Chronologie de l'affaire
Tribunal de Grande Instance de Paris 07 septembre 2005
Tribunal de Grande Instance de Paris 23 mai 2008

Tribunal de Grande Instance de Paris, 23 mai 2008, 2007/16335

Mots clés procédure · recevabilité · action en contrefaçon · sur le fondement du droit d'auteur · forclusion · droit communautaire · forclusion par tolérance · action en nullité · connaissance de l'usage · mauvaise foi · déchéance de la marque · intérêt pour agir · usage sérieux · exploitation d'une marque similaire · exploitation à titre de marque · apposition · action en concurrence déloyale · prescription · concurrence déloyale · parasitisme · imitation d'un personnage

Synthèse

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de Paris
Numéro affaire : 2007/16335
Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : PÉPITO ; PEPITO ; AY! PEPITO! ; AYE ! PEPITO !
Classification pour les marques : CL05 ; CL09 ; CL16 ; CL18 ; CL20 ; CL21 ; CL24 ; CL25 ; CL28 ; CL29 ; CL30 ; CL31 ; CL32 ; CL35
Numéros d'enregistrement : 1345723 ; 1162209 ; 1463512 ; 399978 ; 1162210 ; 1461598 ; 96621672
Décision précédente : Tribunal de Grande Instance de Paris, 07 septembre 2005, N° 2002/03336
Parties : LU FRANCE SAS / S (Henry) ; S (Maria, ès qualité d'héritière de Luciano B, Italie) ; B (Graziella, ès qualités d'héritière de Luciano B, Italie) ; B (Annabelle, ès qualités d'héritière de Luciano B, Italie)
Président : Monsieur GIRARDET
Avocat(s) : Maître Michel-Paul E

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Grande Instance de Paris 07 septembre 2005
Tribunal de Grande Instance de Paris 23 mai 2008

Texte

Numéro d'inscription au répertoire général : 07/16335 Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Septembre 2005 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 02/3336

APPELANTE

La S.A.S. LU FRANCE agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal ayant son siège [...] Bâtiment Saarinen SILIC 94150 RUNGIS représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour, assistée de Maître Michel-Paul E, avocat au Barreau de Paris,

INTIMES Monsieur Henry S demeurant [...]

représenté par la SCP ROBLIN - CHADC de LAVARENE, avoués à la Cour, assisté de Maître Céline C, avocat au Barreau de Paris, S V K0145

Madame Maria S es qualités d'héritière de Luciano B demeurant Via Z Mario N l l l n t 2 1 RAPALLO ITALIE

représentée par la SCP ROBLIN - CHAIX de LAV A, avoués à la Cour, assisté de Maître Céline C, avocat au Barreau de Paris, S V K0145

Madame Graziella B es qualités d'héritière de Luciano B demeurant 11/21 H.ZIGNAGO RAPALLO ITALIE représentée par la SCP ROBLIN - CHAEX de LAVARENE, avoués à la Cour, assisté de Maître Céline C, avocat au Barreau de Paris, S V K0145

Madame Annabella B es qualités d'héritière de Luciano B demeurant Via Ala Castellino 1/2 RAPALLO ITALIE

représentée par la SCP ROBLIN - CHAEX de LAVARENE, avoués à la Cour, assisté de Maître Céline C, avocat au Barreau de Paris, S V KOI 45

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 février 2008, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur GIRARDET, président, Madame REGNIEZ, conseiller, Monsieur MARCUS, conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier , lors des débats : Marie-Claude G

ARRÊT: - contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile. - signé par Monsieur GIRARDET, président et par Madame L. MALTERRE PAYARD, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

La cour est saisie de l'appel interjeté par la société par actions simplifiées LU FRANCE (ci-après LU) à rencontre du jugement contradictoire rendu le 7 septembre 2005 par le tribunal de grande instance de Paris (3 e " 16 chambre, 3*™" section).

Il convient de rappeler que Monsieur B, auteur italien de bandes dessinées, a créé, au début des années 1950 un personnage dénommé PEPITO figurant un petit corsaire dont les aventures ont été diffusées en France par la société SAGEDITION jusque dans le courant des années 1970, dans un magazine "PEPITO" (comportant également des bandes dessinées d'autres auteurs), et reprises en dernier lieu, dans les années 1990, dans le magazine PIF Gadget et dans des publications en album.

Depuis le début des années 1960, la société BISCUITS BELIN aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société LU commercialise des biscuits recouverts d'une fine couche de chocolat sous la dénomination PEPITO, déposée à titre de marque le 22 juin 1961 pour désigner des produits de la classe 30 régulièrement renouvelée en dernier lieu le 7 mars 1986 (enregistrement n° 1 345 723). Une autre marque nominative "PEPITO" a été déposée le 13 février 1981 (n° 1162209) pour désigner des produits et services des classes 9,16,35. Ces deux marques ont été fusionnées et ont fait l'objet d'un renouvellement le 4 mai (enregistrement n° 1463512) désignant les produits et services relevant des classes 5,9,16,18,20,21,24,25,28,29,30,31 et 32 régulièrement renouvelée (en dernier lieu le 4 mai 1998). La société LU est également titulaire d'une marque figurative n° 864052 représentant un personnage d'enfant mexicain déposée le 5 février 1973 pour des produits et services relevant des classes 30, 5, 28, 29, 31,32, 16 et 35, objet d'un dépôt international visant l'Italie du 27 juillet 1973 (n°399 978) renouvelé le 17 juillet 1973. Elle est également titulaire des marques suivantes : - la marque verbale "AY! PEPITO!" déposée le 13 février 1981 n° 1162210 régulièrement renouvelée (en dernier lieu le 20 avril 1998) sous la forme "AYE! PEPITO!" (n° 1461598) pour désigner les produits et services en classes 9,16 et 35, - la marque semi-figurative "PEPITO" déposée le 18 avril 1996 (n° 96 621 672) pour désigner les produits et services relevant des classes 5,9,16,18,20,21,24,25,28,29,30, 41 et 42.

La société BISCUITS BELIN a également introduit sur les emballages de ses produits, un personnage enfantin sous des physionomies diverses, en utilisant la forme de bande dessinée ainsi que dans des publicités télévisuelles, en recourant au dessin animé.

Par acte du 21 juin 1995, Monsieur S a acquis les droits d'adaptation audiovisuelle de l'oeuvre de Monsieur B relative au personnage PEPITO. Deux marques ont été déposées l'une verbale comportant le nom de "PEPITO" et l'autre semi-figurative avec la représentation du petit corsaire pour désigner des produits et services relevant des classes 16,25,28 et 41.

Cherchant des producteurs intéressés par ce projet de réalisation audiovisuelle de l'oeuvre de Monsieur B, Monsieur S dit qu'il lui a été demandé d'avoir l'assurance de ce que le "groupe Danone" ne verrait pas d'objections à l'exploitation de la commercialisation de produits dérivés de l'oeuvre audiovisuelle du dessin animé. Des négociations ont eu lieu avec la société LU mais n'ont pas eu de suite.

Estimant que les marques détenues par la société LU (filiale du groupe DANONE) portaient atteinte aux droits d'auteur de M. B sur le titre, le personnage et la bande dessinée dénommés "PEPITO", Messieurs B et S ont assigné par acte du 8 février 2002, les sociétés du GROUPE DANONE et LU FRANCE à fin d'annulation des marques, de contrefaçon de droit d'auteur et de parasitisme.

Par le jugement entrepris, le tribunal a : - mis hors de cause la société GROUPE DANONE et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du (nouveau) Code de procédure civile à son profit, - rejeté les exceptions tirées du défaut de qualité ou d'intérêt à agir de Messieurs B et S et de l'imprécision des demandes en nullité quant aux marques visées, - dit que Monsieur B bénéficiait en France de la protection du titre et du nom "PEPITO" dans les limites posées par la législation italienne, à savoir, sous la condition de leur originalité, de leur nouveauté et de l'existence d'un risque de confusion, - rejeté le moyen tiré de la forclusion par tolérance, la condition de bonne foi du déposant n'étant pas remplie, - dit que le titre et le nom du personnage de PEPITO présentaient en 1952 un caractère d'originalité et de nouveauté pour désigner une oeuvre graphique, tant en Italie qu'en France, - dit qu'en déposant et en exploitant les marques dénominatives et semi-figuratives PEPITO pour les produits de l'imprimerie, les livres, les revues et les journaux dans des conditions de nature à engendrer un risque de confusion dans le public, la société LU avait porté atteinte au droit moral et patrimonial de Monsieur B et au droit patrimonial de Monsieur S, - dit qu'en exploitant commercialement la figurine d'un personnage dénommé PEPITO et présentant des traits de similitude marqués avec le personnage créé par Monsieur BOTTARO, la société BELIN, aux droits de laquelle vient la société LU a commis des actes de concurrence parasitaire directement à l'origine du préjudice actuel de Messieurs B et S, - prononcé la nullité de la marque dénominative PEPITO déposée le 4 mai 1988 enregistrée sous le n° 1 463 512 et de la marque semi-figurative PEPITO n° 96 621 672 en ce qu'elles désignent les produits de l'imprimerie, livres, journaux et revues, - dit que la décision, une fois devenue définitive, sera transmise à l'INPI pour inscription au Registre National des Marques par les soins du greffier saisi à la requête de la partie la plus diligente, - débouté Messieurs B et S de leurs demandes fondées sur la marque "AYE! PEPITO" n° 1 461 598, - déclaré irrecevable la demande subsidiaire de déchéance des marques PEPITO détenues par la société LU, - fait interdiction à la société LU FRANCE de faire usage par elle-même ou par ses licenciées de la dénominations "PEPITO" pour désigner les produits de l'imprimerie, les livres, les revues et les journaux et revues sous astreinte de 200 euros par infraction constatée dans les trois mois de la signification du jugement, - condamné la société LU à payer à Messieurs B et S la somme totale de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts, - dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, - débouté la société LU de ses demandes reconventionnelles, - condamné la société LU aux entiers dépens et à payer à Messieurs B et S la somme de 20 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du (nouveau) Code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions du 21 février 2008, la société LU invite la cour à : - infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, - constater que les intimés ont toléré l'usage des marques PEPITO de la société LU depuis plus de cinq ans au jour de l'assignation, celles-ci ayant été déposée de bonne foi, - déclarer en conséquence Messieurs B et S forclos en leur action, - si la cour devait considérer que l'interprétation faite par la société LU de 1 'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle au regard de l'article 9 paragraphe 2 de la Directive du 21 décembre 1988 sur l'harmonisation des législations sur le droit des marques des Etats membres est contestable, saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes d'une question préjudicielle, - daris cette hypothèse, surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la CJCE, - à titre subsidiaire, * dire que les intimés ne justifient d'aucun droit sur le titre "PEPITO" et qu'en tout état de cause, un tel titre aurait été dépourvu d'originalité et insusceptible de protection sur le fondement de l'article L. 112-4 alinéas 1 et 2 du Code de la propriété intellectuelle, * dire que le nom du personnage "PEPITO" de l'oeuvre de Monsieur B n'est pas susceptible de protection par le droit d'auteur en application de la loi française sur le fondement de l'article L.112-4 alinéa 1 du Code de la propriété intellectuelle, * dire que les représentations graphiques du petit mexicain "PEPITO" adoptées par la société LU ne constituent pas la contrefaçon de la représentation graphique du personnage "PEPITO" créé par Monsieur B, * débouter en conséquence les intimés de leur action en contrefaçon du titre et du personnage "PEPITO", * constater que l'action des intimés fondées sur la concurrence déloyale est prescrite pour les faits antérieurs au 3 février 1994, * dire que la société LU n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ou parasitaire, * dire que les intimés ne justifient pas de la perte d'une chance qui serait imputable à la société LU, * rejeter en conséquence leur demande de réparation, * déclarer irrecevables les demandes en déchéance formulées par les intimées à l'égard des marques PEPITO dénominative, semi-figurative et AY! PEPITO faute pour les intimés de justifier d'un intérêt, * en tout état de cause, les rejeter au vu des preuves d'exploitation des marques en cause, - condamner Messieurs B et S in solidum à verser à la société LU la somme de 1 euro pour procédure abusive, - condamner in solidum les intimés à lui verser la somme de 30 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître H, avoué, en application des dispositions de l'article 699 du (nouveau) Code de procédure civile.

Monsieur B est décédé au cours de la procédure d'appel, sont intervenus à l'instance ses héritiers Mesdames S, Graziella B et Annabella B qui, dans leurs dernières conclusions du 20 février 2008, communes avec celles de Monsieur S, demandent à la cour de : - confirmer le jugement sauf en ce qu' il les a déboutés de leurs demandes en annulation et en déchéance des marques en cause, y ajoutant, - dire que la société LU a fait preuve de mauvaise foi en déposant sciemment des marques PEPITO qu'elle savait constitutives de contrefaçon, eu égard à l'oeuvre antérieure de Monsieur B, - dire qu'elle a commis des actes de contrefaçon en utilisant le titre PEPITO des bandes dessinées PEPITO et du personnage PEPITO, en conséquence, - annuler les marques : * dénominative PEPITO n° 1 463 512, déposée le 4 mai 1988, renouvelée le 4 mai 1998, * semi figurative n° 96 621 672 déposée le 18 avril 1996 à l'INPI * la marque AYE! PEPITO n° 1 461 598, déposée le 22 avril 1988 et renouvelée le 20 avril 1998, - prononcer des mesures d'interdiction pour tout produit ou service, et des mesures de publication par extraits, dont les termes sont précisés dans les conclusions, - à titre subsidiaire, prononcer la déchéance de marques sus-mentionnées, ainsi qu'indiqué ci-après : pour la marque n° 1463 512 pour tous les produits et services visés au dépôt et à tout le moins pour les produits et services autres que "viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande, fruits et légumes conservés, sèches et cuits ; gelées, confitures ; oeufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; sauces à salade ; consemes. Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés de café ; farines et préparations faites de céréales, pain, tous produits de biscuiterie, pâtisserie, pain d'èpice et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (à l'exception des sauces à salade) ; épices ; glaces à rafraîchir",

pour la marque n° 96 621 672 pour tous les produits autres que "viande, poisson, jambon, volaille, gibier, charcuterie. Fruits et légumes sèches, conservés et/ou cuits, compotes, confitures, gelées, soupes. Conserves totalement ou partiellement à base de viande, poisson, jambon, volaille, gibier, charcuterie. Plats préparés, sèches, cuits, en conserve, surgelés, constitués totalement ou partiellement à base des produits ci-dessus. Lait. Produits laitiers à savoir desserts lactés, yaourts, crèmes, fromages, fromage blanc, faisselle, boissons composées majoritairement de lait. Produits laitiers glacés. Produits pour bébés d'alimentation générale à savoir soupes sous forme déshydratée, laits, laits en poudre, compotes de fruits, purées de légumes, purée de légumes sous forme déshydratée, jus de fruits et de légumes, bouillies. Café, thé, cacao, chocolat, sucre, riz, tapioca. Farines, tartes et tourtes (sucrées ou salées), pizzas. Pâtes alimentaires (nature ou aromatisée et/ou fourrées). Plats préparés totalement ou partiellement composés depâte à tarte. Pain, biscottes, biscuits (sucrés ou salés), gâteaux, pâtisseries. Tous ces produits étant nature et/ou nappés et/ou fourrés et/ou aromatisés. Confiserie, glaces alimentaires et notamment crèmes glacées, miel, sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments), épices ", pour la marque "AYEîPEPITO" pour l'intégralité des produits ou services désignés,

- dire que la décision, une fois définitive sera transmise par le greffe à l'INPI aux fins d'inscription au Registre National des Marques, - en toute hypothèse, * dire que la société LU a commis des actes de parasitisme en utilisant le concept PEPITO et en plagiant le personnage PEPITO dans des aventures dessinées, voire dans des dessins animés, * condamner la société LU à leur verser la somme de 5.000.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation des préjudices subis, en complément de ceux alloués en première instance, ainsi que celle de 50 000 euros au titre de l'article 700 du (nouveau) Code de procédure civile, - la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP ROBLIN-CHADC DE LAVARENNE, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du (nouveau) Code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR:

Sur l'irrecevabilité de l'action en nullité des marques et en contrefaçon des droits d'auteur en raison de la forclusion par tolérance


Considérant qu'

il est constant que la procédure a été engagée par acte d'huissier du 8 février 2002 ; que la société LU doit en conséquence établir que l'ayant cause des intimés ont eu connaissance de l'usage des marques dont elle est titulaire au moins antérieurement au 8 février 1997 ;

Considérant que le tribunal, après avoir estimé que Monsieur B avait toléré l'usage des marques durant plus de cinq ans, a néanmoins retenu qu'il était recevable ainsi que Monsieur S en leur demande en nullité, en raison de la mauvaise foi de la société LU ; que les premiers juges ont souligné que la société LU avait, certes, eu, à l'origine, une "attitude exempte de reproche" lors du premier dépôt en 1961 de la marque nominative mais que cela s'était modifié lors du dépôt de 1981 comportant extension des produits désignés, puis en 1988 lors du renouvellement et de la fusion des deux marques emportant nouvelle extension du champ de protection, et en 1996 lors du dépôt de la marque semi-figurative, effectué, alors qu'elle savait que Messieurs B et S envisageaient une adaptation audiovisuelle des oeuvres de Monsieur B antérieurement publiées ;

Considérant que la société LU reproche à cette décision d'avoir retenu sa mauvaise foi lors des dépôts susvisés alors que : - la représentation d'un "petit mexicain" a été admise, selon une lettre de Maître W comme étant un "personnage complètement différent du corsaire", - l'usage des marques déposées en 1981 et 1988 n'a à aucun moment été critiqué par Monsieur B, - le dépôt de la marque semi figurative du 18 avril 1996 n'est que l'évolution de la charte graphique sur la présentation du personnage et du packaging et ne révèle nullement la volonté de s'opposer aux droits des intimés, qui eux-mêmes ont déposé la marque uéHOÏÏlin&tiYÇ "PEPITO" et la marque figurative représentant le personnage du corsaire en juillet 1995 pour désigner des produits de l'imprimerie, des jeux et jouets, des vetômêfltS, des services d'édition de livres, de revues ; Considérant que les intimés prétendent que, contrairement à ce qu' a dit le tribunal, ils n' ont nullement toléré l'usage de la marque PEPITO, la lettre de Maître W étant insuffisante à justifier une quelconque tolérance de Monsieur B, puisqu'aucun accord n'est produit et que Monsieur B n'a jamais été approché par la société LU ; que Monsieur S dit avoir, dès qu'il a été cessionnaire des droits, essayé de parvenir à un accord afin d'exploiter paisiblement le titre de l'oeuvre et le personnage de PEPITO à des fins d'adaptation audiovisuelle et qu'il n'a donc ainsi jamais toléré l'usage des marques par la société LU ; qu'au surplus, ils reprennent la motivation des premiers juges sur l'absence de bonne foi de la société LU mais ajoutent que cette mauvaise foi était manifeste dès le premier dépôt de 1961, dépôt qui a été effectué à une époque où l'oeuvre de Monsieur B relative au personnage de PEPITO bénéficiait en France d'une extrême notoriété au cours des années 1950 à 1980 et qu'elle a entendu, en déposant la marque, bénéficier de cette notoriété ;

Considérant, cela exposé, que selon les dispositions de l'article L.714-3 (3 4me alinéa) du CPI "seul le titulaire d'un titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement de l'article L. 711- 4. Toutefois, son action n'est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s'il en a toléré l'usage pendant cinq ans" ;

Considérant qu'en l'espèce, il ne peut être valablement soutenu que, lors du premier dépôt en 1961, et des dépôts de 1981 et 1988, la société LU a cherché à profiter de la notoriété de l'oeuvre de M. B portant sur le titre PEPITO, et le personnage du petit corsaire, à l'insu des droits de M. B, alors qu'il résulte d'un lettre de Maître W, conseil de ce dernier en date du 18 juillet 1995 que, "selon M. B, un accord avait étépassé avec la société BELIN par lequel il avait autorisé l'usage de PEPITO pour des produits de biscuiterie" et que "cet accord n'aurait pas été prorogé dans la mesure où BELIN aurait développé ultérieurement un personnage complètement différent du corsaire puisqu'il s'agit d'un petit mexicain" ; qu'ainsi, les dépôts et l'usage des marques n'ont pas été effectués dans le but d'entraver les droits de l'auteur ;

Qu'il ne peut davantage être tiré argument du dépôt de la marque semi figurative déposée en 1996 pour conclure à l'existence de la mauvaise foi de la société LU, cette marque ne visant nullement des produits ou services ayant un lien avec les activités audiovisuelles et reprenant, pour l'essentiel, les classes déjà visées dans les précédents dépôts, le personnage y figurant n'étant pas substantiellement différent dans ses caractéristiques de celui précédemment déposé en 1973 et exploité ; que, pas plus que les précédents, ce dépôt n'a été effectué dans le but d'évincer les droits d'auteur de M. B, dont il convient de dire, à nouveau, aux termes de la lettre susvisée, qu'il n'a pas été, contrairement à ce qui est prétendu, tenu dans l'ignorance de la désignation de biscuits sous le nom de PEPITO ; que l'argument de Monsieur S selon lequel lui-même à titre personnel, s'est opposé, n'est pas pertinent dans la mesure où, étant cessionnaire des droits de Monsieur B pour une exploitation audiovisuelle, il ne peut avoir plus de droits que son auteur ;

Considérant que dès lors qu'aucun comportement de mauvaise foi ne peut être imputé à la société LU, que Monsieur B avait connaissance de l'usage des marques, ainsi qu'en justifie la lettre du 18 juillet 1995, et que la marque semi-figurative PEPITO est apposée depuis à tout le moins 1996 de manière massive sur les produits de la société LU et n'est qu'une déclinaison de la précédente marque figurative de 1973 qui n'avait pas donné lieu à des contestations, il est constant qu'à tout le moins à compter du 18 juillet 1995, et pour la dernière marque à compter du 18 avril 1996, les intimés ne se sont pas opposés ni au dépôt des marques, ni à leur usage ; que l'action en nullité a été introduite le 8 février 2002, soit postérieurement à l'expiration du délai de cinq ans visé par l'article L. 714-3 du CPI ; que les intimés sont donc, contrairement à ce qu'ont dit les premiers juges, irrecevables à agir en nullité des marques susvisées ; que le jugement sera de ce fait infirmé;

Considérant que les intimés soutiennent que, quand bien même l'action serait dite irrecevable par application de l'article L. 714-3 du CPI, ils demeurent néanmoins recevables en leur action en contrefaçon fondée sur le droit d'auteur, en raison de la durée de protection des droits d'auteur; que, selon eux, il convient de se référer aux dispositions de l'article L. 716-5 du CPI qui en ce qui concerne la forclusion de l'action en contrefaçon ne se réfère qu'au titulaire d'une marque et non pas au titulaire de droits d'auteur ;

Qu'il est, au contraire, répliqué que dès lors que les intimés sont forclos en leur action, ils ne peuvent plus demander la nullité des marques sur le fondement de l'article L. 112-4 alinéa 1 et 2 du CPI, (relative au titre), ni solliciter l'interdiction de leur usage ni demander réparation d'un quelconque préjudice résultant d'actes de contrefaçon de droits d'auteur ; qu'admettre le contraire, reviendrait dans les faits, à priver de toute portée la forclusion ; qu'elle ajoute que l'article L. 714-3 du Code de la propriété intellectuelle doit être interprété au regard de la directive du 21 décembre 1988 sur l'harmonisation des législations sur le droit des marques des Etats membres et notamment des principes énoncés au 1 lème considérant et des termes de l'article 9 §1 ;

Considérant, cela exposé, que les dispositions des articles L. 714-3 et L. 716-5 du CPI ont été introduites dans la législation française en application de la directive susvisée ; que la société LU fait ainsi valoir à juste titre que ces textes doivent s'interpréter quant à leur portée par rapport aux principes énoncés dans la directive ; qu'il n'y a pas lieu, toutefois, de poser à la Cour de Justice des Communautés Européennes une question préjudicielle ;

Considérant qu'il sera rappelé qu'aux termes du llème considérant de la Directive 89/204du 21 décembre 1988, il a été clairement énoncé le principe de l'impossibilité pour le titulaire d'une marque antérieure d'agir en nullité de la marque postérieure tolérée pendant une longue période et de s'opposer à son usage exposant "qu'il importe pour des raisons de sécurité juridique et sans porter atteinte de manière inéquitable aux intérêts du titulaire d'une marque antérieure, de prévoir que ce dernier ne peut plus demander la nullité ou s'opposer à l'usage d'une marque postérieure à la sienne dont il a sciemment toléré l'usage pendant une longue période, sauf si la marque postérieure a été demandée de mauvaise foi" ;

Que si ce considérant ne se réfère qu'à la marque, l'article 9 de cette directive précise en son paragraphe 2 que tout Etat membre peut prévoir que le paragraphe 1 (relatif à la forclusion par tolérance) s'applique au titulaire d'une marque antérieure.... ou d'un droit antérieur visé à l'article 4 §4 point b) ou c) et le paragraphe 3 précise que quelque soit le droit antérieur, "le titulaire d'une marque enregistrée postérieure ne peut pas s'opposer à l'usage du droit antérieur bien que ce droit ne puisse plus être invoqué contre la marque postérieure" ;

Considérant que l'article 4 §4 vise notamment parmi les droits antérieurs, le droit d'auteur ; qu'ainsi, l'objectif de sécurité juridique a été étendu notamment aux droits d'auteur, dans la mesure où les Etats membres exercent la faculté exprimée à l'article 9 §2 de l'incorporer dans leur droit interne ;

Considérant que la loi française n'a pas entendu limiter la forclusion par tolérance au seul titulaire de droit d'une marque, mais l'a étendu à d'autres droits antérieurs, l'article L. 714-3 alinéa 3 du CPI renvoyant aux droits tels que précisés à l'article L. 711 -4 du CPI, qui se réfère aux droits d'auteur parmi lesquels sont inclus les droits liés au titre ; Que dès lors qu'a été, ainsi, introduit dans la législation interne la forclusion par tolérance que la portée de la forclusion soit identique ; que la forclusion par tolérance de l'action en contestation de la marque s'étend en conséquence également à l'usage des marques ; que l'action fondée sur la contrefaçon et l'interdiction de faire usage des marques est en conséquence irrecevable ; que le jugement sera infirmé ; Sur la demande en déchéance des droits de la société LU sur les produits ou services tels que précisés dans les conclusions des intimés Considérant que selon la société LU, les intimés ne démontrent pas avoir un intérêt à agir pour demander la déchéance pour les produits et services ainsi visés ; qu'elle prétend que l'intérêt à agir est simplement de façade, qu'en effet, l'éventuelle déchéance des droits de la société LU sur tout ou partie de ses marques ne rendra pas pour autant ce signe disponible pour les intimés, soulignant que par le contrat aux fins d'adaptation audiovisuelle signé par la société JULIANNE FILM, il est précisé que les droits, y compris sur les produits dérivés, soient disponibles dans un très large territoire, et qu'en raison d'autres marques ou titres comportant à l'étranger le terme PEPITO même si ses droits étaient dits déchus, les intimés ne retrouveraient pas pour autant une exploitation libre partout dans le monde, à commencer par l'Europe du signe PEPITO ;

Que par ailleurs, il leur appartient de justifier de leur intérêt à agir à l'égard de chaque produit et service pour lesquels ils demandent le prononcé de la déchéance, ce qu'ils ne font pas ;

Mais considérant que les intimés justifient d'un intérêt légitime à agir pour obtenir la déchéance des droits de marque sur l'ensemble des produits et services visés dès lors qu' ils excipent de droit d'auteur sur l'oeuvre de M. B dont il n'est pas contesté qu'il a créé une bande dessinée comportant un personnage corsaire dénommé PEPITO et qu'il leur est, par ailleurs, fait obligation pour permettre la production d'un dessin animé d'avoir des droits sur les produits dérivés ; qu'il est inopérant de prétendre qu'ils n'auraient aucun intérêt car des tiers disposeraient également de droits à l'étranger, notamment en Espagne, ce qui les empêcheraient de retrouver l'intégralité de leurs droits, l'intérêt à agir s'appréciant au regard des marques opposées dans une procédure et non pas en fonction d'autres droits ; qu'en outre, l'intérêt légitime étant en l'espèce général, en raison des droits d'auteur, il n'y a pas lieu de contraindre les intimés à justifier d'un intérêt pour chacun des produits et services visés ; que leur action est ainsi recevable ;

Considérant que les produits et services dont ils demandent la déchéance sont suffisamment précisés dès lors que leur demande en déchéance est faite en ce qui concerne la marque semi- figurative pour tous les produits et services à l'exception des produits alimentaires, et pour tous les produits et services désignés au dépôt des marques verbales PEPITO et AYE! PEPITO!, soutenant que ces dernières ne sont aucunement exploitées pour les produits et services visés ;

Considérant que la demande en déchéance a été présentée dans des conclusions en date du 22 septembre 2004 ; que la société LU doit, par application de l'article L. 714-5 du CPI apporter la preuve d'une exploitation sérieuse de ses marques durant la période du 22 septembre 1999 au 22 septembre 2004 ;

Considérant que selon la société LU, l'exploitation des marques semi-figurative et dénominative PEPITO pour des produits dérivés constitue également un usage sous une forme modifiée de la marque "AYE! PEPITO!" n'en altérant pas le caractère distinctif au sens de l'article L. 714-5 b) du CPI ; qu'en effet, lorsqu'une société est propriétaire d'une marque dénominative et d ' une marque semi-figurative comportant la même dénomination, cette dénomination constitue, indépendamment du graphisme, l'élément distinctif des deux marques, de sorte que l'exploitation de l'une vaut exploitation pour l'autre, dès lors que la dénomination n'a pas été altérée ; Mais considérant que contrairement à ce que soutient la société LU, si selon les dispositions de l'article L.714-5 du CPI et de l'article 10 de la Directive n° 89/104 du 21 décembre 1988, il est permis de considérer une marque enregistrée comme utilisée dès lors qu'est rapportée la preuve de l'usage de cette marque sous une forme légèrement différente de celle sous laquelle elle a été enregistrée, elles ne permettent pas d'étendre, par la preuve de son usage, la protection dont bénéficie une marque enregistrée à une autre marque enregistrée, dont l'usage n'est pas démontré; que la société LU doit démontrer dès lors la preuve d'un usage sérieux pour chacune des marques dont la déchéance est demandée ;

Considérant que sur la marque semi-figurative n° 96 621 672, il n'est pas contesté que ce signe est apposé sur les boîtes de biscuits et que les intimés admettent que cette marque est sérieusement exploitée pour les produits alimentaires ; que la société LU met également aux débats diverses factures en date des 10 novembre 1999,19 janvier 2000,16 février 2000,12 mai 2000,11 juin 2002,13 juin 2002,10 février 2003, 8 août 2003,16 octobre 2003, 20 février 2004 et 21 septembre 2004 et des publicités d'avril et mai 2002 qui montrent qu'elle exploite cette marque pour des jeux et jouets (ballons, masques), des boites de rangement (range disques, boîtes à goûter), des stylos, des tee-shirts, couteau, montres, drap de douche ; que même s'il s'agit de produits promotionnels, cette \ exploitation constitue également un usage à titre de marque, lequel s'entend d'un usage confonne à la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine d'un produit ou d'un service, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance; qu'il convient encore de relever que la marque est apposée sur des montres et des stylos; que néanmoins, le signe n'est pas déposé pour les articles de papeterie et pour ; les articles d'horlogerie ;

Mais considérant que pour tous les autres produits et services désignés par la marque semi- figurative, la société LU n'apporte aucun élément de nature à justifier une exploitation réelle ; que les droits de la société LU seront en conséquence déchus pour les produits et services de la marque à l'exception des produits suivants : "boîtes en bois ou matières plastiques, vêtements, jeux et articles de jeux, linge de maison, ustensiles et récipients non électriques pour le ménage et la cuisine ;viande, poisson, jambon, volaille, gibier, charcuterie. Fruits et légumes sèches, conservés et/ou cuits, compotes, confitures, gelées, soupes. Conserves totalement ou partiellement à base de viande, poisson, jambon, volaille, gibier, charcuterie. Plats préparés, séchés, cuits, en conserve, surgelés, constitués totalement ou partiellement à base des produits ci-dessus. Lait. Produits laitiers à savoir desserts lactés, yaourts, crèmes, fromages, fromage blanc, faisselle, boissons composées majoritairement de lait. Produits laitiers glacés. Produits pour bébés d'alimentation

cacao, chocolat, sucre, riz, tapioca. Farines, tartes et tourtes (sucrées ou salées), pizzas. Pâtes alimentaires (nature ou aromatisée et/ou fourrées). Plats préparés totalement ou partiellement composés de pâte à tarte. Pain, biscottes, biscuits (sucrés ou salés), gâteaux, pâtisseries. Tous ces produits étant nature et/ou nappés, et/ou fourrés et/ou aromatisés. Confiserie, glaces alimentaires et notamment crèmes glacées, miel, sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments), épices ";

Considérant que sur la marque nominale PEPITO n° 1 463 512, s'il doit être constaté qu'elle n'est pas apposée, seule, sur les conditionnements de biscuits, la société LU apporte néanmoins la preuve de son exploitation sérieuse pour désigner de tels produits, par les publicités télévisuelles durant lesquelles le signe PEPITO est cité oralement et exerce ainsi la fonction de la marque ;

Considérant, toutefois, que pour les autres produits et services visés par la marque, il n'est nullement apporté la preuve d'une exploitation sérieuse au sens de l'article L. 714-5 du CP1 ; que\a société LU sera en conséquence déclarée déchue de ses droits sur cette marque à l'exception des produits alimentaires suivants : "viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande, fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures ; oeufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; sauces à salade ; conserves. Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés de café ; farines et préparations faites de céréales, pain, tous produits de biscuiterie, pâtisserie, pain d'épice et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (à l'exception des sauces à salade) ; épices ; glaces à rafraîchir" ;

Considérant que la société LU en revanche, ne démontre nullement que la marque AYE! PEPITO! est exploitée pour les produits et services désignés ; qu'il doit être relevé qu'elle n'a pas été déposée pour les produits alimentaires, alors qu'elle est utilisée en accompagnement de ces produits ; qu'elle sera donc déchue de ses droits sur l'ensemble des produits et services visés par cette marque ; Sur les agissements parasitaires

Considérant que la société LU, qui avait de manière erronée soulevé la prescription trentenaire et non pas décennale invoquée en appel, soutient qu'à la date du 3 février 1994, date à laquelle pourraient être retenus des actes parasitaires, la bande dessinée de Monsieur B n' était plus diffusée ; que les intimés ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un risque de confusion entre les personnages éponymes et l'exploitation qui en est faite, ni celle d'un rattachement indiscret de la société LU à l'oeuvre de Monsieur B et à sa notoriété alléguée ;

Que sur le nom PEPITO, elle fait observer qu'il ne peut être repris sur le fondement de la concurrence déloyale un fait déjà invoqué au titre de la contrefaçon et que lorsque le nom de PEPITO a été déposé à titre de marque pour désigner un biscuit, elle avait reçu l'accord de Monsieur B de sorte que ses héritiers et ayant droits ne sauraient présentement lui faire reproche du choix de cette dénomination ; que lorsqu'elle a choisi d'animer sa marque par un personnage, le prénom PEPITO était totalement banal en France et désignait nombre de personnages dans des oeuvres dédiées aux enfants, si bien qu'elle n'était nullement spécifique au personnage de Monsieur B ;

Que le personnage du mexicain PEPITO qu'elle a choisi, a une personnalité propre et ressort d'un univers très différent du personnage du corsaire de M. B et ne présente, contrairement à ce qu'ont dit les premiers juges, pas de ressemblances avec le personnage de M. B, si ce n'est qu'il s'agit d'un personnage enfantin, ce qui est d'une grande banalité pour des produits destinés aux enfants ; qu'il n'existe ainsi aucun risque de confusion entre les personnages ni rattachement indiscret à la notoriété du personnage de M. B qui à l'époque à laquelle les faits de concurrence déloyale ont eu lieu était quasi inconnu des enfants alors que celui de la société LU bénéficiait d'une très forte notoriété ;

Que sur "le concept" de l'oeuvre revendiquée consistant en des "aventures ludiques et dessinées dont le héros s'appelle PEPITO", elle fait valoir que ce grief n'est pas susceptible de caractériser un comportement fautif ;

Que sur les modes de communication utilisés (publicités animées, bandes dessinées sur les paquets de biscuits PEPITO, logiciel d'apprentissage de la lecture), outre le fait que le logiciel en cause est relatif à une période prescrite (1988) et que M. B n' a jamais présenté son personnage dans un logiciel, les supports utilisés sont courants pour faire la promotion des produits diffusés et que les intimés n'ont aucun monopole sur le genre bande dessinée dès lors qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les aventures développées par M. B relatif au petit corsaire et le personnage du Mexicain qui est mis en scène dans des encarts publicitaires ou télévisuels uniquement dans le but de vanter les mérites du produit ;

Considérant que les intimés, d'une part, soutiennent que la société LU ne peut se prévaloir de la prescription qu'à partir du moment où les actes de parasitisme ont cessé ce qui n'est pas le cas, puisqu'ils ont perduré depuis le début du lancement du produit et, d'autre part, estiment que les premiers juges ont exactement dit que la société LU a profité de la notoriété de l'oeuvre de M. B, insistant sur le fait que même si actuellement le produit diffusé par la société LU est extrêmement connu, il ne peut être effacé le fait qu'elle a profité à l'origine et lors du renouveau en 1990 de son oeuvre en France du succès de sa bande dessinée ;

Considérant que, selon les dispositions de l'article 2270-1 du Code civil, les actions en responsabilité civile extra-contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ; qu'il est constant que les actes de parasitisme reprochés ont eu lieu dans les années 1960, lorsque la société LU a adopté le nom de PEPITO pour des biscuits puis en 1973, lorsqu' elle a déposé une marque figurative comportant le personnage en cause ; que le dommage invoqué a, certes, continué puisque la société LU fait l'usage de ce nom et du personnage, mais qu'il ne s'agit pas d'une aggravation, le fait générateur étant le même ; qu'en conséquence, la demande en parasitisme étant formée le 3 février 2004, les intimés ne peuvent invoquer des actes fautifs antérieurs au 3 février 1994 ;

Considérant que si la société LU fait exactement valoir qu'il ne peut lui être fait grief de faire usage du terme PEPITO, dès lors que cet usage a été toléré, il subsiste que le personnage n'est pas utilisé seulement ainsi qu'il a été déposé àtitre de marque mais revêt des représentations différentes sur des encarts publicitaires en forme de vignette sur les conditionnements, sous forme de bande dessinée, sur des publicités à la télévision sous une forme de dessin animé, et également sur le site internet ; qu'il convient d'apprécier si par l'utilisation du personnage PEPITO sur des supports de communication empruntant à la forme de la bande dessinée, la société LU a, ainsi que l'a dit le tribunal, commis des agissements parasitaires ;

Considérant qu'en 1994, date à partir de laquelle il convient de déterminer s'il existe des actes fautifs de parasitisme, la bande dessinée narrant les aventures de Pepito avait été rediffusée en France de manière très ponctuelle, alors qu'à cette date, comme le montrent les documents mis aux débats par la société LU, les produits PEPITO étaient très largement diffusés en France ;

Considérant, par ailleurs, que les supports en forme de bande dessinée se présentent soit sur des conditionnements en courtes vignettes (trois), soit sur des publicités télévisuelles de très courte durée qui toutes ont pour objet de vanter les mérites du produit ; qu'aucun de ces documents ne se réfère au "concept" des aventures de Pepito le corsaire, qui n'est d'ailleurs pas défini, le personnage du mexicain évoluant non pas dans le milieu de la flibuste mais dans le quotidien, notamment au moment du partage de déjeuner avec des enfants du monde contemporain ;

Considérant que le personnage du mexicain, en dehors du caractère poupin du visage qui est celui d'un enfant, et qui appartient à un genre, n'a pas de ressemblance pertinente avec celui du petit corsaire sympathique de Pepito ; qu'il s'agit d'un enfant mexicain dont le chapeau le différencie très distinctement le tricorne porté par le corsaire Pepito, personnage de Monsieur B ; que leur coiffure n' est pas identique, le personnage du corsaire présentant le plus souvent une large frange, ce qui n'est pas le cas de celui du mexicain; que ses vêtements (poncho et pantalon blanc) sont également très distincts de ceux du corsaire (bottes, pantalon serré) ; que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il n'est pas établi que les couleurs orange et rouge auraient été utilisées fréquemment pour le personnage du corsaire qui, au contraire, d'après les reproductions mises aux débats utilisent d'autres couleurs (vert, bleu, violet, vert sombre) ;

Considérant qu'ainsi, aucun élément ne permet d'affirmer que depuis 1994 la société LU aurait utilisé la notoriété du personnage du petit corsaire pour la promotion de ses produits en prenant la forme de la bande dessinée ou de dessin animé, les supports en question ne se référant pas au monde de la piraterie ; que le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point ; Considérant qu'eu égard à la nature de la décision, il ne peut être alloué de dommages et intérêts aux intimés ;

Que pas davantage, il ne saurait être fait droit à la demande de dommages et intérêts présentée par la société LU qui ne démontre pas que la procédure aurait été diligentée dans une intention fautive ;

Considérant que des raisons d'équité commandent d'allouer à la société LU la somme de 5000 euros au titre des frais non compris dans les dépens, le jugement étant infirmé en ce qu'-il avait alloué une indemnité à ce titre aux intimés ;

PAR CES MOTIFS

: Infirme le jugement en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau, Dit irrecevables les demandes en nullité, contrefaçon et interdiction d'usage des marques n° 1 463 512,1 162 210, 96 621 672 ;

Dit que Messieurs S, Mesdames S, Graziella B et Annabella B justifient d'un intérêt à agir en déchéance des droits de la société LU sur les marques susvisées ;

Les disent partiellement fondées en ces demandes en déchéance ;

Dit la société LU FRANCE déchue de ses droits à compter du 22 septembre 2004 sur : -la marque "AYE! PEPITO! n° 1 461 598 pour l'ensemble des produits et services visés,

- la marque dénominative "PEPITO" n° 1 463 512 pour tous les produits à l'exception des produits suivants : "viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande, fruits et légumes conservés, séchés et cuits ; gelées, confitures ; oeufs, lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles ; sauces à salade ; conserves. Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés de café ; farines et préparations faites de céréales, pain, tous produits de biscuiterie, pâtisserie, pain d'èpice et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde : vinaigre, sauces (à l'exception des sauces à salade) ; èpices ; glaces à rafraîchir " ;

- la marque semi-figurative n° 96 621 672 pour tous les produits à l'exception des produits suivants : "boîtes en bois ou matières plastiques, vêtements, jeux et articles de jeux, linge de maison, ustensiles et récipients non électriques pour le ménage et la cuisine Mande, poisson, jambon, volaille, gibier, charcuterie. Fruits et légumes séchés, conservés et/ou cuits, compotes, confitures, gelées, soupes. Conserves totalement ou partiellement à base de viande, poisson, jambon, volaille, gibier, charcuterie. Plats préparés, sèches, cuits, en conserve, surgelés, constitués totalement ou partiellement à base des produits ci-dessus. Lait. Produits laitiers à savoir desserts lactés, yaourts, crèmes, fromages, fromage blanc, faisselle, boissons composées majoritairement de lait. Produits laitiers glacés. Produits pour bébés d'alimentation générale à savoir soupes sous forme déshydratée, laits, laits en poudre, compotes de fruits, purées de légumes, purée de légumes sous forme déshydratée, jus de fruits et de légumes, bouillies. Cafés, thé, cacao, chocolat, sucre, riz, tapioca. Farines, tartes et tourtes (sucrées ou salées), pizzas. Pâtes alimentaires (nature ou aromatisée et/ou fourrées). Plats préparés totalement ou partiellement composés de pâte à tarte. Pain, biscottes, biscuits (sucrés ou salés), gâteaux, pâtisseries. Tous ces produits étant nature, et/ou nappés, et/oufourrés et/ou aromatisés. Confiserie, glaces alimentaires et notamment crèmes glacées, miel, sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments), épices "; Ordonne la transmission du présent arrêt à l'INPI par les soins du greffe aux fins • d'inscription sur le Registre National des Marques ;

Dit prescrite l'action fondée sur les agissements parasitaires pour les faits commis antérieurement au 3 février 1994 ;

Rejette la demande fondée sur les agissements parasitaires ; \. Rejette toutes autres demandes ;

Condamne in solidum les intimés à verser à la société LU la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Autorise la SCP HARDOUIN, avoué, à recouvrer les dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.