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CEDH, Cour (Quatrième Section), AFFAIRE ZAJAC c. POLOGNE, 29 juillet 2008, 19817/04

Synthèse

  • Juridiction : CEDH
  • Numéro de pourvoi :
    19817/04
  • Dispositif : Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable
  • Importance : Faible
  • État défendeur : Pologne
  • Nature : Arrêt
  • Identifiant européen :
    ECLI:CE:ECHR:2008:0729JUD001981704
  • Lien HUDOC :https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-87953
  • Commentaires :
  • Avocat(s) : STRUS-WOLOS M.
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Résumé

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Texte intégral

QUATRIÈME SECTION AFFAIRE ZAJąC c. POLOGNE (Requête no 19817/04) ARRÊT STRASBOURG 29 juillet 2008 DÉFINITIF 29/10/2008 Cet arrêt peut subir des retouches de forme. En l'affaire Zając c. Pologne, La Cour européenne des droits de l'homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de : Giovanni Bonello, président, Lech Garlicki, Ljiljana Mijović, David Thór Björgvinsson, Ján Šikuta, Päivi Hirvelä, Ledi Bianku, juges, et de Lawrence Early, greffier de section, Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 juillet 2008, Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 19817/04) dirigée contre la République de Pologne et dont une ressortissante de cet État, Mme Zenona Zając (« la requérante »), a saisi la Cour le 11 mai 2004 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). 2. La requérante, qui a été admise au bénéfice de l'assistance judiciaire, est représentée par Me Monika Strus-Wołos, avocate à Grójec. Le gouvernement polonais (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. Jakub Wołąsiewicz, du ministère des Affaires étrangères. 3. Le 23 juin 2006, le président de la quatrième section a décidé de communiquer le grief tiré de la durée de la procédure au Gouvernement. Comme le permet l'article 29 § 3 de la Convention, il a en outre été décidé que seraient examinés en même temps la recevabilité et le bien fondé de l'affaire. EN FAIT I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE 4. La requérante est née en 1939 et réside à Radom. 5. Le 2 février 1993, elle saisit le tribunal de district de Radom d'une demande tendant au partage d'une succession. Outre la requérante, cinq autres personnes intéressées participèrent à la procédure. 6. La première audience fut fixée au 15 mars 1993. Les audiences suivantes se tinrent les 2 et 19 avril 1993. 7. À l'audience du 11 mai 1993, le juge entendit les témoins. Ensuite, il requit l'avis d'un expert agronome. Ce dernier présenta ses conclusions le 14 juin 1993. 8. L'audience fixée au 29 juin 1993 fut ajournée au 19 juillet en raison de l'absence des participants à la procédure. 9. Le 7 septembre 1993, le juge demanda au même expert de présenter un avis complémentaire. Celui-ci fut soumis le 12 octobre 1993. 10. Le 22 novembre 1993, le juge désigna un expert géomètre et le chargea de présenter, dans un délai d'un mois, un projet de plan de partage d'une parcelle faisant partie de la succession. L'expert présenta ses conclusions le 24 avril 1994. 11. Le 23 juin 1994, le tribunal tint une audience. Ce jour-là, le juge demanda à un autre expert de déterminer la valeur d'une parcelle de terrain faisant partie des biens à partager. En outre, il invita une nouvelle personne intéressée à se joindre à la procédure. Étant donné que la personne en question n'avait pas été correctement avisée de l'ouverture de la procédure, le 18 avril 1995, le juge ordonna au greffier d'effectuer une nouvelle notification. 12. Les 17 mai et 22 septembre 1995, la requérante pria le juge d'accélérer la procédure. 13. À l'audience du 26 octobre 1995, le tribunal procéda à l'ouverture et à la lecture du testament en présence des héritiers. Le 27 novembre 1995, l'un des héritiers contesta la validité du testament. 14. Par une décision préliminaire (postanowienie wstępne) prononcée le 23 février 1996, le tribunal confirma la qualité d'héritière de la requérante. 15. L'audience suivante eut lieu le 18 mai 1996. Celle fixée au 22 juin fut reportée au 22 août, ensuite au 3 octobre et enfin au 18 novembre 1996. 16. Entre-temps, le 30 août 1996, la requérante se plaignit auprès du juge de la durée de la procédure. 17. À l'audience du 18 novembre 1996, le juge invita deux nouvelles personnes intéressées à se joindre à la procédure. 18. Le 3 décembre 1996, ayant eu connaissance de l'existence d'un autre héritier, le juge suspendit la procédure et enjoignit aux intéressés d'indiquer l'identité de celui-ci. 19. Le 14 janvier 1997, la procédure fut reprise. 20. Le 15 janvier 1997, les intéressés sollicitèrent la désignation d'un avocat d'office. 21. Le 4 avril 1997, la procédure fut à nouveau suspendue, les intéressés ayant été sommés de fournir au juge certaines pièces jugées indispensables à la poursuite de celle-ci. Le 27 août 1997, la procédure fut reprise. 22. L'audience prévue pour le 24 octobre 1997 fut reportée au 1er décembre. 23. L'un des intéressés étant décédé, le 23 décembre 1997, le juge identifia les héritiers du défunt afin qu'ils puissent se substituer au de cujus. 24. Le 19 février 1998, la requérante se plaignit de la durée de la procédure. Lors de l'audience qui se tint le même jour, le juge désigna deux experts et leur demanda de déterminer la valeur d'une parcelle de terrain et celle du mobilier faisant partie de la succession. 25. Le 26 février 1998, la requérante sollicita la récusation du juge. Sa demande fut rejetée le 2 mars. 26. L'audience fixée au 25 juin 1998 fut reportée au 10 juillet. 27. Le 7 août 1998, le juge invita un autre expert à déterminer la valeur du mobilier. Le 3 septembre 1998, celui-ci présenta ses conclusions. 28. L'audience fixée au 20 novembre fut annulée, le juge étant malade. 29. Les audiences suivantes eurent lieu les 8 février, 24 mars et 6 mai 1999. 30. L'audience prévue pour le 14 juin 1999 dut être reportée au 1er septembre du fait de l'absence justifiée de l'un des participants à la procédure. 31. Le 1er septembre 1999, le juge demanda à l'expert de présenter une nouvelle expertise étant donné que celles obtenues antérieurement nécessitaient d'être mises à jour. En outre, il somma l'un des participants de verser un acompte sur les frais liés à la préparation de l'expertise. Le 21 juin 2000, le juge désigna un expert. Ce dernier présenta ses conclusions le 28 août 2000. 32. Le 13 septembre 2000, le juge demanda à l'expert géomètre de présenter un projet de plan de partage d'une autre parcelle de terrain. Le 22 mai 2001, l'expert lui soumit le projet en question. 33. Étant donné qu'une autre personne intéressée venait de décéder, le 19 octobre 2001, le juge identifia les héritiers de celle-ci afin qu'ils puissent poursuivre la procédure. 34. À l'issue de l'audience qui se tint le 20 novembre 2001, le juge désigna un expert en agronomie et lui demanda de se prononcer sur la question de savoir si le plan de partage de la parcelle de terrain proposé par l'expert géomètre était conforme aux règles d'une bonne exploitation agricole. Le 30 novembre 2001, les intéressés versèrent un acompte sur les frais de l'expert. Le 28 février 2002, ce dernier présenta ses conclusions. 35. L'audience suivante eut lieu le 24 mai 2002. Ce jour-là, le juge désigna un autre expert et lui demanda de déterminer la valeur de l'exploitation agricole faisant partie de la succession. Ensuite, à deux reprises, le juge remplaça cet expert par un autre, qui présenta ses conclusions le 3 décembre 2002. 36. À l'audience du 15 janvier 2003, le juge requit l'avis complémentaire de l'expert géomètre. Le 26 juin 2003, ce dernier soumit l'avis en question. 37. Le 1er septembre 2003, le juge suspendit la procédure en raison du décès de l'un des participants et pria l'avocat de celui-ci d'identifier ses héritiers. 38. Le 9 février 2004, la procédure fut reprise. 39. Par une ordonnance prononcée le 26 avril 2004, le juge désigna les héritiers des défunts. 40. Le 7 mai 2004, il suspendit la procédure au motif qu'un autre intéressé venait de décéder. Le 24 juin 2004, la procédure fut reprise. Le 30 août 2004, le juge désigna les héritiers du défunt. 41. À l'audience du 30 septembre 2004, il entendit les intéressés. 42. Le 19 octobre 2004, la procédure fut à nouveau suspendue en raison du décès d'un autre intéressé. Le 9 novembre 2004, la procédure fut reprise. 43. Le 19 janvier 2005, la requérante forma un recours sur le fondement de l'article 5 de la loi de 2004 pour critiquer la durée de la procédure. Elle sollicita l'octroi d'une indemnité de ce chef et pria le juge de sommer la juridiction mise en cause de prendre des mesures appropriées pour accélérer la marche de la procédure. 44. Par une décision du 22 février 2005, le tribunal régional de Radom se prononça sur le recours de l'intéressée. Il constata le dépassement du délai raisonnable et octroya à la requérante une indemnité de 5 000 PLN. 45. Entre-temps, la procédure se poursuivit. Des audiences eurent lieu les 14 février et 14 mars 2005. 46. Le 3 juin 2005, le tribunal de district rendit le jugement quant au fond et opéra le partage de la succession. 47. Le 1er juillet 2005, l'intéressée interjeta appel. Le 15 juillet 2005, le juge somma la requérante de combler les lacunes de forme de son appel. 48. Le 8 août 2005, il déclara l'appel irrecevable. Le 23 août 2005, l'intéressée forma un recours. 49. Le 5 septembre 2005, la requérante demanda au juge de lui restituer le délai pour combler les lacunes de forme de son appel du 1er juillet 2005. Le 20 septembre 2005, le juge accueillit sa demande. 50. Le 17 octobre 2005, la requérante invita le juge à l'exonérer des frais de procédure. Le 24 novembre 2005, le juge accueillit partiellement sa demande. 51. Le 8 février 2006, le tribunal régional renvoya le dossier au tribunal de district afin que celui-ci notifie l'appel à l'un des participants à la procédure. 52. Le 17 mai 2006, le tribunal régional tint une audience. 53. Le 25 mai 2006, il désigna un expert et lui ordonna d'actualiser la valeur d'un bien immeuble. L'expert remit son avis le 31 juillet 2006. 54. Le 28 août 2006, la requérante demanda au juge de l'exonérer des frais d'expert. Le 31 août 2006, le juge accueillit partiellement sa demande. 55. Le 20 septembre 2006, le tribunal régional tint une audience et entendit l'expert. 56. Le 29 septembre 2006, il rendit son arrêt et rejeta l'appel. Le 6 octobre 2006, l'arrêt et sa motivation furent notifiés à la requérante. II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS A. La loi du 17 juin 2004 57. Le 17 septembre 2004 est entrée en vigueur la loi adoptée le 17 juin 2004, qui a introduit dans le système juridique polonais une voie de recours contre la longueur excessive des procédures judiciaires (Ustawa o skardze na naruszenie prawa strony do rozpoznania sprawy w postępowaniu sądowym bez nieuzasadnionej zwłoki). Les décisions Charzyński c. Pologne no 15212/03 (déc.), §§ 12-23, ECHR 2005-V, Ratajczyk c. Poland no 11215/02 (déc.), ECHR 2005-VIII et Krasuski c. Poland, no 61444/00, §§ 34-46, ECHR 2005-V, ainsi que l'arrêt Swat c. Pologne no 13545/03, 18 décembre 2007, §§ 20-24 décrivent le droit et la pratique internes pertinents concernant l'efficacité de la voie de recours interne instaurée par la loi de 2004. B. Dispositions pertinentes du code civil 58. Le code civil dispose ce qui suit : « Art. 23. Les droits personnels d'un individu, tels que la santé, la liberté, l'honneur, la liberté de conscience, le nom ou le pseudonyme, l'image, le secret de la correspondance, l'inviolabilité du domicile, les œuvres scientifiques ou artistiques [ainsi que] les inventions et améliorations, sont protégés par le droit civil sans préjudice de la protection consacrée par d'autres dispositions juridiques. » « Art. 448. Le tribunal peut accorder une somme appropriée à titre de réparation du dommage moral (krzywda) subi par toute personne dont les droits personnels ont été enfreints. A titre subsidiaire, la personne concernée, en plus de rechercher toute forme de réparation pouvant être nécessaire pour supprimer les conséquences de l'atteinte subie, peut demander au tribunal d'accorder une somme appropriée au bénéfice d'une cause sociale spécifique. (...) » 59. La responsabilité civile de l'État est régie par les articles 417 et suivants du code civil (Kodeks cywilny). Dans sa version en vigueur avant le 1er septembre 2004, l'article 417 § 1, qui énonçait une règle générale, se lisait comme suit : « Le Trésor public est responsable des dommages causés par un agent de l'État dans l'exercice de ses fonctions. » 60. Le 1er septembre 2004, la loi du 17 juin 2004 portant modification du code civil et d'autres lois (Ustawa o zmianie ustawy - Kodeks cywilny oraz niektórych innych ustaw) (« la loi modificative de 2004 ») est entrée en vigueur. Le passage pertinent de l'article 4171 introduit par la loi modificative de 2004 se lit comme suit : « 3. Si la non-adoption d'un arrêt [orzeczenie] ou d'une décision [decyzja] a causé un dommage alors que la loi faisait obligation de rendre un tel arrêt ou une telle décision, il peut être demandé réparation [du dommage] une fois établi dans la procédure pertinente que la non-adoption de l'arrêt ou de la décision était contraire à la loi, à moins que des règles spéciales n'en disposent autrement. » La disposition transitoire de l'article 5 de la loi modificative de 2004 précise toutefois que l'article 417, dans la version en vigueur avant le 1er septembre 2004 (paragraphe 59 ci-dessus), s'applique à tous les événements, affaires et situations de droit qui se sont produits avant cette date.

EN DROIT

I. LA DEMANDE DU GOUVERNEMENT DE RAYER LA REQUETE DU ROLE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 37 DE LA CONVENTION 61. Par une lettre du 11 janvier 2007, le Gouvernement a invité la Cour à rayer l'affaire du rôle et a joint le texte d'une déclaration unilatérale similaire à celle présentée dans les affaires Tahsin Acar c. Turquie ((question préliminaire) [GC], no 26307/95, ECHR 2003-VI), Haran c. Turquie, ((radiation du rôle) no 25754/94, 26 mars 2002) et autres. Dans ladite déclaration, il a reconnu qu'il y avait eu, dans la présente affaire, violation de l'article 6 § 1 de la Convention du fait de la durée excessive de la procédure. Le Gouvernement a de surcroît proposé de verser la somme de 5 000 PLN (environ 1 450 EUR) au titre de la satisfaction équitable et a invité la Cour à rayer la requête du rôle en application de l'article 37 de la Convention. 62. La requérante s'est opposée à l'offre du Gouvernement et a prié la Cour de statuer par un arrêt. Elle a indiqué en particulier que le montant de la satisfaction équitable proposé ne suffisait pas à effacer les effets de la violation de la Convention dont elle avait été victime. 63. La Cour estime que, dans certaines circonstances, il peut être indiqué de rayer une requête du rôle en vertu de l'article 37 § 1 c) de la Convention sur la base d'une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l'examen de l'affaire se poursuive. Ce seront toutefois les circonstances particulières de la cause qui permettront de déterminer si la déclaration unilatérale offre une base suffisante pour que la Cour conclue que le respect des droits de l'homme garantis par la Convention n'exige pas qu'elle poursuive l'examen de l'affaire (voir Tahsin Acar, précité, § 75; Melnic c. Moldova, no 6923/03, § 22, 14 novembre 2006). 64. La Cour note que dans de nombreuses affaires dont elle avait eu à connaître, elle a défini la nature et l'étendue des obligations que la Convention fait peser sur l'État défendeur au regard de l'article 6 de la Convention s'agissant du droit à un jugement dans un délai raisonnable (voir, parmi beaucoup d'autres, Kuśmierek c. Pologne, no10675/02, 21 septembre 2004; Zynger c. Pologne, no 66096/01, 13 juillet 2004). En règle générale, en cas de constat de violation du droit en question, elle a jugé opportun d'allouer aux requérants une somme au titre de la satisfaction équitable, dont le montant était déterminé en fonction des circonstances particulières d'une affaire donnée. 65. La Cour observe que le Gouvernement a accepté de dire, dans sa déclaration unilatérale, que la durée de la procédure était excessive. Cependant, pour autant qu'il s'agisse du montant de la satisfaction équitable proposée par le Gouvernement, la Cour estime qu'au vu des sommes qu'elle a octroyé à ce titre dans des affaires similaires, en l'occurrence, le montant proposé ne saurait constituer une réparation adéquate, même si l'on tient compte de l'indemnisation accordée au niveau interne. 66. La Cour considère que le respect des droits de l'homme exige la poursuite de l'examen de l'affaire, conformément à la dernière phrase de l'article 37 § 1 de la Convention. La requête ne peut donc être rayée du rôle en vertu de l'alinéa c) de l'article 37 de la Convention, la déclaration n'offrant pas une base suffisante pour que la Cour puisse dire qu'il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de l'affaire. 67. En conclusion, elle rejette la demande du Gouvernement tendant à la radiation de la requête du rôle en vertu de l'article 37 § 1 c) de la Convention et va en conséquence poursuivre l'examen de la recevabilité et du fond de l'affaire.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L'ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

68. La requérante allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l'article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) » 69. La période à considérer a débuté le 2 février 1993 et s'est terminée le 29 septembre 2006. Sa durée est donc d'environ treize années et huit mois, pour deux instances. Toutefois, eu égard à sa compétence ratione temporis, la Cour ne peut prendre en considération que la période d'environ treize années et cinq mois qui s'est écoulée depuis le 1er mai 1993, soit la date de la prise d'effet de la reconnaissance par la Pologne du droit de recours individuel, même si elle aura égard au stade qu'avait atteint la procédure à cette date (voir, par exemple, l'arrêt Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 123, CEDH 2000-XI). A. Sur la recevabilité 1. Sur l'exception du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes. 70. Le Gouvernement affirme que la requérante n'a pas épuisé les voies de recours internes. 71. En premier lieu, il fait valoir que déjà avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2004, la requérante aurait pu obtenir réparation de son dommage matériel et moral en introduisant une action fondée sur les dispositions des articles 417, 448 et 23 du code civil. A partir du 1er septembre 2004, elle aurait pu obtenir une telle réparation en se prévalant également du nouvel article 4171 § 3 du code civil. 72. En second lieu, le Gouvernement soulève que la requérante aurait pu engager contre le Trésor public une action en dommages et intérêts sur la base de l'article 15 de la loi du 17 juin 2004, le tribunal régional ayant accueilli, le 22 février 2005, la plainte qu'elle avait introduite sur la base de cette loi. A l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la décision du 22 février 2005, l'intéressée aurait également pu former un nouveau recours contre la durée excessive de la même procédure (article 14 de la loi du 17 juin 2004). 73. Pour étayer ses affirmations, le Gouvernement cite l'exemple de différentes procédures civiles dans le cadre desquelles des particuliers demandaient réparation du dommage subi du fait de la durée d'une procédure. 74. Il ressort des copies des décisions judiciaires produites par le Gouvernement que le 14 avril 2000, le tribunal de district de Varsovie approuva un compromis en vertu duquel le Trésor public s'engageait à verser une somme d'argent à W.P. Ce dernier, expert judiciaire, avait engagé une action en dommages et intérêts au motif que la cour d'appel n'avait pas connu pendant plusieurs années du recours qu'il avait introduit contre une décision fixant ses honoraires. Le jugement ne fut pas motivé. 75. Il ressort également des documents fournis par le Gouvernement que le 29 juillet 2004, statuant en deuxième ressort, la cour d'appel de Gdańsk octroya à K.Sz. une somme d'argent au titre du dommage moral causé par la durée d'une procédure pénale diligentée à l'encontre de celui-ci. Le 14 juillet 2006, le tribunal de district de Zgierz octroya à la société TD S.A. une somme d'argent au titre du dommage matériel causé par la durée d'une procédure civile. Les juges motivèrent leurs décisions en s'appuyant sur les dispositions du code civil. 76. Il ressort enfin des documents produits par le Gouvernement que le 30 juin 2006, statuant en deuxième ressort, le tribunal régional de Siedlce accorda à B.N. une somme d'argent au titre du dommage matériel causé par la durée d'une procédure civile. Dans ce dernier cas, tout en s'appuyant sur les dispositions du code civil, les juges soulevèrent que la durée excessive de la procédure en cause avait été constatée antérieurement par la cour d'appel de Lublin statuant sur la base de la loi du 17 juin 2004. 77. La requérante conteste les dires du Gouvernement. 78. La Cour observe qu'il ressort de ses nombreuses décisions adoptées par le passé dans des affaires polonaises qu'avant l'entrée en vigueur de la loi de 2004, il n'existait dans l'ordre juridique polonais aucun recours effectif permettant de se plaindre de la durée excessive des procédures. Plus particulièrement, les dispositions générales du code civil n'offraient pas une telle possibilité (voir, entre autres, Stanclik c. Pologne, no 31397/03, 15 janvier 2008, § 34). 79. La Cour note ensuite qu'en l'espèce la requérante a engagé une action sur la base de l'article 5 de la loi du 17 juin 2004 pour faire constater que sa cause n'a pas été entendue dans un délai raisonnable ; dans sa jurisprudence, la Cour a jugé un tel recours effectif (voir Michalak c. Pologne (déc.) no 24549/03, §§ 37-43). 80. Se référant aux arguments du Gouvernement selon lesquels la requérante aurait dû engager, après l'accueil de son recours le 22 février 2005, une action en indemnisation ou bien former un nouveau recours sur le fondement de la loi du 17 juin 2004, la Cour rappelle sa jurisprudence pertinente dont il ressort que lorsque le droit interne prévoit plusieurs recours parallèles relevant de différents domaines du droit, l'article 35 § 1 de la Convention n'exige pas qu'un requérant, après avoir tenté d'obtenir le redressement d'une violation alléguée de la Convention au travers de l'un de ces recours, doive encore nécessairement en utiliser d'autres (voir, entre autres, Cichla c. Pologne, no 18036/03, le 10 octobre 2006, §§ 23-26). 81. Au vu de ce qui précède, la Cour décide de rejeter l'exception tirée du non-épuisement des voies de recours internes. 2. Sur l'exception du Gouvernement tirée de l'absence de qualité de victime. 82. Considérant que la juridiction interne a reconnu la violation du droit de la requérante à être jugée dans un délai raisonnable et qu'elle a octroyé à celle-ci une indemnité à ce titre, le Gouvernement estime que l'intéressée ne saurait plus se prétendre victime de la violation de l'article 6 § 1 de la Convention. 83. En désaccord avec les dires du Gouvernement, la requérante affirme que le montant de l'indemnité octroyée s'avère largement insuffisant si l'on tient compte de la durée totale de la procédure. 84. La Cour rappelle que dans sa jurisprudence récente (Scordino c Italie [GC] du 29 mars 2006, n 36813/97, §§ 193-215; Cocchiarella c. Italie [GC] du 29 mars 2006, n 64886/01, §103) elle a défini les critères selon lesquels il convient d'apprécier si un requérant qui se plaint d'une violation de son droit à un jugement dans un délai raisonnable peut toujours se prétendre victime au sens de l'article 34 de la Convention. Ainsi, il ressort de la jurisprudence en question que le constat de la violation du droit à un procès raisonnable induit une présomption d'un dommage moral subi de ce fait par le requérant et implique un droit à réparation sans que l'intéressé doive prouver le préjudice qu'il a subi. Cependant, le montant de l'indemnisation octroyée dans l'ordre interne doit constituer un redressement approprié et suffisant au sens de la Convention. Pour déterminer si cette exigence est remplie dans un cas donné, la Cour examine, sur la base des éléments dont elle dispose, ce qu'elle aurait accordé, dans les mêmes circonstances, pour la période prise en considération par la juridiction interne. 85. S'agissant de la présente affaire, la Cour note que le tribunal interne qui a examiné le recours introduit par la requérante sur le fondement de la loi de 2004 a conclu au dépassement du délai raisonnable dans la procédure litigeuse et a, à ce titre, accordé à l'intéressée une indemnité de 5 000 PLN (environ 1 450 €). La Cour observe cependant que le montant de la somme allouée dans l'ordre interne ne représente que quelque 13 % de ce qu'elle aurait pu accorder à l'époque concernée, compte tenu du fait que l'affaire était alors pendante depuis douze ans en première instance. Vu le faible montant de l'indemnité octroyée, la Cour considère qu'en l'espèce la requérante n'a pas bénéficié d'un redressement suffisant et adéquat au sens de la Convention. Il s'ensuit qu'elle peut continuer à se prétendre victime de la violation de son droit à un procès dans un délai raisonnable. 86. Ceci dit, la Cour constate que la requête n'est pas manifestement mal fondée au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Elle relève par ailleurs qu'elle ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable. B. Sur le fond 87. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d'une procédure s'apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement de la requérante et celui des autorités compétentes ainsi que l'enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d'autres, [GC], n 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII). Frydlender c. France. 88. La Cour a traité à maintes reprises d'affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d'espèce et a constaté la violation de l'article 6 § 1 de la Convention (voir Frydlender précité). 89. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, elle considère que le Gouvernement n'a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu'en l'espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l'exigence du « délai raisonnable ». Partant, il y a eu violation de l'article 6 § 1. III. SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 41 DE LA CONVENTION 90. Aux termes de l'article 41 de la Convention, « Si la Cour déclare qu'il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d'effacer qu'imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s'il y a lieu, une satisfaction équitable. » A. Dommage 91. La requérante réclame 800 EUR au titre du préjudice matériel et 20 000 EUR au titre du préjudice moral qu'elle aurait subis. 92. Le Gouvernement n'aperçoit aucun lien de causalité entre la violation alléguée et le dommage matériel présenté. Il estime la somme demandée au titre du préjudice moral excessive. Il invite la Cour à décider qu'en cas de violation le constat de celle-ci représenterait une satisfaction équitable suffisante. 93. En l'absence d'un lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué, la Cour rejette cette demande. En revanche, statuant en équité et au vu des circonstances de l'affaire, elle considère qu'il y a lieu d'octroyer à la requérante 7 500 EUR au titre du préjudice moral. B. Frais et dépens 94. La requérante, qui a bénéficié de l'assistance judiciaire du Conseil de l'Europe et a reçu à ce titre 850 EUR, demande également, sans présenter de justificatifs, 850 EUR pour les frais et dépens exposés devant la Cour. 95. Le Gouvernement conteste ces prétentions. 96. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l'espèce et compte tenu des éléments en sa possession, de l'absence de justificatifs, des critères susmentionnés et du fait que l'intéressée a bénéficié de l'assistance judiciaire du Conseil de l'Europe, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens de la procédure devant la Cour. C. Intérêts moratoires 97. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d'intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS

, LA COUR, À L'UNANIMITÉ, 1. Rejette la demande de radiation ; 2. Déclare la requête recevable ; 3. Dit qu'il y a eu violation de l'article 6 § 1 de la Convention ; 4. Dit a) que l'État défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 7 500 EUR (sept mille cinq cents euros) pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt; cette somme est à convertir en zlotys polonais au taux applicable à la date du règlement ; b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ce montant sera à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ; 5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus. Fait en français, puis communiqué par écrit le 29 juillet 2008, en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement. Lawrence Early Giovanni Bonello Greffier Président

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