Cour d'appel de Paris, 30 juin 2017, 2016/12687

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2016/12687
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Numéros d'enregistrement : DM/052554 ; 995874-002 ; 995874-003 ; 995874-004 ; 995216-002 ; 995216-003 ; 995216-004
  • Parties : W (Herbert, Allemagne) / NESTLÉ FRANCE SAS
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Paris, 13 mai 2016
  • Président : Mme Colette PERRIN
Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2017-06-30
Tribunal de grande instance de Paris
2016-05-13

Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARIS

ARRET

DU 30 juin 2017 Pôle 5 - Chambre 2 (n°121, 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 16/12687 Décision déférée à la Cour : jugement du 13 mai 2016 - Tribunal de grande instance de PARIS -3ème chambre 2ème section - RG n°15/03149 APPELANT AU PRINCIPAL et INTIME INCIDENT M. Herbert W Représenté par Me Olivier TABONE, avocat au barreau de PARIS, toque P 205 Assisté de Me Caroline L, avocat au barreau de GRASSE INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE S.A.S. NESTLE FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [...] 77186 NOISIEL Immatriculée au rcs de Meaux sous le numéro 542 014 428 Représentée par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L 0044 Assistée de Me Yves B plaidant pour l'AARPI BIRD & BIRD, avocat au barreau de PARIS, toque R 255 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 mai 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Colette PERRIN, Présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Véronique RENARD, Conseillère M Colette PERRIN et Véronique R ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Colette PERRIN, Présidente Mme Véronique RENARD, Conseillère Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère, désignée pour compléter la Cour Greffière lors des débats : Mme Carole T ARRET : Contradictoire Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile Signé par Mme Colette PERRIN, Présidente, et par Mme Carole T, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire. FAITS ET PROCÉDURE Monsieur Herbert W, retraité, âgé de 75 ans, a déposé auprès de l'INPI et de l'OMPI plusieurs dessins et modèles, ayant pour objet une 'canette ergonomique rétrécie en son milieu' dont le dépôt à l'INPI a été publié le 14 avril 2000, et celui auprès de l'OMPI le 16 février 2000 sous le n° DM/052554. Les sociétés Nestlé France et Société des Produits Nestlé font partie du groupe alimentaire mondial Nestlé, la société Nestlé France ayant une activité opérationnelle et commerciale sur le territoire français, la Société des Produits Nestlé gérant le portefeuille des droits de propriété intellectuelle du groupe ; cette dernière est notamment titulaire d'un modèle enregistré au Brésil sous le n° DI 6600462-4, visant à protéger la forme extérieure d'un conditionnement en forme de cylindre. Monsieur Herbert W ayant constaté que le groupe Nestlé commercialisait sous la marque 'Nescau' une canette longue et ergonomique identique selon lui à son modèle international, et ayant découvert le dépôt de dessin et modèle brésilien considéré identique au sien, a, après l'échec d'une proposition de solution amiable selon courrier du 24 novembre 2009, assigné les sociétés Nestlé France et Société de Produits Nestlé par acte d'huissier en date du 14 novembre 2014 devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de son modèle enregistré et de son droit d'auteur. Par jugement contradictoire en date du 13 mai 2016, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Paris a : - prononcé la nullité des dessins et modèles suivants dont Monsieur Herbert W est titulaire : • la partie française du modèle international DM/052554 déposé le 16 février 2000 désignant la France ; • modèles français n°995874-002, n°995874-003 et n°995874-004 déposés le 3 septembre 1999 ; •modèles français n°995216-002, n°995216-003 et n°995216-004 déposés le 19 août 1999 ; - ordonné la transcription de la présente décision, une fois celle-ci devenue définitive, au registre national des dessins et modèles tenu par l'INPI et au registre des dessins et modèles internationaux tenu par l'OMPI, à la requête de la partie la plus diligente ; - déclaré le présent tribunal incompétent pour examiner la demande en nullité du modèle brésilien DI 6600462-4 dont la Société des Produits Nestlé est titulaire et renvoyé Monsieur W à mieux se pourvoir sur ce chef de demande ; - condamné Monsieur Herbert W à payer aux sociétés Nestlé France et Société des Produits Nestlé la somme globale de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - rejeté le surplus des demandes ; - condamné Monsieur Herbert W aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; Monsieur Herbert W a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 8 juin 2016. Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2016, Monsieur Herbert W demande à la cour de : - infirmer le jugement du TGI de Paris du 13 mai 2016 en ce qu'il l'a débouté de ses demandes, prononcé la nullité de ses dessins et modèles, condamné à un article 700 du code de procédure civile d'un montant de 5 000 euros ainsi qu'aux entiers dépens, - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'intimée de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice commercial et procédure abusive, et, statuant à nouveau, - dire et juger que les sociétés Nestlé sont irrecevables et subsidiairement mal fondées à contester la validité de ses dépôts par une demande reconventionnelle en nullité n'étant pas elles-mêmes titulaires du dessin et modèle antérieur dont seule la société Coca- Cola pourrait éventuellement se prévaloir,

en conséquence

, - dire et juger que ses dessins et modèles relèvent de la protection du livre I et du livre V du code de la propriété intellectuelle, - dire et juger qu'en commercialisant des canettes rétrécies en leurs milieu au mépris de son dépôt légalement effectué auprès de l'INPI et l'OMPI, les sociétés ont commis un acte de contrefaçon. - dire et juger que ce faisant, les sociétés Nestlé ont également porté atteinte aux droits d'auteur, droit dont il est titulaire, - dire et juger qu'il a droit à réparation de ses préjudices, par conséquent, - condamner les sociétés Nestlé à lui verser la somme de 400.000 euros à titre de réparation dudit préjudice commercial et moral au titre de l'action en contrefaçon, au surplus, - condamner les sociétés Nestlé à lui verser la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte aux droits d'auteur, - condamner les sociétés Nestlé à verser 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de l'instance en ceux compris notamment, à défaut de règlement spontané des condamnations du présent arrêt, le montant des sommes retenues par l'huissier de justice par application de l'article 10 du décret du 08 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996, sera à la charge exclusive des sociétés Nestlé et qu'ils seront recouvrés conformément aux conditions de l'article 699 du code de procédure civile. Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 novembre 2016, la société Nestlé France demande à la cour de : à titre principal, - confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande pour procédure abusive en conséquence, et statuant à nouveau, - prononcer la nullité des modèles français n°995216-002, 995216- 003, 995216-004, n°995874-002, 995874-003 et 995874-004 pour défaut de nouveauté, défaut d'originalité et caractère exclusivement fonctionnel ; - prononcer la nullité de la partie française du modèle international n° DM/052554-6 pour défaut de nouveauté, défaut d'originalité et caractère exclusivement fonctionnel ; - dire que la mention de ces annulations sera inscrite au registre national des dessins et modèles tenu par l'INPI et sera communiquée à l'OMPI sur réquisition de Monsieur le greffier en chef de la cour ou à la diligence de l'une des parties ; - dire que les créations reflétées par les modèles français n°995216- 002, 995216-003, 995216-004, n°995874-002, 995874-003 et 995874-004 et international n° DM/052554-6 ne revêtent aucun caractère d'originalité et sont insusceptibles de protection par le droit d'auteur ; en tout état de cause, - dire qu'elle n'a commis aucun acte de contrefaçon des modèles français n°995216-002, 995216-003, 995216-004, n°995874-002, 995874-003 et 995874-004 et international n° DM/052554-6 et/ou de contrefaçon de droits d'auteur sur les créations y afférents, au détriment de l'appelant, en conséquence, - débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes ; - dire que l'action engagée par l'appelant revêt un caractère abusif et condamner celui-ci à lui verser la somme de 25.000 euros à ce titre ; - condamner l'appelant à lui verser la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et le condamner à supporter les dépens, qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 mars 2017. La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. MOTIFS Sur la recevabilité de M. W à l'encontre de la Société Produits Nestlé La cour constate que M. W n'a pas interjeté appel à l'encontre de la Société Produits Nestlé de sorte que la décision de première instance est définitive en ce qui concerne celle-ci, soit en ce que le tribunal s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande en nullité du modèle brésilien D I 6600 4622 4 dont elle est titulaire et en ce qu'il a condamné M. W à lui payer la somme de 5 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Sur la validité des modèles de M. W M. W fait grief aux premiers juges d'avoir prononcé la nullité des dessins et modèles suivants dont il est titulaire : • l a partie française du modèle international DM/052554 déposé le 16 février 2000 désignant la France ; • modèles français n°995874-002, n°995874-003 et n°995874-004 déposés le 3 septembre 1999 ; •modèles français n°995216-002, n°995216-003 et n°995216-004 déposés le 19 août 1999. La validité d'un modèle s'apprécie au regard de la loi applicable au jour de son dépôt ; les modèles dont M.Waldmann est titulaire ayant été déposés antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 25 juillet 2001, sont applicables les règles issues de la loi de 1909 codifiées par la loi du 1er juillet 1992 dans le Code de la propriété intellectuelle sous l'article L511-3 qui dispose que : 'Les dispositions du présent livre sont applicables à tout dessin nouveau, à toute forme plastique nouvelle, à tout objet industriel qui se différencie de ses similaires soit par une configuration distincte et reconnaissable lui conférant un caractère de nouveauté, soit par un ou plusieurs effets extérieurs lui donnant une physionomie propre et nouvelle'. M. W soutient que les premiers juges ont retenu à tort une antériorité Coca Cola comme étant destructrice de nouveauté alors qu'une antériorité, pour être pertinente, doit être une antériorité de toutes pièces c'est à dire présenter toutes les caractéristiques du modèle invoqué, à savoir une canette rétrécie en son milieu et un système d'ouverture/ fermeture coulissant, ajoutant que seule la société Coca Cola est investie du droit à former une demande reconventionnelle de nullité. La loi de 1909 applicable en l'espèce ne comporte aucune disposition conditionnant la recevabilité d'une demande en nullité d'un modèle enregistré postérieurement et l'opposabilité d'une antériorité ; dès lors la simple publication du modèle Coca Cola au registre des dessins et modèles tenu par l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) suffit à le rendre opposable et la société Nestlé peut dès lors s'en prévaloir pour contester et à détruire la validité des modèles dont M. W est titulaire. Or, le modèle Coca Cola se caractérise comme un contenant de type canette, de forme allongée et cylindrique dont la section est rétrécie en parie médiane, munie d'un système d'ouverture intégré sur la partie supérieure, ensemble d'éléments qui sont ceux des modèles invoqués selon une même combinaison. Si M. W invoque la différence résultant du système d'ouverture /fermeture coulissante, cette caractéristique est exclusivement fonctionnelle et n'est pas significative sur le plan de l'apparence extérieure et de l'esthétisme. En conséquence, les modèles de M. W ne présentent aucune configuration distincte et reconnaissable leur conférant un caractère de nouveauté ou une physionomie propre qui les différencient du modèle antérieur Coca Cola. La décision entreprise sera confirmée. Sur le droit d'auteur M. W soutient que ce type de canette refermable de la canette et rétrécie en son milieu révèle un effort créatif de sa part et caractérise son originalité. Toutefois, M. W indique que cette forme a été adoptée afin d'en faciliter la tenue par des enfants auxquels elle est destinée ; en conséquence cette forme ne relève pas d'un effort créatif mais d'un souci fonctionnel. En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont dit que M. W était défaillant à rapporter la preuve de l'originalité des modèles en cause. Sur la demande de la société Nestlé France pour procédure abusive La société Nestlé France soutient que M.Waldmann a engagé l'action en contrefaçon de mauvaise foi dès lors qu'il connaissait l'existence de l'antériorité Coca Cola et qu'il avait introduit d'autres procédures dans lesquelles il a été débouté. Pour autant, M.Waldmann qui est titulaire de plusieurs modèles régulièrement déposés a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits et la société Nestlé France ne démontre aucune faute caractérisant une intention malicieuse à son endroit, il y a lieu de confirmer la décision entreprise qui l'a déboutée de sa demande. Sur l'article 700 du code de procédure civile La société Nestlé France ayant dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME le jugement déféré, CONDAMNE M. W à payer à la société Nestlé France la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, REJETTE toute autre demande, CONDAMNE M. W aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.