Vu la procédure suivante
:
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Rahma de Torcy Marne-la-Vallée demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 4 mai 2017 qui prononce sa dissolution ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Marie Gautier-Melleray, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit
:
1. L'association Rahma de Torcy Marne-la-Vallée demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du Président de la République, du 4 mai 2017 prononçant sa dissolution sur le fondement des dispositions des 6° et 7° de l'article
L. 212-1 du code de la sécurité intérieure.
2. Aux termes de l'article
L. 212-1 du code de la sécurité intérieure : " Sont dissous, par décret en conseil des ministres, toutes les associations ou groupements de fait : / ( ...) 6° ( ...) qui, soit provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ; / 7° Ou qui se livrent, sur le territoire français ou à partir de ce territoire, à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger. (...)".
3. Il ressort des termes du décret du 4 mai 2017 attaqué que, pour prononcer la dissolution contestée, le Président de la République s'est fondé sur le fait que l'association Rahma de Torcy, en lien étroit avec la mosquée du même nom, promouvait un islam radical, propageait des discours haineux et violents, légitimait le djihad armé et avait ainsi le caractère d'un groupement provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence envers un groupe de personnes en raison de leur non-appartenance à une religion au sens du 6° de l'article
L. 212-1 du code de la sécurité intérieure et pouvait être regardée comme se livrant sur le territoire français à des agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l'étranger au sens du 7° de cet article.
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la " note blanche " versée au débat contradictoire, que l'association Rahma de Torcy Marne-la Vallée assure la gestion de la mosquée " Rahma " située sur le territoire de la commune de Torcy, que son président, M. B..., est l'imam de cette mosquée et que son suppléant, M.A..., est membre du conseil d'administration de l'association. Il ressort des éléments précis et circonstanciés figurant dans la note blanche versée au débat contradictoire ainsi que, dans une moindre mesure, des transcriptions de prêches fournis en défense par l'association requérante, que l'iman et son adjoint prêchaient au sein de la mosquée, avant la fermeture de celle-ci par un arrêté préfectoral en date du 10 avril 2017, un islamisme radical, marqué par une forte hostilité à l'égard des chrétiens, des juifs et des chiites, prônant un rejet des valeurs et de certaines lois de la République. Ils affichaient dans ces prêches leur soutien au djihad armé et à certains membres de la cellule terroriste dite de Cannes-Torcy ayant fréquenté régulièrement la mosquée, poursuivis pour avoir perpétré un attentat contre un magasin d'alimentation casher à Sarcelles le 19 septembre 2012. La mosquée a également accueilli des conférenciers ayant tenu des propos de même nature. Par ailleurs, M.B..., professeur de mathématiques dans divers établissements publics d'enseignement, a fait l'objet d'une procédure disciplinaire ayant justifié sa suspension, pour manquement à son devoir de réserve, au principe de neutralité et pour propos publics incompatibles avec les valeurs de la République.
5. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le décret attaqué serait entaché d'erreur de fait doit être écarté. Eu égard aux éléments rappelés au point précédent, qui caractérisent l'existence de discours et de faits provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence ou les justifiant, et en dépit d'attestations de fidèles de la mosquée réfutant l'existence de prêches à caractère radical produites par l'association requérante, le Président de la République a fait une exacte application des dispositions du 6° de l'article
L. 212-1 du code de la sécurité intérieure en prononçant la dissolution contestée, sans incidence sur ce point étant la circonstance que l'association requérante n'a pas été poursuivie dans le cadre de la procédure judiciaire engagée à l'encontre des membres de la cellule terroriste dite de Cannes-Torcy et qu'elle aurait, avant sa dissolution, entretenu de bonnes relations avec les collectivités locales.
6. Dès lors qu'il résulte de l'instruction que le Président de la République aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce premier motif, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article
L. 212-1 du code de la sécurité intérieure doit être écarté, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la légalité du second motif de la dissolution fondé sur le 7° de cet article.
7. Il résulte de tout ce qui précède que l'association requérante n'est pas fondée à demander l'annulation du décret du 4 mai 2017. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'association Rahma de Torcy Marne-la-Vallée est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association Rahma de Torcy Marne-la-Vallée, au Premier ministre et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.