Vu les procédures suivantes :
I°) Par une requête, enregistrée le 18 juin 2021, la société anonyme (SA) ARP Astrance demande au tribunal :
1°) de prononcer la restitution de la somme de 80 000 euros au titre du crédit d'impôt innovation et de la somme de 5 135 euros au titre du crédit d'impôt recherche pour l'année 2017 ou à titre subsidiaire, de diligenter avant dire droit une contre-expertise ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant des dépenses de personnel valorisées dans le cadre du projet " application pour smartphone permettant l'acquisition de données sur la biodiversité : " Jardin numérique " " :
- il ne ressort pas de la loi fiscale, de la doctrine fiscale ou de la jurisprudence que les salariés doivent avoir un profil technique ou un certain niveau universitaire pour être valorisé au crédit d'impôt innovation ;
- le rapport d'expertise rendu par le ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, confirme le caractère innovant du projet, qui a été nécessairement mené par des salariés en capacité d'engager des dépenses d'innovation ;
S'agissant du projet Blockchain :
- ce projet lui ouvre droit au crédit d'impôt innovation.
S'agissant des projets " système de lutte contre les attaques numériques sur bâtiments cybersécurité " et " Vers de nouveaux espaces de travail : exploration des interactions entre l'homme et les caractéristiques de son environnement " :
- ces projets lui ouvrent droit au crédit d'impôt innovation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 janvier 2022, le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et de Paris conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SA ARP Astrance ne sont pas fondés.
II°) Par une réclamation du 28 mai 2021 adressée au directeur régional des finances publiques d'Ile de France transmise au tribunal le 27 janvier 2022 par application de l'article R.*199-1 du livre des procédures fiscales, la SA ARP Astrance demande la restitution de la somme de 80 000 euros au titre du crédit d'impôt innovation et de la somme de 5 135 euros au titre du crédit d'impôt recherche pour l'année 2017 ou à titre subsidiaire, de diligenter une contre-expertise.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique, ont été entendus :
- le rapport de Mme Merino,
- les conclusions de Mme Belle, rapporteure publique,
- les observations de Mme A.
Considérant ce qui suit
:
1. La SA ARP Astrance, spécialisée dans l'activité de conseil en opérations immobilières et architecturales, l'aménagement de l'espace, les études urbaines et la programmation architecturale et urbaine dans le sens du développement durable et le développement des éco-quartiers a mené un projet sur l'étude de l'impact des espaces verts d'entreprise sur la qualité de vie des abeilles sauvages, qui s'est décomposé en plusieurs projets. D'une part, un projet de développement d'une application pour smartphone permettant l'acquisition de données sur la biodiversité dénommée " Jardin numérique ", d'autre part, un projet dénommé " Blockchain " ayant pour objectif d'évaluer les potentiels de la technologie blockchain dans le secteur de l'immobilier et de l'environnement, le projet " système de lutte contre les attaques numériques sur bâtiments cybersécurité " qui a pour objectif de protéger certains équipements immobiliers contre des cyberattaques et le projet " Vers de nouveaux espaces de travail : exploration des interactions entre l'homme et les caractéristiques de son environnement " qui consiste à développer un système de gestion efficace et en temps réel des ressources humaines grâce à l'intelligence artificielle. A ce titre, elle demandé le remboursement d'un crédit d'impôt en faveur de la recherche, prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts, au titre de l'année 2017, ainsi que d'un crédit d'impôt en faveur de l'innovation visée au k du II du même article au titre de la même année. Par une décision du 12 avril 2021, l'administration a admis partiellement les dépenses engagées au titre du crédit d'impôt en faveur de la recherche et a rejeté la totalité des dépenses engagées au titre du crédit d'impôt en faveur de l'innovation, soit 80 000 euros. Par la présente requête et par une réclamation du 28 mai 2021 que l'administration fiscale a soumis d'office au tribunal en application du dernier alinéa de l'article R.* 199-1 du livre des procédures fiscales, la société ARP Astrance demande au tribunal de prononcer la restitution de la seule somme de 80 000 euros correspondant au crédit d'impôt innovation.
2. Les requêtes n° 2113076 et 2202070 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a dès lors lieu d'y statuer par un même jugement.
3. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " I.- Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année () / II. - Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : () k) Les dépenses exposées par les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité et définies comme suit : 1° Les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits autres que les prototypes et installations pilotes mentionnés au a ; 2° Les dépenses de personnel directement et exclusivement affecté à la réalisation des opérations mentionnées au 1° ; () Pour l'application du présent k, est considéré comme nouveau produit un bien corporel ou incorporel qui satisfait aux deux conditions cumulatives suivantes : -il n'est pas encore mis à disposition sur le marché ; -il se distingue des produits existants ou précédents par des performances supérieures sur le plan technique, de l'écoconception, de l'ergonomie ou de ses fonctionnalités. Le prototype ou l'installation pilote d'un nouveau produit est un bien qui n'est pas destiné à être mis sur le marché mais à être utilisé comme modèle pour la réalisation d'un nouveau produit. ". Il incombe au juge de l'impôt, au terme de l'instruction dont le litige qui lui est soumis a fait l'objet, de constater si le requérant remplit les conditions lui permettant de se prévaloir de l'avantage fiscal institué par l'article 244 quater B du code général des impôts.
S'agissant des dépenses de personnel engagées dans le cadre du projet " application pour smartphone permettant l'acquisition de données sur la biodiversité : " Jardin numérique " " :
4. S'agissant des dépenses de personnel, ouvrent droit au crédit d'impôt, les dépenses de personnel afférentes notamment aux salariés qui, sans posséder un diplôme d'ingénieur, se livrent à des opérations de recherche et ont acquis, au sein de leur entreprise, des compétences les assimilant, par le niveau et la nature de leurs activités, aux ingénieurs impliqués dans la recherche. Peuvent, en outre, être qualifiés de techniciens de recherche les salariés qui réalisent des opérations nécessaires aux travaux de recherche ou de développement expérimental éligibles au crédit d'impôt recherche, sous la conduite d'un ou plusieurs chercheurs qui les supervisent, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'ils ne disposeraient pas d'un diplôme ou d'une qualification professionnelle dans le domaine scientifique.
5. De plus, les dispositions du II de l'article 244 quater B du code général des impôts ne limitent pas les dépenses de personnel susceptibles d'ouvrir droit au crédit d'impôt aux seules rémunérations et charges sociales versées pour des personnes employées par l'entreprise et affectées à des opérations de recherche susceptibles d'ouvrir droit à ce crédit, mais s'étendent aux rémunérations et aux charges sociales prises en charge par l'entreprise au titre de la mise à sa disposition par un tiers de personnes afin d'y effectuer dans ses locaux et avec ses moyens des opérations de recherche.
6. Pour déclarer les dépenses de personnel liées au projet ci-dessus visé non éligible au crédit d'impôt innovation, l'administration fiscale, en se fondant sur le rapport du 30 mars 2021 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, a relevé qu'aucun des sept salariés mentionnés par la société n'a les compétences requises pour réaliser des travaux de programmation informatique, qui, par ailleurs, ont été réalisés par des entreprises sous-traitantes. A cet égard, la société ne produit aucun document ou contrat de sous-traitance ni n'établit ou même n'allègue que les dépenses de sous-traitance auraient été effectuées par des organismes agréés. Si la société soutient qu'il ne ressort pas de la loi fiscale, de la doctrine fiscale ou de la jurisprudence que les salariés directement affectés aux opérations d'innovation doivent avoir un profil technique ou un certain niveau universitaire, elle se borne à produire un tableau renseignant la fonction, le diplôme et les tâches accomplies par les salariés impliqués, sans justifier de leur niveau de qualification ou des compétences qu'ils auraient acquises et qui leur auraient permis réaliser les opérations définies au 1° du k) du II de l'article 244 quater B précité. De plus, la seule circonstance que le rapport du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation confirme le caractère innovant du projet ne suffit pas à démonter que les salariés qui l'ont mené étaient en capacité d'engager les dépenses d'innovation s'y rapportant. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a rejeté ces dépenses.
S'agissant du projet Blockchain :
7. Pour déclarer le projet Blockchain inéligible au crédit d'impôt innovation, l'administration en se fondant sur le rapport du 30 mars 2021 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, a relevé que la société requérante n'avait pas conçu de nouveau produit, qu'il ne s'agissait ni d'un prototype, ni de calcul en amont à une conception et que le projet s'apparentait plus à des recherches en amont de tout travail et enfin que la rétribution d'un produit en bitcoin n'était pas un nouveau produit en soi.
8. Il résulte de l'instruction, en particulier du dossier technique produit par la société requérante, que le projet " Blockchain " a pour objectif d'évaluer les potentiels de la technologie blockchain pour le secteur de l'immobilier et de l'environnement, afin de donner à chaque partie la possibilité de tracer les transactions sur le réseau à l'aide d'une technologie codée cryptographiquement pour que chaque transaction et chaque participant soient vérifiés et pour éliminer les transactions frauduleuses. Toutefois, alors que la société n'a pas développé d'applications concrètes d'utilisation de cette technologie dans le domaine de l'immobilier et de l'environnement ainsi que le souligne le rapport de la dirrecte, elle n'apporte aucun élément suffisamment précis permettant de démontrer que ce projet permet la réalisation d'opérations de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits au sens du k) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les dépenses engagées au titre de 2017 en lien avec ce projet ne sont pas éligibles au crédit d'impôt innovation.
S'agissant du projet " système de lutte contre les attaques numériques sur bâtiments cybersécurité " :
9. Pour déclarer le projet inéligible au crédit d'impôt innovation, l'administration, en se fondant sur le rapport du 30 mars 2021 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, a relevé qu'il n'existait pas à la date de début des travaux de label certifiant les équipements des bâtiments protégés contre les attaques numériques alors que certains concurrents décrivaient déjà des mesures à adopter contre le cyber-piratage. En se bornant à produire un descriptif de ce projet, la société requérante ne critique pas sérieusement cette appréciation. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les dépenses engagées au titre de 2017 en lien avec ce projet ne sont pas éligibles au crédit d'impôt innovation.
S'agissant du projet " Vers de nouveaux espaces de travail : exploration des interactions entre l'homme et les caractéristiques de son environnement " :
10. Pour déclarer le projet inéligible au crédit d'impôt recherche, l'administration, en se fondant sur le rapport du 30 mars 2021 de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, a relevé que l'état de l'art n'était pas suffisamment fourni, qu'il n'était pas en rapport avec les nombreuses études existantes sur le sujet et qu'aucun indicateur de recherche et développement ni aucune démarche expérimentale n'avaient été relevées. En se bornant à produire un descriptif de ce projet, la société requérante ne critique pas sérieusement cette appréciation. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a estimé que les dépenses engagées au titre de 2017 en lien avec ce projet ne sont pas éligibles au crédit d'impôt innovation.
11. Il résulte de ce qui précède que la requête de la société ARP Astrance doit être rejetée, en toutes ses conclusions, tout comme sa réclamation du 28 mai 2021 sans qu'il soit besoin de diligenter avant dire droit une expertise.
D E C I D E:
Article 1er : La requête et la réclamation du 28 mai 2021 de la société ARP Astrance sont rejetées.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SA ARP Astrance et au directeur régional des finances publiques d'Ile de France et de Paris.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Vidal, présidente,
Mme Merino, première conseillère,
M. Baudat, conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 31 mai 2023.
La rapporteure,
M. MERINO
La présidente,
S. VIDALLa greffière,
S. COULANT
La République mande et ordonne au ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°2113076 et 2202070/1-1