Vu la requête
, enregistrée le 19 mai 2003, présentée pour la société BISICO France, société par actions simplifiée, dont le siège social est situé Quartier de l'Opéra à LANCON DE PROVENCE (13 680), par Me GAUDIN ;
La société BISICO France demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9806509 en date du 17 mars 2003 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'amende qui lui a été infligée, sur le fondement des dispositions de l'article
1768 du code général des impôts, au titre de la retenue à la source qu'elle s'est abstenue d'acquitter pour les années 1991,1992 et 1993 ;
2°) de la décharger de la dite amende ;
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Vu le mémoire, présenté le 7 juillet 2004, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui demande à la Cour de rejeter la requête ;
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Vu, la lettre, en date du 11 mai 2007, par laquelle le président de la Cour a, en application des dispositions de l'article
R.611-7 du code de justice administrative, informé les parties de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de ce que les dispositions de l'article
1768 du code général des impôts ne serait plus applicables dès lors qu'elles ont été abrogées par l'article 22 de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 et n'ont pas été remplacées par d'autres dispositions ;
Vu le mémoire, présenté le 29 mai 2007, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Vu le jugement attaqué,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code
général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2007,
- le rapport de Mme Bader-Koza, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'
à la suite de la vérification de la comptabilité de la société BISICO FRANCE, qui a pour objet l'importation et la commercialisation de produits médicaux et dentaires, le service a notifié à la société des redressements correspondants au montant de la retenue à la source, prévue à l'article 182 B du code général des impôts, qu'elle s'est abstenue d'opérer sur les commissions versées à la société « La maison dentaire » domiciliée au Liechtenstein, et a également fait application des dispositions de l'article
1768 du code général des impôts, en infligeant à la dite société une amende d'un montant égal à celui de la retenue à la source non prélevée ; que toutefois, le service ne pouvant légalement réclamer le montant de la retenue à la source non acquitté, seule l'amende fiscale a été mise en recouvrement pour des montants respectifs de 60 227 F, 100 926 F et 39 507 F au titre des années 1991, 1992 et 1993 ; que la société BISICO France relève appel du jugement en date du 17 mars 2003 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande en décharge ;
Considérant qu'aux termes de l'article 182 B du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années en litige : « I. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : a. Les sommes versées en rémunération d'une activité déployée en France dans l'exercice de l'une des professions mentionnées à l'article 92 ;
c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France » ; qu'aux termes de l'article 1671 A du même code : « Les retenues prévues aux articles 182 A et 182 B sont opérées par le débiteur des sommes versées et remises à la recette des impôts accompagnées d'une déclaration conforme au modèle fixé par l'administration, au plus tard le 15 du mois suivant celui du paiement. Les dispositions des articles 1768, 1771 et 1926 sont applicables à ces retenues » ; qu'aux termes de l'article 1768 du même code alors applicable : « Toute personne physique ou morale, toute association ou tout organisme qui s'est abstenu d'opérer les retenues de l'impôt sur le revenu prévues à l'article 1671 A ou qui, sciemment, n'a opéré que des retenues insuffisantes, est passible d'une amende égale au montant des retenues non effectuées » ;
Considérant que les dispositions précitées alors en vigueur de l'article
1768 du code général des impôts, dont l'existence même faisait obstacle à ce que l'administration puisse en outre réclamer au débiteur le montant du prélèvement éludé, n'avaient pas pour objet la seule réparation du préjudice subi par le Trésor du fait de l'abstention des personnes tenues au paiement des retenues à la source prévues à l'article 1671 A du code général des impôts d'acquitter lesdites retenues, mais instituaient une sanction tendant à réprimer de tels agissements et à en empêcher la réitération ; que cependant, lesdites dispositions ont été abrogées par l'article 22 de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 et n'ont pas été remplacées par d'autres dispositions réprimant les manquements qu'elles prévoyaient ; que même si, comme le relève l'administration, les dispositions nouvelles lui permettent de réclamer au débiteur de la retenue défaillant, outre le montant de la retenue non effectuée, des intérêts de retard, voire les majorations de 10 % ou plus prévues à l'article
1728 du code général des impôts, de sorte que la loi nouvelle lui permet en définitive de mettre à la charge du contribuable une somme supérieure à l'amende encourue sous le régime antérieur à l'ordonnance du 7 décembre 2005, cette circonstance ne permet pas pour autant de refuser de qualifier de « plus douce » la loi issue de nouveau régime dès lors que ladite ordonnance du 7 décembre 2005 supprime une amende ayant le caractère d'une sanction fiscale et que cette suppression permet seulement, ainsi qu'il a été dit plus haut, de procéder à un rappel de droits assorti d'intérêts et d'une majoration, laquelle a bien le caractère d'une sanction fiscale mais dont le montant est limité à 10 % des droits rappelés, sauf application, en cas de refus de donner suite à une mise en demeure de déclarer, de taux supérieurs dont le taux maximum est de toute manière limité à 40 % ; que, dès lors, par application du principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle prononce des peines moins sévères que la loi ancienne, s'appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur, les dispositions de l'article
1768 du code général des impôts ne sont plus applicables à la société BISICO France ; que celle-ci est par suite fondée à demander la décharge de l'amende qui lui a été notifiée sur leur fondement ;
DÉCIDE :
Article 1er : La société BISICO France est déchargée de l'amende fiscale prévue à l'article
1768 du code général des impôts à laquelle elle a été assujettie au titre des années 1991, 1992 et 1993.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société BISICO France et au ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.
Copie sera adressée à Me GAUDIN et au directeur de contrôle fiscal sud est.
N°03MA00985 2