Vu la procédure suivante
:
Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2022, l'association Le Football Club de Tréméloir, représentée par Me Balloul, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du préfet des Côtes-d'Armor n° 22-2022-05-30-00007 du 30 mai 2022 portant retrait d'agrément de l'association sportive dénommée Football Club de Tréméloir ;
2°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de lui délivrer l'agrément prévu à l'article
L. 121-3 du code du sport ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'est pas établi que l'arrêté attaqué a été précédé d'une procédure contradictoire conformément aux prévisions de l'article
R. 121-5 du code du sport dès lors qu'elle n'a pas retrouvé le courrier du 21 avril 2022 dont l'arrêté attaqué fait état ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article
R. 121-5 du code du sport, le trouble à l'ordre public ne lui étant pas imputable mais résultant du comportement de certains joueurs qui ont été sanctionnés ; le problème de la violence dans le football amateur est un problème général ; à supposer qu'il soit possible de lui imputer une part de responsabilité, le retrait de l'agrément apparaît disproportionné.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2023 le préfet des Côtes-d'Armor conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'association Football Club de Tréméloir n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du sport ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Albouy,
- les conclusions de M. Fraboulet, rapporteur public,
- et les observations de Mme A, représentant le préfet des Côtes-d'Armor.
Considérant ce qui suit
:
1. L'association Le Football Club de Tréméloir, affiliée à la Fédération française de football (FFF), elle-même agréée par l'Etat, gère depuis 2018 une équipe de football amateur qui participait en 2022 au championnat de district 3 du département des Côtes-d'Armor. Par l'arrêté dont cette association demande l'annulation, le préfet des Côtes-d'Armor a prononcé le retrait de l'agrément dont elle bénéficiait en raison de son affiliation à la FFF.
Sur les conclusions en annulation :
2. En vertu des dispositions de l'article
L. 121-4 du code du sport, les conditions de l'agrément des associations sportives et du retrait de cet agrément sont déterminées par décret en Conseil d'État.
3. Aux termes de l'article
R. 121-5 du code du sport dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " L'agrément accordé à une association sportive ou résultant de son affiliation à une fédération sportive agréée par l'État en application de l'article L. 131-8 peut être retiré par le préfet du département de son siège en cas de : / 1° Non-conformité des statuts avec les conditions posées par l'article R. 121-3 ; / 2° Violation grave, par l'association, de ses statuts ; / 3° Atteinte à l'ordre public ou à la moralité publique ; / 4° Méconnaissance des règles d'hygiène ou de sécurité ; / 5° Méconnaissance des dispositions des articles L. 212-1 et L. 212-2 exigeant la qualification des personnes qui enseignent, animent, entraînent ou encadrent une activité physique ou sportive. / L'association sportive bénéficiaire de l'agrément est préalablement informée des motifs pour lesquels le retrait est envisagé et mise à même de présenter des observations écrites ou orales. ".
4. En premier lieu, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Le respect, par l'autorité préfectorale, de la procédure prévue par les dispositions du dernier alinéa de l'article
R. 121-5 du code du sport constitue une garantie pour l'association sportive titulaire de l'agrément que le préfet envisage de retirer.
5. L'association Le Football Club de Tréméloir ne conteste pas valablement avoir été préalablement informée des motifs pour lesquels le retrait de son agrément était envisagé et de la possibilité de présenter des observations en se bornant à soutenir qu'elle n'a pas retrouvé le courrier du 21 avril 2022 qui avait cet objet et dont l'arrêté attaqué fait état, alors que l'administration produit une copie de ce courrier et établit l'avoir effectivement adressé, au président de l'association requérante le 22 avril 2022, par lettre recommandée avec avis de réception. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance du dernier alinéa de l'article
R. 121-5 du code du sport doit être écarté.
6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que, lors de la saison de compétition 2019-2020, des joueurs des équipes adverses et des arbitres ont fait l'objet d'intimidation par les joueurs de l'association Le Football Club de Tréméloir. Deux joueurs de l'équipe de l'association requérante ont alors été sanctionnés de suspension par la commission de discipline du district départemental, l'un de dix matchs fermes, l'autre de six mois de suspension pour des faits dépassant les fautes pouvant être sanctionnées par le corps arbitral. Le 6 mars 2022, un match a dû être interrompu par l'arbitre en raison des menaces proférées par certains joueurs du FC Tréméloir et par leur entraîneur. Le 3 avril 2022, à l'occasion d'un match contre l'équipe de Ploumagoar, un joueur du FC Tréméloir a agressé physiquement un joueur de l'équipe adverse alors qu'il était au sol, causant à celui-ci un traumatisme crânien, de multiples contusions au corps et une incapacité temporaire de travail de vingt-et-un jours. Ce joueur a été condamné à une peine de six mois d'emprisonnement ferme et à une année d'interdiction de stade par le tribunal judiciaire de Saint-Brieuc. Par ailleurs, la commission de discipline du district de football des Côtes-d'Armor l'a suspendu pour une durée ferme de cinq ans avec interdiction de se voir délivrer une licence durant cette période. La gravité de ces évènements a conduit le maire de la commune de Pordic à retirer à l'association Le Football Club de Tréméloir l'accès au stade Roger-Duchêne ainsi qu'à ses installations sportives, notamment en raison des risques de débordements causés par l'agression du 3 avril 2022. La commission départementale de discipline du district des Côtes-d'Armor a, pour sa part, décidé le 21 avril 2022 de mettre hors compétition le club du FC Tréméloir pour la fin de la saison 2021-2022 et de ne pas engager ce club dans les compétitions pour la saison 2022-2023, décision qui a été confirmée par la commission régionale d'appel le 2 juin 2022. Or, l'association Le Football Club de Tréméloir n'établit pas qu'elle aurait pris des mesures et notamment des sanctions contre ceux de ses membres qui ont instauré puis entretenu, durant plusieurs saisons, un climat propice à la violence qui a conduit à l'agression du 3 avril 2022 et à ce que cette association puisse ainsi être regardée comme portant atteinte à l'ordre public. Si elle soutient que la violence n'est pas un phénomène exceptionnel dans le football amateur, cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé du constat effectué par l'autorité préfectorale, qui justifie légalement la décision attaquée, laquelle ne présente pas un caractère disproportionné. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance du 3° de l'article
R. 121-5 du code du sport et du caractère disproportionné de la décision attaquée au regard des faits qui lui sont reprochés doivent être écartés.
7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête de l'association Le Football Club de Tréméloir tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête.
Sur les conclusions présentées aux fins d'injonction :
8. Le présent jugement, qui rejette les conclusions en annulation de la requête de l'association Le Football Club de Tréméloir n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
9. L'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, la demande présentée par l'association Le Football Club de Tréméloir sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Le Football Club de Tréméloir est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à l'association Le Football Club de Tréméloir et au préfet des Côtes-d'Armor.
Délibéré après l'audience du 4 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jouno, président,
M. Albouy, premier conseiller,
M. Ambert, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2024.
Le rapporteur,
signé
E. AlbouyLe président,
signé
T. Jouno
La greffière,
signé
S. Guillou
La République mande et ordonne à la ministre des sports et des jeux olympiques et paralympiques en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.