Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 9 mai 2006, 04VE02282

Mots clés maire · préjudice · syndicats · repos · arrêté · requête · vente · fédération · commune · frais irrépétibles · syndicat · chaussures · dimanches · syndicales · organisations

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro affaire : 04VE02282
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Président : M. GIPOULON
Rapporteur : Mme Isabelle AGIER-CABANES
Rapporteur public : Mme COLRAT
Avocat(s) : PETREL ET ASSOCIES

Texte

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la COMMUNE DE PIERRELAYE, représentée par son maire en exercice, par Me X... ;

Vu la requête, enregistrée le 30 juin 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la COMMUNE DE PIERRELAYE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0104873 en date du 29 avril 2004 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du maire en date du 30 août 2001 accordant une dérogation à l'obligation du repos dominical en faveur de la société la Halle aux chaussures, et condamné la commune à verser à chacun des demandeurs ( Fédération nationale des détaillants en chaussures de France, Syndicat des détaillants en chaussures de Paris Ile-de-France et Centre, Confédération française des travailleurs chrétiens du groupe André, Fédération des syndicats CFTC commerce, services et force de vente, Union départementale des syndicats Confédération française des travailleurs chrétiens du Val-d'Oise ) une somme de 500 euros au titre de dommages et intérêts, ainsi qu'une somme de 850 euros au titre des frais irrépétibles ;

2°) de rejeter leur demande ;

2°) de condamner chacune des organisations syndicales précitées à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Elle soutient que le jugement est irrégulier en tant qu'il méconnaît l'article R. 741-2 du code de justice administrative ; que la demande était irrecevable en tant qu'elle avait été présentée par la fédération des syndicats CFTC commerces, services et force de vente, laquelle n'a pas intérêt donnant qualité pour agir ; que l'annulation ne pouvait être que partielle dès lors que la partie de l'arrêté relative à l'article L. 221-19 était divisible ; que l'illégalité retenue par le tribunal administratif consistant en un simple vice de forme, elle ne pouvait ouvrir droit à indemnité ; que le maire pouvant prendre cet arrêté en toute opportunité, aucun préjudice ne peut en résulter ; que la rupture d'égalité et la concurrence illicite ne peuvent être regardés comme causant un préjudice aux organisations syndicales précitées ;

………………………………………………………………………………………………..

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 avril 2006 :

- le rapport de Mme Agier-Cabanes, premier conseiller ;

- les observations de Me Y... ;

- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;

Sur l'appel principal :

Sur la régularité du jugement attaqué :


Considérant qu'

aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : « la décision (…) contient l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application » ; que si la COMMUNE DE PIERRELAYE soutient que les dispositions précitées du code de justice administratives ont été méconnues, le moyen n'est pas assorti des précisions nécessaires pour en apprécier le bien-fondé et doit, dès lors, être écarté ;

Sur la recevabilité de la demande :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-11 du code du travail : « (les syndicats professionnels) ont le droit d'ester en justice. Ils peuvent devant toutes les juridictions exercés tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. » ; qu'aux termes de l'article L. 411-23 du même code : « (les unions syndicales) jouissent de tous les droits conférés aux syndicats professionnels par la section II du présent chapitre et par le chapitre III du présent titre. » ;

Considérant que la Fédération des syndicats CFTC commerce, services et force de vente a notamment pour objet « d'appuyer l'action de ses syndicats » ; que le non-respect de la législation sur le repos hebdomadaire cause un préjudice à l'ensemble des syndicats membres de la Fédération et exige, de ce fait, que l'action soit menée au niveau national par la Fédération ; que dans ces conditions, alors même qu'existeraient des syndicats de niveau départemental adhérant à cette fédération, celle-ci justifie d'un intérêt lui donnant intérêt pour agir à l'encontre de l'arrêté susvisé ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 30 août 2001 du maire de Pierrelaye :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 221-19 du code du travail : « Dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ce repos peut être supprimé les dimanches désignés, pour chaque commerce de détail, par un arrêté du maire (…) pris après avis des organisations d'employeurs et de travailleurs intéressés. Le nombre de dimanches ne peut excéder cinq par an. Chaque salarié ainsi privé du repos du dimanche doit bénéficier d'un repos compensateur et d'une majoration de salaire pour ce jour de travail exceptionnel égal à la valeur d'un trentième de son traitement mensuel ou à la valeur d'une journée de travail si l'intéressé est payé à la journée. L'arrêté municipal (…) détermine les conditions dans lesquelles ce repos est accordé, soit collectivement, soit par roulement dans une période qui ne peut excéder la quinzaine qui précède ou suit la suppression du repos. Si le repos dominical est supprimé un dimanche précédant une fête légale, le repos compensateur est donné le jour de cette fête. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en date du 30 août 2001 du maire de Pierrelaye ne précise pas les conditions dans lesquelles le repos est accordé aux salariés du magasin « la Halle aux chaussures » pour compenser les heures effectuées les dimanches ; que les dispositions relatives aux modalités du repos compensateur ne sont pas divisibles de l'arrêté accordant une dérogation à l'obligation du repos dominical ; que la circonstance, à la supposer établie, que les parties se seraient préalablement accordées sur lesdites modalités est sans influence sur la légalité de l'arrêté litigieux : qu'ainsi, la COMMUNE DE PIERRELAYE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, par le jugement attaqué, a annulé l'arrêté de son maire en date du 30 août 2001 ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

Considérant que, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE PIERRELAYE, l'illégalité retenue par le tribunal ne constitue ni un vice de forme, ni un vice de procédure, mais se rapporte à la légalité interne de l'arrêté attaqué, lequel ne constitue pas une décision prise en opportunité par le maire ; qu'ainsi, la faute commise par le maire est de nature à engager la responsabilité de la commune ;

Considérant que, pour condamner la COMMUNE DE PIERRELAYE à verser une indemnité à chacune des organisations syndicales, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a retenu l'existence d'un préjudice moral ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que lesdites organisations ne pouvaient se prévaloir d'un préjudice commercial en raison d'une atteinte à la libre-concurrence est inopérant et doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête de la COMMUNE DE PIERRELAYE doivent être rejetées ;

Sur l'appel incident :

Considérant que dans la mesure où les syndicats ou fédérations syndicales précités, qui ne peuvent faire valoir aucun préjudice commercial, soutiennent que l'arrêté litigieux aurait fait obstacle à ce qu'ils puissent obtenir le paiement d'une astreinte de 30 000 F en raison de l'ouverture illicite de l'établissement, un tel préjudice ne peut pas être regardé comme direct et certain ; que, par suite, l'appel incident présenté par ces syndicats et fédérations doit être rejeté ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les syndicats intimés soient condamnés à payer à la COMMUNE DE PIERRELAYE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande présentée par les syndicats intimés sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE :



Article 1er : La requête de la COMMUNE DE PIERRELAYE et l'appel incident de la Fédération nationale des détaillants en chaussures de France, le Syndicat des détaillants en chaussures de Paris Ile-de-France et Centre, la Confédération française des travailleurs chrétiens du groupe André, la Fédération des syndicats CFTC commerce, services et force de vente, l'Union départementale des syndicats Confédération française des travailleurs chrétiens du Val-d'Oise sont rejetés.

Article 2 : Les conclusions présentées par les syndicats susmentionnés sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

04VE022822