AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le pourvoi formé par la société civile immobilière Doublet, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 17 juin 1996 par la cour d'appel de Lyon (1re et 2e chambres réunies), au profit :
1°/ de M. Pierre Y..., demeurant ...,
2°/ de Mme Denise X..., épouse Y..., demeurant ..., défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 20 mai 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Peyrat, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, M. Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Guerrini, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Peyrat, conseiller, les observations de Me Choucroy, avocat de la SCI Doublet, de Me Blanc, avocat des époux Y..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen
:
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 juin 1996), statuant sur renvoi après cassation, que la société civile immobilière Doublet (SCI), propriétaire de locaux à usage de café-restaurant donnés à bail aux époux Y..., leur a donné congé le 30 mars 1987 avec refus de renouvellement du bail et offre d'une indemnité d'éviction;
que la SCI leur a notifié le 30 juillet 1987 qu'elle exerçait son droit de repentir;
que, le 7 août 1987, les époux Y... lui ont fait connaître qu'ils avaient acquis, le 29 juin 1987, un fonds de commerce sous condition suspensive de l'obtention d'un prêt, la régularisation de la vente devant intervenir au plus tard le 1er septembre 1987;
que la SCI les a assignés pour faire déclarer valable l'exercice de son droit de repentir ;
Attendu que la SCI fait grief à
l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen, "que l'arrêt a ainsi porté atteinte au principe du contradictoire et aux droits de la défense, en ne permettant pas à la société Doublet de combattre efficacement des éléments de preuve déclarés décisifs par l'arrêt et dont elle n'a été en possession que postérieurement à l'ordonnance de clôture, violant ainsi les articles 16, 132 et suivants et
444 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu
qu'il ne résulte d'aucune des pièces produites que des documents aient été communiqués postérieurement à l'ordonnance de clôture;
que la cour d'appel, ayant constaté que les conclusions du 19 avril 1996 avaient été produites postérieurement à l'ordonnance de clôture du 15 avril 1996, en a justement déduit qu'elles devaient être écartées des débats ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen
:
Attendu que la SCI fait grief à
l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen, "1°) que l'arrêt ne pouvait sans contradiction et sans dénaturer la teneur de la condition suspensive incluse dans la promesse du 29 juin 1987 prétendre que l'acte de vente du 1er septembre 1987 aurait enregistré l'accord des parties sur les conditions convenues le 29 juin 1987, dans la mesure où l'une des conditions essentielles du prêt bancaire alors sollicité -à savoir une durée minimum de 10 ans- ne s'était pas réalisée, puisque le prêt obtenu a été réduit à 7 ans ;
que l'arrêt a donc violé l'article
1134 du Code civil;
2°) que la condition de durée minima de 10 ans étant indivisible des deux autres conditions sur le montant du prêt et le taux des intérêts, la condition suspensive globale relative à l'octroi du prêt était censée être objectivement défaillie au sens de l'article
1176 du Code civil, en sorte que les époux Y... ne pouvaient utilement se prévaloir de leur renonciation pour traiter pour une durée inférieure à l'encontre de leur bailleur ayant exercé le 30 juillet 1987 son droit de repentir sur le fondement de l'article 32 du décret du 30 septembre 1953;
que l'arrêt a donc violé ces textes légaux" ;
Mais attendu
qu'ayant relevé que l'acte de vente reçu par le notaire le 1er septembre 1987 portait sur le même fonds de commerce que la promesse synallagmatique de vente, au prix de 1 300 000 francs, payé par les époux Y... au moyen d'un prêt de 1 000 000 francs d'une durée de sept ans remboursable en 84 mensualités, la cour d'appel a pu en déduire que cet acte authentique enregistrait l'accord des parties le 29 juin 1987 et que l'engagement contracté par les époux Y... le 29 juin 1987 était devenu définitif ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen
:
Attendu que la SCI fait grief à
l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen, "qu'il n'y avait pas matière à caractériser la date certaine au sens de l'article
1328 du Code civil, le reçu notarié d'un acompte stipulé dans le sous seing privé ne pouvant être assimilé à un acte dressé par un officier public qui constaterait la substance de ce sous seing privé" ;
Mais attendu
que la preuve de la date d'une promesse de vente de fonds de commerce, qui constitue un acte de commerce, n'étant pas soumise aux exigences de l'article
1328 du Code civil, la cour d'appel, qui a retenu que la constatation par un notaire d'un encaissement inscrit dans les écritures comptables de cet officier public conférait date certaine à cet acte, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Doublet aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.