AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Andrée X..., née Y..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 16 octobre 1995 par la cour d'appel de Montpellier (1re et 5e Chambres réunies), au profit de la société Rhône Poulenc Chimie, société anonyme, dont le siège social est ..., défenderesse à la cassation. En présence :
1°/ de M. Jacques X..., demeurant ...,
2°/ de M. Claude X..., demeurant ...,
3°/ de Mme Francine X..., née Abraham, demeurant 58, Corniche fleurie, 06000 Nice, 06000 Nice,
4°/ de M. Bernard X..., demeurant 58, Corniche fleurie, 06000 Nice, La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article
L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 6 janvier 1998, où étaient présents : M. Lemontey, président, M. Guérin, conseiller rapporteur, M. Renard-Payen, conseiller, M. Sainte-Rose, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Guérin, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat des Consorts X..., de Me Vuitton, avocat de la société Rhône Poulenc Chimie, les conclusions de M. Sainte-Rose, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que par acte du 18 octobre 1983, Mme X..., dirigeant de la société Maitrepierre, a reconnu devoir à la société Rhône Poulenc la somme de 1 081 897 francs, qu'elle s'engageait à rembourser en 21 versements échelonnés jusqu'au 30 septembre 1984;
que son mari, intervenu à l'acte en qualité de caution, a été condamné le 23 juin 1986 au paiement de la somme de 215 015 francs restant due par la société débitrice;
que les époux X... ayant consenti à leurs enfants le 28 décembre 1984 une donation-partage portant sur la nue-propriété de leur maison d'habitation et sur leurs droits indivis sur un terrain, la société Rhône Poulenc a engagé une action paulienne le 30 décembre 1986 et que l'arrêt attaqué (Montpellier, 16 octobre 1995), rendu sur renvoi après cassation, a déclaré cette donation inopposable à son égard ;
Attendu que la veuve et les héritiers de M. X..., décédé en cours d'instance, font grief à cet arrêt d'avoir violé l'article
1167 du Code civil et l'article
31 du nouveau Code de procédure civile en s'abstenant d'une part de se prononcer sur le préjudice subi par le créancier du fait de la donation-partage et sur son intérêt à exercer l'action paulienne après avoir constaté l'importance du passif hypothécaire, d'autre part de préciser si M. X... avait eu lors de la donation-partage connaissance du préjudice que cet acte causait à la société Rhône-Poulenc ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les époux X... n'ont conservé de leur patrimoine immobilier qu'un usufruit estimé à 100 000 francs, la cour a pu en déduire que, même s'ils avaient déjà d'autres créanciers, la donation critiquée, ayant eu pour effet d'augmenter leur insolvabilité, a causé préjudice à la société Rhône Poulenc en compromettant le recouvrement de sa créance;
que, contrairement aux énonciations du moyen, la cour a pris soin de préciser que, même si la condamnation prononcée à son encontre était intervenue postérieurement à la donation-partage, M. X... ne pouvait ignorer qu'à la date de cette libéralité, les dernières échéances de la reconnaissance de dette signée par son épouse n'avaient pu être payées et que l'appauvrissement de leur patrimoine empêcherait la société Rhône Poulenc de recouvrer sa créance ;
d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Rhône Poulenc ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.