Cour d'appel de Douai, ETRANGERS, 17 février 2023, 23/00289

Mots clés Demande d'autorisation relative à la rétention et au maintien en zone d'attente d'un étranger · rétention · placement · représentation · visa · pourvoi · recours · éloignement · libertés · dispose · vendredi · séjour

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro affaire : 23/00289
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 23/00289 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UYJ6

N° de Minute : 298

Ordonnance du vendredi 17 février 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [H] [N]

né le 06 Décembre 1986 à [Localité 5] (MAROC)

de nationalité Marocaine

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 3]

dûment avisé, comparant en personne

assisté de Me Gaspard OKITADJONGA ANYIKOY, avocat au barreau de LILLE, avocat choisi

INTIMÉ

M. LE PREFET DU NORD

dûment avisé, absent non représenté

PARTIE JOINTE

M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant

MAGISTRAT(E) DELEGUE (E) : Bertrand DUEZ, conseiller à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière

DÉBATS : à l'audience publique du vendredi 17 février 2023 à 13 h 30

ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le vendredi 17 février 2023 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'ordonnance rendue le 14 février 2023 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [H] [N] ;

Vu l'appel interjeté par Maître Gaspard Okitadjonga venant au soutien des intérêts de M. [H] [N] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 15 février 2023sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;

Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d'un contrôle d'identité intervenu le 11/02/2023 [Adresse 6] à [Localité 4] (59) au visa de l'article 78-2 al 9 du code de procédure pénale monsieur [H] [N], de nationalité marocaine a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par monsieur le Préfet du Nord le 12 février 2023 (18h40) pour l'exécution d'un éloignement vers le pays de nationalité en vertu d'une mesure de refus de titre de séjour emportant obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire de 30 jours délivré par monsieur le Préfet du Nord le 27 juin 2022 notifié à l'intéressé par voie postale à l'adresse suivante : (chez Mme [J] [L] [Adresse 1]) et reçu en main propre par l'intéressé le 29/06/2022.

Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

' Vu l'article 455 du code de procédure civile

' Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lille en date du 14/02/2023 (17h14),ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours et rejetant la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative.

' Vu la déclaration d'appel recevable du 15 février 2023 (17h11) sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative

Au titre de sa déclaration d'appel monsieur [H] [N] soutient les moyens suivants :

Défaut de motivation de l'arrêté de placement en rétention administrative en ce qu'il est calqué sur la motivation de l'obligation de quitter le territoire français et qu'elle ne mentionne pas le fait que monsieur [H] [N] est père d'un enfant français.

Violation de l'article 6 de la CEDH au regard des procédures pénales en cours

Erreur d'appréciation quant à l'article 8 de la CEDH

Erreur d'appréciation quant aux garanties de représentation en ce que monsieur [H] [N]

Dispose d'un passeport en cours de validité

Dispose d'un domicile chez sa mère handicapée dont il est le tiers aidant.

Est père d'un enfant français et dispose de l'autorité parentale sur cet enfant scolarisé en France (école [2] à [Localité 7])


MOTIFS DE LA DÉCISION


Sur les moyens tirés de la contestation du placement en rétention administrative au regard des garanties de représentation

Légalité externe

L'obligation de motivation des actes administratifs, sanctionnée au titre du contrôle de la légalité externe de l'acte, doit être existante, factuelle en rapport avec la situation de l'intéressé et non stéréotypée.

Cependant, cette motivation n'est pas tenue de reprendre l'ensemble des éléments de la personnalité ou de la situation de fait de l'intéressé dès lors qu'elle contient des motifs spécifiques à l'étrangers sur lesquels l'autorité préfectorale a appuyé sa décision.

En l'espèce l'arrêté de placement en rétention administrative est motivé comme suit quant au placement en rétention administrative :

'Considérant que Monsieur [N] [H] a explicitement déclaré avoir l'intention de se soustraire à la masure d'éloignement dont il fait l'objet; qu'il refuse de retourner dans son pays d'origine ; que s'il a déclaré lors de son audition avoir un passeport marocain en cours de validité à son domicile, ce dernier n'a pas été remis à mea services dans le temps de sa retenue administrative; que l'adresse qu'il a communiqué est bien celle de sa mère, au regard de sa précédente soustraction à une mesure d'éloignement comme le montre le B2 de l'intéressé; du fait qu'il est également signalé à deux reprises au Fichier automatisé des empreintes digitales pour des délits de fuite, il existe suffisamment d'éléments permettant de penser qu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à justifier son assignation à résidence;'

La motivation est existante et non stéréotypée quant au rejet d'une assignation à résidence.

Légalité interne :

Le moyen tiré de 'l'inutilité du placement en rétention administrative' relève en fait du contrôle de proportionnalité que le juge doit effectuer sur la mesure privative de liberté.

Cet examen de proportionnalité ne peut s'effectuer sur ce moyen précis que si l'étranger a déposé une requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative, dés lors que ledit contrôle de proportionnalité doit se qualifier d'examen de l'erreur d'appréciation lors de la prise de l'acte.

Tel est le cas en l'espèce.

Le contrôle de proportionnalité doit évaluer la privation de liberté ordonnée par l'autorité administrative au regard de l'objectif de cette mesure, à savoir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement tel que défini par les articles L 741-1 et L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En l'espèce il n'est ni contestable ni contesté que monsieur [H] [N]

Dispose d'un passeport en cours de validité qu'il avait à son domicile mais qu'il n'a pas remis lors de son contrôle

Dispose d'un domicile chez sa mère handicapée dont il est le tiers aidant.

Est père d'un enfant français et dispose de l'autorité parentale sur cet enfant scolarisé en France (école [2] à [Localité 7])

Il est exact que le bulletin numéro 2 de son casier judiciaire comporte 5 mentions dont deux pour des condamnations des tribunaux correctionnel de Créteil et Bobigny pour soustraction à l'exécution d'une mesure d'éloignement.

Monsieur [H] [N] indique vouloir rester en France dans son audition du 11/02/2023 en indiquant qu'il est soutient de famille pour sa mère et son fils.

Lors de l'audience de la cour du 17/02/2023 il indique certes ne pas vouloir en France si le recours contyre le titre d'expulsion est rejeté mais indique vouloir aller en Allemagne, pays dans lequel il n'a pas de droit au séjour.

Il précise également ne plus avoir de domicile au Maroc. Éléments dont il se déduit que M. [N] ne présente pas une volonté réelle de repartir au Maroc.

À l'évidence et au vu de ces éléments, il apparaît que monsieur [H] [N] a mis en oeuvre le projet qu'il avait élaboré qui est de vivre en France et qu'il n'a aucunement l'intention de regagner le Maroc.

C'est donc à bon droit et sans commettre d'erreur d'appréciation, au regard des garanties de représentation qu'il pouvait présenter, que l'administration a décidé de placer en rétention administrative monsieur [H] [N] pour prévenir tout risque de soustraction à la mesure d'éloignement qui a été prise à son encontre

Sur les moyens tirés de la contestation du placement en rétention administrative au regard du Respect des articles 6 et 8 de la CEDH

1- Il ressort d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 06 juin 2007 que :

" si l'administration consulaire dispose en principe d'un large pouvoir discrétionnaire pour se prononcer sur les demandes de visa de court séjour dont elle est saisie, elle est toutefois tenue de réserver à ces demandes une suite favorable lorsque l'étranger doit se voir reconnaître le bénéfice des garanties résultant des articles 6 et 13 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, relatives au procès équitable et au recours effectif " et que " tel est le cas, en particulier, lorsque l'étranger doit comparaître personnellement, à la demande de la juridiction, à l'audience au cours de laquelle un Tribunal français doit se prononcer sur le fond d'un litige auquel l'intéressé est partie ".

(CE : 06/06/2007 N° 292076 ; 6ème et 1ère sous-sections réunies)

Il ressort de cet arrêt que l'étranger expulsé et convoqué à une audience pénale ultérieure à laquelle sa présence est obligatoire sans possibilité de représentation, dispose du droit de solliciter et d'obtenir un visa de cour séjour à cette fin.

Il s'en suit que l'exécution de l'éloignement, et le placement en rétention administrative qui en est la garantie, ne prive pas pour autant l'étranger du droit de déférer personnellement à une audience à laquelle sa comparution est requise en demandant un 'visa cour séjour' qui ne pourra lui être refusé.

En conséquence le placement en rétention administrative de monsieur [H] [N] ne contrevient pas aux dispositions de l'article 6 de la CEDH.

2- Le contrôle du respect de l'article 8 de la CEDH, accordant à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, par le juge judiciaire ne doit s'entendre qu'au regard de l'arrêté préfectoral de placement en rétention contesté et non au regard du titre d'éloignement ou du choix du pays de retour, critères de la compétence du juge administratif.

Le moyen ne doit pas être apprécié en fonction du titre d'éloignement puisque cette analyse relève exclusivement de la juridiction administrative, mais sur les seules bases du placement en rétention administrative.

Toute privation de liberté est en soi une atteinte à la vie privée et familiale de la personne qui en fait l'objet.

Cependant le seuil d'application de l'article 8 de la CEDH nécessite qu'il soit démontré une atteinte disproportionnée à ce droit, c'est à dire une atteinte trop importante et sans rapport avec l'objectif de la privation de liberté.

Les droits des étrangers en rétention prévus par les articles L 744-4 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, accordent à la personne placée en rétention un large droit de visite et de contact familiaux.

Le placement en rétention est justifié au cas d'espèce par la nécessité de s'assurer de la personne sur qui pèse une obligation de quitter le territoire et qui n'entend pas s'y conformer volontairement.

Il ne saurait donc être considéré, au cas d'espèce, que le placement en rétention administrative de monsieur [H] [N] soit constitutif d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la CEDH.

En conséquence et en l'espèce, l'autorité préfectorale n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé.

Pour le surplus la prolongation du placement en rétention administrative est justifiée en raison de l'attente du laissez-passer consulaire sollicité.

PAR CES MOTIFS



DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME l'ordonnance entreprise.

DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative ;

LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.

Véronique THÉRY,

greffière

Bertrand DUEZ,

conseiller

N° RG 23/00289 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UYJ6

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 17 Février 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le vendredi 17 février 2023 :

- M. [H] [N]

- l'interprète

- l'avocat de M. [H] [N]

- l'avocat de M. LE PREFET DU NORD

- décision notifiée à M. [H] [N] le vendredi 17 février 2023

- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître Gaspard OKITADJONGA ANYIKOY le vendredi 17 février 2023

- décision communiquée au tribunal administratif de Lille

- décision communiquée à M. le procureur général :

- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE

Le greffier, le vendredi 17 février 2023

N° RG 23/00289 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UYJ6