Vu les procédures suivantes :
I - Par une requête enregistrée le 5 mai 2022 sous le n° 2200973, le syndicat professionnel Chambre FNAIM de l'immobilier Béarn-Bigorre-Pays Basque, la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM), M. F B, Mme M C, épouse B, et M. E L, représentés par Me Orabe, demandent au tribunal :
1°) d'annuler la délibération du 5 mars 2022 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays Basque a adopté le règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage de locaux d'habitation pour les locations meublées de courtes durées et déterminant les compensations, en application des articles
L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;
2°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Pays Basque une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la délibération a été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que les conditions de convocation des conseillers communautaires résultant des articles
L. 2121-10 et
L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales n'ont pas été respectées ;
- le règlement a été adopté en méconnaissance du principe de proportionnalité au regard des critères posés par la Cour de justice de l'Union européenne dans sa décision du 22 septembre 2020, C-724/18, dès lors que les modalités de l'obligation de compensation prévues sont trop contraignantes, et équivalent à une interdiction de louer, et que des mesures moins contraignantes pouvaient permettre d'atteindre le même objectif ;
- le règlement a été adopté en méconnaissance du principe de non-discrimination, en prévoyant un régime spécifique qui ne pourra s'appliquer que dans les villes estudiantines d'une part, et pour les seules personnes physiques, d'autre part ;
- la règlementation méconnait l'article
L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, dès lors que les règles de compensation sont trop générales et ne sont pas adaptées aux spécificités de chaque commune concernée ;
- la délibération est entachée d'un détournement de procédure et de pouvoir, dès lors que l'obligation de compensation prévue dans la règlementation a pour but d'interdire les locations meublées de courtes durées et non de les réguler.
Par un mémoire, enregistré le 5 octobre 2022, Mme C, épouse B, et M. B déclarent se désister purement simplement de leur requête.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2023, la communauté d'agglomération du Pays Basque, représentée par Me Gauci, conclut à ce qu'il soit donné acte du désistement des époux B, au rejet de la requête, à titre principal pour irrecevabilité et à titre subsidiaire au fond, à ce qu'il soit mis à la charge des requérants une somme de 3 000 euros, au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les requérants n'ont pas d'intérêt à agir ;
- aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par une ordonnance du 16 janvier 2023 la clôture de l'instruction a été reportée, en dernier lieu, au 30 janvier 2023.
Un mémoire, présenté pour la communauté d'agglomération, a été enregistré le 24 janvier 2023.
Un mémoire, présenté pour les requérants, a été enregistré le 30 janvier 2023.
II - Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2022 sous le n° 2202068, et un mémoire enregistré le 13 janvier 2023, le syndicat professionnel Chambre FNAIM de l'immobilier Béarn-Bigorre-Pays Basque, la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM), la société par actions simplifiée unipersonnelle Fredefon, la société à responsabilité limitée unipersonnelle Immobilier Conseils, et M. E L, représentés par Me Orabe, demandent au tribunal :
1°) d'annuler la délibération du 9 juillet 2022 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays Basque a modifié le règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage de locaux d'habitation pour les locations meublées de courtes durées et déterminant les compensations en application des articles
L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation ;
2°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Pays Basque une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la délibération a été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que les conditions de convocation des conseillers communautaires des articles
L. 2121-10 et
L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales n'ont pas été respectées ;
- le règlement a été adopté en méconnaissance du principe de proportionnalité au regard des critères posés par la Cour de justice de l'Union européenne dans sa décision du 22 septembre 2020, C-724/18, dès lors que les modalités de l'obligation de compensation prévues sont trop contraignantes, et équivalent à une interdiction de louer, alors même que le nouvel article 3.1 du règlement a introduit la possibilité d'acquérir des droits de commercialité ;
- le règlement a été adopté en méconnaissance du principe de non-discrimination, en prévoyant un régime spécifique qui ne pourra s'appliquer que dans les villes estudiantines d'une part, et pour les seules personnes physiques d'autre part ;
- la règlementation méconnait l'article
L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, dès lors que les règles de compensation ne sont pas adaptées aux spécificités des communes ;
- la délibération est entachée d'un détournement de procédure et de pouvoir, dès lors que l'obligation de compensation prévue dans la règlementation a pour but d'interdire les locations meublées de courtes durées et non de les réguler.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2023, la communauté d'agglomération du Pays Basque, représentée par Me Gauci, conclut au rejet de la requête, à titre principal pour irrecevabilité et à titre subsidiaire au fond, à ce qu'il soit mis à la charge des requérants une somme de 3 000 euros, au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les requérants n'ont pas d'intérêt à agir ;
- aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par une ordonnance du 16 janvier 2023 la clôture de l'instruction a été reportée, en dernier lieu, au 1er février 2023.
Un mémoire, présenté pour la communauté d'agglomération, a été enregistré le 24 janvier 2023.
Un mémoire, présenté pour les requérants, a été enregistré le 31 janvier 2023.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'ordonnance n° 2300114 du 26 janvier 2023 du juge des référés.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dite directive " services " ;
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code du tourisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique tenue le 10 février 2023 à 10 h 00 :
- le rapport de Mme A,
- les conclusions de Mme Michaud, rapporteure publique,
- les observations de Me Orabe, représentant les requérants,
- et les observations de Me Gauci, représentant la communauté d'agglomération Pays Basques, en présence de M. G, Mme I, M. J et M. K.
Considérant ce qui suit
:
1. Par une délibération du 5 mars 2022, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays Basque (CAPB) a adopté un règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage de locaux d'habitation pour les locations meublées de courtes durées et déterminant les compensations, sur le fondement des dispositions des articles
L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation. Ce règlement abroge expressément un précédent arrêté règlementant les conditions de délivrance des autorisations temporaires de changements d'usage, prévues par le législateur en 2014, par la loi dite Loi " ALUR " du 24 mars 2014, mises en place par la communauté d'agglomération Pays Basque, pour les locations meublées de courte durée réalisées sur le territoire de vingt-quatre communes (Ahetze, Anglet, Arbonne, Arcangues, Ascain, Bassussarry, Bayonne, Biarritz, Bidart, Biriatou, Boucau, Ciboure, Guéthary, Hendaye, Jatxou, Lahonce, Larressore, Mouguerre, Saint-Jean-de-Luz, Saint-Pierre d'Irube, Urcuit, Urrugne, Ustaritz, Villefranque) et instaure un régime de compensation de ces locations de courte durée. Par une ordonnance n° 2200930 du 3 juin 2022, les juges des référés du présent tribunal ont suspendu l'exécution de cette délibération du 5 mars 2022, en retenant qu'en l'état de l'instruction, les moyens tirés de ce que le règlement méconnaissait le principe de proportionnalité tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 22 septembre 2020, affaires nos C-724/18 et C-727/18, de ce que ce règlement méconnaissait également le principe de sécurité juridique, ainsi que le IV de l'article
L. 324-1-1 du code du tourisme, étaient de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de ce règlement.
2. Par une délibération du 9 juillet 2022, le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays Basque a modifié le règlement adopté le 5 mars 2022. Par une première ordonnance n° 2201595 du 16 septembre 2022, les juges des référés, saisis sur le fondement des dispositions de l'article
L. 521-4 du code de justice administrative, ont tenu compte des modifications apportées à ce règlement et ont mis fin à la mesure de suspension prononcée en juin 2022 et, par une seconde ordonnance n° 2202015 du 21 octobre 2022, le juge des référés du présent tribunal, saisi sur le fondement des dispositions de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté la demande de suspension de l'exécution de la délibération du 9 juillet 2022.
3. Par la requête n° 2200973, le syndicat professionnel Chambre FNAIM de l'immobilier Béarn-Bigorre-Pays Basque et autres, demandent au tribunal d'annuler la délibération de la CAPB adoptée le 5 mars 2022 et, par la requête n° 2202068, le syndicat professionnel Chambre FNAIM de l'immobilier Béarn-Bigorre-Pays Basque et d'autres requérants, qui ne sont pas tous requérants dans la première requête, demandent l'annulation de la seconde délibération adoptée le 9 juillet 2022.
Sur la jonction :
4. Ces requêtes sont dirigées contre les délibérations du 5 mars et du 9 juillet 2022 par lesquelles le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Pays Basque a instauré un nouveau règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage des locaux d'habitation en locations meublées de courtes durées et de compensations, et soulèvent des moyens identiques. Ces requêtes ont, en outre, fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul jugement.
Sur le désistement de requérants dans la requête n° 2200973 :
5. Par un mémoire enregistré le 5 octobre 2022, dans la requête n° 2200973, M et Mme B déclarent se désister de leur requête. Ce désistement étant pur et simple, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les conditions dans lesquelles ont été adoptées la délibération du 5 mars 2022 et la délibération du 9 juillet 2022 :
6. Aux termes de l'article
L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales : " Les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie relative au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. / Pour l'application des dispositions des articles
L. 2121-8,
L. 2121-9,
L. 2121-11,
L. 2121-12,
L. 2121-19 et
L. 2121-22, ces établissements sont soumis aux règles applicables aux communes de 3 500 habitants et plus s'ils comprennent au moins une commune de 3 500 habitants et plus. Ils sont soumis aux règles applicables aux communes de moins de 3 500 habitants dans le cas contraire ". Aux termes de l'article
L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. () / " et selon l'article L. 2121-13 de ce code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ".
7. Il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions figurant sur la délibération du 5 mars 2022, que les conseillers communautaires ont été convoqués le 25 février 2022, pour la séance du conseil communautaire du 5 mars 2022. En outre, cette convocation comportait un ordre du jour n° 5 relatif au règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage de locaux d'habitation pour les locations meublées de courtes durées et déterminant les compensations, en application des articles
L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation, et était accompagnée d'un rapport contenant l'ensemble des informations utiles.
8. Par ailleurs, il ressort également des pièces du dossier que la convocation adressée le 1er juillet aux conseillers, pour la séance du 9 juillet 2022, était accompagnée d'un ordre du jour comprenant un point n° 7 consacré à la " modification " du règlement fixant les conditions de ces locations et modalités de compensation, accompagné d'un rapport de présentation qui contenait un exposé du contexte dans lequel la nouvelle délibération devait être adoptée, le sens ainsi que les motifs retenus dans l'ordonnance précitée n° 2200930 du 3 juin 2022 par laquelle les juges des référés du présent tribunal ont suspendu l'exécution de cette délibération du 5 mars 2022, ainsi que les modifications proposées du règlement adopté en mars 2022, afin de tenir compte de cette décision.
9. Dans ces conditions, et dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les conseillers communautaires n'auraient pas été mis à même d'exercer, en tant que de besoin, leur droit à l'information en prenant connaissance des documents relatifs tant à l'adoption du nouveau règlement, en mars 2022, qu'à sa modification, en juillet 2022, avant la réunion ou en demandant des précisions en séance, afin d'être à même de délibérer en toute connaissance de cause, le moyen doit être écarté.
En ce qui concerne la nécessité et de la proportionnalité du régime instauré :
10. D'une part, aux termes de l'article
L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation : " La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. / Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article
L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable. () Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article ". Aux termes de l'article
L. 631-7-1 du même code : " L'autorisation préalable au changement d'usage est délivrée par le maire de la commune dans laquelle est situé l'immeuble (). Elle peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage. / () Pour l'application de l'article
L. 631-7, une délibération du conseil municipal fixe les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées les compensations par quartier et, le cas échéant, par arrondissement, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements. Si la commune est membre d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, la délibération est prise par l'organe délibérant de cet établissement ". Enfin, aux termes de l'article
L. 631-9 de ce code : "Dans les communes autres que celles mentionnées au premier alinéa de l'article
L. 631-7, les dispositions dudit article peuvent être rendues applicables par décision de l'autorité administrative sur proposition du maire ou, pour les communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants dont la liste est fixée par le décret mentionné au I de l'article
232 du code général des impôts, par une délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal () ". Le décret n° 2013-392 du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article
232 du code général des impôts, énumère dans son annexe les 24 communes concernées par le règlement ici en litige.
11. D'autre part, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne, saisi par la Cour de cassation d'une question préjudicielle relative à la compatibilité des dispositions précitées des articles
L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation avec les dispositions des articles 6 et 13 de la directive 2006/123, dans son arrêt du 22 septembre 2020, Cali Apartments SCI et HX (affaires C-724/18 et C-727/18), les autorités nationales peuvent adopter des réglementations imposant une autorisation préalable pour l'exercice d'activités de location de locaux meublés pour de courtes durées, dès lors qu'elles sont conformes aux exigences figurant aux articles 9 et 10 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Il s'ensuit qu'il revient au juge administratif de contrôler si cette réglementation est, d'une part, justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et, d'autre part, proportionnée à l'objectif poursuivi, en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu'un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle. Par ailleurs, si la réglementation nationale instaure une obligation de compensation, sous la forme d'une transformation accessoire et concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, celle-ci doit être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général, proportionnelle à cet objectif, non discriminatoire, instituée dans des termes clairs, non ambigus et rendus publics à l'avance, et cette obligation devra pouvoir être satisfaite dans des conditions transparentes et accessibles.
12. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que malgré l'adoption, par une délibération du 28 septembre 2019, d'un règlement fixant les critères et conditions de location de meublés pour de courtes durées sur le territoire de vingt-quatre communes, citées au point 1, qui n'instaurait pas un système de compensation, le programme local de l'habitat (PLH) adopté le 2 octobre 2021 a abouti au constat que dans lesdites communes situées en zone dite tendue, c'est-à-dire où l'offre de logements pour les personnes souhaitant s'installer à l'année est inférieure à la demande, que le nombre de meublés proposés à la location de tourisme de courte durée, ne cessait d'augmenter depuis 2016.
13. En outre, la délibération du 5 mars 2022 adoptant le nouveau régime applicable à ces locations de courtes durées, et instaurant un régime de compensation, en application des dispositions de l'article
L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, retient dans ces motifs qu'une augmentation de 130 % des location des meublés de tourisme a été constatée entre 2016 et 2020, que ces locations s'intensifient encore dans les communes littorales et rétro-littorales, et que des écarts de rentabilités sont importants entre le parc locatif loué à l'année et les locations de meublés de tourisme, de sorte que le règlement adopté en 2019 est considéré comme n'ayant que " partiellement répondu à l'objectif poursuivi par l'Agglomération en matière de lutte contre la pénurie de logements ", tendant à garantir une offre de logements accessibles à tous. Ces données sont corroborées par les pièces versées au dossier, notamment l'étude d'octobre 2021, réalisée en collaboration avec l'université de Pau et des pays de l'Adour, dans le cadre d'un projet de recherche dédié à ces locations en Nouvelle-Aquitaine, à partir de données issues des plateformes internet de location de meublés. En outre, il ressort de données issues de l'INSEE que le parc locatif privé de longue durée progresse moins que le parc de résidences principales et secondaires, que les demandes de logements sociaux ne cessent d'augmenter et ne sont pas satisfaites malgré une progression de ce parc et une étude de l'Observatoire des loyers atteste d'une offre de location limitée, d'une demande qui augmente, dans une zone économiquement attractive où l'emploi salarié s'accroît, et de loyers médians correspondant à un niveau déjà élevé.
14. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que la règlementation adoptée par la communauté d'agglomération le 5 mars 2022 est suffisamment justifiée et met en œuvre une politique de lutte contre la pénurie de logements qui constitue un objectif d'intérêt général, ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision DC du 20 mars 2014 n° 2014-691 et la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt de 2020, précité.
15. L'allégation selon laquelle des mesures moins contraignantes pour les propriétaires et loueurs de biens seraient envisageables, et permettraient d'atteindre le même objectif, n'est pas assortie des précisions permettant d'en trancher le bien-fondé et ne peut, en tout état de cause, qu'être écartée dès lors, ainsi que l'a d'ailleurs retenu la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt précité, que l'objectif de lutte contre la pénurie de logements accessibles dans des conditions acceptables ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu'un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle.
16. Dans ces conditions, la nécessité d'instaurer un système de compensation des locations de courtes durées, afin de garantir la réalisation de l'objectif d'intérêt général consistant à favoriser des locations de longue durée à des prix abordables, dans les seules communes du littoral et du rétro-littoral du Pays Basque situées en zone dite tendue, clairement identifiées, est suffisamment établie.
17. En second lieu, les modalités de la compensation des locations de meublés de courte durée mises en place par le règlement adopté le 5 mars 2022, modifié par la délibération du conseil communautaire du 9 juillet 2022, distinguent les locations entrant dans le champ de ce règlement des meublés de tourisme, définis par l'article
L. 324-1-1 du code du tourisme, et justifie le périmètre de son application, à savoir les vingt-quatre communes déjà mentionnées, situées en zone dite tendue, en tenant compte du niveau élevé des loyers pratiqués dans lesdites communes, du niveau élevé des prix à l'acquisition et du nombre élevé de demandes de logements par rapport au nombre d'emménagements annuels dans le parc locatif social. Est ainsi prise en compte la liste des communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants, fixée par le décret mentionné au I de l'article
232 du code général des impôts, à laquelle renvoient les dispositions précitées de l'article
L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation.
18. Il est d'abord reproché à ce régime de compensation de méconnaître les dispositions de l'article
L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation en posant des règles de compensation non pas par quartiers mais globalement " pour l'ensemble des communes ". Toutefois, le règlement en litige prévoit une compensation par quartiers ou, le cas échéant, à l'échelle communale, pour les 24 communes qui, en tout état de cause, ne comportent pas d'arrondissement. Tel que soulevé, le moyen doit donc être écarté.
19. En outre, ce régime d'autorisation de changement d'usage des locaux d'habitation en location de courte durée moyennant une compensation, laquelle consiste en la transformation en habitation de locaux ayant un autre usage, tel que modifié par la délibération du 9 juillet 2022, prévoit désormais, à son article 3, deux modalités de compensation : la détention ou l'achat d'un bien par le propriétaire, en vue de sa transformation en locaux d'habitation, ou bien l'achat de droits dits de " commercialité " auprès de propriétaires souhaitant affecter à un usage d'habitation des locaux destinés à un autre usage (avec production de la convention de cession de commercialité), l'autorisation préalable au changement d'affectation étant délivrée par le maire de la commune dans lequel l'immeuble se situe. Il prévoit, enfin, à son article 4, des " régimes spécifiques ", notamment pour les locations " mixtes ", c'est-à-dire destinées aux étudiants pendant l'année scolaire et aux touristes en période estivale, ainsi que des dispenses d'autorisation, à son article 5, pour les meublés de tourisme mais aussi pour la location d'un meublé déclaré comme résidence principale, sous réserve d'une location ne dépassant pas cent-vingt jours au cours d'une année civile.
20. Si les requérants allèguent qu'il sera, concrètement, impossible de respecter ces obligations, notamment en raison de l'insuffisance de biens disponibles pour permettre cette compensation, et contestent ainsi, en conséquence, la proportionnalité de l'atteinte portée aux droits des bailleurs de courte durée, la communauté d'agglomération produit une pièce émanant des services fiscaux, dont le contenu n'est pas contesté, attestant de l'existence de biens pouvant servir à une compensation. Ainsi, et en tenant compte des modifications apportées en juillet 2022 au régime de compensation, autorisant l'achat de droits dits de " commercialité ", aucune atteinte disproportionnée au droit de propriété ne peut être retenue.
21. Par ailleurs, aux termes de l'article 4.1 de ce règlement : " Afin de maintenir une offre de location à destination des étudiants, des autorisations temporaires de changement d'usage à titre personnel pourront être délivrées sans compensation. / Ces autorisations concernent des propriétaires pratiquant un régime de location de forme mixte : estudiantine durant neuf mois minimum et touristique durant une période estivale de trois mois. / À titre dérogatoire, ces autorisations temporaires sont délivrées aux personnes physiques pour une durée d'un an. Ces autorisations délivrées à titre personnel sont non cessibles () ".
22. Ces dispositions tiennent compte de la situation spécifique des locations qualifiées de " mixtes ", qui concernent des biens donnés en location à des étudiants pendant l'année scolaire et loués à des touristes en période estivale, et, si elles excluent du système dérogatoire qu'elles instaurent les personnes morales ayant pour activité la location de meublés, cette distinction est fondée sur la différence de situation, objective, dans laquelle se trouve un propriétaire individuel par rapport à une société ayant pour activité la location de meublés, au regard, notamment, du nombre de biens susceptibles d'être loués. En outre, le précédent règlement ne s'appliquait qu'aux personnes physiques et il est précisé en défense que des propriétaires ont créé des sociétés civiles immobilières ne gérant qu'un seul bien, dans le but de contourner les obligations alors imposées aux seules personnes physiques, notamment celle tendant à obtenir une autorisation de changement d'affectation avant d'offrir leur bien en locations de courte durée. Enfin, cette différence de traitement est en rapport avec l'objet de ce règlement et il n'est ni établi ni ne ressort des pièces du dossier qu'elle aboutit à une disproportion manifeste.
23. Par ailleurs, la circonstance que la dérogation prévue par cet article sera majoritairement permise dans les villes où logent des étudiants, repose en tout état de cause sur une différence de situation objective.
24. L'article 4.2 du règlement adopté prévoit, quant à lui, que : " Afin de tenir compte des divisions intervenues dans certaines propriétés bâties, il est prévu que les locaux issus de ces divisions puissent être loués en meublés de tourisme dans la limite d'un logement par propriétaire. / Une autorisation temporaire de changement d'usage à titre personnel pourra être délivrée, sans compensation, pour un meublé de tourisme situé au sein de l'enveloppe bâtie de la résidence principale du demandeur et résultant d'une division de cette même résidence principale, dès lors qu'il s'agit d'une monopropriété (maison individuelle ou immeuble collectif dont l'ensemble des locaux appartiennent au même propriétaire). / La délivrance de cette autorisation est conditionnée à la justification, lors du dépôt de la demande, de la situation du meublé de tourisme au sein de l'enveloppe bâtie de la résidence principale du demandeur. / Une seule autorisation temporaire de changement d'usage, valable pour une durée de deux ans, sera délivrée par personne physique. ".
25. Ces dispositions visent également à tenir compte d'une situation particulière, à savoir celle du propriétaire d'un bien ayant procédé à une division foncière en vue d'offrir une partie de son bien à la location. Elles sont ainsi fondées sur une différence de situation qui existe entre un propriétaire entrant dans les prévisions de cet article et des sociétés ayant pour activité la location de meublés. La différence de traitement ici instaurée est, en outre, en rapport avec l'objet de cette règlementation et la dérogation prévue, dans des conditions restrictives, n'aboutit pas à une disproportion manifeste dans la différence de traitement. Par suite, aucune illégalité du règlement sur ce point ne peut être retenue.
26. Ainsi, aucune discrimination illégale ou incompatibilité de l'article
L. 631-7-1 du code de la construction et de l'habitation, et du règlement local en litige, avec les dispositions des articles 9 et 10 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2016, ne peut être censurée.
En ce qui concerne le détournement de pouvoir et de procédure allégué :
27. Il résulte de ce qui précède que la règlementation en litige met en œuvre une politique de lutte contre la pénurie de logements qui constitue un objectif d'intérêt général. Par suite, le moyen tiré de ce que la communauté d'agglomération du Pays Basque ne viserait qu'à interdire les locations de courte durée, en sorte que les délibérations attaquées seraient entachées d'un détournement de pouvoir ou de procédure, ne peut qu'être écarté.
28. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à obtenir l'annulation des délibérations des 5 mars et 9 juillet 2022, par lesquelles la communauté d'agglomération du Pays Basque a adopté le règlement fixant les conditions de délivrance des autorisations de changement d'usage de locaux d'habitation pour les locations meublées de courtes durées et déterminant les compensations, en application des articles
L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l'habitation, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
29. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par toutes les parties, sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Il est donné acte du désistement de M. et Mme B dans la requête n° 2200973.
Article 2 : Les conclusions présentées dans les requêtes nos 2200973 et 2202068 sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentes par la communauté d'agglomération du Pays Basque, au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié au syndicat professionnel Chambre FNAIM de l'immobilier Béarn-Bigorre-Pays Basque et à la communauté d'agglomération du Pays Basque.
Délibéré après l'audience du 10 février 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Perdu, présidente,
Mme Duchesne, conseillère,
M. Diard, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2023.
La présidente-rapporteure,
Signé : S. A
L'assesseure,
Signé : M. HLa greffière,
Signé : M. D
La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
Pour expédition,
La greffière,
Nos 2200973