Vu les procédures suivantes :
I./ Par une requête, enregistrée sous le n°
2303088 le 28 juillet 2023, et un mémoire, enregistré le 17 juin 2024, la SCI du Valmartin, représentée par la SELARL
Octies avocats, demande au
tribunal :
1°)
de prononcer, à titre principal, la décharge, à titre subsidiaire, la réduction à concurrence
de la somme
de 117 931 euros, des cotisations supplémentaires
de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015, 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020 dans la commune
de Saint-Ouen-du-Breuil ;
2°)
de mettre à la charge
de l'Etat la somme
de 2 500 euros au titre
de l'article
L. 761-1 du code
de justice
administrative.
La SCI du Valmartin soutient que :
- la mise en recouvrement est intervenue après l'expiration du délai
de reprise prévu à l'article
L. 173 du livre des procédures fiscales ;
- à défaut
de fournir la réclamation contentieuse
de l'ancien propriétaire et la décision d'admission partielle
de dégrèvement en faveur
de cet ancien propriétaire, l'administration fiscale ne justifie pas que les avis d'imposition ont été émis dans le délai dérogatoire fixé par les dispositions
de l'article
1404 du code général des impôts ;
- le dispositif
de la valeur locative plancher prévu à l'article 1518 B du code général des impôts ne s'applique pas à la cession intervenue le 11 avril 2014 dès lors que cette opération n'a pas porté sur un établissement industriel mais sur des locaux nus ;
- la valeur locative
de l'ensemble immobilier doit être déterminée en application
de l'article
1499 du code général des impôts.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2024, le directeur régional des finances publiques
de Normandie conclut :
1°) au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement partiel prononcé ;
2°) au rejet du surplus
de la requête.
Le directeur soutient que :
- l'émission des rôles supplémentaires n'est pas entachée d'irrégularité dès lors que les mises en recouvrement au nom
de la SCI du Valmartin sont intervenues avant le 31 décembre 2021, soit l'année suivant celle au cours
de laquelle les dégrèvements au nom
de l'ancien propriétaire sont intervenus, conformément à l'article
L. 173 du code des procédures civiles et à l'article
1404 du code général des impôts ;
- l'opération
de vente du 11 avril 2014 doit s'analyser comme une cessation d'établissement au sens
de l'article 1518 B du code général des impôts.
II./ Par une requête, enregistrée sous le n°2303089 le 28 juillet 2023, la SCI du Valmartin, représentée par la SELARL
Octies avocats, demande au
tribunal :
1°)
de prononcer la réduction des cotisations primitives
de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2021 et 2022 dans la commune
de Saint-Ouen-du-Breuil, à concurrence
de 20 597 euros ;
2°)
de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code
de justice
administrative.
La SCI du Valmartin soutient que :
- la valeur locative retenue par l'administration est erronée ;
- le dispositif
de la valeur locative plancher prévu par l'article 1518 B du code général des impôts ne s'applique pas à la cession intervenue le 11 avril 2014 dès lors que cette opération n'a pas porté sur un établissement industriel mais sur des locaux nus.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2024, le directeur régional des finances publiques
de Normandie conclut au rejet
de la requête.
Le directeur soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Vu :
- la décision par laquelle le président du
tribunal a désigné M. A comme juge statuant seul dans les matières indiquées à l'article
R. 222-13 du code
de justice
administrative ;
- les autres pièces des dossiers, notamment celles versées à la demande
de la juridiction le 10 juin 2024 par le directeur régional des finances publiques
de Normandie et le 17 juin 2024 par la SCI du Valmartin dans l'instance n°2303088.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code
de justice
administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour
de l'audience.
Au cours
de l'audience publique, après la présentation du rapport, ont été entendues :
- les conclusions
de Mme Barray, rapporteure publique,
- et les observations
de Me Fonlupt, pour la SCI du Valmartin.
Considérant ce qui suit
:
1. Par jugement d'adjudication du 11 avril 2014, la SCI du Valmartin a fait l'acquisition
de locaux situé lieu-dit
de l'Eglise à Saint-Ouen-du-Breuil, sur les parcelles cadastrées AB 350, AB 351, AB 551 et AB 554. La requête enregistrée sous le n°
2303088 présente à juger du bien-fondé des rappels
de taxe foncière sur les propriétés bâties mis en recouvrement au titre des années 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020 et la requête enregistrée sous le n° 2303089 présente à juger du bien-fondé
de cotisations primitives
de cette taxe mises en recouvrement au titre des années 2021 et 2022. Quoique soulevant certaines questions qui leur sont propres, ces demandes concernent l'assujettissement à la taxe foncière sur les propriétés bâties des mêmes locaux par un même requérant. Il y a lieu
de joindre ces deux instances pour statuer par un seul jugement.
Sur les conclusions à fin
de décharge des cotisations supplémentaires
de taxe foncière :
2. Aux termes
de l'article
1402 du code général des impôts : " Les mutations cadastrales consécutives aux mutations
de propriété sont faites à la diligence des propriétaires intéressés. Aucune modification à la situation juridique d'un immeuble ne peut faire l'objet d'une mutation si l'acte ou la décision judiciaire constatant cette modification n'a pas été préalablement publié au fichier immobilier. " Aux termes
de l'article
1404 du même code : " I. Lorsque au titre d'une année une cotisation
de taxe foncière a été établie au nom d'une personne autre que le redevable légal, le dégrèvement
de cette cotisation est prononcé à condition que les obligations prévues à l'article 1402 aient été respectées. L'imposition du redevable légal au titre
de la même année est établie au profit
de l'Etat dans la limite
de ce dégrèvement. II. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées comme les demandes en décharge ou réduction
de la taxe foncière. S'il y a contestation sur le droit à la propriété, l'application du I ci-dessus peut intervenir jusqu'au 31 décembre
de l'année qui suit le jugement définitif portant sur ce droit. " Enfin, en vertu du premier alinéa
de l'article
L. 173 du livre des procédures fiscales, le droit
de reprise
de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin
de l'année suivant celle au titre
de laquelle l'imposition est due.
3. Lorsque le dégrèvement d'une cotisation
de taxe foncière est prononcé en application du I
de l'article
1404 du code général des impôts, l'administration peut, en conséquence, établir l'imposition à l'égard du redevable légal au-delà du délai
de reprise prévu par l'article
L. 173 du livre des procédures fiscales, nonobstant les dispositions précitées du II
de l'article
1404 du code général des impôts, qui se bornent à prévoir un délai spécial applicable aux seuls cas
de contestation des droits
de propriété. Toutefois, elle ne peut, sans méconnaître l'article
L. 173 du livre des procédures fiscales, établir une telle imposition après la fin
de l'année suivant celle durant laquelle le dégrèvement
de la personne imposée à tort a été prononcé. Ces règles d'interruption
de la prescription, qui découlent d'une lecture combinée des dispositions
de l'article
1404 du code général des impôts et
de l'article
L. 173 du livre des procédures fiscales, ne privent pas le redevable légal des voies
de recours dont il dispose sur le fondement
de l'article
R. 196-2 du livre des procédures fiscales pour contester son imposition.
4. Il est constant que, alors que le jugement d'adjudication à la SCI du Valmartin du 11 avril 2014 du
Tribunal de grande instance
de Rouen avait fait l'objet d'une publication au fichier immobilier le 28 novembre 2014, l'administration fiscale a continué à mettre en recouvrement, au nom
de la société à responsabilité limitée (SARL) Meubles du Colombier les cotisations
de taxe foncière afférente à l'ensemble immobilier acquis par la société requérante et ce, jusqu'à l'année 2020. Il résulte
de l'instruction, en particulier des décisions
de dégrèvement d'office versées à la demande
de la juridiction, que l'ancien propriétaire des biens a bénéficié d'un dégrèvement d'office des taxes dont il avait été constitué à tort redevable au titre des années 2015 à 2020 en vertu d'un acte édicté le 1er décembre 2020 en ce qui concerne l'année 2020 et par un acte édicté le 3 décembre 2020 en ce qui concerne les années 2015 à 2019. La mise en recouvrement du rôle supplémentaire
de taxe foncière au titre
de l'année 2020 puis la mise en recouvrement des taxes au titre des années 2015 à 2019 au nom
de la SCI du Valmartin adjudicataire, opérées respectivement le 30 avril 2021 et le 31 octobre 2021, sont intervenues avant l'expiration du délai
de prescription du droit
de reprise
de l'administration. Par suite, et alors que les conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné à cette dernière
de produire les décisions
de dégrèvement d'office mentionnées ci-dessus sont devenues sans objet, le moyen, soulevé dans l'instance n°
2303088, tiré
de ce que les cotisations supplémentaires
de taxe foncière sur les propriétés bâties recouvrées au titre des années 2015 à 2020 étaient atteintes par la prescription doit être écarté.
Sur les conclusions à fin
de réduction
de l'ensemble des cotisations
de taxe foncière :
5. En vertu
de l'article 1518 B du code général des impôts, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite, notamment,
de cessions d'établissements réalisées à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers
de la valeur locative retenue l'année précédant la cession et, pour les opérations réalisées à compter du 1er janvier 1992, aux quatre cinquièmes
de son montant avant l'opération. Pour l'application
de ces dispositions, un établissement doit être regardé comme ayant fait l'objet d'une cession lorsque le même redevable a acquis l'ensemble des éléments mobiliers et immobiliers qui étaient nécessaires à l'activité exercée par le cédant en vue d'y exercer avec ces moyens sa propre activité. Tel n'est pas le cas lorsque l'état des éléments achetés interdit leur utilisation immédiate sans la réalisation d'importants travaux
de remise en état au regard
de la valeur des biens acquis.
6. Il résulte
de l'instruction, notamment des énonciations du procès-verbal
de description dressé le 16 décembre 2013 par l'huissier mandaté par le liquidateur
de la SARL Meubles du Colombier que le bâtiment à usage d'atelier d'une surface
de 9 913 m² était en état d'abandon total, que les installations, en particulier électriques et
de chauffage, avaient été détruites, que les installations sanitaires avaient été endommagées, leur tuyauterie ayant été arrachée et que des fenêtres avaient été brisées. L'huissier a également constaté que l'auvent et ses deux petits bâtiments latéraux, dans un mauvais état général, comportaient des gouttières cassées et arrachées, des cuves vandalisées, des murs et des sols souillés par des hydrocarbures, des locaux encombrés
de pièces et moteurs hors d'usage ainsi qu'une armoire électrique hors service. L'huissier a encore relevé que le petit hangar, désaffecté, construit sur une charpente en bois, était équipé
de cinq portes coulissantes en mauvais état qui ne tenaient pratiquement plus. L'huissier a ensuite observé que le terrain était délimité par une clôture grillagée en mauvais état et totalement rouillée, la parcelle étant envahie
de ronces et d'herbes hautes et le sol en matériaux durs étant à l'état d'abandon. Il résulte suffisamment
de ces constatations, annexées au cahier des conditions
de la vente judiciaire, que l'état des éléments achetés, au prix adjugé
de 59 500 euros, interdisait leur utilisation immédiate sans la réalisation d'importants travaux
de remise en état au regard
de la valeur
de ces biens. Par suite, la SCI du Valmartin est fondée à soutenir qu'elle n'était pas cessionnaire d'un établissement au sens des dispositions ci-dessus rappelées
de l'article 1518 B du code général des impôts.
7. Il résulte
de ce qui précède que la SCI du Valmartin est seulement fondée à demander la réduction des cotisations, supplémentaires et primitives,
de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2022 dans la commune
de Saint-Ouen-du-Breuil à concurrence
de la différence entre les montants qui lui ont été réclamés et ceux qui résulteront d'une base d'imposition déterminée sans application
de la valeur plancher prévue par l'article 1518 B du code général des impôts. Compte tenu
de l'évolution
de la valeur locative
de l'ensemble immobilier en cause, lequel a pu faire l'objet
de travaux, il incombera à l'administration
de procéder à ce calcul.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances
de l'espèce,
de mettre la somme unique
de 1 500 euros à la charge
de l'Etat au titre des frais exposés par la SCI du Valmartin et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Les bases d'imposition supplémentaires à la taxe foncière sur les propriétés bâties assignées à la SCI du Valmartin au titre des années 2015 à 2020 et les bases d'imposition primitives à cette taxe assignées à cette société au titre des années 2021 et 2022 dans la commune
de Saint-Ouen-du-Breuil sont diminuées en application du point 7 du présent jugement.
Article 2 : La SCI du Valmartin est déchargée du paiement d'une somme égale à la différence entre les cotisations
de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 à 2022 dans la commune
de Saint-Ouen-du-Breuil restant à sa charge et les cotisations déterminées en application
de l'article 1er du présent jugement et qu'il appartiendra à l'administration
de calculer.
Article 3 : L'Etat versera la somme unique
de 1 500 euros à la SCI du Valmartin en application
de l'article
L. 761-1 du code
de justice
administrative.
Article 4 : Le surplus des requêtes est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société civile immobilière du Valmartin et au directeur régional des finances publiques
de Normandie.
Rendu public par mise à disposition au greffe le
25 février 2025.
Le magistrat désigné,
Signé
P. ALe greffier,
Signé
N. BOULAY
La République mande et ordonne au directeur régional des finances publiques
de Normandie en ce qui le concerne et à tous commissaires
de justice à ce requis en ce qui concerne les voies
de droit commun, contre les parties privées,
de pourvoir à l'exécution
de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
N. BOULAY
Nos 2303088,2303089