MHD/PR
ARRÊT
N° 587
N° RG
21/
03135
N° Portalis DBV5-V-B7F-GMV7
S.A.S.P CHAMOIS NIORTAIS
FOOTBALL CLUB
C/
[D]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
Chambre Sociale
ARRÊT DU
23 NOVEMBRE 2023
Décision déférée à la
Cour : Jugement du 1er octobre 2021 rendu par le Conseil
de Prud'hommes
de POITIERS
APPELANTE :
S.A.S.P
CHAMOIS NIORTAIS FOOTBALL CLUB
N° SIRET :
414 702 373
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Ayant pour avocat postulant Me
Nicolas GILLET de la SELARL MADY- GILLET- BRIAND- PETILLION, avocat au barreau
de POITIERS
Ayant pour avocat plaidant Me
Nathalie ATTIAS substituée par Me Olivier LADREGARDE, avocats au barreau
de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur [I] [D]
Né le 17 août 1976 à [Localité 8] (974)
[Adresse 1]
[Localité 4]
Ayant pour avocat Me Sophie
MARION, avocat au barreau
de TOULOUSE
COMPOSITION
DE LA
COUR :
L'affaire a été débattue le 27 septembre
2023, en audience publique, devant la
Cour composée
de :
Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente
Madame Ghislaine BALZANO, Conseillère
Monsieur Nicolas DUCHATEL, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIÈRE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
de la
Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa
de l'article
450 du Code
de procédure civile,
- Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, et par Madame Patricia RIVIÈRE, Greffier auquel la minute
de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Par contrat à durée indéterminée prenant effet à compter du 1er juillet 2009, Monsieur [I] [D] a été engagé par la SASP Chamois Niortais - société anonyme sportive professionnelle spécialisée dans le secteur d'activité
de l'enseignement
de disciplines sportives et d'activités
de loisirs - en qualité d'entraîneur adjoint - préparateur physique avec reprise
de son ancienneté à compter du 18 juin 2007.
Le
21 mai 2019, il a été convoqué par Monsieur [K] - président
de la société Chamois Niortais - pour un entretien informel au
cours duquel son départ du club a été évoqué moyennant une indemnité.
Le 24 mai 2019, il a rencontré à nouveau Monsieur [K] qui l'a reçu en présence
de Monsieur [H] - Directeur Administratif et Financier
de la société Chamois Niortais.
Une proposition indemnitaire lui a alors été faite dans le cadre d'une rupture
de contrat à l'amiable.
Par courriel du 28 mai 2019 adressé à son employeur, Monsieur [D] a retracé à ce dernier la chronologie des évènements , en lui rappelant qu'il l'avait démis
de l'ensemble
de ses fonctions, lui avait indiqué qu'il n'était plus nécessaire qu'il vienne au Club et lui avait demandé
de poser des congés jusqu'au 30 juin 2019.
En réponse, par courriel du 29 mai 2019, Monsieur [K] lui a fait part
de sa surprise à la lecture du courrier, l'a assuré qu'il avait sa place au sein du club après son retour
de congés le 1er juillet 2019 et lui a rappelé que c'était lui, salarié, qui avait pris l'initiative d'une négociation
de la rupture
de son contrat
de travail.
Par mail du 16 juin 2019, Monsieur [D] a avisé Monsieur [K] :
- qu'il avait bien noté avoir toujours sa place au sein du club,
- que dans ces conditions les congés que lui avait imposés l'employeur jusqu'au 30 juin ne se justifiaient pas,
- qu'il serait donc présent au club comme chaque saison pour préparer la reprise, le 20 juin suivant .
Par courrier du
23 juin 2019 adressé à son employeur, Monsieur [D] a pris acte
de la rupture
de son contrat
de travail aux torts exclusifs
de son employeur en raison d'un défaut
de fourniture
de travail,
de la violation par l'employeur
de son obligation d'exécuter le contrat
de travail
de bonne foi et du défaut
de paiement des heures supplémentaires qu'il aurait effectuées.
Par jugement en date du 9
novembre 2020, le conseil
de prud'hommes
de Niort, saisi le 19 juin 2019, à la requête
de Monsieur [D] afin d'obtenir la résiliation judiciaire
de son contrat
de travail a ordonné le renvoi
de l'affaire devant le conseil
de prud'hommes
de Poitiers.
Le 30 décembre 2020, Monsieur [D] a sollicité auprès
de cette dernière juridiction la requalification
de la rupture du contrat
de travail en prise d'acte aux torts
de l'employeur, les indemnités subséquentes et des rappels
de salaires au titre d'heures supplémentaires.
Par jugement du 1er octobre 2021, le conseil
de prud'hommes
de Poitiers a :
- débouté Monsieur [D]
de ses demandes d'instruction,
- condamné la société Chamois Niortais à verser à Monsieur [D] les sommes
de 32 102, 83 € au titre des heures supplémentaires et
de 3 210,28 € au titre des congés payés afférents,
- fixé la rémunération mensuelle
de Monsieur [D] à 6 635,04 € bruts,
- dit que la rupture du contrat
de travail
de Monsieur [D] est une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- dit que le plafonnement du barème des indemnités est conventionnel,
- condamné la société Chamois Niortais à verser à Monsieur [D] les sommes suivantes :
40 000 € à titre
de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
21 010,96 € au titre
de l'indemnité légale
de licenciement,
13 270,08 € au titre
de l'indemnité
de préavis et 1 327 € au titre des congés payés y afférents,
2 000 € au titre
de l'article
700 du code
de procédure civile,
- débouté la société Chamois Niortais
de sa demande au paiement
de l'indemnité compensatrice
de préavis non effectué,
- débouté la société Chamois Niortais
de sa demande au titre
de l'article
700 du code
de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire
de la décision dans les limites
de l'article
R.1454-28 du code du travail.
Par déclaration électronique en date du 29 octobre 2021, la société
Chamois Niortais Football Club a interjeté
appel de cette décision.
***
L'ordonnance
de clôture a été rendue dans cet état
de la procédure le 30 août
2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions du 11 avril
2023, auxquelles il convient
de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la société Chamois Niortais demande à la
cour de :
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a condamnée à payer à Monsieur [D] les sommes suivantes :
° 32 102, 83 € au titre des heures supplémentaires et 3 210,28 € au titre des congés payés y afférents,
° 40 000 € à titre
de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
°
21 010,96 € au titre
de l'indemnité légale
de licenciement,
° 13 270,08 € au titre
de l'indemnité
de préavis et 1 327 € au titre des congés payés y afférents,
° 2 000 € au titre
de l'article
700 du code
de procédure civile,
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il l'a déboutée
de ses demandes reconventionnelles,
- confirmer le jugement attaqué pour le surplus,
- juger que la demande d'audition
de Messieurs [T] et [S] n'est pas justifiée tant en droit qu'en fait,
- juger qu'elle n'a commis aucun manquement suffisamment grave
de nature à justifier une prise d'acte
de la rupture du contrat
de travail,
- juger que la prise d'acte
de rupture du contrat
de travail du
23 juin 2019 doit produire les effets d'une démission,
- juger que le salarié n'a pas accompli son préavis en méconnaissance
de ses obligations,
- juger que Monsieur [D] n'étaye pas sa demande relative aux heures supplémentaires,
- débouter Monsieur [D]
de l'ensemble
de ses demandes,
- condamner Monsieur [D] à lui verser les sommes
de 11 612,92 € à titre d'indemnité
de brusque rupture et 12 000 € sur le fondement
de l'article
700 du code
de procédure civile outre les entiers dépens.
Par conclusions du 22 décembre 2022, auxquelles il convient
de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Monsieur [D] demande à la
cour de :
- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a jugé que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et débouté la SASP
Chamois Niortais Football Club de l'intégralité
de ses demandes,
- subsidiairement, si le
Cour jugeait ne pas disposer d'éléments suffisants pour statuer, réformer le jugement attaqué en ce qu'il l'a débouté
de sa demande
de mesure d'instruction,
- ordonner une mesure d'enquête et procéder à l'audition
de Monsieur [R] [T] et Monsieur [L] [S],
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il :
° a partiellement fait droit à sa demande au titre des heures supplémentaires et condamné la société Chamois Niortais à lui verser la somme
de 32 102, 83 € au titre des heures supplémentaires et
de 3 210,28 € au titre des congés payés y afférents,
° l'a débouté
de ses demandes formées au titre des heures supplémentaires hors contingents et du travail dissimulé,
° a fixé sa rémunération mensuelle à 6 635,04 € bruts,
° a dit que le plafonnement du barème des indemnités est conventionnel,
° a partiellement fait droit à ses demandes financières découlant du caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement et a condamné la société Chamois Niortais à lui verser les sommes
de 40 000 € à titre
de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
21 010,96 € au titre
de l'indemnité légale
de licenciement, 13 270,08 € au titre de l'indemnité de préavis et 1 327 € au titre des congés payés y afférents,
- juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article
L.1235-3 du code du travail en raison
de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions
de l'article 24
de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10
de la convention 158
de l'OIT et le droit au procès équitable,
- juger que le salaire mensuel moyen brut reconstitué ressort à la somme
de 8 162,66 €,
- condamner la SASP
Chamois Niortais Football Club à lui payer les sommes suivantes:
° 16 325, 31€ au titre
de l'indemnité compensatrice
de préavis,
° 1 632,53 € au titre des congés payés sur préavis,
° 28 455,90 € au titre
de l'indemnité légale
de licenciement,
° 195 903,84 € à titre
de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- subsidiairement, si la
Cour devait juger conventionnel le barème contesté, condamner le SASP
Chamois Niortais Football Club à lui payer les sommes suivantes :
° 16 325,31€ au titre
de l'indemnité compensatrice
de préavis,
° 1 632,53 € au titre des congés payés sur préavis,
° 28 455,90 € au titre
de l'indemnité légale
de licenciement,
° 93 870,59 € à titre
de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner le SASP
Chamois Niortais Football Club à lui payer les sommes suivantes :
° 107 698,69 € au titre des heures supplémentaires outre 10 769,87 € au titre des congés payés y afférent au titre des saisons 2016/2017 à 2018/2019,
° 59 321,61 € au titre des heures supplémentaires effectuées hors contingent sans contrepartie sur les saisons 2016/2017 à 2018/2019,
° 48 975,96 € au titre
de l'indemnité pour travail dissimulé,
- condamner le SASP
Chamois Niortais Football Club à lui payer la somme
de 8 000 € au titre
de l'article 700 code
de procédure civile et aux entiers dépens.
SUR QUOI,
I - SUR LA RUPTURE DU CONTRAT
DE TRAVAIL :
La prise d'acte permet au salarié
de rompre le contrat
de travail en cas
de manquement suffisamment grave
de l'employeur empêchant la poursuite du contrat
de travail.
Lorsqu'un salarié prend acte
de la rupture
de son contrat
de travail en raison
de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit d'un licenciement nul si les manquements reprochés à l'employeur sont
de nature à entraîner la nullité du licenciement, soit dans le cas contraire, d'une démission.
C'est au salarié qu'il incombe
de rapporter la preuve des faits qu'il reproche à son employeur.
A l'appui
de la prise d'acte, le salarié est admis à invoquer d'autres faits que ceux avancés dans le courrier
de rupture.
***
En l'espèce, Monsieur [D] invoque au soutien
de la prise d'acte
de son contrat
de travail :
- le défaut
de fourniture
de travail et la violation par l'employeur
de son obligation d'exécuter le contrat
de travail
de bonne foi,
- le défaut
de paiement des heures supplémentaires.
En réponse, la société prétend que la prise d'acte
de rupture du contrat
de travail
de Monsieur [D] doit produire les effets d'une démission car c'est le salarié lui-même qui a créé
de manière artificielle un litige avec son employeur pour partir rapidement.
A - Sur le défaut
de fourniture
de travail
La première obligation
de l'employeur est
de fournir au salarié le travail convenu, dans les conditions prévues au contrat
de travail.
Monsieur [D] soutient en substance :
- que le défaut
de fourniture
de travail par son employeur est en fait caractérisé dès l'entretien informel qu'il a eu avec lui le
21 mai 2019 lorsque celui - ci l'a informé
de la rupture à venir
de son contrat
de travail, lui a demandé
de ne plus venir sur le site jusqu'à ce qu'un accord financier soit trouvé et lui a imposé des congés jusqu'au 30 juin suivant pour s'en assurer,
- que ce manquement s'est confirmé le 19 juin 2019 lorsqu'il s'est présenté au club lors
de la reprise
de la saison pour prendre ses fonctions et qu'il s'est vu refuser l'accès au terrain puis a été raccompagné vers la sortie alors que son employeur lui avait écrit le 29 mai précédent qu'il avait toujours sa place au sein du club.
A l'appui
de ses allégations, il verse en pièces :
- 8 - le SMS que Monsieur [K] lui a adressé le
21 mai 2019 qui lui demande
de passer le voir le jour même à 17 heures 30,
- 9 - le mail qu'il a adressé à Monsieur [K] le 28 mai 2019,
- 10 - le SMS que [A] [M] lui a envoyé le 24 mai 2019 en ces termes : « Salut [I], J'ai en effet appris la nouvelle mardi soir, tout comme pour [G] ou c'est toi qui me l'as appris' Me concernant les dirigeants souhaitent me conserver. Ils m'ont évoqué la volonté d'un changement
de dynamique. Etant présent aujourd'hui au club, ils m'ont donc proposé
de poursuivre avec le groupe.
J'ai accepté puisque c'est une opportunité pour moi
de continuer ma progression dans ma jeune carrière. J'ai encore beaucoup à apprendre. Comme tu l'as très bien résumé, c'est le côté délicat du milieu, qui malheureusement chaque année entraîne des arrivé et des départs. Même si je te cache pas que je n'aime pas ces moments. Je te remercie pour tout ce que tu m'as apporté et transmis. Je serais en effet ravie
de continuer d'échanger avec toi. Bon courage à toi pour la suite, j'espère que tu vas vite rebondir, Amitié ».
- 11 - le message que [PR] [X], membre d'un groupe
de supporters lui a adressé le
23 mai 2019 par lequel celui-ci lui indique : 'j'ai appris aujourd'hui le couperet qui vient
de tomber dessus..'
- 12, 14, 15, 16, 17 - les messages
de soutien
de [N] [F], journaliste, qui indique notamment ' salut [I] j'ai appris pour la fin
de ton aventure.. Assez dégouté pour toi que ça se termine comme ça. ..' ,
de [Y] [V] du 24 mai 2019,
de Monsieur [Z] [W] des 22 et 24 mai 2019 et 13 juin 2009,
- 13 - le SMS que Monsieur [U] lui a adressé le 22 mai 2019 en réponse au sien et par lequel Monsieur [U] lui indique : '.. Je ne connais pas les raisons
de ton licenciement.'
- 18 - le courrier électronique que Monsieur [K] lui a adressé le 29 mai 2019
- 19 et
21 - les courriers qu'il a adressés à Monsieur [K] le 16 juin 19 et au staff 17 juin 2019 pour transmettre notamment à ce dernier le programme pour la saison à venir,
- 22 et
23 - les
appels manqués
de Monsieur [K] le 18 juin 2019,
- 24 - l'attestation
de [P] [O], stadier qui témoigne que Monsieur [D] s'est présenté au stade en tenue
de sport pour travailler le 19 juin 2019,
- 25 - l'article
de la Nouvelle République du 22 juin 2019 annonçant que [A] [M] devient préparateur physique,
- 26 - le SMS que [A] [M] lui a adressé le 19 juin 2019 pour lui dire : ' ...désolé pour ce matin, j'ai pas eu beaucoup
de temps. Je ne savais pas que tu étais encore en discussion avec le club, j'espère que vous allez trouver prochainement un accord..' ,
- 27 - l'attestation
de [J] [C] qui indique que le 19 juin 2019, il a rejoint à midi Monsieur [D] au club, qu'ils ont déjeuné ensemble, qu'ensuite il l'a ramené au club à 14 heures et que celui - ci était en tenue
de sport avec tout son équipement pour travailler,
- 28 - le SMS que [E] [K] lui a adressé le 19 juin 2019 pour lui indiquer que des échanges allaient intervenir entre le club et son avocate,
- 29 - son arrêt
de travail du 20 au
23 juin 2019,
- 30-
l'appel manqué
de [E] [K] le
23 juin 2016,
- 31 - la lettre
de prise d'acte du
23 juin 2019.
En réponse, l'employeur objecte en substance :
- que Monsieur [D] ne peut sérieusement faire croire qu'avant la rupture
de son contrat
de travail ses fonctions lui avaient été retirées et avaient été transférées à Monsieur [M],
- que le SMS que le salarié a envoyé à celui - ci le 24 mai 2019 met en évidence le fait qu'il a demandé à un collègue
de diffuser l'information selon laquelle le club aurait décidé
de se séparer
de lui,
- que ce n'est qu'après la prise d'acte
de Monsieur [K] du
23 juin 2019 que Monsieur [M] a été définitivement engagé pour le remplacer,
- qu'il n'a jamais imposé au salarié
de prendre les congés payés qu'il a posés du
23 mai au 30 juin 2019,
- qu'il n'a donc pas pu être privé
de travail pendant cette période,
- que Monsieur [K] a tenté
de le joindre le 18 juin pour discuter avec lui,
- que Monsieur [D] indique qu'il s'est présenté au club le 20 juin mais qu'on ne lui a pas laissé prendre son poste alors que Monsieur [K] n'était pas présent à la reprise du club car il prenait un avion pour [Localité 6] à 10h10 le même jour,
- que Monsieur [D] a inventé des faits uniquement pour justifier la prise d'acte
de rupture
de son contrat
de travail et l'engagement avec le club
de [Localité 5].
A l'appui
de ses allégations, il verse :
- 1 - la demande
de congés déposée par Monsieur [D] pour la période du
23 mai au 30 juin 2019,
- 5 - l'arrêt
de travail
de Monsieur [D] pour la période du 20 au
23 juin 2019,
- 7 - le courrier que Monsieur [K] a adressé à Monsieur [D] le 25 juin 2019 répondant point par point au courrier
de prise d'acte que celui - ci lui avait envoyé,
- 16 - le contrat
de travail
de Monsieur [M] signé le 25 juin 2019 pour une prise d'effet à compter du 1er juillet suivant,
- 19 - le justificatif
de l'absence
de Monsieur [K] du club les 19 et 20 juin 2019,
- 43 - la convocation envoyée à Monsieur [D] le 17 juin 2019 par le club pour participer à une réunion
de travail devant se tenir le 18 juin 2019,
***
Cela étant, il convient
de relever :
- que le premier rendez-vous du
21 mai 2019 a été initié par l'employeur qui a convoqué le salarié par SMS,
- que le second rendez-vous du
23 mai 2019 s'est tenu en présence du directeur financier du club et s'est achevé par une proposition financière que Monsieur [D] n'a pas acceptée.
Même si les parties sont contraires dans leurs explications sur l'objet et le contenu du premier entretien, il n'en demeure pas moins que le SMS que Monsieur [M] a envoyé à Monsieur [D] le 24 mai 2019 confirme la thèse du salarié selon laquelle dès le 24 mai 2019, il était remplacé
de fait dans ses fonctions par son collègue Monsieur [M] même si ce dernier n' a été présenté officiellement à la presse comme son remplaçant que dans le courant du mois
de juin suivant au moment
de la signature
de son contrat
de travail le 25 juin 2019 prenant effet le 1er juillet 2019.
Ceci se trouve confirmé :
- par les mels que Monsieur [D] a reçus dès le 22 mai 2019
de Monsieur [X] qui était déjà informé du départ
de Monsieur [D] souhaité par le club,
de Monsieur [U] du même jour qui ne manifeste aucune surprise lorsque Monsieur [D] lui annonce son licenciement dès lors qu'en tant que président
de l'assocation des Chamois Niortais nécessairement il ne pouvait l'ignorer,
- par les échanges
de SMS ultérieurs entre Monsieur [M] et Monsieur [D] sur la préparation
de la saison à venir et sur le point
de savoir qui des deux devait communiquer aux joueurs les prescriptions
de préparation.
Ainsi,
de fait, Monsieur [D] n'avait plus sa place dans le club dès le
21 mai 2019 même si Monsieur [K] lui a affirmé le contraire le 29 mai 2019 et l'a convié le 17 juin 2019 à une réunion devant se tenir le lendemain alors qu'il savait pertinemment que le salarié était en congés à ce moment - là et qu'il a évité
de lui proposer
de reprendre son poste
de façon très concrète, à savoir en lui fixant
de façon ferme une date certaine
de reprise à l'issue
de ses congés et en dessinant
de façon claire et précise les objectifs à atteindre pour la saison sportive à venir.
La journée du 19 juin 2019 confirme encore que Monsieur [D] n'avait plus sa place et n'avait plus
de poste au club dans la mesure où alors que le salarié s'est présenté sur son lieu
de travail, l'employeur ne conteste pas que l'entraineur
de l'équipe première et le directeur sportif ont prié le salarié
de quitter le club, sous un prétexte fallacieux qui ne repose sur aucun élément objectif, à savoir le risque que Monsieur [D] dérobe du matériel appartenant au club.
Contrairement à ce que l'employeur prétend, le fait que Monsieur [D] ait parlé très rapidement autour
de lui
de ce qu'il qualifiait être 'un licenciement' ne signifie pas nécessairement qu'il préparait ainsi son départ du club dans le cadre d'une négociation financière optimale mais plutôt qu'il avertissait son entourage professionnel
de son départ et voulait être un peu réconforté.
De même contrairement à ce que soutient l'employeur, les ratures, les surcharges et les incohérences au niveau des dates affectant la fiche
de demande
de congés du salarié n'établit pas clairement la volonté
de Monsieur [D]
de poser des congés.
En conséquence, le défaut
de fourniture
de travail à compter du
21 mai 2019 jusqu'à la prise d'acte du salarié est établi.
B - Sur la violation par l'employeur
de son obligation d'exécuter le contrat
de travail
de bonne foi :
En application
de l'article
L.1222-1 du code du travail, le contrat
de travail doit être exécuté
de bonne foi par les parties.
Un devoir
de loyauté repose donc sur l'employeur dans l'exécution du contrat
de travail et dans la mise en 'uvre
de la législation du travail.
***
En l'espèce, Monsieur [D] soutient en substance :
- que l'employeur n'a diligenté aucune procédure
de rupture du contrat
de travail alors qu'il appartient à celui qui veut mettre fin au contrat
de diligenter la procédure utile,
- qu'en l'espèce, il a été placé au pied du mur et n'a eu d'autres choix que
de prendre acte
de la rupture
de son contrat
de travail le
23 juin 2019 pour préserver son avenir professionnel,
- que le 7 juin 2019, l'employeur avait déjà annoncé la rupture
de son contrat
de travail,
- que
de ce fait, c'est donc légitimement qu'il a recherché un nouveau club pour la saison suivante,
- contrairement à ce qu'affirme l'employeur - en se prévalant
de courriers non réclamés - il n'avait pas déménagé à [Localité 5] dès le début du mois
de juin 2019,
- que l'employeur lui a simplement envoyé les courriers à une mauvaise adresse,
- qu'en effet, alors qu'il habitait [Adresse 1] à [Localité 4] l'employeur lui a envoyé le courrier au [Adresse 1] à [Localité 7].
En réponse, l'employeur prétend en substance :
- qu'il n'a fait preuve d'aucune mauvaise foi dans l'exécution du contrat
de travail,
- que ce deuxième grief est manifestement redondant avec le premier puisque Monsieur [D] lui reproche ici à nouveau
de lui avoir annoncé la rupture
de son contrat
de travail, lui avoir retiré ses fonctions et interdit l'accès au club dès le
21 mai 2019,
- que ceci est non seulement non prouvé, mais également mensonger,
- qu'en revanche, c'est bien Monsieur [D] qui a fait preuve
de déloyauté en tentant
de man'uvrer en faisant croire à ses collègues qu'il avait été licencié, afin
de faire pression sur son employeur et
de se voir accorder un départ rapide moyennant finance, car en réalité, Monsieur [D] avait bien retrouvé un autre emploi au sein d'un club concurrent au moins depuis début juin 2019.
***
Cela étant, en l'espèce, le manquement
de l'employeur à son obligation
de loyauté dans l'exécution du contrat
de travail se caractérise par le défaut pour l'employeur
de proposer au salarié une rupture claire
de son contrat
de travail et d'éviter ainsi la dégradation
de la situation.
En effet, les pièces versées au dossier et étudiées précédemment établissent que tout en ayant décidé
de remplacer Monsieur [D] par Monsieur [M], l'employeur n'a jamais fait d'efforts sérieux pour régler immédiatement la situation à l'amiable.
Le fait que Monsieur [K] ait tenté vainement à plusieurs reprises
de joindre Monsieur [D] ne suffit pas à l'établir.
De même, le seul fait que Monsieur [K] envoie un SMS à Monsieur [D] pour lui indiquer que l'avocate
de celui-ci et les instances dirigeantes du club allaient 'discuter' ne suffit pas davantage à démontrer la véracité et le sérieux des propos
de l'appelante.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'employeur, aucune déloyauté ne peut être reproché au salarié dans la mesure où il ne peut lui être fait grief d'avoir recherché un nouvel employeur dès qu'il a appris que l'employeur mettait un point final à leur collaboration.
De même, il ne saurait lui être fait reproche
de rappeler par SMS à un
de ses collègues l'usage régnant dans le milieu sportif qui veut que lorsqu'un club souhaite se séparer
de certains salariés, il négocie financièrement leurs départs.
En conséquence, ce manquement est établi.
C - Sur les heures supplémentaires :
1 - Sur la convention collective applicable :
Si dans les relations collectives
de travail une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l'activité principale
de l'entreprise, dans les relations individuelles, le salarié, à défaut
de se prévaloir
de cette convention, peut demander l'application
de la convention collective mentionnée dans le contrat
de travail. (Soc. 5 juill.
2023, FS-B, n° 22-10.424).
***
En l'espèce, l'article 12 du contrat
de travail du salarié indique : 'Le contrat est régi par :
- le code du travail,
- le chapitre 12
de la convention collective nationale du sport,
- le statut des éducateurs et entraineurs du football fédéral'.
En conséquence, au vu des principes sus- rappelés, le seul fait que le contrat
de travail soit soumis à la convention collective nationale du sport et non à la convention collective des personnels administratifs et assimilés du football permet au salarié
de demander l'application
de la convention collective visée à son contrat
de travail sans qu'il y ait lieu
de rechercher les motivations
de l'employeur l'ayant amené à soumettre le contrat
de travail à la convention nationale du sport.
2 - Sur l'existence d'heures supplémentaires :
L'article 12. 7. 1. 2 relatif au temps
de travail effectif dispose :
'Doit être compris dans la définition du temps
de travail le temps consacré notamment :
- par les sportifs et les entraîneurs :
- aux compétitions proprement dites ;
- aux entraînements collectifs ainsi que, s'ils sont dirigés par l'entraîneur, aux entraînements individuels complémentaires ;
- aux déplacements pour se rendre sur le lieu
de la compétition lorsque celle-ci a lieu à l'extérieur du lieu habituel
de travail et cela quel que soit le mode
de transport retenu. Si le déplacement nécessite un coucher sur place, la période pendant laquelle le salarié est dans sa chambre n'est pas un temps
de travail effectif, n'étant pas un temps d'astreinte ou
de veille dès lors que le salarié n'a pas à être éventuellement
appelé pour effectuer une tâche ;
- aux repas post et pré-compétition pris en commun à la demande
de l'employeur ;
- à la participation à des actions promotionnelles et/ou commerciales à la demande
de son employeur ;
- par les sportifs :
- aux séances
de musculation et, plus généralement, d'entretien
de la forme physique imposée dans le cadre
de sa préparation ;
- aux rencontres avec le médecin
de la structure employeur, les kinésithérapeutes, diététiciens et, d'une manière générale, tous les auxiliaires médicaux dont l'assistance se révèle nécessaire pour l'entretien et le contrôle
de l'état physique et mental ;
- par les entraîneurs :
- aux préparations des séances d'entraînement et
de matchs, aux supervisions des autres équipes du club ou des équipes adverses ;
- aux analyses d'après match ;
- aux entretiens avec les médias à la demande
de l'employeur ou
de l'organisateur
de la compétition ;
- aux entretiens avec les sportifs membres
de la structure employeur » comme avec les sportifs, ou leurs représentants, envisagés pour un recrutement ultérieur ;
- aux réunions internes à l'entreprise employeur (avec les dirigeants, les autres entraîneurs...), ainsi qu'aux tâches administratives accomplies dans le cadre
de leurs fonctions au sein
de cette entreprise ;
- aux rencontres avec le médecin
de la structure employeur et /ou avec tous les auxiliaires médicaux dont l'assistance s'avère nécessaire.
La définition du temps
de travail effectif pourra faire l'objet d'adaptation dans les accords sectoriels en considération des spécificités des différents sports.'
***
En l'espèce, constituent des heures supplémentaires toutes les heures
de travail effectuées au-delà
de la durée hebdomadaire du travail fixée par l'article
L. 3121-10 du code du travail ou
de la durée considérée comme équivalente. Cette durée du travail hebdomadaire s'entend des heures
de travail effectif et des temps assimilés.
En application
de l'article
L. 3121-29 du code du travail, les heures supplémentaires se décomptent par semaine.
Les jours fériés ou
de congés payés, en l'absence
de dispositions légales ou conventionnelles, ne peuvent être assimilés à du temps
de travail effectif ; aussi ces jours ne peuvent être pris en compte dans la détermination
de calcul des droits à majoration et bonification en repos pour heures supplémentaires.
Il résulte des dispositions
de l'article
L. 3171-4 du code du travail qu'en cas
de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures
de travail accomplies, il appartient au salarié
de présenter, à l'appui
de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin
de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures
de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte
de l'ensemble
de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu
de préciser le détail
de son calcul, l'importance
de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n° 18-10.919, FP, P + B + R + I).
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite
de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation
de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
***
En l'espèce, Monsieur [D] prétend :
- que le contrat
de travail prévoit une durée hebdomadaire
de travail
de 35 heures,
- que les dispositions
de l'article 12.7.2 du chapitre 12
de la convention collective nationale du sport relatif au sport professionnel lui sont applicables et disposent que doit être compris dans le temps
de travail le temps consacré par les sportifs et entraîneurs aux compétitions, aux entraînements et aux déplacements pour se rendre sur les lieux
de compétition,
- que dès le début
de la saison il a effectué des heures au - delà du volume prévu au contrat, ceci à la demande
de l'employeur,
- qu'il a toujours été présent lors des stages
de préparation physique en début
de saison durant lesquels il était à disposition
de l'employeur
de 7 h à 22/
23 h,
- que son travail ne se borne pas à se tenir au bord du terrain pendant les heures d'entraînement des joueurs, il faut y ajouter le temps d'installation du matériel nécessaire à la séance et le temps
de préparation des séances,
et verse :
- un tableau des heures réalisées semaine par semaine, les temps
de trajet, les plannings, - pièces 45, 51 à 56 -,
- les feuilles
de match - pièce 57 -,
- des extraits Mappy en temps
de trajet matchs à l'extérieur - pièce 49 -.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
A ce titre, la société Chamois Niortais soutient :
- que Monsieur [D] fait état d'un décompte se bornant à mentionner le nombre d'heures supplémentaires par semaine sans aucune précision
de ses horaires ni jour
de travail qu'il a rectifié dans ses conclusions n°4,
- qu'il a d'ailleurs considérablement augmenté le nombre
de ses heures supplémentaires au gré des procédures,
- que les derniers tableaux ne sont pas conformes aux premiers établis par le salarié lui-même.
- que
de nombreux mails sur la boîte professionnelle
de Monsieur [D] démontrent que celui-ci s'occupait beaucoup
de ses affaires personnelles durant son temps
de travail, qu'il pouvait par ailleurs se rendre à des rendez-vous d'ordre personnel en pleine journée,
- que finalement les décomptes amènent tous au même constat, à savoir que le salarié n'a pas réalisé d'heures supplémentaires et qu'il n'a pas toujours fait 35 heures par semaine.
A l'appui
de ses allégations, il verse :
- les plannings des semaines 35 à 41
de 2018 et 7 à 12
de 2019,
- le calendrier
de 2018,
- les mails
de Messieurs [H] et [B] des 25 mai et 3 juin 2018 qui confirment des emplois du temps type,
- le tableau initial des heures supplémentaires réalisées par Monsieur [D],
- les mails personnels envoyés par Monsieur [D] durant ses temps
de travail.
***
Cela étant, la
cour observe que l'employeur n'apporte aucun état individuel
de relevé
de la durée du temps
de travail du salarié et se borne à produire quelques plannings hebdomadaires.
Par ailleurs, les temps
de déplacement et
de transport qui sont assimilés à du temps
de travail effectif par les dispositions
de la convention collective applicable n'ont jamais été payés par l'employeur.
Aussi, après avoir apprécié l'ensemble des éléments
de preuve qui lui était soumis, la
cour, sans procéder à une évaluation forfaitaire mais également sans être tenue
de préciser le détail du calcul appliqué, en prenant en compte la 'souplesse' dont disposait le salarié dans l'organisation
de sa journée
de travail et
de façon générale la particularité
de sa mission, évalue souverainement l'importance des heures supplémentaires accomplies par Monsieur [D] et fixe en conséquence les créances salariales s'y rapportant à la somme
de 32 102, 83 € outre 3 210, 28 € au titre des congés payés afférents calculés sur la base d'un salaire mensuel moyen
de 6 635,04 € bruts, étant précisé - au vu des principes sus rappelés que le fait que le salarié n'ait jamais demandé à l'employeur le paiement d'heures supplémentaires est totalement inopérant pour rejeter sa demande formée de ce chef.
Le jugement doit donc être confirmé.
2 - Sur les heures supplémentaires hors contingent :
En application de l'article
D. 3121-14-1 du code du travail, en l'absence d'accord collectif, le volume du contingent est fixé à 220 heures par an.
Si chaque heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent, à l'initiative de l'employeur, ouvre droit, en plus des majorations habituelles, à un repos compensateur dont la durée varie en fonction des effectifs de l'entreprise, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, Monsieur [D] qui sollicite le paiement d'heures supplémentaires hors contingent, doit être débouté
de sa demande formée
de ce chef dans la mesure où il ne peut prétendre à aucune heure supplémentaire hors contingent.
Le jugement doit donc être confirmé de ce chef.
3 - Sur le travail dissimulé :
La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 2°du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a,
de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin
de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Elle ouvre droit en application de L'article
L. 8223-1 du code du travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois
de salaire.
Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire
de la seule absence
de mention des heures supplémentaires sur les bulletins
de paie et se trouve notamment caractérisé par le nombre d'heures supplémentaires concernées en regard
de la durée
de la relation
de travail.
***
En l'espèce, Monsieur [D] soutient en substance :
- que les bulletins de paie ne font pas mention des heures effectuées au-delà du volume horaire prévu au contrat de travail,
- que le nombre d'heures supplémentaires qu'il a réalisées est particulièrement important,
- que l'employeur ne pouvait pas ignorer son amplitude horaire compte-tenu
de la récurrence des déplacements et des stages
de préparations,
- qu'il ne pouvait pas ignorer sa présence aux matchs tant à domicile qu'à l'extérieur et les répercussions en résultant sur son volume horaire.
En réponse, l'employeur prétend pour l'essentiel qu'il ne peut y avoir aucune intention malicieuse
de sa part
de dissimuler les heures supplémentaires réalisées par le salarié puisqu'il n'en a accompli aucune.
***
Cela étant, l'employeur savait pertinemment qu'il ne réglait pas au salarié les heures supplémentaires que celui - ci effectuait, notamment pendant les temps de déplacement lors des rencontres sportives, dans la mesure où il ne lui appliquait pas à la convention collective du sport qu'il lui avait déclaré lui - même applicable dans le contrat de travail qu'ils avaient signé.
En conséquence, le caractère intentionnel obligatoire pour la reconnaissance du travail dissimulé est acquis.
L'employeur doit donc être condamné à verser à Monsieur [D] la somme de 39 810, 24 €.
D - Sur la prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Les trois manquements reprochés à son employeur par Monsieur [D] sont caractérisés.
Tous les trois affectent les obligations principales
de l'employeur qui sont
de fournir du travail au salarié et
de lui payer l'intégralité de son salaire.
Ils revêtent une gravité certaine dans la mesure où le défaut
de fourniture
de travail pendant plusieurs semaines et le défaut
de paiement des heures supplémentaires en invoquant un motif totalement fallacieux ont privé le salarié de toute activité pendant plus d'un mois et d'une somme importante - plus
de 40 000 €, représentant presque 6 mois
de salaire - sur 3 ans.
Leur caractère suffisamment grave empêche la poursuite du contrat
de travail et justifie la prise d'acte par Monsieur [D]
de la rupture
de son contrat
de travail aux torts exclusifs
de son employeur.
Celle-ci au vu des principes sus-rappelés produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il convient donc
de confirmer le jugement attaqué
de ce chef.
II - SUR LES CONSÉQUENCES
DE LA RUPTURE DU CONTRAT
DE TRAVAIL :
A - Sur l'indemnité
de préavis et les congés payés afférents :
En application des articles 4.4.2.1. et 4.4.3.2 de la convention collective applicable, sauf disposition légale plus favorable, le salarié présentant une ancienneté
de plus
de deux ans bénéficie d'un préavis
de 2 mois.
En conséquence, il convient
de condamner l'employeur à payer à Monsieur [D] la somme
de 13 270,08 € bruts.
Le jugement attaqué doit donc être confirmé
de ce chef.
B - Sur l'indemnité légale
de licenciement :
En application
de l'article 4.4.3.3. l'indemnité
de licenciement : 'Le licenciement, quel qu'en soit le motif, de tout salarié, ayant au moins 8 mois d'ancienneté ininterrompus dans l'entreprise donne lieu au versement d'une indemnité, sauf faute grave ou lourde.
Cette indemnité est équivalente à :
' 1/4
de mois
de salaire par année, pour les 10 premières années d'ancienneté dans l'entreprise ;
' 1/3
de mois
de salaire par année, pour les années
de présence dans l'entreprise au-delà
de 10 ans.
Pour le calcul du nombre d'années
de présence, les périodes assimilées à du temps de travail effectif, telles que définies à l'article 7.1.2, sont à prendre en compte.
Le salaire à prendre en considération pour le calcul
de l'indemnité
de licenciement est, selon le cas le plus favorable :
' soit la moyenne des 12 derniers mois, ou lorsque la durée
de service du salarié est inférieure à 12 mois, la moyenne mensuelle
de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;
' soit la moyenne des 3 derniers mois, étant entendu que toute prime ou gratification perçue pendant cette période est prise en compte au pro rata temporis...'
Il en résulte donc que par motifs adoptés du premier juge qui a très clairement calculé l'indemnité à laquelle le salarié pouvait prétendre, la
cour confirme le jugement qui a condamné l'employeur à lui payer une somme
de 21 010,96 € bruts au titre
de l'indemnité
de licenciement.
C - Sur les dommages intérêts au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Monsieur [D] soutient que l'article
L. 1235-3 du code du travail ' dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018 qui prévoit que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, et en l'absence de réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie à celui-ci une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans deux tableaux, en l'occurrence entre 3 mois et 11 mois de salaire brut, Monsieur [D] ayant acquis 12 années complètes d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement plus
de 11 salariés ' est inconstitutionnel au vu
de l'article 10
de la convention 158
de l'OIT et
de l'article 24
de la charte sociale européenne.
Cela étant, il est exact que le juge prud'homal, juge judiciaire, n'est pas tenu par la décision n°358992 du Conseil d'État du 10 février 2014.
Il appartient
de ce fait à la présente
cour d'apprécier la conformité du texte litigieux aux textes internationaux invoqués, en application
de l'article
55 de la Constitution.
Il y a tout d'abord lieu
de rappeler que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2018-761 DC du
21 mars 2018 relative à la loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, a décidé que les deuxième à septième alinéas de l'article
L.1235-3 du code du travail étaient conformes à la Constitution.
L'article 10
de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement
de l'Organisation internationale du travail (OIT) ratifiée par la France le 16 mars 1989, prévoit que « Si [les juridictions prud'homales] arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu
de la législation et
de la pratique nationales, [elles] n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, [elles] devront être habilitées à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».
Il est admis que cet article est d'application directe en droit interne.
L'article 24 de la Charte sociale européenne révisée, ratifiée par la France le 7 mai 1999, prévoit quant à lui qu' « en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître : ['] b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. [...] ».
Si cet article, comme l'article 10 de la convention 158 précitée, évoque une «indemnité adéquate» pour le salarié injustement licencié, il convient néanmoins de relever que la Charte comporte les dispositions suivantes :
- « Les Parties reconnaissent comme objectif d'une politique qu'elles poursuivront par tous les moyens utiles, sur les plans national et international, la réalisation de conditions propres à assurer l'exercice effectif des droits et principes suivants : ['] 24. Tous les travailleurs ont droit à une protection en cas
de licenciement. [...] » (en début
de partie I),
- « les Parties s'engagent à se considérer comme liées, ainsi que prévu à la partie III, par les obligations résultant des articles et des paragraphes ci-après : ['] Article 24 ' Droit à la protection en cas
de licenciement [...] » (en début
de partie II, qui comprend l'article 24 litigieux),
- « Il est entendu que l'indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales » (annexe à la Charte).
Il en résulte que l'article 24 est une disposition exclusivement programmatique, qui laisse aux États parties une importante marge d'appréciation et n'engage qu'eux sans créer
de droits dont pourraient se prévaloir les particuliers.
C'est donc
de manière inopérante que Monsieur [D] se prévaut
de l'article 24
de la Charte, dépourvu d'effet direct horizontal.
Par ailleurs, s'agissant
de l'interprétation à donner du terme ' adéquat', employé au sein
de cet article 10, il est précisé que le comité européen des droits sociaux (CEDS), d'une part, est un organe chargé du contrôle
de l'application
de la Charte sociale européenne et non la convention
de l'OIT, d'autre part, n'est pas une juridiction dont les décisions s'imposeraient à la présente
cour.
Le terme 'adéquat' réservant aux États parties une marge d'appréciation, et étant écarté en cas
de nullité du licenciement, il s'en déduit que les dispositions
de l'article
L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations
de l'article 10
de la Convention n° 158. Cette analyse prévaut pour tous les salariés dans la mesure où la marge d'appréciation est suffisamment large pour tenir compte d'autres critères que celui
de l'ancienneté, et dans la mesure où le principe d'une assiette
de calcul fondée sur le salaire brut est en soi adapté à la situation spécifique du salarié privé
de rémunération, est un élément pertinent d'individualisation
de la réparation. Il est également considéré que le plafonnement mis en place par l'article
L. 1235-3 n'est pas dépourvu d'effet dissuasif, l'indemnité maximale susceptible d'être allouée étant un multiple du salaire brut mensuel et constituant donc une véritable charge pour l'employeur.
Par conséquent, il n'y a pas lieu d'écarter le barème prévu par l'article
L.1235-3 du code
de travail qui ne contrevient pas au principe
de la réparation intégrale du préjudice.
***
Compte tenu notamment
de l'effectif
de la société (plus
de 11 salariés), du montant
de la rémunération versée à Monsieur [D],
de son ancienneté (12 ans),
de son âge (46 ans à l'époque du licenciement), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu d'allouer au salarié une somme de 50 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, somme qui porte intérêts au taux légal à compter
de la présente décision.
Il convient en conséquence
de condamner l'employeur à lui payer cette somme.
Le jugement attaqué doit donc être infirmé
de ce chef en ce qu'il a accordé à Monsieur [D] une somme
de 40 000 €.
III - SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE :
L'employeur sollicite ' en se fondant d'une part sur l'article 4.4.1 de la convention collective du sport et d'autre part sur une jurisprudence constante (Cass. soc., 8 juin 2011, n° 09-43208 - Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-42335) selon laquelle une prise d'acte
de rupture du contrat
de travail injustifiée produit les effets d'une démission contraignant le salarié à indemniser l'employeur d'une indemnité compensatrice
de préavis si celui-ci n'a pas été exécuté ' la condamnation
de Monsieur [D] à lui payer la somme
de 11.612,92 € à titre d'indemnité compensatrice
de préavis représentant l'équivalent
de deux mois
de salaire bruts (calculée sur la moyenne des 3 derniers mois).
Cependant, comme il vient d'être jugé que la prise d'acte litigieuse
de la rupture du contrat
de travail aux torts
de l'employeur doit produire les effets d'un licenciement dépourvu
de cause réelle et sérieuse, l'employeur doit être débouté
de sa demande formée à ce titre.
En conséquence, le jugement attaqué doit être confirmé de ce chef.
IV - SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :
Les dépens doivent être supportés par la partie qui succombe.
Il n'est pas inéquitable
de laisser à la charge
de la SAS Chamois Niortais une somme
de 3 000 € en application
de l'article
700 du code
de procédure civile tout en la déboutant
de sa propre demande présentée en application des mêmes dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 1er octobre 2021 par le conseil
de prud'hommes
de Poitiers sauf en ce qu'il a :
- débouté Monsieur [D]
de sa demande relative à l'indemnité pour travail dissimulé,
- condamné la SASP Chamois Niortais à verser à Monsieur [D] la somme
de 40 000 € à titre
de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Infirme de ces derniers chefs,
Statuant à nouveau,
Condamne la SASP Chamois Niortais à payer à Monsieur [D] les sommes
de :
- 39 810, 24 € au titre
de l'indemnité
de travail dissimulé,
- 50 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Y ajoutant,
Condamne la SASP Chamois Niortais aux dépens,
Condamne la SASP Chamois Niortais à payer à Monsieur [D] la somme
de 3 000 € en application
de l'article
700 du code
de procédure civile,
Déboute la SASP Chamois Niortais
de sa demande formée en application
de l'article
700 du code
de procédure civile.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,