Vu les procédures suivantes :
I. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 2102334 les 27 décembre 2021 et 15 septembre 2022, Mme A B, représentée par Me Aouar, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 15 avril 2021 par lequel le recteur de l'académie de Besançon a retiré l'arrêté du 19 janvier 2021 portant congé de longue durée pour la période allant du 4 novembre 2020 au 3 février 2021 et l'a placée en congé de longue maladie pour la période allant du 4 novembre 2020 au 3 février 2021 ainsi que la décision du 25 novembre 2021 portant rejet de son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Besançon de faire droit à sa demande ou, à défaut, de la réexaminer dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent jugement ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B soutient que :
- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du décret du 14 mars 1986 dès lors que le comité médical n'était pas composé d'un médecin spécialiste de l'affection dont elle souffre ;
- il est insuffisamment motivé dès lors qu'il se limite à un renvoi à l'avis du comité médical qui indique seulement qu'il émet un " avis défavorable à la transformation du congé de longue maladie en congé de longue durée " ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle est atteinte d'une maladie mentale qui la met dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2022, la rectrice de l'académie de Besançon conclut au rejet de la requête.
La rectrice fait valoir que les moyens soulevés par Mme B ne sont pas fondés.
II. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 2102335 les 27 décembre 2021 et 15 septembre 2022, Mme A B, représentée par Me Aouar, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 15 avril 2021 par lequel le recteur de l'académie de Besançon l'a réintégrée à compter du 4 août 2021 ainsi que la décision du 25 novembre 2021 portant rejet de son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Besançon de faire droit à sa demande de renouvellement de congé ou, à défaut, de la réexaminer dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent jugement ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme B soutient que :
- l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du décret du 14 mars 1986 dès lors que le comité médical n'était pas composé d'un médecin spécialiste de l'affection dont elle souffre ;
- il a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article 18 du décret du 14 mars 1986 dès lors que le médecin du travail n'a pas été informé de la tenue de la séance du 7 avril 2021 ;
- il est entaché de vices de procédure dès lors que le comité médical, d'une part, n'a pas été saisi d'une demande de réintégration et, d'autre part, a insuffisamment motivé son avis ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle n'est pas apte à reprendre ses fonctions à temps complet.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marquesuzaa,
- les conclusions de M. C.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme B, professeure certifiée de langue anglaise, alors affectée au collège Michel Colucci et placée en congé de longue maladie du 2 novembre 2015 au 1er novembre 2018 puis réintégrée, de manière rétroactive dans le cadre d'un temps partiel thérapeutique à 50% à compter du 2 novembre 2018, a repris ses fonctions au collège le 4 juin 2019. Elle a ensuite été placée en congé de longue maladie à compter du 8 septembre 2019 puis sur la période courant du 4 novembre 2019 au 3 août 2020 prolongée de deux périodes successives de trois mois, soit du 4 août 2020 au 3 novembre 2020 puis du 4 novembre 2020 au 3 février 2021. Le 8 janvier 2021, elle a sollicité le bénéfice d'un congé de longue durée. Par un arrêté du 19 janvier 2021, le recteur de l'académie de Besançon a fait droit à sa demande en transformant son congé de longue maladie en congé de longue durée sur la période allant du 4 novembre 2020 au 3 février 2021. Le 7 avril 2021, le comité médical s'est de nouveau réuni. Par des arrêtés du 15 avril 2021, le recteur de l'académie de Besançon a retiré l'arrêté du 19 janvier 2021 portant congé de longue durée pour la période allant du 4 novembre 2020 au 3 février 2021, a placé la professeure en congé de longue maladie pour la période allant du 4 novembre 2020 au 3 février 2021 et l'a réintégrée à compter du 4 août 2021. Le 25 août 2021, Mme B a formé un recours gracieux contre ces arrêtés expressément rejeté par une décision du 25 novembre 2021. Par les présentes requêtes, Mme B demande l'annulation des arrêtés du 15 avril 2021 et de la décision du 25 novembre 2021.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 2102334 et n° 2102335, présentées par Mme B, concernent la situation d'un même fonctionnaire. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté du 15 avril 2021 portant retrait de l'arrêté du 19 février 2021 et placement en congé de longue maladie pour la période allant du 4 novembre 2020 au 3 février 2021 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable jusqu'au 14 mars 2022 : " Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie, de longue maladie et de longue durée et de la réintégration à l'issue de ces congés. / Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : / () / 2. L'octroi des congés de longue maladie et de longue durée () ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 5 de ce décret qui précise la composition du comité médical ministériel, auquel renvoie sur ce point le deuxième alinéa de l'article 6 relatif au comité médical départemental : " Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ".
4. La garantie qui résulte de ces dispositions constitue pour l'agent le fait que la commission de réforme soit éclairée par un médecin spécialiste de sa pathologie.
5. Il est constant qu'aucun médecin spécialiste de la maladie dont souffre Mme B n'était présent lors de la séance du comité médical départemental qui a émis un avis sur sa situation. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le comité aurait disposé de certificats médicaux suffisamment précis pour se prononcer sur la situation de la requérante sans la présence d'un tel spécialiste. Dans ces conditions, la présence d'un médecin spécialisé en psychiatrie étant nécessaire pour délivrer un avis sur l'état de santé de la requérante et pour éclairer l'examen de sa demande, Mme B a été privée d'une garantie en son absence au sein du comité médical. Par suite, ce moyen tiré d'un vice de la procédure est fondé et doit être accueilli.
6. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa version applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : / () / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence () ".
7. D'autre part, aux termes de l'article
L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / () / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir () ".
8. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le refus d'un congé de longue maladie est au nombre des décisions qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir, et qui doivent être motivées.
9. En se bornant à viser les dispositions législatives et règlementaires applicables ainsi que l'avis du comité médical départemental du 7 avril 2021, le recteur de Besançon n'a pas motivé en fait l'arrêté litigieux. Par suite, ce moyen est fondé et doit être accueilli.
En ce qui concerne l'arrêté du 15 avril 2021 portant réintégration à compter du 4 août 2021 :
10. En premier lieu, aux termes de l'article 7 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable jusqu'au 14 mars 2022 : " Les comités médicaux sont chargés de donner à l'autorité compétente, dans les conditions fixées par le présent décret, un avis sur les contestations d'ordre médical qui peuvent s'élever à propos de l'admission des candidats aux emplois publics, de l'octroi et du renouvellement des congés de maladie, de longue maladie et de longue durée et de la réintégration à l'issue de ces congés. / Ils sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : / () / 4. La réintégration après douze mois consécutifs de congé de maladie ou à l'issue d'un congé de longue maladie ou de longue durée ; () ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 5 de ce décret qui précise la composition du comité médical ministériel, auquel renvoie sur ce point le deuxième alinéa de l'article 6 relatif au comité médical départemental : " Ce comité comprend deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, pour l'examen des cas relevant de sa qualification, un spécialiste de l'affection pour laquelle est demandé le bénéfice du congé de longue maladie ou de longue durée prévu à l'article 34 (3e et 4e) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée ".
11. La garantie qui résulte de ces dispositions constitue pour l'agent le fait que la commission de réforme soit éclairée par un médecin spécialiste de sa pathologie.
12. Il est constant qu'aucun médecin spécialiste de la maladie dont souffre Mme B n'était présent lors de la séance du comité médical départemental qui a émis un avis sur sa situation. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le comité aurait disposé de certificats médicaux suffisamment précis pour se prononcer sur la situation de la requérante sans la présence d'un tel spécialiste. Dans ces conditions, la présence d'un médecin spécialisé en psychiatrie étant nécessaire pour délivrer un avis sur l'état de santé de la requérante et pour éclairer l'examen de sa demande, Mme B a été privée d'une garantie en son absence au sein du comité médical. Par suite, ce moyen tiré d'un vice de la procédure est fondé et doit être accueilli.
13. En second lieu, aux termes de l'article 18 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable jusqu'au 14 mars 2022 : " Le médecin du travail attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la séance et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la séance. Il remet un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 34, 43 et 47-7 () ".
14. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le médecin du travail aurait été informé, en application des dispositions précitées, de la tenue de la séance du comité médical du 7 avril 2021. Cette irrégularité est susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise. Pour ce second motif, la décision contestée est également intervenue au terme d'une procédure irrégulière. Par suite, le moyen afférant est fondé et doit être accueilli.
15. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, Mme B est fondée à demander l'annulation des arrêtés du 15 avril 2021 et de la décision du 25 novembre 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. L'exécution du présent jugement implique seulement que la situation de Mme B soit réexaminée. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la rectrice de l'académie de Besançon de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Sur les frais liés au litige :
17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Les arrêtés du 15 avril 2021 et la décision du 25 novembre 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la rectrice de l'académie de Besançon de réexaminer la situation de Mme B dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B et à la ministre de l'éducation nationale.
Copie en sera adressée pour information à la rectrice de l'académie de Besançon.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Grossrieder, présidente,
- M. Seytel, conseiller,
- Mme Marquesuzaa, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.
La rapporteure,
A. MarquesuzaaLa présidente,
S. GrossriederLa greffière,
C. Quelos
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière
Nos 2102334 - 2102335