et 15 mai 2023, Mme B D, représentée par Me Athon-Perez, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 8 octobre 2021 par laquelle la présidente du conseil de la région d'Ile-de-France a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie anxio-dépressive ;
2°) d'enjoindre à la présidente du conseil de la région d'Ile-de-France de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie anxio-dépressive dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de la région d'Ile-de-France une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été informée du passage de son dossier devant la commission de réforme ce qui l'a privé d'une garantie ;
- la décision est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'administration s'est sentie liée par l'avis de la commission de réforme en se fondant uniquement sur l'avis de celle-ci ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'elle ne reconnaît pas l'imputabilité au service de sa pathologie anxio-dépressive alors même que les éléments du dossier font état du lien entre l'accident de trajet et cette pathologie.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2023, la présidente du conseil de la région d'Ile-de-France conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aubert, présidente ;
- les conclusions de M. Degand, rapporteur public ;
- et les observations de Mme A pour le conseil régional d'Ile-de-France.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme D, adjointe administrative de 2ème classe, a été victime d'un accident de trajet le 16 janvier 2008, qui a été reconnu imputable au service par un arrêté du 10 décembre 2015. Par un arrêté du 30 novembre 2020, la présidente du conseil de la région d'Ile-de-France l'a admise à la retraite pour invalidité à compter du 1er janvier 2021. Après avoir déclaré le 29 janvier 2020 sa pathologie anxio-dépressive, Mme D a présenté une demande de reconnaissance de son imputabilité au service. Cette demande a été rejetée par une décision de la présidente du conseil de la région d'Ile-de-France du 8 octobre 2021 qu'elle demande au tribunal d'annuler.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, applicable à la date de la décision : " () Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles
L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. () ". Pour l'application de ces dispositions, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduise à détacher du service la survenance ou l'aggravation de la maladie.
3. D'une part, si la présidente du conseil de la région d'Ile-de-France attribue l'origine de la pathologie anxio-dépressive de Mme D, dont son agoraphobie, au décès de sa mère et à des troubles du comportement alimentaire, antérieurs à l'accident de trajet du 16 janvier 2008, pour écarter tout lien entre ces pathologies et celui-ci, il ressort des pièces du dossier que Mme D souffre d'un syndrome anxio-dépressif et d'agoraphobie pour lesquels elle est suivie depuis 2014. Son médecin traitant a indiqué qu'elle souffre d'une " anxiété importante depuis un accident de travail de janvier 2008 qui a laissé comme séquelle une gonalgie gauche très paralysante " ainsi que d' " un important syndrome anxio-dépressif réactionnel ". De plus, la requérante produit plusieurs avis médicaux établis dans le cadre d'expertises réalisées tant à sa demande qu'à celle de l'administration qui établissent le lien entre, d'une part, la pathologie anxio-dépressive et l'agoraphobie et, d'autre part, l'accident de trajet. Le rapport médical rédigé par le docteur E le 31 janvier 2020 indique ainsi que les infirmités dont se prévaut Mme D sont imputables au service et celui rédigé par le docteur C, psychiatre agréé, mentionne " le lien direct et essentiel " entre les maladies déclarées le 29 janvier 2020 et l'accident de travail du 16 janvier 2008.
4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment de la décision attaquée, que la présidente du conseil de la région d'Ile-de-France a principalement fondée sa décision sur l'avis de la commission de réforme, en particulier sur l'avis du docteur F en indiquant " qu'il ne peut pas s'agir d'une maladie professionnelle car les symptômes présentés ne peuvent être considérés comme essentiellement et directement causées par le travail habituel ". Or, il ressort de cette expertise que ses conclusions reposent sur le lien entre le travail habituel de la requérante et la pathologie dont elle demande la reconnaissance de l'imputabilité au service alors qu'en l'espèce celle-ci doit être appréciée au regard de l'accident de trajet et non du travail habituel de la requérante lorsqu'elle était en service.
5. Il résulte de ce qui précède que l'accident de service intervenu le 16 janvier 2008 ayant causé l'infirmité physique de Mme D et l'ayant contrainte à bénéficier de soins médicaux pendant plusieurs années doit être considéré comme la cause de la pathologie anxio-dépressive dont Mme D est atteinte. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation est fondé.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D est fondée à demander l'annulation de la décision de la présidente du conseil de la région d'Ile-de-France du 8 octobre 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Au regard du motif d'annulation retenu, l'exécution du présent jugement implique nécessairement que la présidente de la région Ile-de- France reconnaisse l'imputabilité au service de la maladie de Mme D. Il suit de là qu'il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la région Ile-de-France le versement à Mme D de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La décision de la présidente du conseil de la région d'Ile-de-France du 8 octobre 2021 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à la présidente du conseil de la région d'Ile-de-France de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme D dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : La région d'Ile-de-France versera à Mme D une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme B D et au conseil de la région d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Aubert, présidente,
M. Julinet, premier conseiller,
Mme Arnaud, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 août 2023.
La présidente-rapporteure,
S. AUBERT
L'assesseur le plus ancien,
S. JULINETLa greffière,
A. LOUART
La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 2126014