Cour d'appel de Versailles, Chambre 13, 17 mai 2022, 21/01937

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Versailles
  • Numéro de pourvoi :
    21/01937
  • Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :Tribunal de Commerce de Nanterre, 30/09/2020
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/628490c7498a54057d10307f
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles
2022-05-17
Tribunal de Commerce de Nanterre
2020-09-30

Texte intégral

COUR D'APPEL DE VERSAILLES Code nac : 56B 13e chambre

ARRET

N° CONTRADICTOIRE DU 17 MAI 2022 N° RG 21/01937 N° Portalis DBV3-V-B7F-UMWA AFFAIRE : S.A.R.L. CHRISTIAN MARGUERIE PRODUCTION C/ Société NOZON SPRL Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Septembre 2020 par le Tribunal de Commerce de Nanterre N° Chambre : N° Section : N° RG : 2019F00948 Expéditions exécutoires Expéditions Copies délivrées le : à : Me Anne-Sophie REVERS Me Oriane DONTOT TC NANTERRE RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT DEUX, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : S.A.R.L. CHRISTIAN MARGUERIE PRODUCTION N° SIRET : 488 149 055 [Adresse 2] [Localité 3] Représentant : Me Anne-Sophie REVERS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES Représentant : Me David ATTALI, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE APPELANTE **************** Société NOZON SPRL [Adresse 4] [Localité 1] (BELGIQUE) Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20210448 Représentant : Me Julien COMBIER, Plaidant, avocat au barreau de LYON INTIMEE **************** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Mars 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller, Madame Delphine BONNET, Conseiller, Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller, Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN, La société de droit belge Nozon SPRL, qui exerce une activité de production et de postproduction de films pour le cinéma, la télévision et internet, a post-produit dix spots publicitaires pour les parfums et produits de beauté Armani. A cette occasion, elle a émis, au nom de la société Christian Marguerie production qui exerce également une activité de production de films, plusieurs factures dont deux sont restées impayées, pour un montant total de 65 000 euros : - une facture n°20182415 du 23 mai 2018, d'un montant de 46 180 euros, présentant un solde impayé de 30 000 euros ; - une facture n° 20182423 non datée, d'un montant de 35 000 euros. Les spots publicitaires ont été transmis à la société Prestige et collections international (société PCI), société du groupe L'Oréal qui produit et commercialise des produits cosmétiques de luxe sous la marque Armani. Par lettres recommandées en date des 28 novembre et 11 décembre 2018, la société Nozon a d'une part interdit à la société PCI d'utiliser et de diffuser les images dont elle indiquait être demeurée propriétaire et d'autre part mis en demeure la société Christian Marguerie production de lui régler la somme de 65 000 euros sous quinzaine. Les spots publicitaires ont été diffusés lors de la campagne publicitaire de Noël 2018. Par acte sous seing privé signé respectivement les 21 mai 2019 et 26 juin 2019, les sociétés Nozon et PCI ont régularisé un protocole d'accord aux termes duquel la première a cédé à la société PCI, pour une durée indéterminée et en vue de leur exploitation, les droits de propriété artistique afférents aux films publicitaires, objet du litige avec la société Christian Marguerie production, en contrepartie du versement de la somme de 30 000 euros par la société PCI qui s'est engagée à acquérir l'ensemble des droits de propriété artistique afférents à ces biens. La société Nozon s'est engagée, au même acte, à renoncer à toute réclamation ultérieure à l'encontre de la société PCI et à ne recouvrer auprès de la société Christian Marguerie production que la somme de 35 000 euros. Par acte d'huissier du 21 mai 2019, la société Nozon a assigné la société Christian Marguerie production devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 30 septembre 2020, a : - condamné la société Christian Marguerie production à payer à la société Nozon la somme de 35 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2018 ; - condamné la société Christian Marguerie production à payer à la société Nozon la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamné la société Christian Marguerie production aux dépens. Par déclaration du 23 mars 2021, la société Christian Marguerie production a interjeté appel du jugement. Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 25 janvier 2022, elle demande à la cour de : - infirmer le jugement ; Statuant à nouveau, - dire et juger qu'aucun accord préalable écrit ou tacite n'a été conclu avec la société Nozon ; - dire et juger en conséquence que la société Nozon échoue à démontrer qu'elle s'est engagée à lui régler les sommes alléguées ; - dire et juger en conséquence qu'elle ne demeure débitrice d'aucune somme à quelque titre que ce soit envers la société Nozon ; - condamner la société Nozon à lui rembourser intégralement toutes sommes appréhendées par l'huissier mandaté dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement ; - condamner la société Nozon à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi pour procédure abusive ; - condamner la société Nozon à lui allouer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Après avoir rappelé les règles relatives à la charge de la preuve sur l'existence et le quantum de la créance et à la formation du contrat résultant respectivement des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile et de l'article 1113 du code civil, l'appelante fait valoir que c'est au mépris de ces dispositions et des principes fondamentaux gouvernant le droit des contrats que le tribunal l'a condamnée en paiement. Soulignant qu'aucun accord écrit, tacite et préalable n'est intervenu en l'espèce entre elle et la société Nozon qui l'a seule assignée pour obtenir le paiement de factures dont le montant doit être réclamé directement et intégralement au bénéficiaire de la prestation, elle expose que l'intimée qui ne produit que des documents constitués par elle-même n'apporte aucun élément de preuve incontestable de son consentement au règlement de ces factures, celui-ci ne pouvant se déduire de son comportement et de son silence ; elle affirme qu'elle n'a jamais accepté expressément de les régler, qu'aucun accord exprès n'est intervenu sans équivoque sur la chose et sur le prix et que c'est par pure négligence de son gérant qu'il n'a pas été répondu aux mises en demeure. Elle ajoute que le protocole communiqué en appel concerne exclusivement les sociétés Nozon et PCI sans qu'elle y soit intervenue de sorte qu'il ne lui est nullement opposable ; qu'en tout état de cause, il ne saurait constituer la moindre preuve d'un engagement de règlement de sa part alors qu'elle indique ignorer l'existence du contrat qui selon ce protocole aurait été conclu ; elle affirme qu'aucun contrat n'a été valablement convenu entre les parties, contrairement à ce qui est indiqué par le tribunal auquel elle reproche d'avoir renversé la charge de la preuve et de ne pas avoir répondu aux griefs exposés en première instance. La société Nozon, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 21 septembre 2021, demande à la cour de : - confirmer le jugement en toutes ses dispositions ; En tout état de cause, - condamner la société Christian Marguerie production au paiement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la Selarl JRF & associés, maître Oriane Dontot, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Sur le

fondement des articles 1103, 1104, 1193 et 1353 du code civil et de l'article 110-3 du code de commerce et après avoir évoqué un arrêt de la Cour de cassation (Com. 25 septembre 2019 18-12367), elle fait valoir que contrairement au moyen opposé avec la plus parfaite mauvaise foi par la société Christian Marguerie production, l'existence du contrat n'est pas en cause dès lors que cette dernière en a réglé intégralement les deux premiers acomptes et partiellement le troisième, soulignant que la prestation a été réalisée puisque 'les spots Armani' ont été diffusés et que les sommes dont elle est contrainte de réclamer judiciairement le paiement n'ont, avant l'engagement de la procédure, jamais été contestées par l'appelante qui n'a 'pas dénié apporter la moindre réponse' aux mises en demeure et dont les explications relatives à la négligence de son dirigeant ne sont pas crédibles. Elle reproche à l'appelante, alors qu'elle est professionnelle en matière de production audiovisuelle, d'avoir vendu les spots publicitaires à la société PCI alors que les images ne lui appartenaient pas faute de règlement de l'intégralité des factures ; elle souligne que cette dernière qui s'est montrée particulièrement préoccupée par la diffusion de spots publicitaires qui n'étaient pas libres de droits, la société appelante ayant ' en toute mauvaise foi totalement disparu', a accepté de conclure le protocole qu'elle verse aux débats et qui permet à la société appelante de subir une condamnation moindre. L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2022. Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. SUR CE, Aux termes de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. Conformément aux dispositions de l'article L.110-3 du code de commerce, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit disposé autrement par la loi ; la signature d'un contrat écrit entre commerçants n'est ainsi pas nécessaire dès lors qu'est rapportée la preuve de leur volonté de s'engager. Si la seule production de factures est insuffisante à rapporter la preuve d'une obligation, nul ne pouvant se constituer de preuve à soi-même s'agissant de la preuve d'un acte juridique, elle permet en revanche, associée à d'autres éléments dont notamment son paiement partiel, d'établir l'existence de l'obligation. La réalité et la qualité des prestations réalisées par la société Nozon ne sont pas discutées, aucune inexécution, totale ou partielle, n'étant alléguée, étant observé que le protocole signé entre la société intimée et la société PCI, cessionnaire des droits de propriété artistique sur les spots publicitaires, démontre que la prestation de la société Nozon ne souffre d'aucune inexécution ; la société PCI, dans le cadre de ce protocole, a accepté de régler la somme de 30 000 euros afin d'acquérir la propriété artistique sur ces spots publicitaires. Si aucun contrat écrit n'a été signé entre les parties à l'instance, il ressort toutefois des factures établies au nom de la société Christian Marguerie production et dont l'intimée réclame le paiement, que celles-ci correspondent au paiement d'un troisième et d'un quatrième acompte, l'appelante ne contestant pas que comme l'affirme la société Nozon, elle a intégralement réglé les deux premiers acomptes. A la réception de ces factures et des mises en demeure, aucune contestation n'a en outre été opposée par la société Christian Marguerie production, professionnelle de la production, alors même qu'elle a signé l'avis de réception de la première des lettres recommandées en date du 28 novembre 2018 ; elle ne conteste pas avoir en outre réglé partiellement la facture datée du 23 mai 2018 en versant, avant la première mise en demeure, la somme de 16 180 euros, laquelle représente plus du tiers du montant total de la facture de 46 180 euros. De surcroît, alors même que l'appelante verse aux débats le message électronique adressé à son dirigeant le 15 octobre 2019 par une productrice de la société Nozon, Mme [H] [R], celle-ci lui indiquant que la somme due par sa société ' n'est plus que de 35 000 euros', elle ne communique pas la réponse de ce dernier par laquelle il aurait pu s'opposer au paiement de cette somme si sa société n'était débitrice d'aucune somme. Il s'en déduit, au regard des éléments versés aux débats par la société Nozon et du comportement de la société Christian Marguerie production, que la preuve tant de l'existence d'un contrat entre les deux sociétés que du quantum de la créance de l'intimée est suffisamment rapportée de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Christian Marguerie production à verser à la société Nozon la somme de 35 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 2018, le point de départ des intérêts n'étant pas discuté. Compte tenu de la solution apportée au litige, la demande introduite par la société Nozon ayant déjà été accueillie par le tribunal, la cour ne peut que débouter la société appelante de sa demande indemnitaire pour procédure abusive.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire, Confirme le jugement du 30 septembre 2020 en toutes ses dispositions ; Condamne la société Christian Marguerie production à payer à la société Nozon la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société Christian Marguerie production aux dépens de la procédure d'appel. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le greffier,Le conseiller,