Chronologie de l'affaire
Cour d'appel d'Aix-en-Provence 09 mai 2019
Cour de cassation 25 novembre 2020

Cour de cassation, Chambre sociale, 25 novembre 2020, 19-22.506

Mots clés harcèlement · société · employeur · contrat · licenciement · procédure civile · travail · rémunération variable · préjudice · preuve · sexuel · intérêts · résultats · salarié · réparation

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 19-22.506
Dispositif : Rejet
Publication : Inédit au bulletin
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 09 mai 2019, N° 17/08802
Président : M. Schamber
Rapporteur : Mme Cavrois
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2020:SO11073

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 09 mai 2019
Cour de cassation 25 novembre 2020

Texte

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 novembre 2020

Rejet non spécialement motivé

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 11073 F

Pourvoi n° F 19-22.506

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 NOVEMBRE 2020

Mme W... P..., domiciliée [...] , a formé le pourvoi n° F 19-22.506 contre l'arrêt rendu le 9 mai 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société LPG systems, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] ,

2°/ à Pôle emploi Provence-Alpes-Côte d'Azur, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La société LPG systems a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations écrites de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de Mme P..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société LPG systems, après débats en l'audience publique du 7 octobre 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation du pourvoi principal et ceux du pourvoi incident, annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces pourvois.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :



REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES

à la présente décision

Moyen produit, au pourvoi principal, par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme P...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme P... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et congés payés y afférents, ainsi que de ses demandes d'indemnité pour repos compensateur et d'indemnité pour travail dissimulé ;

Aux motifs propres que « La salariée produit les attestations de collègues et de proches : sa mère atteste « qu'elle ne rentrait jamais avant 20 h le soir », O... Q... sa collègue, qu'elle arrivait quasiment en même temps qu'elle le matin « au travail entre 8h30 et 9h et était souvent encore en train de travailler lorsque je partis vers 18h30 / 19h le soir ». Son voisin de bureau S... Y... ainsi que E... C... déclarent qu'après 19h30, elle faisait souvent partie des dernières personnes présentes sur le site.

En produisant les justificatifs de ses déplacements ainsi qu'un tableau récapitulatif des heures reconstituées semaine par semaine et année par année, mentionnant l'amplitude horaire journalière sur la période considérée, Mme P... étaye sa demande par un décompte suffisamment précis quant aux horaires réalisés, qui permet à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

L'employeur répond à juste titre que ledit tableau établi a posteriori et unilatéralement qui a été modifié par rapport à celui produit en première instance, comporte toujours des incohérences, signe d'un manque de fiabilité de ce tableau, notamment le 12 juillet 2013 et le 12 septembre 2012 en plus de celles commises en première instance. Exemple : étaient comptabilisées 10 heures de travail les 9 avril 2012 et 21 avril 2014 alors qu'il s'agissait du lundi de Pâques, chômé, étaient comptées 10 heures les 7 et 8 mai 2012, alors qu'elle a bénéficié d'un jour férié, la salariée indique avoir travaillé 10 heures les 6 et 7 mars 2012, le 22 novembre 2013, le 17 juillet 2012 alors qu'elle bénéficiait de récupération. Il observe la régularité des heures de travail, de 8h30 à 19h30, peu conforme à la réalité.

Il fait exactement valoir que le temps de trajet de Mme P... n'entre pas dans le décompte de la durée du travail en particulier pour l'application de la législation sur les heures supplémentaires.

Il produit une note interne datée du 27 janvier 2014 rappelant que les samedis et dimanches travaillés doivent être récupérés sous forme de repos forfait.

Elle souligne à juste titre que la production de courriels tardifs ne garantit pas que les heures accomplies l'ont été sur commande de l'employeur.

Enfin, la cour constate que le poste de cadre occupé par Mme P... qui avait à sa disposition un véhicule de fonction lui conférait une autonomie dans l'organisation de son travail.

En conséquence, c'est par une exacte appréciation des éléments de la cause que le Conseil de prud'hommes a débouté Mme P... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires ainsi que de ses demandes subséquentes en paiement des congés payés y afférents, indemnité pour repos compensateur et indemnité pour travail dissimulé » ;

Et aux motifs réputés adoptés que : « A l'appui de sa « prétention » en heures supplémentaires, et pour prouver son succès, Mme P... verse au débat les « éléments de calcul » suivants :

- ses pièces 44 à 47 : justificatifs de déplacement réalisés de 2012 à 2014,
- sa pièce 85 : tableau de relevés d'heures supplémentaires,
- sa pièce 87 : des mails illustrant les heures supplémentaires réalisées.

Ces éléments sont recevables en droit et suffisamment précis.
Néanmoins, il s'avère que le tableau récapitulatif comporte des incohérences à certaines dates, de sorte que le conseil est dans l'impossibilité de vérifier avec exactitude le nombre d'heures supplémentaires réellement effectuées par rapport aux demandes chiffrées. Le conseil ne peut former sa conviction, selon les dispositions de l'article 12 du code de procédure civile » ;

Alors qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la salariée produisait des attestations de collègue et de proches, ainsi qu'un décompte des heures supplémentaires effectuées que la Cour d'appel a estimé suffisamment précis quant aux horaires réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; que, pour la débouter cependant de sa demande, la Cour d'appel a retenu que le tableau établi par la salariée comportait des incohérences et n'était pas suffisamment fiable quant aux horaires réalisés par celle-ci, que son temps de trajet n'entre pas dans le décompte de la durée du travail, que les samedis et dimanches travaillés doivent être récupérés sous forme de repos forfait, que la production de courriels tardifs ne garantit pas que les heures accomplies l'ont été sur commande de l'employeur et que le poste de cadre occupé par la salariée qui avait à sa disposition un véhicule de fonction lui conférait une autonomie dans l'organisation de son travail, s'abstenant ainsi de vérifier les éléments que l'employeur était tenu de produire pour justifier des horaires effectivement réalisés par la salariée, en violation de l'article L.3171-4 du code du travail. Moyens produits, au pourvoi incident, par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société LPG systems


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes en indemnisation du harcèlement sexuel et du harcèlement moral subis ainsi que du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, d'AVOIR statuant à nouveau, condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant du harcèlement moral et sexuel, de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant du manquement à l'obligation de sécurité de résultat, d'AVOIR confirmé le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens et frais d'exécution du jugement, d'AVOIR y ajoutant, dit que les créances indemnitaires étaient productives d'intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, d'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 devenu 1343-2, du code civil, d'AVOIR condamné l'employeur à payer à la salariée une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR débouté l'employeur de sa demande d'indemnité de procédure, d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le harcèlement sexuel
L'article L. 1153-1 du code du travail, en sa version applicable avant le 8 août 2012, dispose que les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d'un tiers sont interdits
Le même texte, en sa version applicable après le 8 août 2012 énonce :
Aucun salarié ne doit subir des faits : 1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;
2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
L'article L.1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose pour sa part :
Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Le mécanisme probatoire prévu à l'article L.1154-1 du code du travail est ainsi commun au harcèlement moral et au harcèlement sexuel.
Au cas de Mme P..., après avoir rappelé la jurisprudence en la matière considérant qu'un fait unique peut constituer le harcèlement sexuel qui peut être le fait d'une personne extérieure à l'entreprise, Mme P... fait valoir qu'elle a reçu des avances téléphoniques et par sms ainsi que des cadeaux, comme une montre de marque, livrée par un collaborateur au sein même de l'entreprise, de la part de l'époux de la dirigeante de la société, M. R... J..., ce qui l'a placée dans une situation de profond mal être d'autant qu'elle était seule avec ses deux enfants.
Mme P... verse au dossier :
- 3 sms :
- de R... J... de gsm fr (professionnel) reçue mer16:04 : «W..., vous savez que je ne vis plus, que je ne mange plus, que mon coeur bat littéralement la chamade' je deviens fou. Ce coup de fil de ce soir sera, ou le dernier ou le premier d'une grande série... Les choses ont changé, il faut au moins m'écouter, ce que j'ai à vous dire n'est pas une élucubration d'un grand égoïste mais au contraire un plan qui ne pense qu'à vous et à vos enfants, une vie libre' Donnez-moi une heure SVP pour vous appeler ce soir.»
- « je rentre dans mes peinâtes le coeur lourd et serré sans goût ni joie ».
-« Un petit break, une petite cigarette, je vous appelle, c'est trop charmant quand vous parlez et que vous fumez, allez 'je suis seul' et une chose à vous dire' ['] W..., je veux vivre avec vous ».
- la photographie d'une montre et de son paquet cadeau « Maier Horloger » avec un mot accompagnant le cadeau.
- un listing d'appels téléphoniques, au nombre 4, reçus le 5 septembre 2012 entre 12h27 et 18h54 de R... J... gsm n° [...].
- diverses attestations ainsi rédigées (extraits) :
M. N... KV... :
« Si je devais m'expliquer l'attitude de Mme V..., je dirais que son mari R... J..., dirigeant de fait était très sensible au charme de Mme P... et je souligne qu'il faisait d'ailleurs tout son possible pour se retrouver avec elle, ce qui n'avait échappé à personne et surtout pas à son épouse.
C'est ainsi qu'il m'avait demandé en novembre 2014 de la faire venir à Los Angeles. Devant mon refus, justifié par le coût exorbitant et injustifié de cette rencontre, Monsieur J... a préféré ne pas venir alors que la réunion avait été réclamée par lui.

Malgré l'attitude de Mme V..., Mme P... est restée digne et a continué à remplir ses obligations ».
D... G... :
« Pendant la période où j'étais responsable du marché américain pour LPG, j'ai eu en novembre 2014 à effectuer un voyage à Los Angeles avec M. L..., Directeur Commercial Monde. Le voyage a été organisé sur l'insistance de M. J....
Quand nous avons informé M. J... du fait que Mme P... ne ferait pas partie de ce voyage qu'il avait beaucoup insisté pour qu'elle vienne, M. J... a annulé sa venue aussi en disant qu'il n'était plus intéressé.
Ce voyage demandé expressément par lui demandait des semaines de travail pour organiser un agenda et tous les rendez-vous que M. J... nous avait demandé. Le fait de lui avoir annoncé, que pour des raisons budgétaires, Mme P... ne viendrait pas lui a fait immédiatement se désintéresser du reste du voyage ».
B... K... :
« R... J... est devenu encore plus pressant parce que W... lui disait non et tenait bon. « Personne ne lui disait non » lui disait-il, « elle pouvait le considérer comme un Kamikaze, il aimait le risque, l'adrénaline !! », d'après les propos qu'elle me rapportait.
Les refus systématiques de W... ont dû être comme un excitant pour cet homme car il n'a pas voulu lâcher l'affaire. Je me tenais au courant de sa situation régulièrement et elle m'a expliqué au fur et à mesure que ça a continué jusqu'en 2014 ! Je ne sais pas comment elle a fait pour tenir car je l'ai vue si souvent en pleurs et en plein craquage. Tout ça l'a démolie.
(')»
U... T... :
« En tant qu'ami de W... depuis plus de 12 ans, j'atteste avoir été son confident concernant ses déboires avec la société LPG SYSTEMS.
C'est vers fin mars 2012, à l'occasion d'un de ses déplacements professionnels à Paris, j'ai dîné un soir avec W..., c'est à ce moment qu'elle m'a tout raconté.
Je me suis vite rendu compte qu'elle n'allait pas fort. Elle a complètement craqué lorsque je lui ai demandé comment se passait son boulot. Elle m'a révélé que son patron jouait les « don juan » obsessionnels avec elle. Elle ne pouvait en parler à personne vu que c'était le mari de la présidente et que cette dernière était d'une pire jalousie. En me racontant tout cela, j'ai même cru qu'elle allait faire un malaise tant elle se sentait mal avec le trop plein de stress ».
Le fait invoqué par la société LPG Systems que M. G... n'a jamais été salarié de la société mais prestataire de service, n'ôte rien au fait avéré que M. J... a annulé sa venue lorsqu'il a appris que Mme P... ne se rendrait pas à la réunion prévue à Los Angeles .Et M. L... était toujours salarié de la société au moment de ces faits, car licencié en décembre 2014.

Si certains témoignages notamment ceux de Messieurs K... et T... ne font que rapporter les propos de Mme P... relatifs à des agissements de M. J... dont ils n'ont pas été les témoins directs, en revanche ils convainquent la cour de l'impact négatif que ces agissements ont eu sur la salariée, qu'ils ont personnellement constaté.
Indépendamment de la preuve testimoniale, les sms et la liste des appels reçus établissement la matérialité des faits de harcèlement sexuel allégués.
En conséquence, Mme P... établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement sexuel.
En réplique, l'employeur soutient vainement que les sms de M. J... se réduisent au chiffre de trois dont Mme P... se garde de verser la réponse alors qu'un fait unique peut caractériser le harcèlement sexuel.
Il prétend sans portée utile que les messages qui ne sont pas indécents ne constituent pas du harcèlement sexuel alors qu'ils avaient pour finalité de lier une relation intime avec la salariée.
En ce qu'il émane de l'auteur du harcèlement la cour écartera le témoignage de R... J... selon lequel « Mme P... jouait de ses difficultés personnelles professionnelles et de son charme dans une ambiguïté totale » sauf à noter que son auteur y déclare que Mme P... « lui a indiqué qu'elle ne pouvait accepter ce cadeau et que c'est d'ailleurs à cette période (été 2013) que leurs échanges personnels ont cessé », ce qui accrédite le fait que Mme P... n'était pas consentante.
Il est ainsi établi que l'époux de la dirigeante de la société LPG Systems, lui même membre du directoire, exerçant de fait un pouvoir important au sein de la société, a tenté d'obtenir des faveurs de nature sexuelle de la part de Mme P... en multipliant les appels et sms par lesquels il lui faisait des déclarations et en lui faisant cadeau d'une montre dans le but de la convaincre de céder à ses avances.
Compte tenu de la position dominante qu'il occupait dans l'entreprise ces agissements ont pu intimider la salariée voire entraîner chez elle un sentiment de peur de perdre son emploi, compte tenu de leur contexte. La salariée ne peut donc se voir reprocher de n'avoir pas informé son employeur de cette situation.
Les faits répondent ainsi à la définition légale du harcèlement sexuel même s'ils ont cessé volontairement au cours de la relation contractuelle et même si Mme P... a fait preuve d'une certaine ambiguïté en conservant une montre offerte en cadeau.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il déboute Mme P... de sa demande.
Sur le harcèlement moral
Mme P... soutient avoir subi à compter du mois de novembre 2013 des agissements de harcèlement moral de la part de F... V... une fois celle-ci informée du harcèlement sexuel de son époux ayant pour cause ce harcèlement et qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail.

Elle soutient qu'à partir du moment où elle a alerté la hiérarchie F... V... n'a eu de cesse de l'empêcher de se rendre aux événements auxquels elle avait pour habitude d'assister notamment le salon Cosmoprof en Italie en avril 2014.
Elle prétend que l'altération de sa santé découle directement des méthodes de gestion mise en oeuvre par sa hiérarchie et d'une répétition d'actions déstabilisantes :
' retrait de fonctions et de son bureau
' mise à l'écart
' diminution du montant de ses commissions
' refus d'une promotion précédée d'un accord verbal de son supérieur
Elle expose avoir alerté ses collègues et la médecine du travail sur les agissements dont elle était victime.
Selon l'article L1152-1 du code du travail :
Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Aux termes de l'article L1154-1 en sa version applicable aux faits de la cause :
Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Mme P... a produit :
- les photographies de son ancien bureau (un vaste bureau privatif) et de son nouveau bureau en 2014 (situé au fond d'un open space)
- l'attestation d'O... Q... expliquant avoir tout mis en oeuvre avec Mme P... pour se rendre à une formation en septembre 2013 en Italie, en vue de laquelle elles avaient prévu de partir en voiture de Sophia Antipolis et de faire garder leurs enfants pour la rentrée scolaire, et avoir reçu un coup de téléphone « alors qu'elles se trouvaient au niveau de Nice » leur demandant de faire demi tour « car ils n'avaient plus besoin de nous »
- un mail adressé par Mme P... à I... L... le 10 juin 2014 demeuré sans réponse:
«Je fais suite à notre conversation téléphonique d'hier matin, sur laquelle je souhaite revenir. Comme tu le sais, nous avons suffisamment échangé sur ce point, cela fait maintenant 6 ans que je travaille sans ménager mes efforts pour cette entreprise.

Que dois-je penser de la décision que tu m'as annoncée hier malgré mes bons résultats (progression constante depuis mon arrivée et + 50 % ventes hôtels vs N-1) '
Je résume les faits si tu le permets :
o janvier 2014 : coupe budgétaire qui annule tous les évènements essentiels au travail de networking et indispensables au développement de mon marché de niche qu'est l'hôtellerie. Malgré ce manque de moyens flagrant et persistant je fais progresser mon marché,
o mars 2014 : les actionnaires me retirent mon équipe qui est répartie dans d'autres services,
o mai 2014 : on me sort de mon bureau privatif sous le motif qu'il manque un bureau pour installer de manière confidentielle un produit prévu en lancement et je me trouve déménagée dans le fond d'un open space. Ce produit sera finalement installé à un autre étage,
o le 22 mai 2014 : tu m'envoies des éléments de lecture liés à ma nouvelle fonction pour étude, en me précisant que je pourrai commencer dès l'officialisation par les RH,
o le 9 juin 2014 : tu m'annonces que les actionnaires ont changé d'avis et que finalement ils n'acceptent plus mon évolution de poste qu'ils avaient pourtant validé 3 semaines plus tôt.
J'aimerais de ta part une réponse qui me précise les raisons de ce revirement, suite à laquelle je prendrais mes dispositions.»
- des mails échangés en janvier 2015 avec sa supérieure hiérarchique Madame YD..., la directrice des ressources humaines Mme TK... et le directeur général Monsieur TM... par lesquels Mme P... indique avoir contesté le montant de sa rémunération variable « revue à la baisse au motif que le chiffre d'affaires 2014 était insuffisant » en sollicitant vainement de Madame TK... et de Monsieur TM... des explications,
- l'attestation de M. L... directeur commercial monde :
« J'ai rejoins la société LPG en tant que Directeur Commercial Monde en avril 2014 jusqu'en mars 2015. Durant cette période, je n'ai jamais entendu la Direction Générale parler d'objectifs pour Mme P.... J'ai par contre constaté le mépris affiché par la présidente Mme F... V... à son égard.
Ayant bénéficié d'une promotion à l'international de la part de Monsieur TM..., Directeur Général, Mme V... s'est empressée sans raison de lui enlever cette promotion.
À la suite de cela, Mme V... lui a retiré l'équipe que Mme P... avait sous ses ordres, coupé les budgets de son département et l'a finalement privée du bureau qu'elle occupait seule du fait de ses fonctions, pour la placer dans un espace ouvert, avec d'autres personnes.
Poursuivant ce qui m'est apparu comme du harcèlement, Mme V... a interdit à Mme P... tout voyage à l'extérieur pour visite ses clients, que ce soit en FRANCE ou à l'étranger.

À chacune de ses visites, Mme V... apostrophait ostensiblement Mme P... pour la rabaisser devant les autres employés, l'insulter et formuler publiquement à son encontre des critiques sans fondement, et ce malgré mes interventions en faveur de Mme P.... Les ventes de Mmes P... ont été dès lors portées sur d'autres départements que le sien.
Finalement, Mme V... m'a invité à trouver [une astuce] pour la licencier, en me demandant de chiffrer l'opération.
Lorsque j'ai demandé à Mme V... les raisons de ce projet, elle m'a répondu qu'elle était la patronne et qu'elle n'avait pas besoin de me donner des raisons. Du fait de ma résistance [et de l'absence de griefs susceptibles d'être reprochés à W... P...], j'ai dû moi-même subir les foudres de Mme V....
Si je devais m'expliquer l'attitude de Mme V..., je dirais que son mari, R... J..., dirigeant de fait, était très sensible aux charmes de Mme P.... (...)Pendant toute la période où j'ai été le directeur commercial Monde de LPG, je n'ai jamais entendu F... V... s'adresser à Madame P... sans la traiter de [conne, incapable, bête, idiote] ou même pire, sans savoir pourquoi puisque les résultats de Madame P... étaient en constante progression.
À plusieurs reprises, j'ai essayé de comprendre pourquoi elle maltraitait Madame P... qui sortait des réunions en pleurs. Jamais Madame V... n'a voulu me donner une réponse. Au contraire, elle s'énervait encore plus fort quand j'ai refusé de la licencier sans raison valable : [je n'ai pas besoin de raison, je suis le boss] a dit Madame V... en ajoutant [Tu la sautes ou quoi, pourquoi tu la défends].
Ça a été particulièrement dur pour moi de devoir annoncer à Madame P... que F... V... revenait sur sa décision de promotion qu'elle avait elle-même validé 3 semaines avant.
Madame V... avait été très claire : [n'importe qui d'autre mais pas elle !] J'ai essayé d'en apprendre plus par les personnes de l'entreprise qui ne comprenaient pas ce changement d'attitude [avant elle l'aimait beaucoup et aujourd'hui elle lui fait les pires crasses, triste.] »
- l'attestation de H... GO... :
« Entre 2013 et 2014, à l'occasion de points que nous faisions sur l'organisation et le budget du service marketing, à plusieurs reprises, F... V... a fait référence à W... P... en des termes dépréciateurs : [elle est chiante W...], [elle nous emmerde avec ses endermospa], [je m'en tape moi des endermospa], [elle ferait mieux de faire des ventes dans les spas]. Par ailleurs, étant en charge du pilotage budgétaire, j'ai pu constater que le budget des endermospas et des spas était l'un des premiers à être supprimés, notamment dès qu'il y avait des arbitrages budgétaires à faire. »
- l'attestation d'S... Y... :
« Elle était en très bons termes avec la Direction et les actionnaires et son travail était reconnu. Cela jusqu'en 2014 où leur attitude à son égard a changé de manière flagrante sans aucun lien relationnel avec ses performances ou son activité professionnelle. Cela s'est traduit par différentes décisions que je qualifierai de brimades : dissolution de son équipe, retour à un bureau en open-space au fond du plateau export, annulation de déplacements liés à son activité, désinvestissement budgétaire sur son marché et annonce d'une promotion par Monsieur L... finalement invalidée. Un enchaînement de décisions injustes, arbitraires et parfois humiliantes pour
Madame P... Une année psychologiquement très éprouvante pour elle que j'ai vu pleurer à plusieurs reprises, craquer dans son coin, jusqu'à son départ de l'entreprise en février 2015. »
- des prescriptions médicales de Lormetazepam, Mirtazapime, Olanzapine suivant consultations pour troubles du sommeil, maux de dents,
- un arrêt de travail pour syndrome dépressif du 5 février 2015 au 28 février 2015, et le dossier médical de la médecine du travail édité le 14 janvier 2016 suite à la visite de Mme R. le 10 février 2015.
Les agissements décrits par Mme P... sont corroborés par les attestations précises concordantes et circonstanciées ci dessus exposées qui ne peuvent être écartées au seul motif qu'elles émanent de salariés qui sont tous en litige prud'homal avec l'employeur.
Le changement de bureau, l'annulation de déplacements, la baisse de la partie variable de la rémunération de Mme P... et la non réalisation d'une promotion sont quant à eux établis en leur matérialité par les documents ci dessus rappelés.
L'ensemble des éléments ainsi produits, outre le harcèlement sexuel qu'a subi par la salariée juste avant ces faits laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Il appartient dès lors à la société LPG Systems d'établir que les agissements tels que décrits ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et ont une cause objective dont elle peut justifier.
Celle-ci soutient que le retrait de l'équipe de Mme P..., la baisse du budget de fonctionnement de son département ainsi que son changement de bureau sont sans lien avec sa personne mais ont pour cause la réorganisation de la société en raison de difficultés économiques rencontrées ; elle produit à cet effet le projet de licenciement économique de 6 salariés. Toutefois, les difficultés économiques de la société datent de l'année de 2012, elles n'expliquent donc pas des restrictions décidées en 2013 et 2014.
Elle soutient que, si Mme P... n'a pas obtenu le poste convoité de responsable Grands Comptes c'est parce que Monsieur GQ... avait un profil et une expérience mieux en adéquation avec le poste. La seule production du contrat de travail de ce salarié ne suffit pas à appuyer sa démonstration.
L'absence de dénonciation des faits par Mme R. au CHSCT comme à la médecine du travail (sa première visite n'étant intervenue qu'en février 2015) est sans incidence eu égard au contexte général de la relation de travail ci dessus rappelé.
Le fait, invoqué par l'employeur, que Mme P... connaissait une évolution salariale particulièrement satisfaisante, une augmentation de sa rémunération dans des proportions très importantes entre 2011 et 2013 et avait à sa disposition un véhicule de fonction, n'est pas incompatible avec les agissements dénoncés alors qu'il est avéré qu'elle n'a pas eu la promotion attendue et a connu une baisse importante et inexpliquée de sa rémunération variable en 2014.
En conséquence, la société LPG Systems ne fournit aucun élément objectif de nature à expliquer les agissements dénoncés par Mme P....
Ainsi, il est établi que Mme P... a subi des agissements répétés de harcèlement moral ayant eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale de compromettre son avenir professionnel.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il déboute la salariée de sa demande.
Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant du harcèlement moral et sexuel,
Les manquements constatés ouvrent droit à indemnisation du préjudice moral occasionné qui sera intégralement réparé par l'allocation de dommages-intérêts à concurrence de la somme de 15 000 euros à laquelle il convient de condamner la société LPG Systems » ;

1°) ALORS QU'il appartient au salarié d'établir, autrement que par ses seules allégations, la matérialité de faits précis et concordants pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement sexuel à son égard ; qu'en l'espèce, pour admettre que la salariée avait rapporté de tels éléments, la cour d'appel s'est fondée sur la photocopie d'une montre, de son paquet cadeau et du mot l'accompagnant, quatre appels téléphoniques de M. J..., dont l'objet n'a pas été précisé, trois SMS non datés qu'il lui avait adressés pour lui faire part de ses sentiments à son égard et la remercier « pour les trois heures », sans que les réponses de la salariée ne soient fournies, et sur des témoignages se bornant à rapporter les propos de cette dernière et à relater ses pleurs et son état de stress ainsi que l'annulation du déplacement de M. J... à une réunion à laquelle la salariée n'avait pas assisté (productions n°6 à 12) ; qu'en statuant ainsi, pour ensuite inviter l'employeur à justifier le comportement de M. J..., la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à caractériser que la salariée avait établi des éléments de faits précis faisant présumer un harcèlement sexuel, a privé sa décision de base au regard de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;

2°) ALORS QU'en matière prud'homale la preuve est libre ; qu'en l'espèce, pour établir que la salariée avait participé à un jeu de séduction réciproque avec M. J..., l'employeur avait versé aux débats le témoignage de ce dernier (production n°13) ; qu'en écartant ce témoignage au prétexte qu'il émanait de l'auteur du harcèlement, la cour d'appel a violé l'article 1315 devenu l'article 1353 du code civil, et le principe de la liberté de la preuve en matière prud'homale ;

3°) ALORS QUE les juges ne peuvent pas dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, dans son témoignage, M. J... avait indiqué que « mandaté par la société LPG pour accompagner son développement, j'ai été amené à collaborer avec Mme P... dans le cadre de ses fonctions de responsable des marchés des spas et des boutiques/salons LPG (Endermospas). Mme P... connaissait de réelles difficultés tant sur le plan personnel que dans l'avancée des projets qui lui avaient été confiés par l'entreprise LPG. Mme P... jouait de ses difficultés personnelles, professionnelles et de son charme, dans une ambiguïté totale. J'ai été effectivement touché par cette situation et j'ai pu par la parole et par des SMS, rentrer dans une logique de séduction. Pendant cette période je l'ai beaucoup aidé professionnellement car ses ennuis personnels nuisaient à son efficacité et à sa concentration
à aucun moment pendant cette période, elle ne m'a signifié qu'elle souhaitait ne pas poursuivre cette relation. (
) S'agissant de M. GM..., je lui avais demandé de servir d'intermédiaire pour remettre à Mme P... une montre de marque, cadeau qui avait pour objectif de provoquer une réaction et éclaircir cette relation ambiguë. C'est à cette occasion que Mme P... m'a indiqué qu'elle ne pouvait accepter ce cadeau bien qu'elle ne l'a jamais retourné
C'est d'ailleurs à cette période (été 2013) que les échanges personnels entre Mme P... et moi-même ont cessé » (production n°13) ; qu'il résultait de ce témoignage que la salariée avait participé à un jeu de séduction réciproque qui avait cessé une fois qu'elle avait indiqué ne pas pouvoir accepter le cadeau fait par M. J... ; qu'affirmant que le témoignage de M. J... accréditait le fait que la salariée n'était pas consentante, la cour d'appel a dénaturé ce document en violation du principe susvisé ;

4°) ALORS QUE le harcèlement sexuel est constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés portant atteinte à la dignité de la victime en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, ou créant à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; qu'en l'espèce, en retenant quatre appels téléphoniques adressés par M. J... à la salariée, trois SMS par lesquels il lui avait fait part de ses sentiments à son égard et la remerciait « pour les trois heures », et le cadeau que la salariée avait conservé, faisant ainsi preuve d'une certaine ambiguïté, la cour d'appel n'a pas caractérisé des agissements de harcèlement sexuel et partant a violé les articles L. 1153-1 et L. 1154-1 du code du travail, alors applicables.


DEUXIEME MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes en indemnisation du harcèlement sexuel et du harcèlement moral subis ainsi que du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, d'AVOIR statuant à nouveau des chefs d'infirmés, condamné l'employeur à payer à la salariée de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant du harcèlement moral et sexuel, et de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant du manquement à l'obligation de sécurité de résultat, d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à la salariée les sommes de 10 000 euros de rappel de commission variable, de 1 000 euros de congés payés afférents, et de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il a condamné l'employeur aux dépens et frais d'exécution du jugement, d'AVOIR y ajoutant, dit que les créances indemnitaires étaient productives d'intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, d'AVOIR dit que les créances salariales étaient productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, d'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 devenu 1343-2, du code civil, d'AVOIR condamné l'employeur à payer à la salariée une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR débouté l'employeur de sa demande d'indemnité de procédure, d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Mme P... a produit :
(
) - des mails échangés en janvier 2015 avec sa supérieure hiérarchique Madame YD..., la directrice des ressources humaines Mme TK... et le directeur général Monsieur TM... par lesquels Mme P... indique avoir contesté le montant de sa rémunération variable « revue à la baisse au motif que le chiffre d'affaires 2014 était insuffisant » en sollicitant vainement de Madame TK... et de Monsieur TM... des explications,
(
) Le fait, invoqué par l'employeur, que Mme P... connaissait une évolution salariale particulièrement satisfaisante, une augmentation de sa rémunération dans des proportions très importantes entre 2011 et 2013 et avait à sa disposition un véhicule de fonction, n'est pas incompatible avec les agissements dénoncés alors qu'il est avéré qu'elle n'a pas eu la promotion attendue et a connu une baisse importante et inexpliquée de sa rémunération variable en 2014.
(
) Sur la demande de rappel de commission variable et 1 000 euros à titre de congés payés y afférents
Il découle des développements qui précèdent que l'employeur n'avait aucune raison valable de priver la salariée d'une partie de sa rémunération au prétexte d'une baisse de résultat non objectivement constatée, manquant ainsi à son obligation de paiement du salaire.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande et alloué la somme de 10 000 euros à titre de rappel de commission variable et celle de 1 000 euros à titre de congés payés y afférents » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « pour « prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention », Mme P... allègue des arguments suivants, selon les dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civil :
- (
- Aucun objectif n'a été fixé par la société, notamment l'annexe des objectifs, mentionnée à l'article 4 de son contrat de travail qui ne lui a jamais été fourni malgré sa demande en lettre RAR (pièces 3 et 19 demandeur)
(
.)
Après avoir étudié les pièces des deux parties, le conseil constate que :
- (
) L'annexe d'objectifs au contrat de travail n'est pas versée au débat. De sorte que l'intégralité de la rémunération variable est due au salarié
(
)
- Des commissions variables sur résultats ne lui ont pas été payées
(
)
En conséquence, le conseil :
Dit et juge que la rupture du contrat de travail de Mme P... est intervenue sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la SA LPG Systems à verser à Mme P... les sommes suivants :
- 43 000 € au titre de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle selon les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail
- 10 000 € de rappel de commission variable au titre de violation par la SA LPG Systems des articles 1101 et 1102 du code civil et l'article 4 du contrat de travail
- 1 000 € de congé payé y afférents » ;

1°) ALORS QUE les juges ne peuvent pas dénaturer les documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, il résultait des mails échangés en janvier 2015 entre la salariée et sa supérieure hiérarchique, Mme YD..., la directrice des ressources humaines, Mme TK... et le directeur général, M. TM..., qu'informée par Mme YD..., du fait que la salariée n'était pas d'accord sur le montant de la rémunération variable qui lui avait été proposé pour 2014, Mme TK... avait proposé de discuter avec elle lors d'un entretien fixé au 2 février 2015, que la salariée avait accepté (production n°14) ; qu'en affirmant, pour dire que l'employeur n'avait aucune raison valable de priver la salariée d'une partie de sa rémunération au prétexte d'une baisse de résultat non objectivement constatée et que la salariée avait connu une baisse importante et inexpliquée de sa rémunération variable en 2014, qu'elle produisait des mails échangés en janvier 2015, par lesquels elle indiquait avoir contesté le montant de sa rémunération variable « revue à la baisse au motif que le chiffre d'affaires 2014 était insuffisant » en sollicitant vainement de Mme TK... et de M. TM... des explications,, la cour d'appel a dénaturé les mails susvisés, en violation du principe faisant interdiction aux juges de dénaturer les documents de la cause ;

2°) ALORS subsidiairement QU'il appartient au salarié qui sollicite le paiement d'une créance d'établir, et aux juges de la caractériser, l'existence de cette créance, dans son principe et dans son quantum ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que la salariée avait perçu la rémunération variable contractuellement convenue ; qu'il avait versé aux débats le contrat de travail de la salariée dont l'article 4 prévoyait que la rémunération variable de la salariée s'élevait à la somme de 15 000 euros (production n°15) ainsi que son bulletin de salaire de février 2015 indiquant que la salariée avait perçu la somme de 15 000 euros à titre de rémunération variable 2014 (production n°16) ; que pour faire droit à la demande en paiement de la somme de 10 000 euros au titre de la rémunération variable formée par la salariée, la cour d'appel a, par motifs adoptés, retenu que l'annexe d'objectifs au contrat de travail de la salariée n'avait pas été versée aux débats et que l'intégralité de la rémunération était alors due à la salariée, et par motifs propres, que l'employeur n'avait aucune raison valable de priver la salariée d'une partie de sa rémunération au prétexte d'une baisse de résultats non objectivement constatée ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a, à aucun moment précisé le montant contractuellement prévu au titre de la rémunération variable 2014, et n'a ainsi pas caractérisé ni dans son principe ni dans son quantum, l'existence d'une créance de euros de l'employeur à l'égard de la salariée, a privé sa décision de base légale au regard des articles des articles 1134 devenu les articles 1103 et 1104 du code civil et de l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 1315 devenu 1353 du code civil.


TROISIEME MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes en indemnisation du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, d'AVOIR statuant à nouveau, condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant du manquement à l'obligation de sécurité de résultat, d'AVOIR confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et frais d'exécution du jugement, d'AVOIR y ajoutant, dit que les créances indemnitaires étaient productives d'intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, d'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 devenu 1343-2, du code civil, d'AVOIR condamné l'employeur à payer à la salariée une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR débouté l'employeur de sa demande d'indemnité de procédure, d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant du harcèlement moral et sexuel,
Les manquements constatés ouvrent droit à une indemnisation du préjudice moral occasionné qui sera intégralement réparé par l'allocation de dommages-intérêts à concurrence de la somme de 15 000 euros à laquelle il convient de condamner la société LPG Systems.
(
) Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale et fautive du contrat de travail et manquement à l'obligation de sécurité de résultat
Les manquements de la société LPG Systems à l'exécution de bonne foi du contrat de travail de Mme R. en matière de paiement des heures supplémentaires et de dépassement de la durée hebdomadaire de travail, ne sont pas reconnus par la cour.
Mais l'obligation de sécurité à laquelle est tenu l'employeur lui impose d'adopter les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs.
Or, les justificatifs des démarches effectuées par la Société LPG SYSTEMS en matière de prévention des risques psycho-sociaux sont insuffisants à justifier de ses diligences.
L'absence de toute mesure prise par la société LPG Systems pour remédier aux agissements de harcèlement sexuel puis moral subis par Mme P... et pour les faire cesser caractérise le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.
Il sera alloué à la salariée une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts par voie d'infirmation du jugement déféré » ;

1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur les deux premiers moyens entraînera, par voie de conséquence, la censure de l'arrêt en ce qu'il a accordé à la salariée des dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE l'employeur ne peut se voir reprocher de ne pas avoir pris des mesures propres à faire cesser des faits susceptibles de caractériser un harcèlement moral et sexuel, que s'il a une connaissance suffisante de ceux-ci ; qu'en l'espèce, il était constant que la salariée n'avait pas informé son employeur du harcèlement sexuel dont elle s'estimait victime (conclusions d'appel de l'exposante p.12 ; conclusions d'appel adverses p. 5 § 3 ; arrêt p.10) ; que l'employeur faisait valoir avec offre de preuve que la salariée n'avait informé le directeur général de prétendus agissements de harcèlement moral que deux jours avant la tenue de l'entretien préalable à son licenciement (conclusions d'appel de l'exposante p. 16 ; production n°17) ; que pour condamner l'employeur à verser à la salariée la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité, la cour d'appel s'est uniquement fondée sur l'absence de toute mesure prise pour remédier aux agissements de harcèlement sexuel puis moral subis par la salariée et pour les faire cesser (arrêt p.14) ; qu'en statuant ainsi, sans constater que l'employeur avait connaissance de ces agissements, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1 et L. 4121-1 du code du travail, dans leurs rédactions applicables au litige ;

3°) ALORS QU'en vertu du principe de la réparation intégrale du préjudice, les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi par elle sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en allouant à la salariée, outre des dommages et intérêts pour le harcèlement sexuel et moral subi en cours d'exécution du contrat de travail, des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat résultant de l'absence de mesures prises pour remédier aux agissements de harcèlement sexuel puis moral subis par la salariée et pour les faire cesser, sans caractériser en quoi le préjudice ainsi réparé était distinct de celui déjà indemnisé au titre du harcèlement sexuel et moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de réparation intégrale du préjudice, de l'article 1147 devenu 1231-1 du code civil, ensemble les articles L. 1222-1 et L. 4121-1 du code du travail, dans leurs rédactions applicables.


QUATRIEME MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR infirmé le jugement sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR statuant à nouveau, condamné l'employeur à payer à la salariée la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a condamné l'employeur à payer à la salariée les somme de 1 670 euros d'indemnité légale de licenciement, de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a prononcé d'office le remboursement par l'employeur aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à la salariée, du jour de la rupture du contrat de travail le 22 juin 2015, au jour du jugement prononcé, dans le limite de six mois d'indemnités de chômage, selon les dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, en ce qu'il a ordonné la communication du jugement au Pôle Emploi, conformément aux dispositions de l'article R. 1235-2 du code du travail, et en ce qu'il a condamné l'employeur aux dépens et frais d'exécution du jugement, d'AVOIR y ajoutant, dit que les créances indemnitaires étaient productives d'intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, d'AVOIR dit que les créances salariales étaient productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, d'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 devenu 1343-2, du code civil, d'AVOIR condamné l'employeur à payer à la salariée une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, d'AVOIR débouté l'employeur de sa demande d'indemnité de procédure, d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens de première instance et d'appel ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail :
La lettre de licenciement en date du 20 mars 2015 est ainsi rédigée :
« Madame,
Vous avez été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement le jeudi 19 février 2015 dans nos locaux de Valence.
Vous vous êtes présentée à cet entretien et vous étiez accompagnée par un de vos collègues P. AF....
Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse pour les raisons que nous vous exposons ci-dessous.
Vous êtes employée en CDI chez LPG systems depuis le 21 juillet 2008, vous êtes actuellement Business developer SPA et centres LPG, cadre position II, indice 114 de la CCN de la métallurgie.
Voici les éléments pour lesquels nous avons souhaité vous entendre :
Afin de mener à bien votre mission vous êtes tenue d'exécuter vos fonctions dans le respect de vos contrats de travail, définition de fonction et selon les objectifs et les directives qui vous ont été fixés.
La relative autonomie dont vous disposez ne doit pas nuire au niveau d'activité attendu : nous constatons cependant des écarts significatifs, vous ne remplissez pas votre mission telle que l'entreprise est en droit de l'attendre, vous ne vous donnez pas les moyens de réussir.
Ainsi, à titre d'exemple :
Selon les objectifs quantitatifs attendus, vous devez ouvrir des endermospas et vendre des machines (et autres produits) dans les HTT en France et à l'Export.
Cela n'est pas la première fois que nous vous faisons remarquer la baisse de vos résultats, que vous contestez à l'appui de chiffres « auto déclarés » différents de ceux de l'entreprise,
Nous nous sommes inquiétés de la véracité de vos informations et avons mené une analyse qui nous a permis d'établir que :
Force est de constater que depuis plusieurs années vos résultats « endermospa » sont en baisse notable et insuffisants : vous avez ouvert 4 spas en 2013 et 3 en 2014, et vendu selon vos déclarations 23 machines en 2012, 11 en 2013 et 6 en 2014.
Vos ventes HTT en France baissent d'année en année, nous enregistrons une baisse en volume et en CA de plus de 50 % en 4 ans, avec un mix produit qui se dégrade.

Vos commissions sur vente directe ont d'ailleurs baissé de 33 % entre 2013 et 2014, ce qui traduit bien votre insuffisance d'activité.
Par une présentation opaque de votre activité et de son suivi, nous constatons que les chiffres que vous produisez profitent à votre propre système de rémunération,
Vous confondez le CA réalisé par l'entreprise et tenu par le service contrôle de gestion et votre propre calcul, arbitraire de CA, chaque machine étant supposée vendue au prix catalogue, ce qui vous permet de vanter vos performances d'une année sur l'autre, j'attire votre attention sur le fait que toutes vos machines sont vendues avec des remises,
Vous rajoutez des ventes passées en 2013 sur vos résultats 2014, au prétexte qu'elles ont été livrées en 2014,
Vous omettez l'existence d'avoir, ils sont nombreux en 2014,
Mieux vous continuez de contester nos données d'entreprise afin de vous faire attribuer des variables,
Votre activité de suivi de vos clients est caractérisée par une réelle insuffisance terrain et d'animation commerciale, et cela n'est pas la première fois que cela est évoqué avec vous,
Pour preuve, nous recevons des plaintes récurrentes de clients vous concernant, pour votre non suivi et non implication dans les dossiers les concernant. A titre d'exemple : endermospa Londres (absence de carte de soin à l'ouverture), absence de mise à jour de formation sur la Suisse, AMAVITA (refus de vous parler), manoir de Tourgeville (la spa manager passe par d'autres services LPG en direct), Sofitel Biarritz (vous n'êtes pas au courant de la vente d'un endermolab par un client wellness), Mme IF... à Paris n'est pas suivie, nous avons relevé des problèmes concernant l'intervention au spa symposium de Bologne'.
D'ailleurs, au regard de votre activité, nous ne pouvons que constater une baisse de vos déplacements chez les clients ou prospects, de présence sur des salons ' Ainsi, nous avons enregistré une baisse de 39 % de votre activité terrain entre 2012 et 2014.
Enfin, vous n'avez pas produit de plan de communication, d'analyse de son efficacité et des résultats des actions marketing, ce qui n'est pas conforme aux directives ni aux engagements contractuels qui sont les vôtres. Nous ne pouvons que faire le constat de l'absence de propositions et de perspectives, vous n'êtes pas force de proposition comme le prévoit votre statut,
De fait, vous agissez en électron libre, vous organisez votre mission comme bon vous semble et confondez l'autonomie liée à votre fonction avec l'indépendance que vous développez de plus en plus, et le non-respect des règles et objectifs de l'entreprise.
L'ensemble de ces éléments caractérisent votre insuffisance professionnelle.
Lors de l'entretien préalable, vous avez contesté l'ensemble de ces faits, et exprimé vos arguments de défense pour chacun d'entre eux.
Ces arguments n'ont pas modifié notre appréciation de la situation.

Dans ces conditions, il nous parait impossible de maintenir notre relation contractuelle et nous mettons fin à votre contrat.»
Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige sur les motifs du licenciement d'un salarié, il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et de former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Il incombe à l'employeur d'établir les motifs à l'origine du licenciement, ceux-ci devant être matériellement vérifiables.
Pour justifier le licenciement, l'insuffisance professionnelle doit reposer sur des éléments objectifs, matériellement vérifiables.
La société LPG verse divers documents (graphiques) : l'évolution des ventes HTT SPA, l'évolution des dépenses Marketing et Fonctionnement l'évolution des dépenses Marketing HTT SPA détail SAP, le détail SAP des ventes HTT SPA 2014 , le tableau détaillé des ventes, les dossiers des ventes France 2014 sur lesquels apparaît un fléchissement des résultats en 2014.
La salariée a contesté chacun des griefs dans une lettre adressée à l'employeur le 8 juillet 2015.
Analysant chacun des griefs visés dans la lettre de licenciement, à la lumière des pièces produites de part et d'autre, la cour constate :
1/ quant au grief de non atteinte des objectifs
- que l'employeur ne produit pas de document ayant valeur contractuelle permettant de démontrer l'existence d'objectifs qui auraient été fixés ;
2/ quant au grief de baisse d'ouverture de « Endermospa »
- qu'il n'est pas démontré que l'insuffisance reprochée à Mme P... provient de circonstances autres qu'extérieures à l'action de la salariée ;
3/ quant au grief de baisse des ventes Hôtels Thermes Thalassos (HTT)
- que Mme P... démontre que les ventes HTT intervenues entre 2013 et 2014 ont stagné en France et ont augmenté à l'export passant de 34 à 48 ventes ; qu'au total, le résultat a augmenté de 45 à 59 ventes entre ces deux années,
4/ quant au grief de présentation opaque de l'activité de Mme P...
- que Mme P... justifie de ce que le détail des ventes facturées en France en 2014 pour le marché HTT, correspond bien à un volume de 22 machines
5/ quant au grief d'insuffisance de l'activité de suivi des clients :
- qu'aucune plainte de client n'est versée aux débats par l'employeur.
6/ quant au grief de réalisation d'un plan de communication, d'analyse
- qu'il n'est pas justifié de ce que la baisse dans le domaine marketing est pas imputable à la salariée.
Surtout, la société LPG Systems affirme, sans en apporter la preuve, avoir préalablement mis en garde la salariée d'avoir à corriger les insuffisances reprochées.

Il s'ensuit que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ce qu'a exactement jugé le conseil de prud'hommes dont la décision sera confirmée.
Sur la nullité du licenciement
Mme P... soutient que le véritable motif du licenciement est le harcèlement sexuel dont elle a été victime suivi du harcèlement moral de l'employeur.
Elle sollicite qu'il soit jugé que le licenciement est directement en relation avec ce(s) harcèlement(s), que soit prononcée la nullité du licenciement et que lui soit allouée une indemnité équivalente à 12 mois de salaire.
L'annulation d'un licenciement en raison du harcèlement moral subi par le salarié ne peut être prononcée que s'il est établi que le salarié a été licencié pour avoir subi ou refusé de subir de tels agissements.
Il n'est pas établi que les insuffisances reprochées à Mme P... soient la conséquence des agissements de harcèlement sexuel et moral qu'elle a subis ni que c'est en raison de ces faits qu'elle a été licenciée pour insuffisance professionnelle.
En considération de son âge (43 ans) de son ancienneté (7 ans) de sa rémunération (5.795,81 euros), de sa capacité à retrouver un emploi, le préjudice résultant du licenciement de Mme P... qui n'est pas nul mais dépourvu de cause réelle et sérieuse sera intégralement indemnisé par l'allocation de la somme de 60.000 euros.
Sur les intérêts :
Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.
Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 devenu 1343-2, du code civil.
Sur l'application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail L'effectif de l'entreprise étant supérieur à 11 salariés et Mme P... ayant plus de deux ans d'ancienneté, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il ordonne le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités chômage payées à Mme P... du jour du licenciement au jour de la présente décision dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur la rupture du contrat de travail, les sommes de :
- 94 549,69 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle
- 10 000 € de rappel de commission variable
- 1 000 € de congé payé y afférents
que l'article 1134 du code civil dispose que « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
que l'article 1101 du code civil dispose que « le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelquechose »
que l'article 1102 du code civil dispose que « le contrat est synallagmatique ou bilatéral lors que les contractants s'obligent réciproquement les uns envers les autres. »
que l'article L 1222-1 du code du travail dispose que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi ».
que l'article 6 du code de procédure civile dispose que « à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder ».
que l'article 9 du code de procédure civile dispose que : « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention ».
que l'article 1162 du code civil dispose que « dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation. »
que l'article L1235-1 du code du travail dispose que : »le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqué par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie. Si un doute subsiste, il profite au salarié. »
que l'article 12 du code de procédure civile dispose que « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée (
) ; »
que l'article L1235-3 du code du travail dispose que : « si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octrois une indemnité au salarié. Cette indemnité à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. »
en droit que » dans le cadre de l'exécution du contrat de travail, la bonne foi est réciproque. Le contrat doit être exécuté avec loyauté.
L'insuffisance de résultats ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement ; pour que le p-licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, il doit être démontré par l'employeur que le fait de ne pas avoir atteint les objectifs résultait d'une insuffisance professionnelle du salarié licencié.
L'insuffisance de résultat ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement que pour autant que le quota contractuel n'ait jamais été atteint malgré les mises en garde de l'employeur ; qu'en tout état de cause, il importe que les objectifs fixés par l'employeur présentent un caractère réaliste, c'est-à-dire correspondant à des normes sérieuses et raisonnables ; que les résultats ne doivent pas trouver leur explication dans une conjoncture étrangère à l'activité personnelle du salarié, ni dans le choix fait par l'employeur en matière de politique commerciale ; que quand bien même des résultats médiocres sont imputés à un salarié, ils ne caractérisent pas pour autant une cause réelle et sérieuse de licenciement, alors que cette médiocrité s'était manifesté dans des résultats d'autres salariés remplissant les mêmes fonctions ; que le licenciement pour ce motif n'est pas non plus justifié lorsque la persistance des mauvais résultats d'un établissement n'est pas imputable aux insuffisances du salarié, ce dernier ayant déjà fait ses preuves, mais à la situation particulière du dit établissement placé dans un contexte de concurrence accrue ; que les objectifs, quoi qu'il en soit, doivent être réalistes et raisonnables.
Les reproches liés à l'insuffisance professionnelle du salarié doivent s'inscrire dans la carrière de celui-ci. Une défaillance passagère démentie par le passé professionnel du salarié ne peut donc pas constituer, en elle-même, un motif pour licencier.
L'allégation d'insuffisance professionnelle doit reposer sur une base sérieuse, objective, circonstanciée et vérifiable, imputables personnellement au salarié.
Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse lorsque l'insuffisance professionnelle alléguée n'était pas la véritable cause du licenciement (Cass. Soc 20.09.2006 N°04-48.341)
La lettre de licenciement fixe les limites du litige. Elle doit reposer sur une cause réelle et sérieuse c'est-à-dire sur des faits vérifiables et suffisamment avérés, et des motifs précis.
En matière de licenciement pour cause réelle et sérieuse, la charge de la preuve repose sur les deux parties. Les juges vérifient les causes exactes du licenciement.
En l'espèce :
Par sa RAR du 19 décembre 2016, la SA LPG Systems allègue des motifs, qui selon elle, justifieraient le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme P....
Sur la forme,
La lettre de licenciement est recevable en droit et fixe les limites du litige.
Sur le fond,
La lettre de licenciement fait état :
- que la salariée ne se « donne pas les moyens de réussir »
- d'un manque d'atteinte une « baisse de vos résultats depuis plusieurs années »
quant à l'ouverture des « Endermospas » et « la vente des machines », « selon les objectifs quantitatifs attendus »
- « présentation opaque de l'activité » de la salariée
- une « insuffisance terrain et d'animation commerciale » en terme de clients, traduite par « plaintes récurrentes de clients et une baisse de vos déplacements ou prospects, de présence sur des salons
»
- pas de production de « plan de communication, d'analyse de son efficacité et des résultats des actions marketing, absence de force de proposition »
pour « prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention », Mme P... allègue des arguments suivants, selon les dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civil :
- la SAS ne fait aucune démonstration de la réalité des faits mentionnés dans la lettre de licenciement.
- Mme P... touchait à 100% du plafond des primes en 2012et 2013 (pièce 8 demandeur).
- l'historique de ses déplacements (pièce 44 et 47 demandeur)
- Aucune sanction disciplinaire avant son licenciement
- De nombreuses félicitations sur la qualité de son travail (pièce 33 à 42à
- Aucun objectif n'a été fixé par la société, notamment l'annexe des objectifs, mentionnée à l'article 4 de son contrat de travail qui ne lui a jamais été fourni malgré sa demande en lettre RAR (pièces 3 et 19 demandeur)
- L'atteinte d'un chiffre d'affaire supérieur aux années précédentes sur les ventes « Endermospa » (pièce 32 demandeur)
- La diminution du nombre de SPAS ouverts en 2013/2014 est imputable à la société qui en a exigé la diminution par mail du 5 décembre 2013 pour les « limiter au strict minimum » en 2014 (pièces 43, 48 , 49, 50 demandeur)
- Une coupe budgétaire engendrait des annulations d'évènements commerciaux et marketings (pièces 22 adverse, pièces 52 et 53 demandeur, - Le chiffre d'affaire des « Endermospa » a malgré tout légèrement augmenté en 2014 (pièce 32 demandeur)
- Les tableaux de bord des résultats ventes directes HTT en augmentation, validés par sa hiérarchie (pièce 32 demandeur)
- Les plans de communication ont bien été transmis par mails de 21 novembre 2013 et 20 mars 2014 (pièces 37 et 74 demandeur)
Contradictoirement, à l'appui de sa prétention, la société affirme que :
- Les chiffres transmis par la salariée ne sont pas exacts et ne correspondent pas à ceux obtenus par ladite SA, sans toutefois communiquer ses chiffres - Les résultats sur le secteur en question malgré une demande officiel du conseil de Mme P... (pièce 96 demandeur). Seul est versé au débat un tableau, fait par l'employeur (pièce 21 adverse) qui démontre une stagnation, voire une augmentation, et non pas 33% de baisse entre 2013 et 2014.
Après avoir étudié les pièces des deux parties, le conseil constate que :
- la SA LPG Systems n'apporte pas les preuves de ses prétentions et fait même preuve de mauvaise foi de son interprétation des chiffres.
- L'annexe d'objectifs au contrat de travail n'est pas versée au débat. De sorte que l'intégralité de la rémunération variable est due au salarié
- La SA LPG Systems ne conteste pas le passé professionnel de la plaignante, au contraire. Par contre, ladite SA remet en cause les résultats professionnelles de la plaignant sur le dernier exercice uniquement de la relation contractuelle (2013/2014) alors même que Mme P... avait reçu touchait à 100% du plafond des primes en 2012 et 2013
- Une baisse dans le domaine marketing n'est pas imputable à la salariée mais à l'entreprise
- Aucune plainte client n'est versée au débat
- Mme P... n'a pas été remplacée par un personnel recruté en externe, après son licenciement
- Des commissions variables sur résultats ne lui ont pas été payées
- La charge de la preuve reposant sur les deux parties, la plaignante a suffisamment contesté les griefs qui lui sont opposés dans la lettre de licenciement.
- Contradictoirement la SA LPG Systems échoue à démontrer l'insuffisance professionnelle alléguée.
- Les griefs invoqués pour motiver le licenciement pour insuffisance professionnelle ne sont ni réels, ni a fortiori sérieux.
En conséquence, le conseil :
Dit et juge que la rupture du contrat de travail de Mme P... est intervenue sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la SA LPG Systems à verser à Mme P... les sommes suivants :
- 43 000 € au titre de dommage et intérêts pour licenciement sans cause réelle selon les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail
- 10 000 € de rappel de commission variable au titre de violation par la SA LPG Systems des articles 1101 et 1102 du code civil et l'article 4 du contrat de travail
- 1 000 € de congé payé y afférents » ;

1°) ALORS QU'il appartient au salarié d'établir, et aux juges de caractériser, que les carences qui lui sont reprochées sont liées aux causes extérieures qu'il invoque ; qu'en l'espèce, dans la lettre de licenciement, il était reproché à la salariée une baisse d'ouverture des « Endermospa » que celle-ci ne contestait pas, soutenant seulement qu'elle était imputable à des circonstances extérieures (conclusions d'appel adverses p.45 in fine) ; qu'en retenant qu'il n'était pas démontré que l'insuffisance reprochée à la salariée provenait de circonstances autres qu'extérieures à l'action de la salariée, sans caractériser ni à tout le moins préciser les circonstances extérieures justifiant la baisse d'ouverture de « Endermospa », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail, alors applicables ;

2°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, il ne résultait pas des pièces produites par la salariée numérotées 43 et 48 à 50 que l'employeur aurait exigé par mail du 5 décembre 2013 la diminution du nombre de spas ouverts en 2013/2014 pour les « limiter au strict minimum » en 2014 (productions n°18 à 21) ; qu'en se fondant par motifs adoptés sur les pièces produites par la salariée numérotées 43 et 48 à 50, pour affirmer que la diminution du nombre de spas ouverts en 2013/2014 était imputable à l'employeur qui en aurait exigé la diminution par mail du 5 décembre 2013 pour les « limiter au strict minimum » en 2014, la cour d'appel a dénaturé ces documents, en violation de l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

3°) ALORS QUE nul ne peut se constituer de preuve à soi-même ; qu'en se fondant, par motifs adoptés, sur un courriel du 5 décembre 2013 établi par la salariée elle-même (production n°18) pour affirmer que la diminution du nombre de spas ouverts en 2013/2014 était imputable à l'employeur qui en aurait exigé la diminution par mail du 5 décembre 2013 pour les « limiter au strict minimum » en 2014, la cour d'appel a violé l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;

4°) ALORS QUE tenus de motiver leur décision, les juges ne peuvent statuer par voie de simple affirmation, sans indiquer l'origine de leurs constatations ; qu'en l'espèce, étaient versés aux débats, un mail du 16 janvier 2015 de la salariée et un tableau des ventes HTT en 2014 établi par cette dernière selon lesquels le chiffre d'affaire de 520 850 euros correspondait à 23 machines vendues en France en 2014 (productions n°22 et 23) ; que l'employeur avait, quant à lui, produit une extraction de son système informatique SAP recensant l'ensemble des ventes France pour un montant total de 370 442 euros (production n°24) ; qu'en affirmant péremptoirement que la salariée justifiait de ce que le détail des ventes facturées en France en 2014 pour le marché HTT, correspondait bien à un volume de 22 machines, sans préciser d'où elle tirait ces constatations, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE l'insuffisance professionnelle constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement dès lors qu'est établie incapacité du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante, peu important que l'employeur ne l'ait pas interpellé sur ses carences ; qu'en retenant à l'appui de sa décision qu'avant de procéder à son licenciement, l'employeur n'avait pas mis en garde la salariée d'avoir à corriger les insuffisances reprochées (arrêt p.16 § 13), la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et partant a privé sa décision de base légale au regard des articles L.1232-1, L.1235-1, et L.1235-3 du code du travail, alors applicables.