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Tribunal administratif de Poitiers, 4 mars 2024, 2202574

Mots clés
société • préjudice • rapport • requête • principal • réserver • référé • requis • risque • sachant • sapiteur • serment

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Poitiers
  • Numéro d'affaire :
    2202574
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Dispositif : Expertise / Médiation
  • Nature : Décision
  • Avocat(s) : SCPA NORMAND ET ASSOCIES
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2022, Mme E F, représentée par Me Pichereau-Samson, demande au juge des référés, statuant sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de désigner un expert chargé de se prononcer sur les conditions de sa prise en charge par le centre hospitalier universitaire de Poitiers à compter du mois de mai 2017. Par deux mémoires, enregistrés le 28 octobre 2022 et le 2 février 2023, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers, représenté par la SCP d'avocats NORMAND et Associés, dans le dernier état de ses écritures, déclare ne pas s'opposer à la mesure d'expertise sollicitée tout en émettant les réserves et protestations d'usage et demande, dans l'hypothèse où l'expertise serait ordonnée, que la mission de l'expert soit complétée et que soit mise en cause la société Biogen France SAS. Il soutient que la participation de la société Biogen France SAS aux opérations d'expertise est utile dès lors que la leuco encéphalopathie multifocale progressive contractée par la requérante est un effet indésirable du médicament tysabri fabriqué par ce laboratoire. Par un mémoire enregistré le 2 novembre 2022, la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne, sollicite la réserve de ses droits. Par un mémoire enregistré le 3 novembre 2022, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Moreau, déclare ne pas s'opposer à la mesure d'expertise sollicitée tout en émettant les réserves et protestations d'usage et demande, dans l'hypothèse où l'expertise serait ordonnée, que la mission de l'expert soit complétée. Par un mémoire enregistré le 24 février 2023, la société Biogen France SAS, représentée par Mes Gateau et Caron, déclare ne pas s'opposer à la mesure d'expertise sollicitée tout en émettant les réserves et protestations d'usage et demande, dans l'hypothèse où l'expertise serait ordonnée, que la mission de l'expert soit complétée et de réserver les dépens. Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code

de justice administrative.

Considérant ce qui suit

: 1. Au mois d'août 2003, une sclérose en plaque a été diagnostiquée à Mme F. Un traitement par Avonex a été mis en place. Depuis 2007, le CHU de Poitiers lui a prescrit un traitement à base de tysabri qui s'administre par perfusion. Mme F a présenté une leuco-encéphalopathie multifocale progressive diagnostiquée à compter du mois de mai 2017 révélée par une image par résonance magnétique (IRM) et une ponction lombaire réalisées au CHU de Poitiers. Par la présente requête, Mme F demande au tribunal qu'une expertise soit ordonnée aux fins de se prononcer sur les conditions de sa prise en charge par le CHU de Poitiers à compter du mois de mai 2017. Sur la demande d'expertise : 2. En vertu de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. Si le juge des référés n'est pas saisi du principal, l'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il lui est demandé d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, relevant lui-même de la compétence de la juridiction à laquelle ce juge appartient, et auquel cette mesure est susceptible de se rattacher. 3. Les mesures d'expertise demandées par Mme F entrent dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article R. 532-1 du code de justice administrative. Par suite, il y a lieu de faire droit à sa demande et de fixer la mission de l'expert comme il est précisé à l'article 1er de la présente ordonnance. Sur les personnes mises en cause : 4. Peuvent être appelées en qualité de parties à une expertise ordonnée sur le fondement de ces dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative les personnes qui ne sont pas manifestement étrangères au litige susceptible d'être engagé devant le juge de l'action qui motive l'expertise. En outre, le juge du référé peut appeler à l'expertise en qualité de sachant toute personne dont la présence est de nature à éclairer ses travaux. 5. Le CHU de Poitiers demande la mise en cause de la société Biogen France SAS au motif que la leuco-encéphalopathie multifocale progressive contractée par Mme F constitue un effet secondaire du médicament tysabri fabriqué par le laboratoire. En l'état de l'instruction, alors que la société Biogen France SAS ne s'y oppose pas, sa participation aux opérations d'expertise n'apparaît pas manifestement dépourvue d'utilité. En tout état de cause, il appartiendra à l'expert, s'il l'estime pertinent, dès les investigations réalisées lors de la première réunion d'expertise, de solliciter du juge des référés la mise hors de cause des parties dont la participation ne serait pas ou plus nécessaire. Sur les conclusions relatives aux dépens : 6. Il résulte des dispositions de l'article R. 621-13 du code de justice administrative qu'il n'appartient pas au juge des référés de réserver les dépens. Ainsi, les conclusions présentées en ce sens doivent être rejetées.

O R D O N N E :

Article 1er : Un collège d'experts composé de Mme A C, neurologue, demeurant 24 route de Paris, à Nantes (44000), et de M. D B, infectiologue, demeurant 27 route de Kerloret, à Ploemeur (56270), est désigné, avec pour mission de : 1°) se faire communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de Mme F et, notamment, tous documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins, et aux diagnostics pratiqués sur elle lors de ses prises en charge par le CHU de Poitiers ; convoquer et entendre les parties et tous sachants ; procéder à l'examen sur pièces du dossier médical de Mme F ainsi qu'éventuellement à son examen clinique ; 2°) décrire l'état de santé de Mme F et les soins et prescriptions antérieurs à l'administration par le CHU de Poitiers de la cure de tysabri en mai 2017, les conditions dans lesquelles elle a été prise en charge et soignée dans cet établissement ; décrire l'état pathologique de la requérante ayant conduit aux soins, aux interventions et aux traitements pratiqués ; 3°) donner son avis sur le point de savoir si les diagnostics établis et les traitements, interventions et soins prodigués et leur suivi ont été consciencieux, attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science, et s'ils étaient adaptés à l'état de Mme F et aux symptômes qu'elle présentait ; donner notamment son avis sur la pertinence des diagnostics des équipes médicales du CHU de Poitiers, et l'utilité des thérapies et gestes opératoires pratiqués ; 4°) de manière générale, réunir tous les éléments devant permettre de déterminer si des fautes médicales, des fautes de soins ou des fautes dans l'organisation des services ont été commises lors des hospitalisations de Mme F ; rechercher si les diligences nécessaires pour l'établissement d'un diagnostic exact ont été mises en œuvre ; rechercher si les interventions, les traitements et les actes médicaux pratiqués ont été exécutés conformément aux règles de l'art ; déterminer les raisons de la dégradation de l'état de santé de Mme F et des complications dont elle souffre depuis ses hospitalisations ; 5°) donner son avis sur le point de savoir si le dommage corporel constaté a un rapport avec l'état initial de Mme F, ou l'évolution prévisible de cet état ; le cas échéant, déterminer la part du préjudice présentant un lien de causalité direct, certain et exclusif avec un manquement reproché à l'établissement, en excluant la part des séquelles à mettre en relation avec la pathologie initiale, son évolution ou toute autre cause extérieure ; 6°) donner son avis sur le point de savoir si le ou les manquements éventuellement constatés ont fait perdre à Mme F une chance sérieuse de guérison des lésions dont elle était atteinte avant l'administration de la cure de tysabri en mai 2017 par le CHU de Poitiers ; donner son avis sur l'ampleur (pourcentage) de la chance perdue par Mme F de voir son état de santé s'améliorer ou d'éviter de le voir se dégrader en raison de ces manquements ; 7°) dire si le dossier médical et les informations recueillies permettent de savoir si Mme F a été informée de la nature du traitement qu'elle allait suivre, et des conséquences normalement prévisibles de ce traitement et si elle a été mise à même de formuler un consentement éclairé ; dans la négative, préciser si Mme F a subi une perte de chance de se soustraire au risque en refusant le traitement si elle en avait connu tous les dangers (pourcentage) ; 8°) dire si l'état de Mme F a entraîné un déficit fonctionnel temporaire résultant de troubles physiologiques ou psychologiques et en préciser les dates de début et de fin, ainsi que le ou les taux ; 9°) indiquer à quelle date l'état de Mme F peut être considéré comme consolidé ; préciser s'il subsiste un déficit fonctionnel permanent et, dans l'affirmative, en fixer le taux, en distinguant la part imputable au manquement éventuellement constaté de celle ayant pour origine toute autre cause ou pathologie, eu égard notamment aux antécédents médicaux de l'intéressée ; dans le cas où cet état ne serait pas encore consolidé, indiquer, si dès à présent, un déficit fonctionnel permanent une incapacité permanente partielle est prévisible et en évaluer l'importance ; 10°) dire si l'état de Mme F est susceptible de modification en amélioration ou en aggravation ; dans l'affirmative, fournir toutes précisions utiles sur cette évolution, sur son degré de probabilité et dans le cas où un nouvel examen serait nécessaire, mentionner dans quel délai ; 11°) donner son avis sur l'existence éventuelle de préjudices annexes (souffrances endurées, préjudice esthétique, préjudice d'agrément spécifique, préjudice sexuel, préjudice psychologique), avant la date de consolidation de son état comme après celle-ci, et le cas échéant, en évaluer l'importance, en distinguant la part imputable au manquement éventuellement constaté de celle ayant pour origine toute autre cause ou pathologie, eu égard, notamment aux antécédents médicaux de l'intéressé ; 12°) donner son avis sur la répercussion de l'incapacité médicalement constatée sur la vie personnelle et professionnelle de Mme F, notamment en termes d'aménagement de son logement, de frais d'adaptation de son véhicule et d'assistance par une tierce personne. Article 2 : Le collège d'experts accomplira sa mission dans les conditions prévues aux articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président du tribunal administratif. Article 3 : Préalablement à toute opération, le collège d'experts prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative. Article 4 : L'expertise aura lieu en présence, outre de Mme F, du CHU de Poitiers, de la société Biogen France SAS, de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime. Article 5 : Le collège d'experts avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative. Article 6 : Le collège d'experts déposera son rapport au greffe en deux exemplaires dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente ordonnance, dont un sous une forme numérisée. Des copies seront notifiées par les experts aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. Le collège d'experts justifiera auprès du tribunal de la date de réception de son rapport par les parties. Article 7 : Les frais et honoraires de l'expertise seront mis à la charge de la ou des parties désignées dans l'ordonnance par laquelle le président du tribunal liquidera et taxera ces frais et honoraires. Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 9 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme E F, au centre hospitalier universitaire de Poitiers, à la société Biogen France SAS, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, à Mme A C et à M. D B, experts. Fait à Poitiers, le 4 mars 2024. Le président, signé A. JARRIGE La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour le greffier en chef, La greffière, Christelle ROBIN

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